Chapter 1: Tønsberg, an 965
Notes:
Je vous offre rapidement les 5 premiers chapitres (qui seront publiés en 2 ou 3 jours). J’ai déjà 13 chapitres d’écrits et j’espère pouvoir publier un nouveau chapitre chaque semaine (tant que la vie ne me joue pas de tours 😉).
(See the end of the chapter for more notes.)
Chapter Text
Toujours au fond de cet immense sac de toile, ballotée de tout bord tout côté, Eva était en larmes. Sa clarinette dans la main droite et son cellulaire dans la gauche, elle n'avait rien d'autre à quoi se rattacher. Au-dehors, elle entendait d’affreux grognements dans une langue inconnue. Un cauchemar. Ce devait être un cauchemar. Et pourtant, la réalité cognait contre les parois du sac à chaque pas.
Comment avait-elle pu en arriver là ?
Avant cette étrange nuit, avant de s'être réveillée aussi loin de chez elle et être sauvagement jetée dans cet énorme sac, elle avait vécu dix-neuf ans presque sans histoire. Jusqu'à ce jour, son pire cauchemar avait été l'idée de devoir agir comme une adulte et se forger sa propre vie : se trouver un appartement, un vrai travail, s'acheter une voiture… Elle retournerait à ce cauchemar n'importe quand plutôt que de paniquer à l'étroit dans ce sac de toile.
Mais comment avait-elle pu en arriver là ?
Alors qu'elle se faisait balloter de tous bords, tous côtés, elle repensa aux événements des dernières vingt-quatre heures, essayant de trouver une réponse à cette importante question.
Elle avait attendu la soirée d'hier avec grande impatience. Le 27 avril 2018. La date était encerclée sur son calendrier depuis des mois : la sortie du dernier Avenger, La Guerre de l’Infini… Depuis toute jeune, elle était une grande fan de l'univers Marvel.
À chaque nouveau film, elle assistait à la première séance, billet acheté des jours à l’avance, prête à tout voir, tout entendre. Elle repartait toujours du cinéma la tête pleine d’images, carburant pour ses rêveries.
Mais cette fois, malgré l’attente, Eva était rentrée chez elle avec un poids sur le cœur.
Ça aurait dû la réjouir… La rencontre épique entre autant de super héros affrontant l'ennemi ultime. Elle avait enfin pu voir Thanos dans toute sa gloire, sa folie, sa méchanceté… Mais ceci au prix de la vie de tellement de bonnes personnes. Des personnages de fictions certes, mais qui avaient fini par sembler si réels à ses yeux au cours des années.
La jeune femme savait bien avant d'y assister qu'ils avaient décidé de tuer certains des personnages principaux dans ce film et, malgré sa peine, elle trouvait que c'était un coup de génie. La fin du film avait été tellement émouvante, triste et belle à la fois. Malgré l'excellent travail du réalisateur, elle sentait qu'elle ne s'en remettrait pas facilement même si elle se doutait que la trame du prochain Avenger aboutirait par le retour de certains d'entre eux.
Eva fut soudainement tirée de ses pensées par le son guttural de plusieurs voix autour d'elle. Elle aurait aimé comprendre le langage de ces monstres, les choses auraient peut-être été moins effrayantes… ou l'être davantage… Elle eut l'impression de changer de porteur et le groupe repartit à la course sans bien entendu faire attention au bien être de leur prisonnière.
Reprenant le cours de ses souvenirs, Eva revint à la veille.
En deuil de la mort de tous ses héros, elle avait sorti sa clarinette et s’était laissé aller à jouer la musique de certains des films Marvel, imaginant ce que ça pouvait être de vivre dans cet univers, laissant ses pensées flâner sur l'histoire en général, sur ce qui pourrait arriver dans les prochains films… mais surtout, elle avait pensé à un personnage qui l'obsédait totalement depuis des années.
LOKI.
La jeune femme en faisait une complète obsession, ayant toujours adoré les personnages perçus comme méchants. Ceux qui s’avéraient être brisés, jaloux de ce qu’ils auraient dû recevoir et qu’on leur avait refusé, ceux qui, persuadés de faire le bien, ne pouvaient plus voir quel chemin ils avaient réellement emprunté, ceux qu’on avait forcés à finir ainsi. Ces personnages qui, comme le prince déchu, finissaient si loin, si perdu qu’il devenait presque impossible de les remettre sur le droit chemin sans tout recommencer à zéro.
Comme souvent, ses pensées et sa musique avaient fini par suivre la trame des films où l'on voyait le dieu de la tromperie. Souvent elle s'était demandé ce qui aurait pu être fait pour éviter les pires situations. Pour elle, sa rédemption avait été accomplie. Et c’était ça le plus cruel : qu’il disparaisse juste au moment où il redevenait lui-même. Il ne ferait pas partie des futurs films, et c’était dommage. Pour la franchise, et pour les fans…
C'est ainsi qu'elle s'était endormie, l'instrument toujours en main, rêvant qu'elle était à la cour d'Odin et qu'elle apercevait le prince déchu au loin.
Tout avait basculé à son réveil. Un cauchemar, oui. Mais lequel? Une métaphore pour dire que tout partait en vrille… ou un vrai rêve, un de ceux dont on se réveille en sursaut?
Elle n’arrivait pas à trancher. Tout semblait trop concret. Trop froid. Trop de bruit. Trop réel pour n’être qu’un mirage.
Un bruit sourd, suivi d'un tremblement lointain l'avait soudainement réveillé. Elle s'était alors redressée d'un coup, se demandant d’où provenait ce bruit qui, elle le sentait, ne pouvait correspondre à quoi que ce soit à l'intérieur de la maison. Il faisait très noir et elle ne pouvait voir autour d'elle.
Ne pouvant compter sur sa vue, elle s'était concentrée sur ses autres sens. Elle avait toujours sa clarinette en main, mais n'était plus sur son lit. Elle avait dû tomber au sol pendant son sommeil. La noirceur quant à elle devait être due à une panne d'électricité. Tendant la main autour d'elle pour trouver le lit et retourner se coucher, elle n'avait trouvé que du vide.
Avançant alors à quatre pattes, elle avait fini par trouver une surface verticale contre laquelle s'adosser, étourdie par le déplacement et le manque de stimulation sensorielle autour d'elle.
Après un certain moment, ses yeux s'étaient habitués à la pénombre et Eva avait finalement pu apercevoir certaines formes. À sa gauche se trouvaient des étagères semblant contenir de la nourriture et à sa droite, une très faible lueur provenait de l'espace sous ce qui devait être une porte.
Petit à petit, elle avait été en mesure de recommencer à réfléchir. Elle avait trouvé la sortie… mais que trouverait-elle de l'autre côté? Et surtout : comment avait-elle pu se retrouver ici? Son sommeil était léger — impossible qu'on l’ait déplacée sans la réveiller. À moins qu’on l’ait droguée. Quelqu’un avait peut-être glissé quelque chose dans son smoothie. Ou s’était introduit chez elle. Mais pourquoi?
Après quelques minutes à être assise en silence, elle avait fini par entendre des bruits en provenance de l'extérieur : des pleurs, des hurlements, des grognements. Il se passait quelque chose de grave, cela ressemblait à des affrontements. Certains des cris semblaient être des mots ou des phrases dans une langue que la jeune femme ne connaissait pas.
Ajoutés à cette langue inconnue, les hurlements et bruits de combats l'avait terrifié et conforté dans son hypothèse du cauchemar. Elle ne comprenait toujours rien mais savait qu'elle ne pouvait pas rester là, elle devait sortir par cette porte au plus vite, voir ce qui se passait dehors et découvrir où elle se trouvait.
Fouillant dans sa poche, elle avait réalisé qu’elle avait toujours son cellulaire. Elle l'avait sorti et allumé pour voir si elle pouvait contacter quelqu’un. Bien entendu, car ça aurait été trop facile, elle n’avait aucun réseau à cet endroit. Elle avait ensuite allumé la lampe de poche intégrée et avait finalement pu observer l’endroit où elle se trouvait.
Le sac, et Eva à l'intérieur, fut violemment projeté au sol. Elle entendit des bruits de combat en provenance de l'extérieur et se fit bousculer à plusieurs reprises par ceux qui devaient y participer. Elle pria pour que ses geôliers perdent la vie et espéra que quelqu'un la sorte de cet enfer. Se recroquevillant sur elle-même afin de se protéger, elle finit par recevoir un coup suffisamment puissant à la tête pour perdre connaissance.
Elle se retrouvait à nouveau dans ce genre d’entrepôt rudimentaire où elle croyait s’être réveillée plus tôt. Les aliments étaient exposés à l’air ou rangés dans des pots en terre cuite. Rien de moderne. Pas de plastique, pas de conserves. Rien… sauf son cellulaire. Une anomalie temporelle dans un décor d’un autre âge. Tout cela ne faisait qu’ajouter au mystère.
Elle décida finalement de se lever. S’appuyant au mur, car elle était encore un peu étourdie, elle se dirigea prudemment vers la porte, ne lâchant pas son instrument et rangeant son cellulaire dans sa poche pour ne pas le perdre ou risquer de le briser.
Lorsqu'elle arriva enfin au niveau de la porte, elle s'allongea à nouveau sur le sol et regarda sous celle-ci, elle voyait une partie du sol de l'autre côté, éclairé par une lumière orangée. Il ne semblait pas y avoir de mouvement et elle en fut soulagée : elle allait peut-être pouvoir sortir de cet endroit. L'action à l'extérieur avait possiblement distrait ses ravisseurs qui avaient dû quitter la maison en l'oubliant dans le noir.
Elle avança lentement la main vers la poignée de la porte et tourna délicatement pour ne pas faire de bruit. Elle fut soulagée lorsqu'elle s'aperçut qu’il n’y avait ni loquet ni verrou. Mais quel genre de kidnappeur laissait leur victime sans contraintes dans une pièce qui n'avait pas été verrouillée?
Eva poussa doucement la porte, mais rien ne se passa… Pourtant la poignée avait bien tourné… Elle poussa un peu plus fort, mais celle-ci bougea à peine. Dans le noir, elle sentit le bois de la porte contre sa main et réalisa qu'elle semblait plutôt faite à partir de bois massif. La porte devait être trop lourde pour être poussée délicatement alors elle y mit tout son poids et poussa le plus fort qu'elle le pouvait dans son état de faiblesse.
Lorsque la porte finit par s'ouvrir, Eva réalisa qu’elle donnait sur l’extérieur d’une maison plutôt archaïque. Les murs, partiellement faits de pierre et de bois, supportaient un toit recouvert de feuilles ou de paille, mal fixées et agitées par le vent. Il faisait bien nuit, et à l’exception de quelques feux vacillants ici et là, l’obscurité régnait. L’air était humide, imprégné d’une odeur de suie et de bois brûlé. Le grincement du bois sous ses pieds la fit sursauter. Les maisons alentour étaient construites surtout en bois, les rues de terre battue semblaient écrasées par le froid. Aucune trace de technologie, aucun bruit moderne. Eva eut rapidement l’impression d’avoir traversé un portail vers un village de reconstitution historique… mais sans animateur en costume. Juste la nuit. Et l’étrangeté…
Au loin, elle entendait maintenant des bruits très clairs de bataille. Certains des sons n'étaient cependant clairement pas humains. Des animaux peut-être? Restant dans l'ombre, elle s'avança lentement en direction du vacarme, reprenant son cellulaire dans ses poches de jeans, elle ouvrit l'application d'appareil photo et en prit le plus possible. Elle en aurait probablement besoin lorsqu'elle réussirait à trouver un poste de police.
Le village semblait complètement désert et les bruits étaient de plus en plus forts. Au tournant d'une petite rue, Eva stoppa net. Devant elle se trouvait un terrain de désolation. Celui-ci était étonnamment familier sans qu'elle ne sache immédiatement pourquoi. Tout avait été détruit dans cette partie du village. Elle avait devant les yeux plusieurs corps de villageois, la plupart étaient prisonniers dans des monticules de glaces… Elle n'en crut d’abord pas ses yeux.
Elle sentit les larmes couler sur ses joues pour le triste sort de ces gens au moment même où elle releva la tête. C'est à cet instant qu'elle comprit qu'elle était en fait toujours endormie dans son lit. Rien ne pouvait être réel dans la scène qui se déroulait devant ses yeux.
Devant elle, à seulement quelques mètres, se trouvait une créature de cauchemars. Un géant de près de cinq mètres de hauteur, torse nu avec la peau toute bleue et couverte d’étranges symboles. Elle sut immédiatement ce que c'était. Un géant des glaces, un Jotun… Il était de dos, mais elle savait ce qu'elle verrait dans ses yeux rouges lorsqu'il se retournerait… Il allait se retourner. C’était inévitable. C’est comme ça que fonctionnaient tous les cauchemars… Dans ces yeux monstrueux et tout rouge, elle y verrait la haine pure.
Maintenant Eva savait exactement où, et surtout quand, son rêve l'avait amené, elle avait vu cette scène des dizaines de fois… Elle était à Tonsberg en Norvège en l'an 965. Elle pouvait pratiquement voir l'écriture dans le bas de l'écran attestant ce qu'elle venait de déterminer. Elle savait également ce qui allait arriver d'un instant à l'autre… Elle allait apercevoir au loin les armées d'Odin.
Dès qu'elle fit cette réflexion, au lieu des armées espérées, elle vit plutôt le regard rouge et glacial du monstre qui avait fini par se retourner. Il l'avait vu et se dirigeait maintenant vers elle.
Elle aurait dû se réveiller. C’est ce qu’il se passait dans les cauchemars, non? Et pourtant… rien. Juste le froid, glacial, brutal, qui l’envahit quand le géant l’attrapa d’une main pour la soulever à la hauteur de son visage. Il ne la tua pas. Il la regarda longuement, perplexe. Puis il sortit un grand sac… et l’y jeta.
La dernière chose qu'Eva aperçut avant d'être enfermée fut un grand arc-en-ciel traversant le ciel nocturne. Odin était arrivé, mais qu'est-ce que ça pouvait changer pour elle ?
Et voilà où elle en était… de retour dans ce sac de toile, reprenant lentement connaissance, prisonnière d’un cauchemar qui s’entêtait à ressembler à la réalité.
Un des géants ramassa brutalement le sac et hurla quelque chose aux autres. En fonction des différentes voix qu'elle entendit, Eva détermina qu'ils devaient maintenant n'être plus qu'une dizaine tout autour. Après quelques minutes, elle ressentit l’univers tourner encore et encore et un haut-le-cœur la prit. Elle était sur le point de rendre son dernier repas lorsque tout arrêta de tourner, elle sentit que le Jotun qui la portait s'était remis au pas de course.
Le sac se balançait. Ses pensées aussi. Et aucune des deux ne savait où elles allaient finir.
Il manquait juste la bande sonore dramatique. Et les crédits. Mais non — ce n’était pas la fin du film. C’était à peine le début.
Notes:
Merci d’avoir pris le temps de découvrir ce premier chapitre de ma première histoire 💚
J’ai toujours trouvé que Loki méritait un peu plus de douceur, et cette histoire est ma façon d’explorer ce “et si” un peu fou — à travers les yeux d’une fan qui se retrouve soudain de l’autre côté de l’écran.Vos retours me motivent énormément, alors n’hésitez pas à me dire ce que vous en pensez. Même un mot ou un petit cœur, ça fait toute la différence
À très bientôt pour la suite… le voyage ne fait que commencer.
Chapter 2: Le fils de Laufey
Summary:
Dans le chapitre précédent, Eva, jeune femme de notre époque, se réveille brutalement dans un monde qui ressemble étrangement à celui des films Marvel. Capturée par des géants de glace, elle comprend qu’elle est à Tønsberg, en l’an 965, au cœur d’une scène qu’elle croyait fictive.
Et pourtant, tout cela est bien réel.
Toujours incertaine du sort qui l’attend, elle se rendra bientôt compte qu’il y a avoir froid… et AVOIR FROID.
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
Après plusieurs autres très longues minutes, et un bon nombre de contusions, le sac fut finalement ouvert, laissant brièvement pénétrer une bouffée d'air frais dont Eva ne put malheureusement profiter. Une immense main l'agrippa sauvagement par les cheveux et la laissa cavalièrement tomber sur le sol glacé. Terrorisée et blessée, la pauvre jeune fille demeura recroquevillée jusqu'à ce qu'on la fasse mettre à genou devant un être qu'elle reconnut immédiatement.
Il s'agissait de Laufey, celui que Marvel avait dépeint comme le roi du Jotunheim, le père de Loki. Ce monstre qui avait abandonné son fils dès la naissance pour le condamner à mourir parce qu'il était trop petit…
Bien qu'étant toujours terrorisée, Eva était également dégoutée de se retrouver en présence de ce monstre.
Un autre jotun approcha d'elle. Elle tenta de reculer pour éviter de se faire tuer, mais réalisa qu'elle en était incapable… Ses membres refusaient carrément de lui obéir sans qu'elle ne puisse l'expliquer.
Le géant était maintenant à sa hauteur quand soudainement il se mit à rétrécir et à se métamorphoser jusqu'à ce qu'il ait l'apparence et la taille d'une magnifique femme. Quelle ne fut pas la surprise d’Eva lorsqu'elle réalisa que cette femme/géante s'adressait à elle dans sa langue maternelle.
« Bonjour jeune Midgardienne, je me nomme Angrboda, enchanteresse du peuple des Jotun. J'aimerais connaître ton nom et ce que tu faisais dans ce village avec des vêtements et des appareils aussi étranges. »
Eva réalisa que la géante avait son téléphone en main et se souvint l'avoir échappé dans le sac avec sa clarinette. Elle aurait voulu cracher au visage de cette femme, mais la meilleure façon de s'en sortir était sans aucun doute de coopérer en espérant que les troupes d'Odin ne seraient pas longues à arriver… le film était demeuré très vague sur le temps s’étant écoulé entre l'attaque de la terre et la riposte d'Odin à Jotunheim.
Quoi qu'il en soit, la jeune femme savait qu'elle devait rester en vie assez longtemps pour être secourue. Elle savait maintenant que ce n'était pas un rêve. Un rêve ne pouvait être aussi long, sembler aussi réel et être aussi douloureux. Elle décida donc de coopérer le plus longtemps possible. De toute façon, qui la croirait, il n'y avait donc aucun mal à dire la vérité.
