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Les rayons du soleil haut dans le ciel faisaient étinceler les roses écarlate dans le jardin rempli de fleurs, que la femme de Mick plantait à longueur d'année. D'ailleurs, il disait souvent pour rire, que sa bien-aimée Alisone devait sûrement utiliser une belle magie pour faire éclore et fleurir ces roses et ce, même durant le plus chaud des étés ou le plus froid des hivers.
Non, Alisone n'avait pas réellement de dons surnaturels pour jardiner, en revanche, elle aimait à dire que la musique devait peut-être aider les plantes. Car, au printemps principalement, elle aimait jouer de son instrument dehors, au milieu de son jardin anglais. Son archet glissait avec grâce sur les cordes usées de son violon, nommé 'Aithusa'. Un ancien violon pour étudiant, de taille 3/4, qu'elle avait trouvé il y a des années de ça dans une boutique de seconde main. L'instrument avait dû être abandonné par son propriétaire juste après le 'Fleadh Cheoil na hÉireann', et Alisone l'acheta pour seulement €70. Elle dut, certes, faire quelques petites réparations sur ce dernier, mais le son étrange qui sortait de cet objet abîmé par le temps donnait un côté mélancolique aux partitions qu'elle apprenait consciencieusement.
- Et voici un peu de café dans ton lait.
S'amusa Mick en posant la tasse encore fumante sur la table en bois au milieu du jardin, à côté de la chaise sur laquelle sa femme lisait un énorme roman de Fantaisie. Il souriait toujours en voyant Alisone préparer son café, elle y mettait plus de lait que de liquide noir, et même pas un seul gramme de sucre.
- Oh, merci Mick !
Elle lui sourit et il s'installa à son tour sur la chaise vide, sa tasse de thé en main, en profitant du soleil de juin qui, pour une fois en Irlande, réchauffait le corps et le cœur.
Mick but une gorgée de thé, puis pencha sa tête en avant pour lire le titre du nouveau livre que sa compagne dévorait :
- 'Lord of Shadows' ? Oh, d'ailleurs, en parlant d'ombres, je me disais que nous pourrions profiter du soleil pour continuer notre enquête, cette après-midi, au sujet du 'Tír na nÓg' ?
Alisone glissa le marque-page à l'effigie du 'Petit Prince' entre deux pages, puis ferma son roman, en comprenant :
- Tu veux aller au site des Tombes ?
Mick fit simplement 'oui' de la tête avant de reprendre une bonne lampée de thé. Alisone observa une abeille survoler son romarin. Elle avait une fascination pour l'odeur de cette plante, qui lui donnait toujours envie d'en semer ou même de déposer quelques gouttes d'huile essentielle de romarin sur son oreiller, tous les soirs.
- Tu sais, je ne suis peut-être plus officiellement un 'Homme de Lettres', mais je veux vraiment savoir pourquoi Dr Hess m'a enrôlé à 'Kendricks Academy' lorsqu'elle m'a retrouvé en train de mendier à Londres. À l'époque où Ketch et moi étions amis, nous avons fouillé une nuit dans le bureau de Hess. C'est là que j'ai découvert qu'elle avait mon acte de naissance ! Ça n'a pas de sens...
Alisone posa une main sur celle de son mari.
- Je sais... C'est pour ça que nous sommes là, Mick. Pour cela que nous vivons dans ce charmant petit Cottage en plein milieu de Magheraghanrush.
Mick esquissa un sourire.
- Il m'a fallu du temps pour savoir que ce village était Irlandais, d'ailleurs. J'ignorais moi-même que j'étais Irlandais !
Alisone étouffa un rire car, même si Mick était orphelin et ignorait réellement tout de ses origines, certaines choses ne trompaient pas. Bien qu'il ait passé la majeur partie de son adolescence, et de ses études, à Londres, il gardait cependant un fond d'accent Irlandais. Pas assez pour le prendre pour un vrai natif, mais un peu trop pour le croire totalement Anglais. Il avait un visage commun à ceux de l'île verte : ovale, blanc, et des yeux très clair. Alisone aimait souvent à plonger dans ce bleu glacé, aussi pâle que les mers du nord et aussi azur que les mers du sud. Il avait les cheveux aussi noirs qu'une nuit sans lune, coiffé en bataille sur son crâne, et une barbe sombre de trois jours qui lui rongeait le visage.
Cette après-midi là, il portait un simple jean, des chaussures sombres et une ample chemise blanche, encore un peu froissée, avec quelques boutons ouverts devant, laissant ainsi deviner son torse pileux.
Alisone se leva et tendit sa main vers son mari, en lui souriant :
- Allons-y, Mick. Profitons du soleil pour fouiller les Cairns.
Il lui rendit son sourire et se leva à son tour en entrelaçant ses doigts dans les siens.
Les rayons du soleil éclairèrent la petite abeille qui venait de quitter le brin de romarin pour virevolter jusqu'à la ruche au fond du jardin.