« Je me nomme Eva et je ne sais pas du tout ce que je faisais à cet endroit. J'étais à la maison et je me suis réveillé à l'autre bout du monde au moment où vos soldats arrivaient. »
« Voilà qui est intéressant, » reprit Angrboda, « car vois-tu j'ai rêvé de toi il y a deux jours. Une jeune femme de Midgard aux cheveux de glace » en disant cela, elle prit une mèche des longs cheveux blonds bleutés de la jeune femme qui tenta de se désister.
« De moi ? »
« Oui, il m'arrive de voir des choses. Il s'agit parfois d’événements du passé, du présent et parfois, bien que très rarement, des choses qui ne se sont pas encore produites. J'ai vu que tu serais présentée devant moi et j'ai su que je devais faire en sorte de te garder en vie. Tu es très chanceuse d'être tombée sur mon frère, mais d'un autre côté, comme mes visions ne mentent jamais, il est évident que tu n'aurais pas pu tomber sur quelqu'un d'autre. »
Eva réalisa qu'elle s'était possiblement trompée sur cette race. Elle les avait dépeints en monstres sanguinaires, mais la conversation avec cette jotun semblait vouloir prouver qu'elle les avait mal jugés. Quoique l'œuvre de Marvel ne parlait pas beaucoup de cette société.
« Et pourquoi ? »
« Parce que tu vas sauver quelqu'un pour qui j'ai de grandes aspirations. Je ne sais pas comment, mais tu te retrouveras en compagnie du fils premier né de Laufey et tu le sauveras. »
« Combien de fils Laufey a-t-il ? » Demanda la prisonnière, soudainement pleine d'espoir.
« Laufey n'a aucun fils… pour l'instant… mais un nouveau jotun est attendu d'un jour à l'autre. Nous vivons actuellement dans la crainte que les troupes d'Odin Borson n'arrivent avant la naissance du prochain souverain du Jotuheim. »
« Si vous ne vouliez pas que les troupes d'Asgard débarquent chez vous, pourquoi avoir attaqué mon monde ? Il était certain qu'il allait y avoir des répercussions. »
Angrboda fit un sourire malicieux qui fit frémir la jeune femme.
« Il m'a été très difficile de convaincre mon souverain d'attaquer Midgard… j’avais besoin qu’on te trouve tu comprends ? Et j'obtiens toujours tout ce que je veux. Ce que je veux actuellement, c'est toi qui me l'offriras. »
« Hors de question. Vous n'aurez pas cet enfant ! » se fâcha Eva. Jamais elle n'empêcherait Odin de prendre l'enfant qui sera de toute façon laissé seul dans ce temple pour y mourir.
Pendant qu'elle fulminait, perdue dans ses pensées, la géante reprit sa forme d'origine et s'adressa à Laufey dans leur langue qu’Eva ne comprenait pas.
« Mon seigneur, cette fille ne veut pas parler. Je propose de la laisser enchainée dans le froid et nous verrons bien si sa langue se déliera avant de geler. »
Puis elle quitta la pièce au moment même où, sans savoir ce qui se passait, Eva était à nouveau jetée dans le sac et déplacée sans aucune délicatesse. Au final, ces gens n'étaient vraiment que des monstres…
Lorsqu'on la sortit enfin du sac, son corps en entier était si douloureux qu’Eva fut persuadée d'avoir été projetée volontairement contre chacun des murs du palais de glace. On l'enchaina à un autel et elle perçut comme un rire sadique en provenance de l'un de ses bourreaux.
« C'est ça… riez pendant qu'il en est encore temps espèce de monstre ! » hurla-t-elle.
« Moi je sais ce qui s'en vient et ce qu'il adviendra de vous ! Et à ce moment-là, c'est moi qui rirai le plus. »
En espérant que les Asgardiens me libèrent, pensa-t-elle.
Eva attendit ce qui lui semblait être des heures dans le froid. Par chance, ils avaient laissé le sac dans la pièce et elle avait pu s'en faire une sorte de couverture pour se protéger un peu du froid. Sa clarinette était miraculeusement intacte tout au fond, mais elle ne la sortit pas… Il était évident que si elle en jouait, on la lui confisquerait.
Combien de temps prendra Odin avant d'arriver? Pas des jours non? se demanda-t-elle.
Puis elle sentit le tumulte à l'extérieur. Il lui était impossible de se rendre à la fenêtre pour regarder, mais la pauvre se dit que cela devait annoncer l'arrivée des troupes d'Odin.
Lorsqu’Eva entendit du bruit de l’autre côté de la porte de sa prison de glace, elle eut soudainement peur et décida de se cacher derrière le seul pilier que ses chaines lui permettaient d'atteindre. À cet endroit la prisonnière pourrait observer sans être vue. Elle ne savait pas trop à quoi s’attendre, même des armées asgardiennes. Mais lorsque la porte ouvrit, ce furent quatre jotuns qui entrèrent dans la pièce et se dirigèrent vers le piédestal au centre.
Un d’entre eux portait un paquet et semblait étonnamment triste. Il avait l’air de supplier les autres qui n’écoutaient rien. Le jotun triste déposa le paquet et le cœur d’Eva s’arrêta net… il était là, en chair et en os. Tout bleu, tout mignon… le plus beau poupon à avoir vu le jour… bébé Loki.
Celui qui avait déposé le bébé devait être sa mère… ou n’avait-elle pas lu quelque part que Laufey était en vérité sa mère ? Ou plutôt que les jotuns, étant hermaphrodites, pouvaient tous porter des enfants. Mais qu’est-ce qui faisait partie du mythe et qu’est-ce qui était réel ? Ce serait une réflexion pour plus tard. Pour l’instant, elle imaginait bien pourquoi cette sorcière l’avait épargné. Savait-elle que le fils de Laufey serait aussi petit et qu’il allait être abandonné dans ce temple pour y périr ?
Les jotuns quittèrent la salle et elle se retrouva seule avec le poupon. Jamais Eva n’avait eu à prendre soin d’un bébé, mais elle avait le sentiment qu’elle devait absolument donner tout l’amour qu’elle pouvait à ce pauvre enfant avant qu’Odin n’arrive, car il y avait bien peu de chance qu'on la laisse rester auprès de lui. Odin la ferait certainement reconduire sur terre… mais à quelle époque ? Elle le berça doucement, lui murmurant des mots tendres sans savoir s’il les comprenait. Elle lui parla de Midgard, du soleil, des arbres, des films… comme pour lui offrir en quelques heures tout ce qu’elle aurait voulu lui donner en une vie.
Le temps d'attente lui permit de réfléchir à sa situation. Où était-elle réellement ? Était-elle dans un univers parallèle ? Était-elle remontée dans le temps et tout ceci était vraiment arrivé ? Plus elle se posait de questions et moins Eva avait de réponses. Elle finit par s'endormir, le bébé jotun dans les bras. Elle rêva d'un futur lointain, d'un Loki/Tom Hiddleston éperdument amoureux d'elle, d'une vie de rêve dans un grand palais puis le rêve vira au cauchemar lorsqu'elle réalisa que tout cela n'était pas possible… que le destin de Loki était déjà tout tracé, que dans cette histoire, aucune fin heureuse n'était possible pour lui comme pour elle.
Son attente sembla durer une éternité. Elle perdit rapidement la notion du temps — une journée peut-être, deux tout au plus — à tourner en rond et à regarder par la seule fenêtre du temple le ciel sombre d'une planète où le soleil ne se levait jamais.
Le froid la transperçait déjà… mais le tenir contre elle accentuait encore les frissons. Sa peau à lui était glaciale — plus encore que la pierre sur laquelle elle dormait. Elle le serrait quand même. Non pas pour le réchauffer — il n’en avait pas besoin — ni même pour se réconforter elle-même. Mais simplement pour qu’il ne soit pas abandonné.
Pour éviter qu'il ne meure de faim, elle sacrifiait chaque fois une partie du repas peu ragoutant que l'enchanteresse lui faisait probablement parvenir, heureuse qu'il s'agisse de bouillie, pour nourrir le futur prince d'Asgard. Elle se demandait ce qui serait arrivé si elle n'avait pas été là. Il aurait été impossible que le bébé survive aussi longtemps avant l'arrivée d'Odin. Et pourtant c'est ce que l'histoire raconte non ? Peut-être que les bébés jotuns n’étaient pas nourris aussi souvent que les bébés humains se dit-elle.
Elle se questionna également sur les raisons qui empêchaient Angrboda de venir elle-même chercher le fils de Laufey considérant que celui-ci avait été abandonné sur le sol sans défense aucune.
Alors qu'elle dormait à nouveau, elle fut réveillée en sursaut par des bruits de l'autre côté de la porte. Rapidement, elle déposa le bébé sur l'autel et recula. Elle avait l'étrange impression que l'histoire ne devait pas être changée et elle se tint le plus immobile possible. Odin devait trouver le bébé et décider de le garder avant de l'apercevoir.
Lorsque la porte s’ouvrit et que le roi d'Asgard fut finalement en vue, elle eut la réponse à une de ses questions. À moins qu'Anthony Hopkins n'ait un jumeau cosmique, elle se trouvait certainement dans un univers parallèle. Un univers dans lequel ce film était la réalité. Ses yeux se posèrent à nouveau sur le bébé et son cœur s'emballa, il allait devenir grand et être une parfaite copie de Tom. Soudainement, elle n'avait plus du tout le goût de retourner sur terre.
Tout se passa exactement comme dans le film, comme pour la scène qu'elle avait aperçue sur Terre. Odin vit le bébé jotun et le prit dans ses bras.
La peau du bébé vira lentement du bleu au pêche. Odin le fixa, interdit. Lui non plus ne semblait pas comprendre. Ce n’était donc pas un sort.
Eva fronça les sourcils. Elle l’avait tenu pendant des heures… mais rien n’avait changé. Pourquoi Odin, et pas elle? Pourquoi maintenant?
Son esprit se mit à tourner. Un nouveau mystère. Une règle inconnue, peut-être magique, peut-être biologique. Et cette fois… elle allait peut-être pouvoir trouver la réponse.
Odin semblait incertain sur ce qu'il devait faire de cet enfant. Son cœur lui dictait de ne pas laisser l'enfant mourir sur cet autel, mais il n'osait imaginer ce qu'il adviendrait de lui à Asgard, comment il serait traité par les autres. Et à qui pourrait-il bien le confier ?
C'est à cet instant qu'il entendit une petite voix timide en provenance de derrière un des piliers.
« Il s'agit du fils de Laufey votre Majesté. »
Curieux d'entendre une langue midgardienne dans un endroit pareil, il avança plus profondément dans le temple. Il aperçut une jeune fille étrangement vêtue avec des cheveux bleutés en bataille emmitouflée dans ce qui semblait être un grand sac en toile et qui avait l'air d'être sur le point de mourir de froid. Décidément il allait de surprise en surprise.
« Qui es-tu jeune fille ? » demanda-t-il
« Mon nom est Eva votre Majesté, j'ai été faite prisonnière par ces monstres lorsqu'ils ont attaqué mon monde. »
« Tu n'as pas l'air d'une midgardienne pourquoi te croirais-je ? »
Elle voulut s’incliner, faire une révérence, n’importe quoi pour montrer du respect… mais son corps ne répondait pas. Ses jambes étaient raides, ses mains tremblaient. Tout ce qu’elle parvint à faire, c’était parler. Et encore, à peine.
« Je pourrai tout vous expliquer, mais s'il vous plaît, j'ai très froid et je n'ai rien mangé d’acceptable depuis des jours... J'ai perdu le compte. Ayez pitié, je vous prie, ne me laissez pas mourir ici. »
Odin prit quelques instants pour réfléchir et fit signe à la jeune fille de se lever.
Elle s’attendait à devoir se battre pour être crue. À plaider, à supplier. Mais contre toute attente, il semblait l’écouter. Était-ce sa détresse qui l’émouvait? Ou avait-il perçu quelque chose d’autre — quelque chose qu’elle-même ignorait?
« Bien sûr Eva de Midgard. Nous te donnerons de quoi te repaître et je veillerai à ce que tu sois reconduite chez toi par la suite. Maintenant, que disais-tu à propos de ce jeune jotun ? »
« Je les ai entendus parler de sa naissance. Il est trop petit pour les leurs et ils ont forcé sa mère à l'abandonner ici pour qu'il y meure. Il est le fils de Laufey… et je crois que l’autre parent se nommait Farbauti. C’est un nom que j’ai entendu… je ne suis pas certaine. »
À ses mots, la curiosité d'Odin fut piquée. Cette jeune fille n'était pas ce qu'elle paraissait. Elle n'avait rien à voir avec ce qu'il avait pu observer des habitants de Midgard, autant par ses vêtements, par la couleur de ses cheveux que par sa manière de s'exprimer.
« Comment une midgardienne pourrait-elle comprendre leur langage ? Seuls les Asgardiens ont la faculté de comprendre et de parler toutes les langues. »
« Une des leurs parle ma langue, je ne sais comment. Elle a dit s'appeler Angrboda et qu'elle était une enchanteresse. Elle a mentionné que Laufey attendait un fils d'un jour à l'autre et que le roi d'Asgard arriverait avec ses troupes en rétribution à l'attaque de mon monde. J'ai présumé qu'il s'agissait de vous lorsque je vous ai vu. »
Elle préféra éviter de tout raconter immédiatement. Il pourrait la prendre pour une folle. Mais Odin sut immédiatement qu'elle en savait beaucoup plus.
« Suivez-moi mon enfant. Et prenez ce bébé avec vous. Je ne laisserai pas une personne de plus mourir dans ce royaume. »
Sur ces mots, il lui tendit le jeune Loki et se retourna pour quitter la pièce dès qu'elle l'eut blotti contre elle.
Elle le reprit dans ses bras avec précaution, s’attendant au même choc glacial… mais non. Sa peau était tiède. Plus douce. Comme celle d’un bébé humain et il ne reprit pas sa couleur de naissance. Elle fronça les sourcils. Il avait changé. Pas seulement à l’œil — au toucher aussi. Était-ce Odin? Était-ce lui-même? Ou… autre chose?
Si la transformation du futur prince d’Asgard n’était pas venue d’Odin, pourquoi n’avait-e-elle pas elle-même déclenché le phénomène ? Était-elle trop humaine, trop étrangère, ou y avait-il une magie qu’elle ne comprenait pas encore ? Cette différence creusait en elle un doute silencieux.
Eva suivit le roi à travers les dédales de la forteresse de glace. Il ne se retourna jamais pour vérifier qu'elle le suivait. Mais à quoi se serait-elle attendue d'un roi tout puissant comme celui-là ?
Ils finirent par arriver là où l'armée attendait le retour de leur roi. Celui-ci ordonna à un de ses hommes de surveiller la jeune fille et de les mener, elle et son bébé, dans son bureau dès qu'ils se seraient nourris.
Et il appela Heimdall…
Notes:
Merci d’avoir lu ce chapitre !
La rencontre entre Eva et le bébé Loki ne fait que commencer, mais déjà, des choix irréversibles se dessinent.
Entre instinct de survie, mystères anciens et liens inattendus… qui sauve qui, au juste ?Le prochain chapitre nous emmènera au seuil d’Asgard.
Chapter 3: Le seuil d'Asgard
Summary:
Dans le chapitre précédent, Eva a découvert que tout ceci n’était pas un rêve : ni les Jotuns, ni Laufey, ni même le bébé abandonné dans le temple.
Enchaînée dans le froid, elle a veillé sur l’enfant avec toute la tendresse dont elle était capable.
Un tout petit être… promis à un tout grand destin.
Et maintenant, portée à travers un pont de lumière et d’étoiles, elle quitte les terres gelées… sans savoir encore jusqu'où ce chemin la mènera.
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
De près, et en vrai, le Bifrost était encore plus magnifique qu'elle ne l'avait jamais imaginé. Ce tourbillon de lumière et de couleur les enveloppait comme un sortilège cosmique. Jamais les effets spéciaux ne lui avaient semblé aussi pâles. Là, c’était du réel. Du grandiose.
Et que dire de la vitesse ? Du vertige de filer entre les étoiles, comme si l’univers lui-même ouvrait ses veines ? WOW. Tout simplement… wow.
Elle serra très fort le bébé dans ses bras, sachant que s’il lui échappait, il tomberait dans le vide interdimensionnel.
Puis les paroles d’Odin lui revinrent en mémoire. Il avait dit que Loki était son bébé. Juste comme ça, en passant. Elle savait que ça ne durerait pas… mais ces mots l’avaient bouleversée.
Cela dit, jamais elle n’aurait voulu être sa mère. Ce serait contre nature. Elle connaissait trop bien ce visage adulte, ce regard intense… et ce sourire-là. On ne rêve pas de quelqu’un pendant des années pour ensuite lui essuyer le nez.
Après quelques secondes, elle se sentit rematérialisée et tomba immédiatement à genoux, prise d'une nausée terrible. Le soldat lui tendit la main pour l'aider à se relever.
« Le corps des mortels n'est pas fait pour les voyages jeune demoiselle. Laissez-vous quelques instants et vous irez bien mieux. Voulez-vous que je tienne votre enfant le temps que vous repreniez vos esprits? »
Eva refusa de laisser le bébé d'un signe de tête en acceptant cependant la main tendue qui lui était offerte.
« Merci beaucoup » dit-elle en se relevant.
Elle allait suivre le soldat lorsqu'elle fut arrêtée par une voix grave qu'elle reconnut immédiatement.
« Laissez-moi parler seul à seul à cette jeune dame" demanda Heimdall "attendez-la à l'extérieur. »
Le soldat quitta le bâtiment sans plus attendre et elle le vit rester dans l'embrasure de la porte alors que le reste des hommes d'Odin se dirigeait vers la citadelle. Elle demeura seule avec le géant à la peau sombre.
Qu'est-ce que le gardien du Bifrost pouvait bien lui vouloir? Avait-il vu son arrivée dans ce monde?
Heimdall la regarda de haut en bas, semblant essayer de comprendre qui elle était.
« Savez-vous qui je suis jeune fille? » lui demanda-t-il finalement.
Eva le regarda à son tour, avec prudence… et curiosité. Pouvait-elle lui faire confiance ? Est-ce qu’il comprendrait seulement ce qui lui arrivait ?
Elle avait besoin de parler. De se confier. Et la seule personne qui pourrait peut-être la comprendre — sans chercher à tirer profit de sa situation — c’était sans doute la reine.
Mais pour atteindre la reine, elle allait devoir trouver un allié. Heimdall, selon les films, était un homme bien.
Alors elle décida de foncer.
« Oui monsieur », répondit-elle simplement en espérant qu'il ne demanderait pas plus dans l'immédiat. Mais elle n'y croyait pas vraiment et la réponse sembla piquer davantage sa curiosité.
Le gardien demeurait figé. Son regard scrutait la jeune fille comme s’il tentait de percer une illusion.
Elle lui échappait. Jamais il ne l’avait vue approcher. Ni elle. Ni le bébé. Et pourtant… ils se tenaient là. Devant lui. Inexplicables.
Eva comprit que ce ne serait pas suffisant et répondit à sa demande.
« Vous êtes Heimdall, gardien du Bifrost. Vos yeux voient à travers les étoiles, et vous servez le Tout-Puissant depuis des millénaires.
Ce que je sais d’autre… relève surtout de suppositions. Et je préférerais les garder pour moi. Du moins, pour l’instant. »
« Et où avez-vous appris tout cela sur moi? »
« Dans les légendes de mon monde monsieur. »
« Midgard connait effectivement mon nom, mais je sais que vous ne me dites pas tout. D'où venez-vous? »
« Je viens de la terre monsieur. Je ne saurais quoi vous répondre d'autre. »
« Vous ne ressemblez en rien aux gens que je peux observer sur cette planète. Vos vêtements sont différents de même que votre allure. Vous n'avez l'air d'être ni une noble ni une paysanne. »
« Vous avez raison sur beaucoup de choses… mais je ne peux pas en dire plus. Pas maintenant. »
Elle inspira profondément et reprit avec un peu d’audace.
« Je vous en prie, respectez la volonté de votre roi. Nous avons besoin de manger… de nous réchauffer. Cela fait plusieurs jours que j’ai quitté ma maison, et depuis… j’ai eu peur. Tout le temps. Pour ma vie. »
Heimdall posa les yeux sur elle et sembla la regarder jusqu'au fond de son âme. Elle ne put soutenir ce regard perçant et baissa immédiatement les yeux pour fixer son regard sur le sol.
« Voici ce que nous ferons, jeune demoiselle. Allez vous reposer… et nourrir l’enfant. Mais je demande à ce que nous ayons un entretien demain matin, vous et moi. Vous venez de bien plus loin que ce que vous laissez entendre. Et jamais mon regard n’a été aussi incertain qu’en votre présence. »
Eva sembla vouloir accepter, mais hésitait encore.
« Je consens à cet entretien à une seule condition » lui répondit-elle enfin.
Heimdall lui fit signe de poursuivre tout en lui lançant un regard laissant comprendre qu'elle n'était pas vraiment en position de pouvoir exiger quoi que ce soit.
« Je ne sais pas pourquoi je suis ici… ni comment j’ai atterri dans ce monde. Je ne sais même pas quelle magie est à l’œuvre. Mais je sais beaucoup de choses sur Asgard. Sur vous. Sur la famille royale. Et je ne peux pas en dire davantage, Heimdall. Pas maintenant. »
La jeune fille hésita une fraction de seconde avant d’ajouter :
« Je crois sincèrement que seule la reine Frigga pourra me comprendre. »
Et j’espère qu’elle pourra m’aider, garda-t-elle pour elle-même.
« Et vous pensez que vous obtiendrez un entretien avec notre souveraine aussi facilement, seulement quelques heures après votre arrivée dans notre royaume? » Répondit-il avec un air surpris de l'audace dont la jeune femme faisait preuve ?
« Parlez-lui de moi, c'est tout ce que je vous demande. Dites-lui que l'avenir de ses fils dépend possiblement des réponses qu'elle pourra me donner. »
Cette humaine était décidément très surprenante… Et pas aussi informé qu'elle semblait le croire.
« Vous saurez jeune demoiselle que le roi et la reine n'auront qu'un seul fils. »
« C’est ce que vous croyez savoir, monsieur. Et en toute modestie… s’il vous plaît. Remettez-lui ce message. J’ai confiance en vous. Et je sais que, pour sa sécurité — puisque vous ne me faites pas confiance — vous préférerez probablement assister à notre rencontre. »
Cette fille était rusée, et Heimdall le savait. Mais elle aussi savait quelque chose : il brûlait de curiosité.
Et ce feu-là, elle l’avait vu dans ses yeux. Celui d’un homme prêt à contourner les ordres — pas pour trahir, mais pour comprendre. Pour voir là où même sa vision échouait. Un jour, ce besoin de vérité le mènerait loin… peut-être jusqu’à libérer un dieu tombé en disgrâce. Mais pour l’instant, il la regardait comme un mystère à résoudre. Et elle se félicita de ne pas lui avoir tout dit.
« Je ferai le message, mais ne vous faites pas trop d'idée. Je vous laisse maintenant aller vous reposer. »
Eva le remercia chaleureusement et Heimdall appela le soldat pour qu'elle soit escortée selon les ordres du Tout Puissant.
Lorsqu'elle sortit enfin de l'enceinte du Bifrost, Eva put admirer le pont menant jusqu'à la cité. Ce magnifique chemin multicolore… évidemment, ce pont n’avait rien à voir avec un effet CGI. C’était réel. Trop brillant, trop parfait pour être humain.
Au loin, le palais d’Odin se découpait à l’horizon. Tout petit d’où elle se trouvait… et pourtant déjà plus impressionnant que sur n’importe quel écran. Elle n’osait même pas imaginer ce qu’elle ressentirait en l’approchant.
Alors qu’elle approchait de la seule monture toujours présente devant l’enceinte, le garde désigna doucement la clarinette qu’elle tenait toujours.
« Je peux la mettre dans la sacoche. Elle vous sera rendue une fois installée. »
Elle hésita un instant, puis hocha la tête. Il manipula l’instrument avec un soin inattendu.
L’homme monta ensuite à cheval et lui tendit la main pour l’y inviter. Elle hésita une seconde… mais marcher toute cette distance? Non merci.
Elle lui prit donc la main, et fut presque projetée en selle par la force tranquille avec laquelle il l’y hissa.
Elle s’agrippa du mieux qu’elle le pouvait, un bras autour de l’homme, l’autre fermement enroulé autour du bébé. Puis elle ferma les yeux et souffla un Svp que je ne tombe pas! mental très sincère.
Le chemin était plus étroit qu’elle ne l’avait imaginé. À sa droite, le vide. À sa gauche, encore le vide. Elle n’osait pas trop regarder, de peur que son vertige ne décide de naître sur-le-champ. Heureusement, le cavalier semblait parfaitement à l’aise. Il avait sans doute parcouru cette route des centaines de fois… elle s’accrocha un peu plus fort, espérant que son bébé ne sente pas à quel point elle tremblait.
Elle n’en revenait toujours pas. Elle était en route vers le palais d’Asgard. Là où Thor et Loki avaient grandi. Là où Frigga vivait.
Peut-être verrait-elle Sif. Ou même le Trio Palatin, jeunes et insouciants… Elle ignorait l’ordre des naissances, qui avait habité où, ou quand exactement. Mais peu importait. Des questions, elle en aurait mille. Et Asgard allait les faire exploser dans sa tête comme des feux d’artifice.
Elle aurait voulu admirer la cité dès maintenant, mais tout ce qu’elle voyait, c’était le pont… et le vide en dessous.
Puis, elle aperçut de l’eau. Une mer? Un océan? Elle ne s’était jamais demandé comment ce liquide tenait en place ici.
Cet endroit défiait toutes les lois de la physique.
Mais bon… que pouvait-on attendre d’un royaume magique suspendu à l’autre bout de la galaxie? Était-ce la même galaxie? Voilà une autre question à poser…
Il lui faudrait tenir une liste. De toutes les questions, de toutes les bizarreries, de tout ce qu’elle ne comprenait pas. Mais elle savait qu’elle oublierait la moitié. Son cerveau était déjà en surcharge. Mais une chose était certaine, elle voulait tout savoir et tout voir de ce monde avant d'en être chassée.
Lorsque la terre réapparut sous le pont, Eva leva les yeux et resta figée.
Des bâtiments, nobles et imposants, bordaient la route de chaque côté. Certains semblaient tirés d’un musée, d’autres d’un rêve trop luxueux pour être vrai. Des vitraux, de l’or, de l’argent, et même les toits scintillaient. Sérieusement. Des toits qui brillent... Elle avait l’impression de traverser une fresque vivante.
De temps à autre, une silhouette passait : haute, élégante, presque irréelle. Aucun n’était banal, tous semblaient tout droit sortis d’un conte.
Elle, avec ses bottes fatiguées, ses cernes de survivante et un bébé alien dans les bras… elle avait l’impression d’être une figurante échappée d’un autre plateau.
Le palais qu’elle avait d’abord admiré de loin se rapprochait à chaque pas de la monture et il semblait tellement plus grand que ce qu’elle avait pu imaginer en regardant les films.
Après plusieurs minutes de chevauchée, ils contournèrent le palais vers la gauche et entrèrent dans une cour intérieure bordée d’un côté par de grandes écuries. Le soldat fit arrêter la monture et un palefrenier vint aider Eva à descendre sans dire un mot. Bien qu'étant un serviteur, ce dernier semblait aux yeux de la jeune fille être aussi bien vêtu qu'un prince. Peut-être était-ce parce qu'il travaillait au palais. Eva avait maintenant l'impression qu'en plus d'être tous magnifiques, personne ne semblait vivre dans la misère.
« Venez demoiselle. Je dois vous accompagner aux cuisines pour que vous puissiez vous sustenter. Et vous tombez bien, nous aurons un festin demain soir pour célébrer le retour du roi. Les cuisines auront d'ores et déjà commencé la préparation des mets les plus extravagants qu'Asgard a à offrir. »
Eva eut automatiquement l'eau à la bouche.
« Merci beaucoup… resterez-vous auprès de moi jusqu'à ma rencontre avec votre roi? »
« Ce sont effectivement mes ordres, gente dame. Ne perdons pas de temps, le buffet va refroidir. » lança-t-il avec un clin d’œil.
Eva cligna des yeux. Attends… il venait vraiment de lui faire un clin d’œil? Depuis quand les soldats asgardiens avaient du charme et un sens de l’humour?
Jusqu’ici, elle l’avait surtout vu comme un garde parmi tant d’autres. Mais là… c’était différent. Il avait un sourire facile, une voix posée, et une manière bien à lui de détendre l’atmosphère.
Alors qu’il lui emboita le pas en direction des murs du palais, Eva le suivit à la hâte. À sa grande déception, ils passèrent par ce qu’il lui décrivit comme étant l’aile réservée au personnel, et elle ne put admirer les grandes portes du palais.
Dans ce secteur, il n'y avait aucune de dorure ni grande richesse. Tout était si simple. Les murs étaient d'un blanc étincelant, sans aucune poussière ou saleté. Les habits des serviteurs et des servantes étaient parfaits, sans la moindre tache. Et ils allaient et venaient, vaquant à leurs occupations avec précision et grâce. C'était comme une danse ou chacun avait sa part. Tout était fait à la perfection.
Eva se dit que sa mère serait au paradis en cet endroit. Elle pour qui rien n'était jamais suffisamment propre.
Lorsqu’ils entrèrent dans les cuisines, une vague de chaleur et d’épices l’enveloppa aussitôt. Les arômes lui tournaient la tête : du pain chaud… sucré. De la viande… fumée au fruit? Et ces étranges parfums dorés, indescriptibles.
Son estomac grogna avant qu’elle y pense. Elle n’avait pas simplement faim. C’était devenu douloureux.
On l'installa à une petite table et lui apporta toutes sortes de mets qu'elle n'avait jamais vus, et encore moins goûtés. Il y avait des potages de légumes inconnus, des viandes exotiques, des desserts plus impressionnants les uns que les autres. Des goûts sucrés, des goûts salés, des goûts amers et d'autres qu'elle ne pouvait catégoriser. Il y avait absolument de tout… sauf du chocolat… et rien qui pouvait y ressembler. Peut-être n'y avait-il aucun cacaoyer ailleurs que sur terre et que les Asgardiens n'avaient toujours pas exploré l'Amérique du Sud.
Lorsqu’elle eut repris un peu de force, elle demanda du lait pour le bébé. Elle ne pouvait pas l’allaiter, évidemment, mais expliquer pourquoi… aurait soulevé trop de questions. On le lui apporta. Et avec lui, des regards en coin, pleins de jugement silencieux.
Elle mentit. Une maladie rare, un accouchement difficile. Elle ne savait même pas pourquoi elle s’était justifiée. Mais les regards changèrent. De la gêne, puis de la compassion. Et plus une seule question. Ces femmes savaient exactement où elles se tenaient. Eva, elle, n’avait pas encore trouvé sa place.
Et Eva réalisa soudain : ici, personne ne semblait remarquer qu’elle ne venait pas de ce monde. Ou peut-être qu’ils s’en fichaient. À Asgard, l’étrange ne semblait jamais faire tache.
Elle garda le silence durant presque tout le repas, emmuré dans ses réflexions. Le soldat la laissa faire et discuta avec une des femmes de cuisine en attendant qu’elle eut fini.
Après le repas, une femme de chambre vint la chercher aux cuisines et, toujours escortée du même soldat, cette dernière mena la jeune fille à travers de nombreux couloirs. Eva réalisa qu'elle n’avait pas demandé son nom à son accompagnateur mais le moment était mal choisi maintenant qu’ils n’étaient plus seuls. Ils traversèrent différentes salles et finirent par aboutir devant une porte massive. La jeune servante se retourna vers Eva.
« Le Tout Puissant demande que vous soyez correctement vêtue pour votre entretien. Ne connaissant pas votre taille, j'ai fait préparer différentes tenues pour vous. Il y a également de quoi habiller votre enfant. Nous resterons ici à vous attendre, mais je vous prie d'être brève. »
Sur ces mots, la servante poussa la lourde porte et fit un pas de côté pour y laisser entrer Eva.
Une fois la porte refermée, Eva expira l'air qu'elle n'avait pas eu conscience d'avoir conservé en elle. Tout ceci était inimaginable, voire impossible, et pourtant elle était dans le palais d'Odin, sur Asgard et tenait un futur prince dans ses bras.
Elle déposa le poupon dans un berceau placé là pour elle, puis se dirigea vers l’armoire. Plusieurs robes y étaient suspendues, toutes somptueuses, toutes bien trop nobles pour une fille comme elle. Ce genre de robe n'était portée que dans des films à gros budget, jamais dans la vraie vie non? Elle en essaya quelques-unes tout en bavardant à voix basse.
« Tu vois, mon petit bonhomme… je suis dans une impasse. Je n’ai aucune idée de ce que je suis censée dire à ces gens.
Est-ce que je suis une intruse dans l’histoire? Ou est-ce que j’en ai toujours fait partie… sans le savoir?
Et si c’est le cas… C’est peut-être même à moi de te donner ton nom. »
Ses doigts se posèrent alors sur une robe d’un vert profond. Elle l’enfila. Elle lui allait parfaitement. Comme si elle avait été cousue pour elle.
Elle se tourna vers le berceau, fit une petite révérence, un sourire attendri au coin des lèvres.
« Elle te plaît, petit prince? Je vais la porter fièrement, rien que pour toi. Je ne te verrai jamais grandir… mais je sais que tu porteras cette couleur. Et comme je l’aurai portée avant toi… j’aimerais croire que, quelque part, tu l’auras choisie pour me faire plaisir. »
Une fois changée, elle fit quelques pas, comme pour tester les lieux. Se convaincre qu’ils n’allaient pas se refermer sur elle.
Mais maintenant qu’elle était seule, le silence lui tomba dessus comme une chape de plomb.
La chambre était splendide, bien au-delà de tout ce qu’elle aurait cru possible — et pourtant… quelque chose dans cette perfection dérangeait. Les murs, trop lisses. Les motifs dorés, trop symétriques. Comme si le lieu avait été conçu pour éblouir… ou enfermer.
Elle jeta un œil au berceau. Tout était là pour son confort. Mais ce n’était pas chez elle.
Une seule chose lui appartenait dans cette chambre. Posée sur une petite table, sa clarinette l’attendait.
Intacte. Silencieuse.
Il lui avait dit qu’elle lui serait rendu et il avait tenu sa parole… elle en fut étrangement émue.
Elle s’apprêtait à quitter la chambre, Loki dans les bras, quand on frappa doucement à la porte.
Devait-elle se lever pour ouvrir? Ou simplement les inviter à entrer? Elle n’eut pas à décider.
La poignée tourna dans un grincement feutré. La porte s’entrouvrit lentement. Et une voix féminine, calme, posée, traversa l’embrasure. Une voix qui portait le genre d’autorité tranquille qu’on ne questionne jamais.
Quelques mots, une requête.
« Désolé de vous déranger ma chère. Pouvons-nous entrer? »
La voix était douce, posée. Chaque mot semblait effacer un peu de tension dans son dos.
Eva n’avait encore rien vu, mais déjà, elle savait.
La reine.
Enfin… une présence qui ne lui semblait ni divine, ni guerrière. Juste… humaine.
Notes:
Merci d’avoir lu ce chapitre !
Après le froid mordant de Jotunheim, Eva découvre enfin la lumière d’Asgard… mais tout reste à comprendre, et à prouver.
Son arrivée ne passe pas inaperçue — et certaines curiosités peuvent se révéler dangereuses.
Le prochain chapitre nous emmènera à la rencontre de ceux qui règnent.
N’hésitez pas à laisser un commentaire si vous avez aimé — c’est toujours un immense plaisir de vous lire !
Chapter 4: Loki. Loki Odinson
Summary:
Dans le chapitre précédent, Eva a quitté les terres gelées de Jotunheim pour découvrir enfin Asgard de ses propres yeux.
Un monde qu’elle croyait connaître, et qui pourtant continue de la surprendre…
Entre les silences de Heimdall et les promesses d’un roi, elle a su se frayer un chemin jusqu’au palais.Mais face à la reine, les vraies révélations commencent.
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
« Désolé de vous déranger ma chère. Pouvons-nous entrer? »
Eva reconnut immédiatement la voix de la reine. « euh… oui… » bégaya-t-elle.
Elle s'agenouilla aussitôt et serra le jeune Loki contre son cœur. Elle savait qu'elle allait éventuellement devoir le lui laisser, mais ne s'en sentait pas prête. Sachant ce qu'Odin lui ferait endurer durant le prochain millénaire. À cette pensée, elle eut un vertige. 1000 ans elle serait morte depuis tellement longtemps alors qu'elle aurait tellement voulu être là pour lui, pour l'empêcher de faire toutes ces erreurs.