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Mick gara sa petite voiture grise sur le premier parking prés du site, puisqu'il était souvent difficile d'accéder au second, pourtant plus proche des Tombes. Comme la météo était clémente ce jour-là, lui et sa femme décidèrent de marcher jusqu'aux Cairns.
Si au début rien ne les perturbait, petit à petit, ils sentaient une différence flagrante provenir de la nature tout autour d'eux...
L'herbe semblait plus verte, plus émeraude, et les branches des arbres tenaient des fruits aux couleurs plus vives. Des pommes écarlate, des prunes violines, des cerises étincelantes comme des rubis. L'odeur était plus forte aussi, plus sucrée et plus pure. Mick sourit et sentit des picotements parcourir tout son corps, et sa tête commençait même à gentiment tourner, comme si l'air de la plaine lui procurait la même sensation que l'ivresse d'une bonne Pinte de Guinness.
Il admira ensuite Alisone, qui se trouvait elle aussi dans ce même état de transe naturelle. Mick contempla la fine robe azur de sa femme, dont les pans flottés dans la brise printanière. Elle portait de simples ballerines aux pieds, et ses longs cheveux châtains était noué, comme toujours, en une imposante tresse qui tombait dans son dos, telle une cascade de doux chocolat. Les rayons du soleil éclaircissaient encore plus sa peau blanche, lui donnant un aspect fantomatique au milieu de la jungle luxuriante. Mick sourit de plus belle, s'émerveillant comme pour la première fois en comptant les milliers de grains de beauté qui parsemaient la peau de la jeune Alisone. 'Comme autant d'étoiles dans le ciel...' pensa-t-il. Puis, Alisone tourna sa tête vers son mari, ses yeux noisette brillèrent d'éblouissement, lorsqu'elle demanda :
- Toi aussi tu ressens la magie du site ?
Il fit simplement 'oui' de la tête, sans s'arrêter de sourire. Alisone tendit sa main vers un buisson aux millions de fleurs d'un bleu pâle violacé et elle toucha les plantes pour embaumer sa peau de la douce odeur de lavande.
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Le site en lui-même n'était clairement pas aussi spectaculaire que 'Monasterboice', ni même que 'Brú na Bóinne'. Les Tumulus de 'Newgrange' étaient bien plus majestueux que les Cairns de Magheraghanrush. Malgré tout, la puissance énergétique qui émanait des tombes de pierres avait quelque chose de magique. Voir, de Féerique.
Le site était assez grand, une trentaine de mètres de large, en forme de 'U' biscornu, totalement ovale, avec une chambre d'un côté, et deux de l'autre. Au-dessus de deux énormes rochers gris, se tenait un linteau brisé en deux, qui ne tenait que par miracle. L'architecture ressemblait clairement à une porte de pierre. Le site se trouvait au milieu d'une étendue émeraude, des touffes de terres et des fleurs multicolore parsemaient les pieds des blocs grisâtres aux tâches blanches.
Mick et Alisone, main dans la main, se tenaient debout devant le portail. Ils pouvaient voir le reste des Tombes de l'autre côté, bien que la vision semblait un peu floue, comme si un brouillard tourbillonnait dans l'embrasure.
Puis, lentement, le bruit singulier du vent fit place à un son plus étrange encore.
De la musique.
Au départ, Alisone crut à une hallucination auditive qu'elle seule pouvait entendre à cause de ses entraînements au violon. Cependant, en tournant sa tête vers Mick, elle comprit dans son regard couleur glace, que lui aussi, entendait la lente mélodie.
Emportés par le vent, les sons devinrent des mots, puis des phrases à l'accent prononcé.
'Tá bean in Éirinn a phronnfadh séad domh is mo sháith le n-ól,
Is tá bean in Éirinn is ba bhinne léithe mo ráfla ceoil...'
Mick tiqua. Alisone tendit l'oreille puis, elle esquissa un sourire, en comprenant :
- C'est du Gaélique. Une chanson en Gaélique Irlandais...
'Ná seinm théad atá bean in Éirinn is níorbh fhearr léi beo,
Mise ag léimnigh nó leagtha i gcré is mo thárr faoi fhód...'
La berceuse murmurée par le zéphyr hypnotisa Mick et Alisone qui, sans même le remarquer, marchèrent vers le portail qui les appelait...
'Tá bean in Éirinn a bheadh ag éad liom mur' bhfaighfinn ach póg,
Ó bhean ar aonach, nach ait an scéala, is mo dháimh féin leo...'
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L'odeur de la forêt, de la nature humide et de l'air pur devint plus forte encore, enivrant les deux amoureux. Alors qu'ils ne se trouvaient qu'à quelques centimètres de l'entrée, Mick aperçut un autre Univers de l'autre côté de la porte de pierres.
- Je crois... Je crois que nous allons pénétrer dans le 'Sídhe'... Certains Tumulus Celtiques Antiques sont des portes pour l'autre Monde.
Alisone sourit.
La musique berçait ses oreilles de violoniste et elle se laissa emporter par les notes harmonieuses.
Lorsqu'ils passèrent sous l'arche, leurs pieds marchaient toujours sur quelque chose de palpable, mais ce n'était plus l'herbe verte des Cairns.