C'est à cet instant que la reine, accompagnée de Heimdall, entra dans la pièce.
« Mais que faites… » s'exclama la reine. « mais relevez-vous mon enfant voyons! »
« Pardonnez-moi votre Majesté, je ne suis pas d'ici et je n'ai aucune idée de l'étiquette royale asgardienne » lui répondit-elle, sans faire montre de se relever.
Soudainement, la reine lui tendit la main pour l’aider à se relever. Leurs doigts se frôlèrent, puis s’entrelacèrent brièvement.
Une chaleur étrange, familière, glissa de cette main jusqu’au cœur d’Eva.
Ce n’était pas un pouvoir… mais une présence.
Frigga n’avait rien d’un guerrier. Elle n’imposait pas par la force.
Mais dès ce premier contact, Eva comprit qu’il serait impossible de lui mentir.
« Ne vous en faites pas avec cela mon enfant. Je ne demanderai jamais à une femme portant son enfant de s'agenouiller. Je ne le demande de personne en fait. En public une révérence serait de mise, mais en privé, vous pouvez être vous-même. »
Eva souleva les yeux et son regard croisa celui de la reine.
« Je vais tâcher de m'en souvenir Majesté. Je vous remercie d'avoir accepté de me rencontrer, c'est pour moi un grand honneur de me retrouver en votre présence. »
« Vous avez piqué la curiosité de notre Gardien et, par conséquent, la mienne jeune demoiselle. À ce que je comprends, vous lui avez tenu tête et avez refusé de lui dire qui vous étiez avant de me rencontrer. » Eva acquiesça d'un signe de tête. « Alors, je suis là maintenant. Pouvez-vous nous expliquer ce qui nous vaut tout ce dérangement? Qui êtes-vous par Odin? »
Eva hésita un peu, elle n'avait toujours pas trouvé le meilleur angle d'approche sur ce coup-là. Elle prit une grande respiration et décida de se lancer.
« Avant de vous en dire plus sur moi votre Majesté, j'ai besoin de savoir si le roi vous a parlé de moi. Je ne sais pas s'il accepterait que je révèle certaines choses, mais j'ai l'impression que vous êtes la seule qui pourrait réellement m'aider. Et peut-être comprendre les enjeux de tout ceci. »
« Je n'ai pas eu l'occasion de croiser mon époux depuis son retour du Jotunheim. Tout ce que je sais de vous, c'est ce que Heimdall a vu et entendu. Ce qui veut dire très peu comparé à ce qu'il aurait pu me raconter sur n'importe qui d'autre. »
Eva eut l'air de ne pas comprendre alors Heimdall prit la parole de sa voix grave.
« Je peux voir tout ce qui se passe dans les 9 royaumes. Tout et tout le monde… Mais je n'arrive pas à vous voir vous à moins que vous ne soyez devant moi. Jamais personne n'a échappé à ma vision et je n'arrive pas à expliquer ce qui fait que vous êtes différentes. »
« Je crois pouvoir résoudre ce mystère », indiqua Eva avant de poursuivre. « J’ai peut-être tort, mais est-il possible que votre vision ne s'applique qu'à ceux qui viennent de ce monde. »
« Je vois les midgardiens tout autant que les asgardiens », répondit le gardien, un peu offusqué qu’une étrangère émette un doute sur son pouvoir.
« Je ne voulais pas parler de monde dans le sens de différentes planètes ou royaumes. » Elle se tourna vers la reine, laissant le Guardien totalement perplexe.
« Je me suis endormi dans la maison de mes parents il y a quelques nuits et je me suis réveillé dans le sous-sol d'un bâtiment situé à des milliers de kilomètres de chez moi dans un univers qui n'est pas le mien. Tout est différent ici et je suis complètement perdu. »
« Oh! Ma pauvre enfant. Si loin de votre famille. Et vos pauvres parents… Je n'ai toujours pas d'enfant, mais je n'ose imaginer la douleur d'être séparée du sien. »
Eva ouvrit la bouche… mais aucun son n’en sortit. Ce n’était pas de la peur. Ni même de la confusion.
Juste un vertige étrange.
Si Frigga n’avait pas encore d’enfant… Alors Thor n’était pas né.
Et Loki… était le premier.
Comment Odin pourrait-il encore adopter un enfant d’un peuple ennemi, si cet enfant devenait automatiquement héritier légitime du trône d’Asgard?
Et si cette histoire n’était pas celle qu’elle croyait connaître?
Elle sentit son regard s’embuer, ses pensées se brouillèrent. Elle cligna des yeux, tenta de reprendre pied.
Frigga la fixait à présent avec une douceur perçante. Une bienveillance qui la déstabilisa presque.
La reine inclina légèrement la tête, sans brusquerie, sans pression.
« Ça ne va pas, mon enfant? »
« Vous… vous n’avez pas d’enfant? » souffla Eva.
« Je croyais que… enfin, je ne suis plus certaine de rien. »
Elle serra le petit Loki plus fort contre elle, comme pour se rattacher à une seule certitude.
« Et pourquoi le fait que je n’aie pas encore eu la joie d’être mère vous déboussole-t-il à ce point? »
« Je sais beaucoup de choses, votre Majesté. Certaines que je peux vous dire… et d’autres que je devrai garder pour moi. »
Elle inspira, puis ajouta, presque en murmurant :
« J’étais sous l’impression que vous aviez un fils. »
La reine fit un sourire. « Alors vous n'aurez peut-être pas longtemps à attendre avant que cela ne s'avère juste. Je ne sais si ce sera un fils ou une fille, mais je me rendais voir Eir espérant qu'elle me confirmerait ce que j'espère depuis des décennies. »
Eva parut soulagée. « Si vous avez un fils, comment l'appellerez-vous? »
« Le roi a déjà statué que son héritier serait nommé Thor. »
« Mais ce n'est pas votre choix Majesté… »
« L'ainé est toujours nommé par les pères à Asgard. J'aurais aimé que les mères aient la possibilité de choisir, mais ce n'est pas le cas et il est très rare que nous ayons plus d'un enfant, sauf dans les cas où le premier serait une fille. »
Eva devait pousser plus loin et savoir si elle devait parler davantage.
« Et quel nom donneriez-vous à un second fils? »
« Je ne vois pas la raison de toutes ces questions, mais je consens à y répondre. Avoir pu nommer mon fils, il se serait nommé Loki. »
Eva ne retint qu'à peine son sourire. Tout était en place.
« Ce nom vous dit quelque chose? Pourquoi avez-vous soudainement l'air aussi heureuse? »
« Parce que vous venez de me donner une raison de vous dire ce que j'ai à dire Majesté. »
Cette fois, ce fut Heimdall qui prit la parole.
« Alors, parlez. Vous nous faites perdre un temps précieux… avec toutes ces cachoteries. »
Eva l'avait presque oublié celui-là.
« Tout ce que j'ai vu depuis mon arrivé dans votre univers s'est avéré faire partie de vision que j'ai eu. Tout dans les moindres détails. Jusqu'à vos apparences. Ces visions m'ont entre autres fait voir une partie de l'histoire de votre famille, mais sont surtout concentrées sur une période précise de votre futur. »
« Vous avez vu notre futur est-ce cela? »
« En quelque sorte votre majesté. »
« Donc vous avez vu que j'aurais un fils »
« Je sais effectivement à quoi ressemblera le prince Thor Odinson dans un millénaire. J'ai aussi eu une vision de lui en tant qu'enfant. »
« Et pourquoi toutes ces questions au sujet du nom que j'aurais choisi? »
« Parce que vous aurez un second fils Majesté. J'ai également vu le Prince Loki. »
La reine semblait incertaine. Elle voulait tellement croire la jeune midgardienne devant elle. Son histoire semblait abracadabrante, mais tout était tellement étrange chez celle-ci. Non seulement Heimdall ne pouvait le voir, mais la magie semblait être tout autour d'elle, comme un cocon protecteur. Une magie si puissante et bienveillante qu'elle ne pouvait l'ignorer totalement. La jeune femme ne semblait cependant pas consciente de cette protection. Elle décida de la croire et de l'aider du mieux qu'elle le pouvait.
La seconde où elle décida de croire, la reine devint très émue.
« Deux fils… J'aurai deux fils. Je sais que je ne devrais pas pousser, mais devrais-je attendre longtemps avant d'avoir le second? »
« Vous l'aurez encore plus vite que vous pouvez l'imaginer Majesté. »
Et ce fut Heimdall qui nota l'incongruence des réponses d'Eva.
« Vous avez parlé du prince Thor Odinson… mais seulement du prince Loki. Ne sera-t-il pas également fils de notre roi? »
« Il le sera également en effet, veuillez pardonner mon erreur Seigneur Heimdall. » Répondit-elle en embrassant le jeune Loki sur le front.
« Laissons cela pour le futur, Heimdall », ajouta la reine. « Cette jeune femme doit se reposer. Veuillez aviser le roi qu’elle a besoin de repos urgent et qu'il devrait attendre à demain avant de pouvoir la rencontrer. Vous pouvez maintenant nous laisser, je ne cours aucun danger à rester auprès d'elle. »
« Si cela est le souhait de Sa Majesté », répondit Heimdall en inclinant la tête et apposant le poing droit sur son cœur. « Mais je devrai reparler avec elle, car tout ceci n'explique pas pourquoi je ne la vois pas. »
« Effectivement gardien. Allez maintenant, j'appellerai les gardes s'il y a un problème. »
Sur ces paroles, Heimdall s'inclina puis quitta la pièce en direction de la salle du trône où Odin se trouvait.
Lorsque Heimdall eut quitté la chambre, Frigga se retourna vers Eva.
« Je sens qu'il y a beaucoup de choses que vous vouliez me dire en privé mon enfant. »
« Oui votre Majesté. »
« Je vous en prie, appelé moi Frigga. Et quel est votre nom? Je crains avoir poussé l'impolitesse jusqu'à oublier de vous le demander et vous m'en voyez fortement désolé. »
« Je m'appelle Eva votre Maj… euh… désolée… Frigga »
Un sourire apparu sur les lèvres de la reine. Elle alla s'asseoir dans un fauteuil et fit signe à Eva de faire pareil.
« Et votre enfant? Quel mauvais tour le destin a-t-il osé vous jouer pour que vous entrainiez un bébé aussi jeune dans cette histoire? »
« Ce n'est pas mon fils. Il a été abandonné par son père à peine né et laissé dans le froid du temple où j'étais enfermé à Jotunheim. »
« Cet enfant est fils de Jotun? Comment est-ce possible alors qu'il est si petit et si… rosé si je puis le dire ainsi? »
« Il était tout bleu à la naissance avec tous ces symboles sur le corps. Puis le roi est arrivé et l'a pris dans ses bras et c'est à ce moment que ce jeune homme a changé de couleur. Pour ce qui est de sa taille… J'imagine que c'est la raison pour laquelle il a été abandonné en premier lieu. »
« Pauvre petit chéri. Personne ne mérite d'être abandonné ainsi. Qu'il soit Jotun ou Asgardien, ceci est inacceptable et ce père devrait être puni pour avoir fait une telle chose. »
« Il le sera... Dans plusieurs centaines d'années, son géniteur trouvera la mort pour cette raison. »
« Et pourquoi mon époux vous a-t-il laissé la garde de ce bébé dites-moi »
« Je crois que c'est parce qu'il devait le garder caché et que le mettre dans les bras d'une midgardienne était une bonne façon de ne pas attirer l'attention sur lui. »
« Mais jamais vous ne pourrez élever un jeune Jotun ma chère enfant. Vous n'êtes à peine plus âgé que lui à nos standards. Surtout que je ressens un très grand potentiel magique en lui. Ce petit ne sera pas facile à élever. »
Eva se retint de rire à l'idée de tout ce qu'il ferait endurer aux habitants du palais avant de mériter le titre de dieux de la malice.
« Je suis bien au courant. J'ai aussi vu ce qu'il allait devenir. »
« Et lui avez-vous donné un nom? »
« Ce n'est pas à moi de le faire, mais je sais déjà comment il s'appellera. Je ne sais par contre pas si le roi sera très heureux que j’en dise davantage. »
C'est en voyant le regard de Frigga à cet instant que Eva comprit d'où venait la personnalité espiègle de Loki et pourquoi ces deux-là seraient si proches.
« Mon époux n'en saura rien, je vous donne ma parole. Allez… dites-moi, je vous prie. »
Eva hésita, puis souffla doucement, comme s’il s’agissait d’un secret qu’elle avait à peine le droit de prononcer :
« Loki. Loki Odinson. »
Le silence s’installa un instant.
Frigga cligna lentement des yeux, comme si ce nom avait effleuré quelque chose d’enfoui.
Une vibration familière, venue de nulle part.
Elle ne bougea pas, ne répondit pas tout de suite. Mais une chose était certaine : ce nom ne lui était plus tout à fait étranger.
Son regard allait de la jeune femme au bébé dans ses bras pour revenir à la jeune femme.
Elle avança la main vers cet enfant qui deviendrait son fils.
Comment cela serait-il possible ?
Comment élever un enfant jotun, en secret, sans que personne dans le royaume ne le sache ?
Et s’il était le seul… le premier… alors il deviendrait l’aîné d’Odin. L’héritier légitime.
Sa main s’arrêta à quelques centimètres de sa peau.
Elle hésita.
Puis la ramena vers elle.
Elle ne voulait pas avoir de faux espoirs.
« Comment puis-je être certaine que ce que vous me dites est la vérité ? Dans ce monde, il n'y a que très peu d'êtres qui peuvent voir l'avenir et à ma connaissance, aucun ne provient de Midgard. »
Eva sentit son cœur basculer.
Ce n’était pas juste une question de chronologie.
Pas juste une histoire à préserver, c’était un bébé.
Un bébé dont la vie, littéralement, dépendait peut-être d’une reine… qui la regardait comme une énigme.
Et si Frigga ne la croyait pas… si Odin refusait d’adopter ce petit être…
Qu’est-ce qu’il allait devenir ?
Elle n’en savait rien.
Mais elle savait une chose : si elle échouait, elle ne pourrait jamais se le pardonner.
Eva se réjouit d'avoir un peu étudié la mythologie scandinave quand elle a découvert cet univers dans le premier film de Thor (vive Wikipédia!).
« Je ne suis effectivement pas une Norne… »
Frigga leva un sourcil, surprise. Mais Eva poursuivit, comme si de rien n’était.
« … et je n'ai évidemment pas tout dit devant Heimdall. Je sais qu'il doit tout rapporter au roi et je voulais en parler avec vous avant de le rencontrer. »
« Pourquoi m'en parler à moi? J'ai bien peur de n'y rien comprendre. »
« Parce que je connais votre maitrise de la magie et bien que je sois au courant que le roi en maitrise certaine facette, la vôtre demeure bien plus diverse. Je connais également votre bonté. Je sais que vous allez essayer de m'aider alors que le roi voudra probablement me retourner sur Midgard sans prendre en considération que ce royaume n'est pas vraiment le mien. »
« Je n'ai pas bien compris ce que vous avez dit à ce sujet plus tôt. Vous vous êtes retrouvé loin de chez vous, mais comment? »
« Je ne sais pas comment c'est arrivé. Mais je dois commencer par le tout début. Par vous décrire mon monde. Je ne crois pas que ce que j'ai à dire sera facile à accepter, mais si quelqu'un peut comprendre, c'est vous. C'est pour ça que je voulais vous rencontrer seule. »
« Alors allez, je vais essayer de rester ouverte" répondit à reine avant de faire apparaître une théière, 2 tasses et des petits biscuits sur la table placée entre les deux femmes »
Eva déposa le jeune jotun dans son petit lit puis, ramassa la théière et entreprit de remplir les tasses. Elle prit son temps essayant le plus possible de rassembler ses idées afin de rendre l'histoire plus claire et concise.
« Alors voilà…
De là où je viens, les choses sont très différentes d'ici. Et par ici, je ne parle pas d'Asgard, je parle de l'univers dans son ensemble. »
Elle prit une gorgée avant de poursuivre, sans prendre le temps de vérifier si la reine suivait.
« Il y a une théorie scientifique Dans mon monde qui dit qu'il existe des univers évoluant parallèlement. Occupant le même espace. Certains de ces univers sont presque identiques, sauf peut-être pour le goût des aliments ou pour la couleur du ciel. Dans d'autres univers, les différences seraient notables. Comme Yggdrasil qui n'aurait jamais pris racine. Ou Asgard qui n'aurait jamais réclamé Midgard.
C'est dans un de ces derniers que je vis. Enfin je crois…
Pour la population de ma version de Midgard, comme pour celle du vôtre vous êtes des légendes. La différence entre nos deux univers c'est que dans le mien, vous êtes tous des personnages de films. »
La reine fit signe de vouloir interrompre et Eva se tu immédiatement.
« Plusieurs univers donc. Et avec des portails pour passer d'un à l'autre? »
« Je n'en ai aucune idée. Mais avec ma présence ici, j'imagine que oui. En fait, ce serait peut-être comme pour la convergence. »
Les yeux de la reine s'écarquillèrent de surprise à cette comparaison. Eva utilisa ses mains pour imiter la façon dont Thor expliquera plus tard la convergence à Jane.
« J'imagine que parfois les univers se touchent et il est possible de passer d'un univers à l'autre. »
« Et pouvez-vous m'expliquer ce qu'est un film? » Demanda Frigga qui essayait du mieux qu'elle pouvait de bien comprendre.
« Dans mon monde, on a créé un système pour enregistrer des images et du son. On les met sur des disques, ou dans des fichiers numériques… c’est un peu compliqué, mais ça s’appelle des films.
Et dans ces films, on raconte votre histoire. Celle d’Asgard, du roi Odin, de vous… et de ce bébé. »
Elle jeta un regard à l’enfant dans ses bras, puis reprit, plus doucement :
« Je vous ai vus. Sur des écrans. Des dizaines de fois. Des centaines, peut-être. Vous, Thor, Loki, Heimdall… Vos visages, vos voix, vos gestes.
Dans mon monde, on dit que c’est de la fiction. Que ce sont des inventions. Mais je… j’ai toujours eu l’impression que c’était plus que ça.
Et maintenant que je suis ici, je ne sais plus quoi penser. Je ne sais pas pourquoi je suis ici. Mais je sais ce que j’ai vu.
Et ce que je sais… vient de là. De ces histoires. De ces images… »
« Donc nous ne sommes que des histoires? »
« Que des histoires, je ne peux le dire avec certitude.
Asgard existe peut-être dans mon univers, mais à ma connaissance, nous n’avons jamais eu de contact avec des peuples d’autres planètes.
Ce que je sais avec certitude, c’est qu’un homme nommé Stan Lee a écrit un livre il y a une cinquantaine d’années. Il racontait les exploits du prince Thor.
Il y en a eu des dizaines, puis des centaines d’autres. Je n’ai jamais mis la main sur ces livres, mais il y a quelques années, ces histoires sont devenues des films.
Puis d’autres ont suivi.
À ce jour, on voit Thor dans six films sauver Asgard et Midgard de toute sorte de menaces. »
« Et vous dites que nous sommes les mêmes personnes que dans ces films ? »
« Au début que je n'y comprenais rien. Mais j'ai su où je me trouvais à la seconde où j'ai vu les jotuns débarquer sur Midgard. Les images étaient identiques à celles que j'ai vues et revues depuis des années. Même vos visages me sont familiers. Pour moi vous être la copie identique d'une actrice qui se nomme René Russo qui incarne la reine Frigga dans les films. Et votre époux est la copie de l'acteur Anthony Hopkins. Totalement identique. Même ce bébé est identique à ce que j'ai vu dans le film. La seule différence pour l'instant, c'est ma propre présence. »
« Et je suis censé vous croire sur parole ? »
« J'ai vu votre regard quand j'ai parlé de la convergence. Je sais qu'elle aura lieu dans exactement 1048 de mes années et que la dernière fois qu'elle a eu lieu, Heimdall n'était pas encore gardien du Bifrost. Je sais qu'à ce moment-là, le père d'Odin se prénommait Bor et qu'il a combattu l'elfe Malakith pour l'empêcher d'utiliser l'Ether afin de détruire la lumière. Je sais aussi que l'Ether est une des pierres d'infini. »
« Comment pouvez-vous savoir tout cela ? »
« Parce que Heimdall et le roi expliqueront tout ceci au prince Thor lorsque la prochaine convergence aura lieu et que je l’ai vu dans un de ces films. »
« C'est bon. Je veux bien vous croire, mais en quoi puis-je vous aider ? »
« Non seulement je ne suis pas de cet univers, mais en plus, je ne suis pas de cette époque. Je suis née sur terre en l'an 1999, nous étions en 2017 quand j'ai été transporté dans votre univers. Sauf qu'ici, sur terre, nous sommes en l'an 965. Si le roi me force à retourner là-bas, je serai peut-être sur la bonne planète, mais dans une époque qui n'est pas la mienne. Si quelqu'un peut me ramener chez moi, je suis certaine que ce sera vous. »
« Vous parlez de choses qui nous sont totalement inconnues. Je doute que nous puissions trouver le moyen d'ouvrir un de ces portails. Et même si nous y arrivions, vous semblez dire qu'il pourrait y avoir plusieurs de ces univers. Rien ne nous garantirait que vous iriez dans le bon… ni même à la bonne époque. Je peux essayer, mais j'ai bien peur qu'il y ait très peu de chance que ce soit un succès. »
La reine avait l'air aussi triste qu'Eva à ce moment.
« Ça pourrait peut-être aider si vous me racontiez ce qui s'est passé avant votre arrivée ici. »
« Un nouveau film traitant entre autres, de vos fils venait tout juste de jouer. Avant de m'endormir ce soir-là, je rêvassais à propos de votre monde. Je me disais que ce devait être merveilleux de voir Asgard de mes propres yeux. Je me demandais ce qui aurait pu être fait différ… » Elle s'arrêta soudainement, se mordant les lèvres. Cette fois, elle en avait trop dit.
« Différemment ? » Demanda la reine qui comprit immédiatement que ce que Eva ne voulait pas dire était d'une importance capitale pour sa famille. Elle réalisa cependant que Eva n'était pas prête à en dire plus à ce sujet et décida de laisser tomber pour l'instant.
« Oubliez que j'ai demandé. Bon, allez mon enfant. Je vais voir ce que je peux faire. Je vais parler à quelques maîtres du Seidr également. C’est ce que vous appelez de la magie. Maintenant, vous devez vous reposer. Il est très facile de voir que vous n'avez pas réussi à avoir une bonne nuit de sommeil depuis plusieurs jours. »
Eva la remercia chaudement et se leva à la suite de la reine, l'accompagnant jusqu'à la porte de la chambre.
Alors qu’elle s’apprêtait à quitter la chambre, Frigga s’immobilisa à mi-chemin de la porte.
Son regard glissa une dernière fois vers le petit berceau.
Elle revint sur ses pas sans un mot, s’agenouilla à côté du couffin et observa l’enfant.
Ses traits. Sa respiration. Sa fragilité.
Il n’avait plus rien du Jotun qu’on lui avait décrit dans les récits anciens. Il était petit, rose, calme… et complètement seul.
Frigga tendit doucement la main. Cette fois, elle le toucha.
Du bout des doigts, elle caressa son front, comme si elle traçait les contours d’un avenir encore flou.
Quelque chose se serra dans sa poitrine.
C’était absurde. Ce n’était pas son fils. Pas encore. Peut-être jamais. Et pourtant…
Ce bébé… l’appelait.
Elle se releva lentement, les yeux légèrement brillants.
Puis, seulement alors, elle posa une main sur l’épaule d’Eva et prononça les mots qu’elle n’avait pas encore osé dire :
« Je vais tout faire pour que mon époux ne vous renvoie pas n’importe où. »
Et elle sortit.
Une fois la porte refermée, Eva laissa échapper un long soupir.
Puis elle se mit à la recherche de quelque chose d’un peu plus confortable à porter. Elle trouva une longue tunique se portant habituellement sous une robe, mais qui ferait parfaitement l'affaire pour dormir.
Elle langea le bébé et l'installa à nouveau dans le petit berceau qu'elle déplaça près du lit avant de se mettre elle-même au lit en se disant que cet enfant était vraiment peu demandant pour un nouveau-né. Il s'agissait peut-être d'un moyen pour les enfants de cette race de ne pas trop tomber sur les nerfs de leurs parents, leur permettant ainsi de survivre plus longtemps. Le petit jotun s'endormit rapidement et elle en fit de même.
Notes:
Merci d’avoir lu ce chapitre !
Face à Frigga, Eva a enfin pu parler. Et si ses mots ont semé le doute, ils ont aussi réveillé une promesse ancienne…
Car parfois, il suffit d’un nom pour changer un destin.Le prochain chapitre nous mènera à l’heure des décisions.
N’hésitez pas à laisser un commentaire si vous avez aimé — vos retours me font toujours chaud au cœur !
Chapter 5: Fausse identité
Summary:
Dans le chapitre précédent, Eva a dévoilé une vérité que personne n’était prêt à entendre.
Dans l’intimité d’une chambre d’Asgard, elle a prononcé un nom — Loki Odinson — et ce simple mot, soufflé comme un secret, a suffi à ébranler le destin.Frigga a entendu. Et à présent, c’est au roi qu’il faut parler.
Face à Odin, souverain et stratège, les mots devront être pesés, les vérités, enrobées… et les mensonges, parfois nécessaires.Car au cœur de la salle du trône, il faudra bien plus que des visions pour convaincre un roi.
Et parfois… il faut accepter une vérité pour mieux la déguiser.
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
Le lendemain, elle fut réveillée par quelqu'un qui cognait à la porte. Elle ouvrit tranquillement les yeux avec la crainte que tout ceci ne soit finalement qu'un rêve. Maintenant qu'elle se sentait en sécurité, elle n'avait plus du tout le goût de retourner chez elle.
Elle s'assura qu'elle était en état de recevoir de la visite et demanda à voix haute.
« Qui est là ? »
« Je suis une humble femme de chambre, madame. On m'a dit de cogner pour vous réveiller. Puis-je entrer ? »
« euh… oui oui… bien évidemment »
Et la jeune servante ouvrit lentement la porte et se faufila à l'intérieur, un plateau à la main.
« J'apporte votre déjeuner ainsi que du lait pour votre enfant. On m'a dit que vous ne pouviez malheureusement le mettre au sein. »
« C'est exact. Vous pouvez déposer tout cela sur la petite table merci. »
La servante déposa le tout à l'endroit indiqué puis retourna près de la porte.
« Le Tout Puissant demande à vous voir dans la salle du trône dès que vous serez prête. Le garde posté devant votre porte vous y mènera. Si je puis me permettre de vous donner un avis considérant que vous n'êtes pas d'ici, ne le faites pas trop attendre. Il déteste cela. »
« Merci du conseil », lui répondit Eva. « Quel est votre nom ? »
« Je me nomme Inga ».
« Alors merci beaucoup Inga. J'espère avoir la chance de vous revoir. »
Inga inclina la tête et quitta la pièce sans rien dire, mais avec un léger sourire aux lèvres. Aucun invité ne lui avait jamais parlé de la sorte.
Eva donna un biberon au bébé, espérant qu'il n'avait manqué de rien d'important durant les premiers jours de sa vie, puis mangea elle-même très rapidement avant de recoucher le petit bonhomme et de se diriger vers l'armoire pour s'habiller. Elle se dit qu'elle ne pouvait pas remettre la même robe qu'hier soir, car la reine l'avait vu dedans.
En ouvrant l'armoire, elle réalisa que certaines avaient été retirées et que d'autres étaient apparues durant la nuit. À sa grande surprise, toutes les robes qui s'y trouvaient semblaient être à sa taille et étaient toutes dans les teintes de bleu, turquoise et vert. Elle se demanda si la reine n'avait pas elle-même demandé cela après l'avoir vu hier.
Elle choisit une autre robe verte en l'honneur de ce jeune prince qui dormait à nouveau à quelques mètres d'elle.
Elle s'habilla en vitesse, se coiffa du mieux qu'elle le pu et environ 25 minutes après le départ de la servante, elle reprit le bébé et sortie de la chambre. Le garde à la porte était le même qui l'avait accompagné la veille et elle fut rassurée de trouver un visage connu dans ce monde inconnu. Elle se souvint avoir oublié de lui demander son nom mais avait la tête ailleurs pour l’instant.
« Je suis prête. Menez-moi devant le Tout Puissant s'il vous plaît. »
« Suivez-moi jeune demoiselle »
Il la guida à travers plusieurs couloirs. Ce palais était un vrai labyrinthe, elle s'y perdrait certainement si personne ne l'accompagnait. Ils passèrent devant plusieurs salles toutes plus belles les unes que les autres puis arrivèrent devant d'immenses portes dorées et il lui fit signe d'attendre derrière une colonne.
Il s'avança vers un des gardes de la porte et lui chuchota quelque chose à l'oreille. Ce dernier fit un signe de tête, ouvrit rapidement la porte et disparut dans la salle. Quelques minutes plus tard, Eva vit les portes ouvrir et de nombreuses personnes en sortirent. Elle réalisa qu'il avait fait vider la salle du trône. Le roi ne voulait pas que le peuple sache ce qui se passait. Ou du moins, qu'ils soient au courant pour le jeune Loki.
Lorsque les portes se refermèrent, le garde revint la chercher et la mena devant celle-ci. On la fit ensuite entrer dans la salle du trône. Cette salle était beaucoup plus grande qu'elle ne l'avait imaginé, avec ses grandes colonnes et son plancher luisant. Elle se souvint de la scène du « quasi-couronnement » de Thor et ne fut pas surprise que le peuple d'Asgard puisse s'y tenir tous à la fois. Tout en marchant vers l'imposant trône sur lequel se tenait Odin, elle se mit également à penser à la destruction de cette même salle, d'abord par les elfes noirs puis par Thor lorsqu'il s'enfuirait pour sauver Jane.
La marche vers le trône semblait s'éterniser. Elle ne savait tellement pas à quoi s'attendre autre que ce qu'il adviendrait du petit être blotti dans ses bras. Elle le serrait très fort, ayant l'impression qu'il ne leur restait que quelques minutes à passer ensemble.
Il n'y avait que 5 personnes dans cette salle. Hormis Odin, elle-même et le garde, Frigga et Heimdall étaient tous deux présents du côté gauche du trône et cela la rassura grandement. Frigga ne la laisserait pas tomber, elle en était certaine. Et elle était une énigme pour Heimdall qui voudrait comprendre avant de la laisser partir.
Lorsque le garde lui fit signe, Eva s'arrêta, fit une révérence, malgré le bébé dans ses bras, et attendit en silence.
Odin se leva et il semble à Eva qu'il était encore plus grand que lorsqu'elle l'avait suivi à Jotunheim.
« Eva de Midgard, je vois que vous avez pu vous reposer. J'espère que vous avez été bien nourri également. »
Le garde fit signe à Eva qu'elle pouvait répondre.
« Oui Tout Puissant, et j'aimerais vous remercier pour cela. »
« Vous êtes une invitée en ces murs et vous serez traité comme tel tant que vous y resterez. » Il fit une légère pause puis reprit avec un air plus sérieux. « Maintenant, passons à ce qui vous a mené jusqu'à nous. Je sais que Heimdall s'est entretenu avec vous hier soir et ce qu'il m'a raconté semble plutôt étonnant alors je voudrais l'entendre de votre bouche. »
Le regard d'Eva se posa sur Frigga qui fit un léger signe de tête indiquant à Eva qu'elle n'avait rien dit au roi de leur conversation privée.
« Tout Puissant. Comme je l'ai dit à Heimdall, je viens bien de Midgard, mais sans comprendre pourquoi, je ne viens pas de l'époque où les jotuns m'ont enlevée. Une étrange magie m'a transportée durant mon sommeil et je me suis réveillé très loin de chez moi et plus d'un millénaire plus tôt dans l'histoire de mon peuple. Voilà pourquoi je ne ressemble pas aux midgardiens que vous avez pu observer.
Odin hocha la tête et reprit la parole « Il a également mentionné que vous aviez des visions ? Est-ce quelque chose de commun à cette époque d'où vous venez ? »
« Non Tout Puissant. Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de gens comme moi. »
« Donc si je comprends bien. Si je vous retourne dans votre royaume, vous ne pourrez retrouver votre famille. »
Eva baissa les yeux, clairement triste. « Effectivement. Et je ne pourrai expliquer la magie en cause. Un instant j'avais cette vision de vous et de votre royaume et l'instant suivant je me faisais enlever par un jotun. »
« Et ces visions, vous en avez eu souvent ? »
« À quelques reprises Tout Puissant. Celles vous concernant étaient surtout condensées sur une époque précise du futur d’Asgard, à l'exception de celles que j'avais eues de l'attaque par les jotuns et de votre arrivée dans le temple où vous nous avez sauvé. »
« Vous saviez donc que j'allais arriver et trouver ce bébé jotun. » C'était plus une affirmation qu'une question et il reprit « Avez-vous vu ce que je ferai de ce jeune ? ».
Eva répondit aux deux questions à la fois, mais sa voix était maintenant aussi faible qu'un chuchotement « Oui ».
« Pardon ? Je n'ai pas entendu votre réponse ».
Cette fois, elle releva la tête et répondit haut et fort. « Je savais que vous trouveriez ce petit ange. Tout comme je sais ce qu'il adviendra de lui. »
« Alors, dites-le-moi parce que je n'ai pas réussi à prendre une décision. »
Tous furent très surpris de la demande de Odin. Pourquoi se fierait-il à une jeune étrangère pour prendre une décision ? Eva prit une grande respiration, regarda chacune des personnes dans la salle puis, comme elle ne pouvait refuser de répondre à quelqu'un comme Odin, elle reprit à parole.
« Mes visions étaient très claires à ce sujet, mais il y a quelque chose qui cloche pour que celle-ci se réalise réellement. Ce jeune homme deviendra votre second fils, Ô Tout Puissant. »
Le garde et Heimdall passèrent près de s'étouffer en entendant cette information.
« C'est bien ce que j'aurais eu l'intention de faire », avança Odin, « si j'avais déjà un héritier à mettre sur le trône… Ce qui n'est malheureusement pas encore le cas. Il est hors de question de nommer un enfant qui n'est pas le mien comme mon premier héritier, surtout un fils de Jotun. Alors je me demande comment cette vision pourrait être réalisable. À moins que ce que vous nous racontez ne soit que des histoires. »
« Je vous jure que je vous dis la vérité Tout Puissant. Je ne comprends pas pourquoi votre ainé n'est toujours pas né. »
Cette fois, ce fut Frigga qui prit la parole.
« Votre premier né ne sera pas long à arriver chez époux. Je suis allé voir Eir tôt ce matin. J'ai la grande joie de vous annoncer qu’un enfant naitra dans les prochains mois.»
Eva se retint d'aller féliciter la reine. Odin quant à lui eut un sourire rapide et son œil brilla de joie l'espace d'un instant puis il remit son masque de monarque.
« Que cet enfant soit en route ou non, il n'en demeure pas moins qu'il sera plus jeune que celui-ci. »
Eva eut soudainement une idée qui pourrait fonctionner et elle osa demander la parole.
« Je crois que j'ai peut-être une idée Ô Tout Puissant. Cela demandera de cacher certaines choses et de trafiquer des dates de naissance, mais ça pourrait fonctionner et vous permettre de garder ce jeune homme avec vous comme le montraient mes visions. »
Odin lui fit signe de poursuivre et Eva se tourna vers la reine.
« Combien de temps prend une grossesse asgardienne votre Majesté ? »
« L'équivalent des grossesses midgardiennes. »
« Et combien de temps êtes-vous demeuré à Vanaheim ? »
« 16 de vos semaines… » lui répondit-elle alors qu'elle commençait à comprendre.
« Donc suffisamment pour cacher les signes visibles d'une grossesse n'est-ce pas ? » elle se tourna vers Odin. « Échangez les dates de naissance et lorsque votre héritier sera né, et je vous assure que ce sera un fils, vous n'aurez qu'à échanger les bébés. S'ils n'ont que quelques mois de différence et que vous les gardez éloignés le plus possible des regards de votre peuple, personne ne réalisera que le plus vieux a les cheveux noirs et que le plus jeune est blond… Les bébés se ressemblent tellement lorsqu'ils sont très jeunes. D'ici 2 ans, personne ne s'en rendra plus compte. »
Odin sembla prendre cette idée en considération. Puis il regarda le garde avec sévérité.
« Tu es un de mes meilleurs soldats Styr Svenison. J'ai toujours pu compter sur ta loyauté et j'espère pouvoir y compter aujourd'hui. Cette information ne devra jamais sortir de cette salle. »
« Cela va de soi Tout Puissant. Ma famille a servi la vôtre depuis l'instauration d'Asgard et je vous serai fidèle jusqu'à ma mort. »
Odin sembla satisfait.