Non.
D'abord, ils marchèrent sur de l'eau, au-dessus d'une mer limpide, aussi cristalline que les yeux de Mick, pour ensuite progresser lentement dans un espace aussi noir que les cheveux de Mick, parsemé de millions et de millions d'étoiles scintillantes. Comme autant de grains de beauté parsemant la peau pâle de la jeune Alisone.
Enfin, ils arrivèrent de l'autre côté.
'Tá bean ab fhearr liom nó cath is céad dhíobh nach bhfagham go deo,
Is tá cailín spéiriúil ag fear gan Bhéarla, dubhghránna cróin.'
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'The Land of the Young'.
'The Otherworld'.
'Fairyland'.
'Avalon'.
Tous ces noms pour désigner une seule et même chose : Le 'Tír na nÓg'.
Des étoiles ont explosé devant leurs yeux. Pas de simples astres, mais toutes les galaxies du 'Tír na nÓg'. Les planètes et les constellations se mélangèrent dans un ballet féerique sous le regard ébahi du couple. De l'autre côté des tertres, les couleurs étaient si vives qu’elles semblaient être poussé à leurs maximums de saturation, et les fruits aux bouts des branches des arbres plus brillants encore que les plus scintillants des joyaux terrestres.
Le vent s’engouffra dans les cheveux d’Alisone et porta une odeur jusqu’à Mick.
Elle sentait la douce odeur du romarin.
Lentement, ils progressèrent dans cette immensité émeraude, scintillante sous le soleil haut dans le ciel d'un azur aussi saturé que le reste.
Mick murmura une phrase, dans un souffle, comme pour ne pas perturber le calme des lieux :
- Peut-être allons-nous voir les 'Tuatha Dé Danann' ?
Le peuple de la Déesse Danu...
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Derrière eux, le portail disparut lentement dans un flou gaussien étincelant. Mick et Alisone se tenaient désormais au milieu d'une colline verdoyante, lorsqu'une forme diffuse et entourée de lumière divine se matérialisa sous leurs yeux. Une voix profonde résonna dans la Lande en faisant vibrer chaque cellule de leurs corps :
- Mícheál Daithí. Ailíse Daithí.
C'étaient leurs noms... En Gaélique Irlandais !
Michael Davies.
Alisone Davies.
La Fée se rapprocha d'eux et une vague de chaleur agréable enveloppa les Humains. Puis, l'Être Surnaturel sembla comme sourire en observant Mick avec tendresse :
- Je sais pourquoi tu es ici, Mícheál. Nous t'attendions depuis si longtemps. Tu veux savoir d'où tu viens, et qui sont tes parents.
Ce n'était pas des questions, mais des affirmations. Et elle avait absolument raison.
Mick jeta un regard vers Alisone, avant de parler à la Fée :
- Je... Je sais que je suis Irlandais. J'ignore tout du reste.
L'immense 'Aos Sí' brillait tellement, comme des millions de diamants aveuglants, qu'il était difficile d'apercevoir sa véritable forme. Sa voix chatoyante reprit :
- Ta mère était une Fée, elle s'appelait Nerissa, et elle est tombée amoureuse d'un Humain : Cathal Davies, lorsqu'elle est passée par le Portail de Magheraghanrush.
Mick retint son souffle.
Sa respiration se coupa, tandis que son cœur tambourinait douloureusement dans sa poitrine. Il serra plus fort les doigts d'Alisone entre sa main. La jeune fille se figea elle aussi, attendant la suite de l'histoire :
- Nerissa a quitté le 'Tír na nÓg' pour vivre avec son mari. Mais... Le Monde des Hommes est rempli de Chasseurs, et certains d'entre eux ont tué Nerissa. Cathal a quitté la Verte Érin pour enfouir sa mélancolie dans les rues de Londres. Jusqu'à sa mort, lorsque tu n'étais qu'un enfant...
- … Et que Dr Hess m’enrôle dans son Académie... termina Mick, le souffle court.
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Une brise légère souffla sur le 'Tír na nÓg', ce Monde qui mélangeait incessamment d'autres Mondes Féeriques :
'Tír Tairngire' ('Land of Promise'), et 'Tír fo Thuinn' ('Land under the Wave'), et 'Mag Mell' ('Plain of Delight'), ainsi que 'Ildathach' ('Multicoloured Place'), puis, enfin 'Emain Ablach' ('Isle of Apple Trees').
Un voile de tristesse traversa les yeux glacés de Mick. La Fée se rapprocha un peu plus du couple, en révélant :
- Je me nomme Niamh Cinn-Óir. Laissez-moi vous guider sous la colline. Nous avons beaucoup de choses à vous révéler...
Mick jeta un coup d’œil vers Alisone pour savoir si cette dernière était d'accord avec cela. Elle sourit pour simple réponse. Alors, main dans la main, ils suivirent Niamh.
Le soleil du 'Tír na nÓg' étira ses rayons et l'un d'eux étincela sur la bague de Claddagh, que portait Alisone à son annulaire gauche.
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Deiridh
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28.02.2024
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