« Bien et vous maintenant », dit-il en postant son regard sur Eva. « Que dois-je faire de vous ? Si ce que vous dites est juste et que vous ne pouvez retourner chez vous, il serait cruel de vous faire retourner sur Midgard dans à une époque qui n'est pas la vôtre.
Mais si je vous permets de rester, ce ne pourra être que temporaire. La loi interdit aux mortels de résider à Asgard — et un roi ne peut se permettre d’enfreindre sa propre loi. »
Le roi cessa de parler quelques secondes et il était évident qu'il réfléchissait à la meilleure façon de gérer cette situation délicate. Puis il sembla prendre une décision et reprit la parole.
« Voici ma décision et elle est sans appel. Vous resterez ici jusqu'à ce que l'on trouve un moyen de vous faire retourner chez vous ou que votre vieillissement devienne évident. Advenant que nous ne trouvions pas à temps, vous serez envoyé à Vanaheim où vous devrez vivre en marge de la population, mais où vous pourrez finir vos jours en paix. Nous vous apprendrons tout ce que vous devrez savoir pour y parvenir. »
Il regarda la reine qui hocha la tête. Eva aimait bien l'idée également. Elle pourrait apprendre et voir tellement de choses incroyables en demeurant ici.
« Pendant votre séjour ici, vous devrez travailler pour le palais comme le fait tous ceux qui résident en nos murs et qui ne sont pas de naissance royale. »
Elle ne semblait plus aussi heureuse. Allait-être vivre en esclave ? Comment les Asgardiens traitaient-ils les serviteurs ?
“J'ai le travail idéal pour vous qui demande la plus grande discrétion et une loyauté à toute épreuve. Mais je suis certaine que vous y trouverez votre compte. Ce petit homme va avoir besoin d'une nourrice pour les années à venir, et le suivant également. Quelqu’un qui sera dans le secret. »
Il haussa la voix, proclamant à l'assemblée comme s'ils étaient des centaines et non seulement quatre.
« J'ordonne qu'à partir de ce jour, aucun de mes enfants ne devra sortir de leur chambre sans avoir la tête couverte et que personne à l'exception des gens présents dans cette pièce ne pourra entrer dans leurs appartements à moins que j'en décide autrement et seulement pour des occasions spéciales. Quiconque sera surpris à parler de tout cela à une personne de l'extérieur sera déclaré traitre envers Asgard et sera exécuté. »
Tous mirent le poing droit sur leur cœur et hochèrent la tête. Eva en les voyant faire s'exécuta à son tour, réfrénant le plus gros cri de joie du monde. Elle ne le connaitrait peut-être pas en tant qu'adulte, mais elle pourrait le voir grandir au moins durant quelques années. Et peut-être réussirait-elle, en restant cachée, à convaincre Odin de la laisser finir ses jours entre les murs du palais.
Odin poursuivit en parlant directement à Frigga.
“Prévenez votre famille pour être certain qu'il corrobore cette version des faits. Ne leur parlez cependant pas des origines de cet enfant.”
Frigga acquiesça et Odin se replaça face à la salle vide, puis clama haut et fort :
« Moi, Odin Borson, souverain d’Asgard, fils de Bor, père des royaumes et protecteur du Bifrost, proclame aujourd’hui la naissance de mon fils, Thor Odinson.
Né à Vanaheim, en ces temps d’ombres et d’incertitudes, il fut gardé à l’abri des regards jusqu’à ce que la paix revienne et que son nom puisse enfin être prononcé à la lumière.
Il est de notre sang, de notre lignée, de notre espoir.
Qu’il soit accueilli comme héritier du trône d’Asgard, et reconnu par tous comme le fils du roi et de la reine. »
Puis il ajouta, sur un ton un peu moins solennel :
« La présentation officielle de mon héritier aura lieu ce soir, lors du banquet célébrant notre victoire sur les Jotuns. Ce sera également un festin donné en son honneur. »
Lorsque la proclamation fut terminée, Odin fit signe à Frigga de se diriger vers son fils. Celle-ci avança vers Eva et tendit les bras pour le prendre.
Eva le lui remit avec un grand sourire. Un sourire qu’elle avait façonné de toutes pièces pour cacher ses émotions réelles.
Leurs regards se croisèrent.
Et dans celui de Frigga, Eva crut lire tout ce qu’elle n’osait dire.
Une reconnaissance silencieuse. Une promesse muette.
Ce n’était pas de la jalousie qu’elle ressentait. Plutôt un pincement doux-amer.
Elle le lui confiait, oui — mais pas sans y laisser une part d’elle-même.
Elle aurait aimé pouvoir être celle qui le verrait grandir jusqu’au bout. Celle qui l’accompagnerait pendant toutes les saisons de sa vie.
Elle aurait quelques années, oui. Quelques rires. Quelques nuits blanches. Mais elle savait déjà que ce ne serait jamais assez.
Elle n’était qu’un passage. Une main tendue entre deux mondes.
Et Frigga, elle, serait le foyer.
Frigga, son fils dans les bras, se dirigea vers son époux.
Jamais elle n’avait été aussi heureuse.
Elle le lui présenta, le cœur empli d’un amour qui ne demandait qu’à éclore.
“Bien que tous l'appelleront différemment pour quelque temps, je vous présente votre fils, le prince Loki Odinson. Aimez-le comme vous aimerez celui qui sera de votre sang, car les circonstances de sa naissance n'ont pas à être un poids pour ce petit être innocent.”
Odin posa la main droite sur le front de son fils et sa main gauche sur l'épaule de la reine les regardant tour à tour. Eva nota qu'il y avait davantage de tendresse dans son regard lorsque celui-ci se posa sur son épouse que lorsqu'il regardait le bébé. Bien que cela ne la surprit pas le moins du monde, elle en fut tout de même très triste pour ce dernier. Elle savait ce qui l'attendait et devrait le préparer à affronter tout cela malgré le peu de temps qu'elle aurait avant d'être envoyée à Vanaheim.
Lorsque cette présentation familiale fut terminée. Odin se tourna vers Heimdall, le regard lourd de sens.
« Ce que tu sais… tu ne le diras à personne. Pas même aux Nornes, si elles venaient te questionner. »
Heimdall resta silencieux. Son regard, pourtant, valait promesse.
Il n’avait pas vu le bébé naître.
Il ne l’avait pas vu du tout. Comme s’il n’existait qu’à moitié dans son regard.
Et pourtant… il était là. Et elle aussi.
Il n’avait pas besoin de sa vue pour sentir le fil qui les liait.
Un fil encore inexplicable mais digne d’être protégé.
Le roi poursuivit :
« Thor naîtra dans quelques mois. Quand ce jour viendra, ce sera son nom, et non celui de l’aîné, que le peuple célébrera. »
Il se tourna ensuite vers Frigga, qui tenait toujours le poupon dans ses bras.
« Celui-ci grandira dans l’ombre. Comme le cadet. Officiellement. »
Puis il fit venir Styr à lui et ils s’éloignèrent tous les deux.
Frigga et Heimdall échangèrent un regard discret alors qu’Odin donnait ses instructions au soldat et qu’Eva attendait patiemment la suite.
La reine baissa légèrement la voix.
« Il a changé d’avis… sans que je dise un mot. »
Heimdall ne la regarda pas. Il fixait toujours la jeune femme, assise en silence, le regard perdu.
« Il vous écoute. Même quand vous vous taisez. »
Frigga esquissa un léger sourire.
Elle reporta son attention sur le bébé qu’elle tenait encore.
« Espérons qu’il écoute aussi son cœur… quand viendra le temps de l’aimer. »
À la fin de son entretien avec le roi, Styr revint vers la jeune femme et sans lui dire un mot, lui fit signe de le suivre.
Elle suivit Styr en silence, tentant de retenir ses larmes.
Loki allait vivre. Être aimé. Grandir. Et elle serait là, pour un temps. Mais ce serait bref. Trop bref. Sa fragilité humaine finirait par la trahir, elle aussi.
Elle n’osa pas poser les yeux sur lui une dernière fois. Ce n’était pas ce départ qui lui brisait le cœur. C’était l’autre. Celui qu’elle pressentait déjà et qui serait inévitable.
Elle n’était qu’une fille de Midgard, tombée dans un monde qui n’était pas le sien.
Elle n’était pas une guerrière.
Elle n’était pas une reine.
Mais elle serait là, pour lui. Pour veiller. Pour aimer. Pour protéger. Jusqu’à ce que le destin décide autrement.
Et peut-être même un peu plus longtemps, si elle s’accrochait assez fort…
Notes:
Merci d’avoir lu ce chapitre !
Le secret est désormais scellé. Loki a un nom, un foyer… et une nourrice.
Mais même derrière les plus belles dorures, certaines vérités ne dorment jamais vraiment.
Le prochain chapitre nous plongera dans les premières heures d’une vie à trois : elle, lui… et Asgard entre les deux.
N’hésitez pas à laisser un commentaire si le chapitre vous a plu — j’aimerais beaucoup vous lire.
Chapter 6: Nourrice ou Demoiselle ?
Summary:
Le Tout-Puissant a parlé. Loki est désormais présenté comme son héritier légitime… enfin, non. Ce sera Thor. Mais comme personne ne doit savoir que Loki existe, il faudra bien faire semblant un moment.
Quant à Eva, elle a reçu une place auprès de lui bien plus grande — et bien plus visible — que ce qu’elle aurait cru.
Mais entre les dorures du palais, les robes cousues d’apparences et les jeux de rôle asgardiens… comment se retrouver, quand tout le monde vous regarde comme quelqu’un que vous n’êtes pas encore ?
Et surtout, comment enfiler une robe royale quand on n’a jamais vu ça que dans des films… et qu’on croyait que le corsage allait devant ?
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
Eva suivit Styr à travers un grand nombre de couloirs et lorsqu'il ouvrit une porte, elle réalisa que ce n'était pas la chambre qu'on lui avait attribuée la veille.
« Où sommes-nous ? » demanda-t-elle.
« Ce sont vos nouveaux quartiers Demoiselle Eva. Ou plutôt ceux du nouveau prince. Veuillez me suivre, je vous prie. »
Elle le suivit à l'intérieur. Il est vrai que l’endroit où elle avait dormi la veille n'était pas très adapté pour la vie avec un nouveau-né et Odin avait bien dit qu'elle devrait rester avec Loki.
À l'intérieur, elle tourna lentement sur elle-même et admira la pièce dans laquelle elle se trouvait. Les murs étaient recouverts de bois massif et d'immenses tapisseries représentant de jeunes enfants recouvrent une partie des murs de gauche et de droite. Trois portes donnaient sur cette première pièce dont deux se trouvaient sur le mur du fond, et la dernière sur le mur de gauche.
Styr la laissa regarder autour d'elle quelques instants avant de prendre la parole.
« Il s'agit de la nurserie. Vous y passerez le plus clair de votre temps, surtout que le jeune prince devra y rester en tout temps jusqu'à ce que le second prince puisse reprendre sa place. » Eva acquiesça et Styr poursuivit. « Quelqu’un vous sera attribué pour pourvoir à vos besoins. N'hésitez pas à lui demander ce dont vous avez besoin pour vous autant que pour le jeune Prince. Vous ne devrez cependant jamais lui mentionner vos origines à tous les deux. »
Il se dirigea ensuite vers la porte de gauche et ouvrit la porte.
« Vous avez une salle d'eau ici. La femme de chambre viendra vous demander ce dont vous avez besoin pour votre hygiène personnelle et apportera tout le nécessaire pour le bébé. »
La porte suivante donnait sur une vaste pièce dans lequel se trouvait un lit de bébé en bois travaillé magnifiquement, une commode, des étagères ainsi qu'un fauteuil berçant. Eva y entra et observa ce qui l’entourait en écoutant d’une oreille un peu distraite ce qu’on lui expliquait à propos de cette pièce
« Ce sera la chambre du prince. Elle est plutôt vide pour l'instant, mais vous aurez l'occasion de discuter avec la reine au sujet de la décoration. Elle aura le dernier choix, mais comme vous serez celle qui vivra entre ces murs, vos propositions seront prises en compte. »
Elle acquiesça par politesse lorsqu’il eut terminé, mais ses pensées étaient bien loin de la décoration de cette pièce. Elles étaient maintenant plutôt étourdissantes à dire vrai…
Eva ne s’était jamais réellement occupée d’un nouveau-né. Elle avait bien gardé quelques enfants par moment, mais jamais aussi jeunes et jamais avec autant de responsabilités. Une nourrice, c’était presque une mère pour les familles nobles dans les histoires qu’elle lisait parfois. Elle ne s’attendait pas à ce qu’une femme comme Frigga délaisse ses responsabilités parentales en tenant pour acquis qu’une nourrice allait élever ses enfants, mais elle était reine et avait assez de responsabilités pour qu’Eva ait l’impression qu’elle allait devoir apprendre très rapidement comment gérer un bébé en crise et changer des couches…
Styr la sortit du tourbillon de ses pensées en toussant pour ensuite lui faire signe de la suivre, ce qu’elle fit immédiatement. Il la mena vers la porte suivante qu'il ouvrit à son tour. « Et voici vos quartiers. »
Eva y pénétra et admira la pièce. Celle-ci n'était pas plus grande que sa chambre à la maison, mais une grande fenêtre couvrait pratiquement la totalité du mur du fond et la vue y était superbe. De ses nouveaux quartiers, elle pouvait admirer en contrebas un immense jardin où des fleurs de toutes les couleurs poussaient. D'immenses arbres offraient de l'ombre à d'éventuels promeneurs qui voudraient se reposer et un plan d'eau offrait un bain naturel à la dizaine d'oiseaux qui s'y reposaient. Elle espérait pouvoir un jour arpenter ces sentiers en compagnie des jeunes princes.
Elle se détourna de la fenêtre et se dirigea vers le lit. À tâtons, elle réalisa que le matelas était juste assez ferme pour elle. Les draps étaient faits dans un tissu qui ressemblait à la soie et les oreillers semblaient être remplis de plume. Elle y dormirait merveilleusement bien.
Styr reprit son discourt. « Vous pourrez décorer cette pièce à votre goût. Une garde-robe complète vous sera fournie et, encore une fois, n'hésitez pas à demander si vous avez besoin de quelque chose. »
« C'est noté », lui répondit aussitôt Eva.
« Une véritable nourrice sera bien entendu attitrée au prince pour son alimentation. Elle occupera la pièce voisine à la nurserie et ne sera appelée que lorsque les princes devront être nourris. Nous nous renseignerons très rapidement sur les habitudes alimentaires des bébés jotuns pour être certains qu'il ne manquera de rien. »
On cogna soudainement à la porte et Eva alla ouvrir. Quelle ne fut pas sa surprise en découvrant Inga, la jeune servante qui lui avait apporté son déjeuner le matin même!
« Rebonjour Mademoiselle, la reine vient de m’attitrer comme femme de chambre à la nurserie. Puis-je entrer, je vous prie ? »
Eva se tassa pour la laisser entrer. Elle avait bien apprécié la jeune femme durant leur première rencontre et était contente de garder un contact avec une personne qu’elle connaissait au moins un peu.
Peu de temps après, la reine arriva avec le nouveau prince dans ses bras. Il avait été changé et vêtu de vêtement beaucoup plus luxueux.
Eva et Frigga passèrent le reste de la matinée à prendre les mesures nécessaires pour que la nurserie ne manque de rien. Juste avant le dîner, la couturière privée de Frigga arriva pour prendre les mesures d'Eva afin de lui confectionner une garde-robe complète.
Pendant que la couturière s’occupait de la jeune fille, la reine berçait doucement son fils adoptif. L’interaction entre les deux était très touchante pour Eva. Cet enfant serait aimé, elle en avait maintenant la certitude.
Lorsque les mesures furent prises, Frigga demeura un peu avec la nouvelle nourrice. Elles discutèrent de la vie sur Asgard, du déroulement des journées de la reine, du nouveau rôle qu’Eva aurait à prendre auprès du prince.
Selon les dires de la reine, être nourrice royale était un poste très en vue. Elle ferait des jalouses parmi les nourrices asgardiennes, mais comme on la ferait passer pour la fille d'un des propres cousins de Frigga, personne ne poserait trop de questions sur sa soudaine arrivée.
Frigga quitta par la suite, laissant Eva et Loki seuls dans leurs nouveaux appartements pour qu’ils s’y installent.
À un moment, Eva se retrouva seule dans cette nouvelle chambre qu’on lui avait attribuée pendant que Loki dormait tranquillement dans son berceau. Complètement seule… ses pensées se mirent à tourbillonner à nouveau et elle eut un petit moment de panique à l’idée qu’elle ne devrait pas du tout se retrouver là… Elle avait été sur un petit nuage depuis son arrivée sur Asgard. C’était comme un rêve qui se réalisait, mais elle venait tout juste de réaliser qu’elle devrait être chez elle, sur terre, avec ses parents, ses amis… Elle n’avait aucun moyen de leur dire qu’elle allait bien et ils allaient passer toutes leurs vies à se demander ce qui lui était arrivé et à la chercher. Et elle… elle était là à espérer demeurer auprès de Loki le plus longtemps possible. Elle se trouvait tellement égoïste de ne pas avoir pensé à sa famille plus tôt. Mais que pouvait-elle y faire? (une autre question à ajouter à la liste de questions sans réponse qui s’allongeait de plus en plus)
Lorsqu’elle finit par se calmer, elle réalisa qu’effectivement elle n’avait aucune emprise sur cette situation et que ça lui gâcherait cette nouvelle vie qu’on lui avait offerte si elle ne s’arrêtait qu’à ça. Ouvrant la double porte-fenêtre donnant sur le balcon extérieur, elle prit une grande respiration et décida d’envoyer une prière à l’univers, lui demandant d’apaiser la peine de ses parents et amis. Elle ferma ensuite les yeux, priant à nouveau pour que ce poids ne pèse rapidement plus sur elle puis retourna à ses occupations en attendant que la femme ait terminé de nourrir le prince.
Lorsque vint le temps du repas de mi-journée, la reine envoya un serviteur pour inviter la jeune femme à ses appartements. C'est ainsi qu'elles s'étaient toutes deux retrouvées assises dans le boudoir de la reine à déguster des plats raffinés et à discuter de la vie au palais, de l'étiquette à suivre dans certaines situations.
Eva réalisa qu'elle aurait beaucoup à apprendre tout en s'occupant d'un nouveau-né. Heureusement pour elle, le jeune prince était plus docile bébé qu'il le serait en grandissant. Il s’était à peine réveillé pendant plus de quelques minutes et le biberon qu’on lui avait offert le matin avait l’air de l’avoir nourri suffisamment pour plusieurs heures.
Un horaire fut établi pour les prochaines semaines. Il fut décidé qu'Eva passerait beaucoup de temps avec la reine dans les premiers temps afin qu'elle apprenne tout ce dont elle aurait besoin pour passer pour une femme du Vanaheim. Avant cela, il lui serait difficile d'avoir des contacts soutenus avec quiconque sans soulever les soupçons quant à ses origines. Ensuite, elle pourrait apprendre les us et coutumes asgardiennes avec une préceptrice.
Il était prévu qu'en 6 mois elle pourrait presque prétendre avoir toujours vécu parmi eux.
Au cours de ce repas, Eva se rendit compte à quel point la reine était bonne. Elle comprenait bien pourquoi Loki l'aimerait autant et Frigga s'attacha beaucoup à cette jeune femme qui fonçait dans cette nouvelle vie sans avoir l'impression d'être effrayée. Certains se seraient effondrés, mais pas elle. Elle était même triste de ne pas pouvoir vivre entièrement cette nouvelle vie.
À plusieurs reprises durant leur rencontre, la reine avait ressenti la magie entourant Eva. Ce bouclier l'intriguait énormément, mais comme la jeune femme ne semblait pas consciente de sa présence, elle décida d'attendre de mieux la connaître avant d'aborder le sujet.
À la fin du repas, la reine promit à Eva qu'elle allait l'aider à se préparer pour le banquet du soir et les deux femmes se séparèrent, heureuses de s'être fait une nouvelle amie.
Durant les 2 heures qu'avait duré leur entretien, le poupon était resté endormi et s'était promené de l'une à l'autre sans se réveiller. Lorsqu'Eva le déposa dans son landau, celui-ci se réveilla enfin et montra des signes d'appétit. Eva demanda donc à Styr d'aller quérir la nourrice pendant qu’elle lui couvrait la tête selon les directives d’Odin. Lorsque la nourrice arriva, Eva lui remit le jeune prince et s’affaira à placer les différents objets qui avaient été amenés dans la nurserie durant son absence.
Elle terminait de tout placer lorsque Styr frappa à nouveau et fit entrer la reine suivie d'Inga qui portait une robe.
« Je vous ai fait préparer une tenue pour ce soir en urgence très chère. J'ai réalisé que vous semblez affectionner particulièrement ce vert émeraude et comme cette couleur vous va à merveille, j'ai demandé que votre garde-robe soit surtout composée de teintes de vert. »
À ces mots, Eva éclata de rire sans pouvoir se retenir. Puis, sous le regard interrogateur de la reine, elle décida de s'expliquer.
« Sans le savoir, vous venez de me faire le plus beau des cadeaux. Vous venez de me confirmer que ce jeune homme se souviendra peut-être de moi une fois adulte… Cette teinte particulière de vert sera sa couleur à lui et c'est avec un grand honneur que je vais la porter. »
La reine lui fit un grand sourire puis se retira après avoir donné quelques instructions à Styr et Inga afin qu'Eva soit fin prête pour le banquet du soir.
La jeune fille prit une brosse dans la salle de bain et entreprit de démêler ses cheveux bouclés pendant qu’Inga lui préparait un bain chaud, chantonnant un air inconnu sur Terre. Lorsque le bain fut prêt, elle passa de longues minutes à se détendre avant de se laver. Elle ne se souvenait plus depuis combien de jours elle n’avait pas pris de douche.
Si elle avait su qu’être nourrice impliquait des bains parfumés et du linge plus soyeux que sa literie d’enfance, elle aurait peut-être révisé sa vocation plus tôt.
Une fois sortie, elle enfila un peignoir et s’installa sur un siège bas, placé devant un miroir ovale encastré au mur. Sans un mot, la femme de chambre se plaça derrière elle et entama le séchage de ses cheveux, absorbée par la tâche avec une précision presque militaire.
Eva la laissa faire, étonnée par la fermeté douce de ses gestes… et par le fait que, pour une fois, elle n'avait pas à s'excuser d’être là.
En débarquant sur Jotunheim, elle n’aurait pas parié sur un futur où une servante lui sécherait les cheveux dans un palais doré… trois jours plus tard.
Les mèches blondes et légèrement ondulées furent doucement rassemblées à l’arrière, en une demi-couette simple et élégante. Entre les mains d’Inga, ses cheveux semblaient avoir signé un traité de paix. Elle se demanda combien d’officiers supérieurs cette jeune femme avait dû coiffer pour être aussi efficace.
Inga termina en fixant une petite broche de métal doré, ornée d’un motif discret rappelant la bordure de la robe.
« C’est celle-ci qui allait le mieux avec le vert et les reflets dorés. Je l’ai choisie plus tôt, au cas où. » Dit-elle, sans chercher de compliments.
Eva la remercia chaleureusement puis se dirigea vers l’endroit où on avait suspendu la robe. La femme de chambre eut l’air un peu déstabilisée pendant un bref instant, mais se reprit rapidement et lui fit un grand sourire. Elle n’était pas habituée à recevoir des remerciements pour des tâches aussi banales.
Lorsqu’Inga la rejoignit, Eva observait la robe suspendue devant elle comme si elle craignait qu’elle morde.
C’était une pièce typique de la noblesse asgardienne : longue et fluide, coupée dans un tissu satiné du vert qu’elle aimait tant, avec des manches fendues laissant entrevoir une doublure brodée de motifs célestes. Une ceinture rigide ornée de pierres pâles complétait l’ensemble, ainsi qu’un col haut, travaillé comme une armure, mais souple au toucher. Elle n’avait jamais rien porté d’aussi élaboré…
Elle avait vu des robes de princesse dans les films, mais celle-ci ressemblait à une armure diplomatique conçue pour impressionner un dieu. Et elle, censée enfiler ça ? Elle ne savait même pas par où commencer…
Inga, elle, ne montrait aucun doute.
En quelques gestes précis, elle décrocha la robe, l’ouvrit, et aida Eva à l’enfiler, comme si elle l’avait fait mille fois.
« Redressez les épaules, mademoiselle. Voilà. Non… pas comme ça. Comme une femme qu’on va présenter à un roi. »
Eva obéit, les joues un peu rouges, se demandant si une simple nourrice devait vraiment ressembler à ça.
Elle tenta de remonter seule une manche qui glissait… et échoua.
« Laissez-moi faire. Si vous touchez à ça, on va devoir tout recommencer », souffla Inga sans animosité, en rattrapant la manche d’un geste net.
Lorsqu’elle fut enfin habillée, la jeune femme de chambre la dirigea vers le miroir plein pied qui était placé dans un coin de la chambre.
Eva leva les yeux vers son reflet, surprise de se reconnaître si peu.
Elle ne voyait pas une reine, ni une servante, ni même la fille qu’elle avait toujours été… juste quelqu’un entre deux mondes, habillée pour un rôle qu’elle n’avait jamais appris à tenir.
Elle inspira discrètement, comme si cela pouvait l’aider à tenir le costume.
Un léger coup frappé à la porte interrompit le silence.
Styr l’attendait dans le corridor. Il avait retiré son armure de garde et était maintenant vêtu de sa tenue d’apparat. Il hocha la tête en signe de respect, mais son regard s’attarda un instant sur Eva — et dans ce regard, elle crut lire quelque chose entre la surprise et la fierté silencieuse.
Inga réajusta un pli sur la robe, lui murmura un mot d’encouragement, puis se retira pour nettoyer la chambre.
« Me permettez-vous d’être votre cavalier ce soir? Vous vous ferez ainsi moins accoster, ce qui sera à votre avantage tant que vous n’aurez pas appris tout ce dont vous aurez besoin pour passer pour une cousine de la reine. »
« Ce sera avec un grand plaisir monsi… »
Eva fronça les sourcils et hésita une seconde avant de se reprendre.
« Comment dois-je m’adresser à vous ? »
« Mon nom complet n’impressionnera personne… sauf peut-être mon père. Officiellement, je suis le capitaine Styr Svenison. Mais entre nous, je préfère simplement Styr. Si quelqu’un vous reprend, dites que c’est moi qui vous l’ai demandé... et puis j’aspire à être votre cavalier ce soir, pas votre supérieur. »
Eva reprit alors un sourire en coin :
« J’accepte donc que vous soyez mon cavalier capitaine », lui dit-elle avec un clin d’œil, impliquant qu’elle acceptait aussi l’idée de l’appeler par son prénom.
Styr lui tendit le bras en hochant légèrement la tête — un hochement à mi-chemin entre un remerciement et une révérence cérémonielle. Ce geste, elle l’avait vu dans des dizaines de films d’époque… mais jamais il n’avait été dirigé vers elle.
Elle nota aussi le sourire en coin qui trahissait qu’il avait saisi sa blague, et l’étincelle espiègle au fond de ses yeux bleus.
Elle accepta son bras, et il la guida vers la grande salle.
Styr la regardait du coin de l’œil. Elle était éblouissante, et il cherchait encore les mots pour le lui dire. Il ne serait pas un garde ce soir — et il en était très heureux, maintenant qu’elle était à son bras.
Il laissa passer quelques pas en silence, puis se pencha légèrement vers elle, comme pour lui confier une vérité discrète.
« Si le protocole le permettait, j’aurais dit que vous êtes la plus belle chose qu’Asgard ait accueillie ce soir. »
Et il fut récompensé par quelque chose d’encore plus beau… le rouge montant aux joues de la jeune fille à son bras, qui hochait discrètement la tête pour le remercier, ne sachant clairement pas comment le faire avec cette voix qui venait de s’enfuir.
Le contact rassurant du bras de Styr l’accompagnait encore lorsque les lourdes portes dorées s’ouvrirent devant eux.
Elle n’eut pas le temps de retrouver sa voix que déjà, l’intimité du corridor faisait place à l’éclat solennel de la salle du banquet.
Lorsqu’elle fit son entrée dans la salle du banquet, Eva fut saisie par la foule élégante qui s’y trouvait.
Des conversations feutrées résonnaient entre les piliers dorés… mais lorsqu’elle franchit le seuil, un léger silence se fit, comme si même les voix n’osaient troubler son passage.
Des dizaines de regards s’étaient tournés vers elle, attirés malgré eux par l’éclat de la robe, la coiffure soignée, et peut-être aussi par l’inconnu qu’elle représentait.
Ce n’était pas censé se passer ainsi — elle était là pour passer inaperçue. Mais rien, dans sa tenue choisie par la reine, ne criait “nourrice”.
Heureusement, Frigga l’avait prévenue : aux yeux des convives, elle était désormais une de ses parentes du Vanaheim. Une cousine éloignée, issue d’une lignée discrète mais respectable — suffisamment pour justifier sa présence sans attirer trop de curiosité.
Ainsi, malgré son statut d'employée du palais, elle était entrée dans la salle de banquet par la grande porte et elle avait été présentée comme Demoiselle Eva du Vanaheim. Avec cette tenue, les mèches bleutées dans ses cheveux blonds et au bras du capitaine de la garde rapprochée d’Odin, tous les yeux étaient maintenant braqués sur elle.
Elle se concentra soudainement sur la chaleur du bras qui la retenait pour éviter qu’un autre tourbillon ne s’empare de ses pensées et ne mène à une crise de panique. Cela lui permit de se recentrer sur autre chose que les regards posés sur elle.
L’air était saturé d’un parfum de fleurs exotiques et d’épices sucrées. Une harpe et un violon à cordes de cristal jouaient en sourdine près de l’estrade, ajoutant une note élégante et irréelle à l’atmosphère.
Elle se laissa guider et ils traversèrent la salle en direction de la table du Tout-Puissant où ils s'étaient inclinés avant de rejoindre une plus petite table située un peu plus loin. La présence du jeune homme à ses côtés était rassurante. Il savait qui elle était, et sa simple présence suffisait à la rassurer. Grâce à lui, elle aurait peut-être une chance de survivre à cette soirée… malgré tout ce qu’elle ignorait encore.
Lorsque tous les convives furent installés, le roi fit signe à deux gardes qui allèrent se poster de chaque côté de la grande porte puis se leva afin de prendre la parole. Tous se turent immédiatement afin d'entendre l'annonce du roi.
« J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous nos invités. Voilà longtemps que je n'avais pas eu le plaisir de voir cette salle pleine et de voir autant de sourire réuni en un même endroit. »
Tous s'exclamèrent avec grande joie.
« Si nous sommes réunis en cette merveilleuse nuit étoilée, c'est pour célébrer notre victoire contre le Jotunheim, mais surtout, surtout pour vous présenter quelqu'un de très important pour moi et pour ce royaume. »
Il fit signe aux gardes qui ouvrirent immédiatement les portes. Derrière celle-ci se tenait la reine, toute de blanc vêtue, qui portait le jeune prince. Celui-ci était vêtu de rouge et d'or, couleurs qui deviendraient plus tard celles de Thor. Elle avança avec grâce le long de l'allée centrale.
« En ce jour béni, moi, Odin, souverain d’Asgard, proclame l’arrivée de mon fils.
Qu’il soit connu sous le nom de Thor Odinson, et reconnu par notre peuple comme héritier légitime du trône d’Asgard.
Qu’il grandisse dans la force, la justice et la sagesse.
Et que son nom, comme celui de nos ancêtres, traverse les siècles. »
La reine poursuivit son avancée sous un tonnerre d'applaudissements alors qu'Eva se demandait si officiellement, malgré la tromperie au niveau du nom, cette annonce n'impliquait pas que, devant les forces cosmiques, Loki venait d'être proclamé comme étant l'héritier d'Odin… Elle mit cependant cette pensée de côté pour admirer la reine qui s'était arrêtée devant son époux et lui avait tendu le nouveau-né.
Odin prit son fils adoptif et le leva bien haut dans les airs afin que chacun puisse le voir. Eva remarqua que tel qu'il l'avait ordonné, le prince avait la tête couverte d'un petit bonnet afin de cacher les quelques cheveux noirs qui poussaient déjà sur sa jeune tête.
Aux côtés de son époux, Frigga restait droite, le regard posé sur l’assemblée, comme si chaque respiration autour d’elle pouvait révéler un doute. Mais elle tenait son rôle, souveraine jusqu’au bout des doigts.
Dès que le roi remit le nouveau-né à la reine, une armée de serviteurs s'affaira à servir le repas des convives et la fête commença.
La nourriture et l'alcool ne manqueraient pas avant la fin de la nuit et Eva s'amusa à observer cette nouvelle culture.
Tout autour d’elle, les conversations étaient à mi-chemin entre le poème et la joute oratoire. Elle ne comprenait pas tout — quelques mots anciens lui échappaient — mais chaque rire semblait pesé, chaque silence calculé.
Les convives étaient très différents les uns des autres, certains étaient très extravertis et riaient à gorge déployée en levant leurs gobelets et d'autres étaient sophistiqués et parlaient d’un ton feutré. Aussi différents que le seraient Volstagg et Fandral dans plusieurs centaines d'années.
Des reflets d’or et de nacre miroitaient sur les tuniques et les robes, créant une marée mouvante de noblesse. Les bougies suspendues dans les airs vibraient légèrement comme si elles respiraient au rythme de la salle.
Des musiciens placés en hauteur sur une estrade jouaient certains instruments qu’elle ne connaissait pas : de longues harpes incurvées, des flûtes sculptées dans des cristaux bleus. Les notes vibraient comme des murmures enchantés au-dessus de la foule.
L’odeur des viandes rôties, des sauces parfumées et des fruits exotiques lui donnait presque le vertige. Même les mets qu’elle reconnaissait — pain, fromage, vin — semblaient avoir été réinventés par une civilisation céleste.
Plusieurs hommes virent l'inviter à danser, mais Styr l'aida à s'en sortir à chaque fois. Elle aurait bien aimé danser, mais comme il le lui avait fait réaliser, elle ne connaissait aucune danse asgardienne ni même celle du Vanaheim encore et cela la trahirait dès sa première sortie publique. Elle avait acquiescé et il avait promis de lui apprendre ces danses afin qu'elle puisse mieux s'intégrer.
Bien que la fête durât jusqu'aux petites heures du matin, Eva s'éclipsa en même temps que la reine afin de mettre Loki au lit.
Styr l'observa s’éloigner sans un mot. Ce n’était pas son enfant. Ce n’était pas sa reine. Mais il savait déjà qu'il les protégerait tous les deux au prix de sa vie s’il le fallait.
Il resta là, debout, en retrait dans la lumière des chandelles, le regard fixé sur la porte qui s'était refermée sur eux... Cavalier d’un soir, protecteur sans couronne, serait-ce suffisant ?
Notes:
Merci d’avoir lu ce chapitre !
Entre broches dorées, faux-semblants et maladresses bien humaines, Eva commence à se faire une place… ou du moins, à occuper celle qu’on lui a désignée.
Mais une place dans la nurserie n’est pas encore une vie — et le rôle qu’on lui a cousu sur mesure ne s’apprend pas en une soirée.
Le prochain chapitre marquera le début de son quotidien asgardien… et de tout ce que cela implique, entre instincts maternels et attentes royales.
Merci à ceux qui m'ont écrit ou m’ont envoyé des kudos, j’écris surtout pour moi mais savoir que ma première fanfic est lu, ça fait vraiment plaisir.
Un petit commentaire, même tout simple, est toujours un plaisir à lire !
Chapter 7: Un battement d'éternité
Summary:
Le banquet est terminé, les rideaux sont tirés, mais la pièce ne fait que commencer.
Asgard respire à son propre rythme — plus lent, plus vaste — et le temps, ici, ne s’écoule pas comme ailleurs.
Pour Eva, les jours deviennent des leçons, les mois tissent des liens… et les regards se posent.
Heimdall l’observe, Frigga l’accompagne, Styr l’apprivoise.
Et au cœur de tout cela, un nourrisson grandit à peine… presque invisible aux yeux de ceux qui voient tout.
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
Asgard ne dormait jamais vraiment.
Même à l’aube, quand les corridors dorés semblaient désertés et que le silence pesait comme un manteau de brume, certains veillaient encore.
Au sommet de la tour du Bifrost, Heimdall, lui, ne dormait jamais.
Pendant plusieurs semaines il avait cru que l’étrangeté venait d’elle.
Lorsqu’elle était arrivée avec l’enfant, il s’était mis à scruter la midgardienne. Une silhouette imprévisible, que ses yeux pourtant infaillibles avaient du mal à saisir. Une zone d’ombre dans un palais de certitudes.
Mais voilà… les semaines avaient passé. Eva s’éloignait parfois de l’enfant, ne serait-ce qu’un instant. Et Heimdall pouvait à nouveau la voir. Entièrement.
Alors il avait tenté de porter son regard sur le nourrisson lui-même. Une simple vérification. Un réflexe.
Rien.
Pas une ombre, pas une trace. Comme s’il n’avait jamais été là.
Ce n’était pas Eva qui échappait à son regard.
C’était lui.
Mais l’étrangeté ne s’arrêtait pas là…
Quand il était avec sa mère adoptive, il pouvait la voir qui tenait un paquet invisible à son regard. L’image était étrange mais elle était bien réelle. Lorsque le jeune prince était dans les bras ou à proximité d’Eva cependant… rien… le néant… Elle redevenait invisible à son pouvoir.
Heimdall resserra les doigts sur le pommeau de Hofund. Elle venait de disparaitre à nouveau…
Il n’avait pas peur. Pas encore. Mais une faille dans sa vision… cela n’était jamais arrivé. Et cela changeait tout.
Comment veiller sur l’avenir du royaume… si l’on ne peut même pas en voir certains contours ?
Alors que le regard d’Heimdall avait fini par se tourner sur le reste de l’univers (c’est grand l’univers…), dans les quartiers royaux, à plusieurs ponts de là, une autre veilleuse se tenait debout depuis l’aube, un nourrisson dans les bras, réfléchissant au temps écoulé depuis son arrivé dans ce monde des merveilles.
Elle avait appris rapidement à faire la conversion entre le temps passer sur Asgard et l’horloge biologique humaine sont elle avait hérité à la naissance. Ça aurait été trop simple qu’une journée asgardienne dure 24 heures et qu’une année correspondent à 365 jours… mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliquer ?
Selon son calcul, elle était sur Asgard depuis environ 7 mois. La ‘seconde’ grossesse de la reine commençait à paraitre et le royaume avait crier au miracle lorsqu’Odin avait annoncé la venue de son second enfant.
Durant les mois qui avaient suivi son arrivée à Asgard, Eva avait occupé chaque minute libre de ses journées à l'apprentissage des us et coutumes vanes et asgardiennes. Elle avait été très heureuse de réaliser à quel point elle arrivait à retenir d’information en une seule journée. Elle ne se souvenait pas avoir été une aussi bonne élève à l’école sur terre.
Sa deuxième joie avait été d’apprendre que Styr faisait partie des précepteurs que la reine avant engagé pour elle.
Au fil des leçons, une forme d’amitié s’était tissée. Discrète, mais solide.
Il y avait chez lui une patience qu’elle n’avait pas connue chez beaucoup d’hommes — et chez elle, une curiosité qui dépassait celle d’un élève modèle.
Ils se taquinaient parfois, comme deux complices partageant un secret ancien.
Rien de plus, pas encore — mais dans un monde où tout était codifié, leur familiarité, elle, grandissait sans permission.
Du côté d’Eva, parce qu’elle n’en était pas encore à ce chapitre de sa formation et du côté de Styr… parce que, pour la première fois dans sa vie, il n’avait simplement pas envie de suivre les convenances qu’il était en train de lui enseigner.
Un après-midi, ils prenaient le thé ensemble après une leçon. Styr avait apporté quelques pâtisseries typiques de la garnison et ils s’étaient installés dans une alcôve discrète, non loin de la salle d’étude.
« Vous savez que vous faites beaucoup parler à la cour ? »
Eva leva les yeux, un sourcil levé.
« Encore à cause de mes cheveux ? »
Il eut un sourire.
« Non… à cause de votre position. Vous n’êtes ni servante ni dame, mais vous dînez avec la reine et élevez son fils. Alors forcément… certains s’interrogent sur vos origines. »
« Ah. Ils croient que je suis une parente secrète ? »
« Disons… un lien oublié dans un arbre généalogique bien garni. »
Elle eut un petit rire, mais son regard se perdit un instant.
« Qu’ils parient... Ils ne trouveront jamais la vérité. »
Styr la dévisagea un moment et Eva réalisa qu’il était en train d’hésiter à ajouter quelque chose.
« Et… ils disent quoi d’autre sur moi? » finit-elle par lui demander.
Il hésitait bel et bien… et elle était sur le point de reposer la question quand il finit par ajouter, plus bas :
« Et puis… il y en a des dames qui n’aiment pas que vous passiez autant de temps avec le capitaine de la garde… »
Elle haussa un sourcil, un peu amusée.
« Et vous, vous trouvez cela dérangeant ? »
Il sourit, gêné d’avoir abordé le sujet, mais ne répondit pas.
« Laissez-les parler, conclut-elle. Ils ont besoin de quelque chose à chuchoter pendant les banquets. »
Initialement, seuls la reine, Styr et Inga étaient autorisés à avoir un contact jusqu'à ce que le roi la juge prête. Même la femme qui passait nourrir le jeune prince plusieurs fois par jour n'avait eu que très peu de contact avec elle.
Après 6 mois, elle avait enfin été autorisée à quitter la nurserie sans escorte et à déambuler dans certaines ailes du château et dans les jardins. Elle y promenait souvent le jeune prince afin de lui faire prendre un peu d'air frais.
L’un des petits plaisirs d’Eva était de faire le tour des jardins à pas lents, Loki contre elle, comme si chaque pas ralentissait un peu le temps.
Le jardin accueillait des plantes issues des Neuf Royaumes — certaines d’une beauté si étrange qu’elles semblaient surgir d’un rêve. Entre les feuillages aux reflets métalliques et les fleurs qui vibraient légèrement à la brise, elle apercevait parfois un brin de lavande ou une tige de romarin, soigneusement étiquetée originaires de Midgard.
Mais même ces plantes-là paraissaient plus grandes, plus vivantes, comme si elles s’étaient adaptées à l’atmosphère asgardienne en devenant presque… autre chose.
Elle se penchait parfois pour respirer leur parfum familier. Cela ramenait à la surface des souvenirs flous : un jardin communautaire derrière l’école, les doigts de sa mère qui effleuraient les plants, les petites fioles d’huile essentielle qu’on utilisait pour se calmer…
Ce n’était pas tout à fait le mal du pays. Plutôt une piqûre douce, comme une mémoire sensorielle qu’on croyait perdue et qui refaisait surface, juste assez forte pour rappeler ce qu’elle avait laissé derrière.
Mais entre les classes et les moments de détente, il y avait le quotidien… un autre apprentissage, celui de s’occuper d’un bébé. Qu’ils soient jotuns, asgardiens ou terriens, les bébés avaient tous les mêmes besoins et des réactions semblables et elle devait apprendre à les reconnaître et à les gérer.
S’il y avait une chose à laquelle elle ne s’était pas attendue, c’était à devoir changer une couche asgardienne en robe de soie brodée.
Il n’y avait pas de tutoriel pour ça. Pas de notice officielle. Et surtout, pas d’Inga quand l’accident survenait au pire moment.
Elle s’était promis d’en parler à Frigga. Pas pour s’en plaindre. Juste pour proposer que la garde-robe des nourrices tienne compte des risques… explosifs.
Il y avait eu un matin, dans les appartements royaux, un incident qui lui restait en mémoire.
Frigga avait voulu confier le bébé à une nourrice plus expérimentée, “juste pour essayer”. Mais Loki n’avait pas coopéré. Il s’était mis à pleurer si fort que même les murs avaient semblé trembler.
Eva, alertée par les cris, n’avait eu qu’à passer la porte pour le faire taire. À sa simple voix, il s’était retourné — et s’était apaisé dans la seconde.
Frigga avait croisé son regard et n’avait rien dit. Mais il n’y avait rien à ajouter. Le jeune midgardienne n’était peut-être pas la plus qualifiée, mais elle était celle qu’il avait choisie.
Eva était souvent invitée à diner avec la reine, parfois dans ses appartements et d'autres fois dans le jardin privé de celle-ci.
Un après-midi en particulier, baigné de lumière dorée, Frigga l’avait conviée à un pique-nique dans son jardin privé. Une immense couverture avait été étendue sous les branches, et les deux femmes profitaient de la chaleur du jour autant que de la tranquillité du lieu.
Comme toujours, elles discutèrent de tout et de rien durant le repas. Lorsqu’arriva le dessert, Frigga décida de poser la question qui lui brulait les lèvres depuis l'arrivée de la jeune femme.
« Et mes fils… que vont-ils devenir plus tard ? »
« Je ne peux vous dire ce qu'ils deviendront exactement… Enfin, pas pour l'instant, mais je peux vous assurer qu'ils grandiront en beauté. Thor sera à l'image des asgardiens. Blond aux yeux bleus, il sera très grand et puissant tout en demeurant jovial et aimant. La fierté de son père. Il se montrera éventuellement digne du marteau Mjolnir qui lui sera confié. »
« Et ce jeune homme ? » Demanda-t-elle en pointant le bébé.
« Loki… Ce sera différent. Il sera magnifique, mais ne ressemblera en rien aux Asgardiens. Il sera aussi grand tout en demeurant svelte. Ses yeux seront d'un vert profond et ses cheveux d'un noir de jais. Il sera espiègle et deviendra le plus grand maitre du Seidr d'Asgard, vous surpassant éventuellement, ainsi qu'Odin, mais il est primordial que le roi ne le sache pas. Cette aptitude lui vaudra beaucoup de raillerie de la part des guerriers et il se sentira toujours différent des autres pour cette raison. Il sera donc plus solitaire, préférant le silence de la bibliothèque au vacarme de l'arène. Il n'en sera pas moins un excellent guerrier… à sa façon du moins. »
Elle en parlait avec une telle admiration que Frigga n'en fut pas dupe.
« Bien qu'il n'ait jamais été réel pour vous, vous semblez aimer la personne qu'il deviendra. »
« Sans parler de ce qu’il aura l’air…, » elle y réfléchit quelque peu avec de répondre. « Je crois aimer la personne qu'il pourrait devenir, mais ce que je sais de lui représente une période plus sombre de son histoire… celle où il apprendra qui il est en réalité… Je ne sais pas beaucoup de chose sur comment il était avant cette époque. Je ne peux que le supposer. Mais il sera certainement une personne qu'il faut avoir de son côté. »
« Alors Odin refusera qu'on lui explique ses origines ? »
« Malheureusement… Il ne l'apprendra qu'une fois adulte et il n'arrivera pas à accepter ce qu'il est, se voyant comme le monstre des histoires qu’on raconte aux jeunes asgardiens afin de les inciter à être sages. Ce sera très difficile pour lui, mais je ne peux vous en dire davantage et ne me le demandez pas, je vous prie. »
La reine semblait comprendre pourquoi elle ne devait pas poser de question et Eva poursuivit après plusieurs minutes de silence.
« Sachant ce qui s'en vient, si vous aviez la chance de lui éviter toute cette souffrance, mais que les conséquences de ce geste pouvaient changer beaucoup de choses pour les royaumes, et peut-être pas toujours pour le meilleur… Le feriez-vous ? »
« Voilà une question difficile mon enfant. Je ne veux que ce qu'il y a de mieux pour cet enfant… pour ces enfants. Mais la connaissance du futur est un fardeau difficile à porter et vous ne serez malheureusement plus des nôtres lorsque cela se produira. Est-ce qu'il y a vraiment quelque chose qui pourrait être fait pour lui éviter cette souffrance ? »
« Oui il y en a… lui apprendre plus jeune ce qu'il est, ne pas lui laisser croire qu'il pourrait un jour accéder au trône alors que c'est faux, faire en sorte qu'Odin ne place pas le prince Thor sur un piédestal si haut que le pauvre Loki ne puisse jamais rivaliser avec son frère pour l'amour de leur père. »
« Pourquoi nous avoir aidés à l'adopter si vous saviez tout cela ? »
« Parce qu'il mérite de vivre et que je n'aurais jamais pu m'en occuper. Il aura l'impression de ne pas être apprécié à sa juste valeur par son père et par les guerriers, mais il recevra tellement d'amour de sa mère que cela compensera longtemps. Ce qui m'attriste le plus en fait, c'est que le prince Thor et lui ne se comprendront probablement jamais complètement et que cela causera éventuellement une très grande rivalité entre eux. Un jour cependant, ils travailleront ensemble momentanément et se sauveront mutuellement. Mais ce sera trop tard pour beaucoup de chose. »
Elle voudrait pouvoir être là ce jour-là. Maintenant qu'elle n'était plus dans son univers, elle ne saurait jamais la suite de l'histoire. Elle savait que certains des personnages morts dans le dernier film ne le resteraient pas… Sans trop savoir comment ni pourquoi, elle se doutait bien que la pierre du temps y serait sans doute pour quelque chose. Mais Loki ne reviendrait pas, elle en était persuadée. Il avait survécu à trop de morts et celle-là avait été son acte salvateur. Le studio ne voudrait pas gâcher cette fin.
Et si, en le protégeant maintenant, elle détruisait tout ce qui devait arriver ? Si l’univers, pour une raison qui la dépassait, avait besoin de sa souffrance pour se maintenir ?
Sans sa colère et son désir de plaire à Odin, Loki ne tomberait jamais dans l'abime et n'attaquerait pas New York. Et sans cette attaque Thor ne se déplacerait pas sur terre et les Avengers ne serait pas mis sur pied. Sans les Avengers et tous les alliés qu'ils se feront à travers leurs différentes aventures, personne ne pourra véritablement rivaliser avec Thanos et la moitié de l'univers qui avait disparu à la fin du dernier Avengers n'aurait aucune chance de revenir… Donc, un Loki différent voulait probablement dire la véritable fin du monde. Quoique… d'un autre côté, sans la colère de Loki, Hela resterait dans le monde des morts et Odin pourrait diriger l'armé asgardienne contre Thanos… Auraient-ils plus de chance ? Mais encore… Est-ce que Malekith récupérerait l'Ether si Jane n'avait jamais rencontré Thor ?
Elle s’efforçait de ne pas penser à ce que l’avenir pourrait devenir si elle le déviait trop de sa trajectoire — si ses choix bienveillants ouvraient la voie à une version pire encore du Loki qu’elle connaissait.
« Et si j’étais en train de briser le seul futur qui sauve le monde ? » pensa-t-elle.
Mais ces pensées tournaient en rond, comme un serpent qui se mordait la queue.
Elle baissa les yeux vers l’enfant endormi contre elle. Il semblait si petit. Trop petit, peut-être.
Était-ce normal ? Était-ce… asgardien ?
Il n’avait pas tant grandi, du moins pas à ses yeux — sur Asgard, les mois s’étiraient peut-être autrement.
Soudain, la question devint trop grande pour rester en elle.
La reine avait respecté le besoin de la jeune femme de rester dans sa tête à réfléchir. Lorsque cette dernière émergea dans le monde de vivant, elle avait déjà sa question.
« Puis-je vous poser une question ? »
« Oui, allez-y »
« À quelle vitesse les Asgardiens grandissent-ils ? Je veux dire, vous vivez près de cinq milles ans à ma connaissance. Mais à quel âge atteignez-vous votre taille adulte ? »
« Ma pauvre, je crains que vous ne voyiez jamais mes fils devenir adultes. Dans cinquante de vos années, Thor sera encore un enfant. En vérité, il ne sera pleinement adulte que dans environ quatre cents ans, selon vos cycles. Pour Loki… je ne pourrais l'affirmer. Je connais peu de choses sur la biologie des jotuns. Mais j'ai l'intuition que son développement suivra une rythme semblable ».
Eva cligna des yeux.
« Quatre cents ans… Wow. Effectivement, je ne serai plus ici depuis plusieurs éternités selon nos critères. »
« Je voudrais pouvoir vous rassurer à ce sujet, mais mon époux a déjà scellé votre sort. Moi-même je ne connais pas très bien le cycle de vie des Midgardiens. Dans combien de temps croyez-vous qu'il sera impossible de cacher les signes de votre vieillissement ? »
Eva prit un instant pour réfléchir, ses pensées se tournèrent brièvement vers sa mère et ses tantes. À quel âge voyait-on les principaux signes de vieillissement ?
« je crois que ça dépend de beaucoup de chose chez nous… de l’état de santé, de l’alimentation, du stress… » Elle fit un calcul rapide dans sa tête. « J’ai dix-huit ans. Chez nous, je viens tout juste d’atteindre l’âge adulte. Avec beaucoup de soin — et un bon maquillage — je pourrais peut-être passer encore vingt ans ici sans que cela ne paraisse trop. Mais à partir d’un certain moment, les rides, les cheveux blancs… ce sont des choses qu’on ne peut plus cacher. »
Elle marqua une pause.
« Il me semble avoir lu qu’on atteint notre apogée vers quarante ans. Et notre espérance de vie tourne autour de quatre-vingts, quatre-vingt-cinq ans. »
La reine resta silencieuse, et lorsqu’elle reprit la parole, sa voix était douce.
« Alors nous nous assurerons que ces vingt années passées au palais vous soient des plus agréables possibles. Et malgré l’exil qui vous attendra par la suite… je ferai en sorte que vous ne soyez jamais complètement seule. »
Eva hocha lentement la tête.
« Bien que je sois heureuse de vous entendre dire cela, Frigga… il m’est terriblement douloureux de penser que je ne les verrai jamais devenir des hommes. »
Elle aurait voulu les voir chevaucher seuls, contester les adultes, séduire et échouer, apprendre la douleur noble des batailles et la douceur d’un foyer. Mais à quarante ans, Loki aurait encore des joues rondes et des bras trop courts pour l’armure.
Elle avait accepté d’être là pour le début. Elle n’avait pas anticipé qu’elle ne serait jamais là pour la suite.
« Il n’y a malheureusement rien que je puisse faire à ce sujet, ma chère. Le sort a voulu que vous naissiez dans le mauvais royaume. »
Eva ne trouva rien à répondre. Elle prit le jeune prince contre son cœur, le serra doucement.
Elle profiterait de ce petit amour tant qu’on lui permettrait de le faire. Chaque jour, chaque heure, elle les chérirait comme s’ils étaient comptés.
Notes:
Six mois se sont écoulés… ou peut-être six battements de cœur, pour un royaume où les années s’étirent comme l’écho des légendes.
Le lien entre Eva et le jeune Loki se renforce, tissé de magie, de tendresse, et d’un destin qui refuse de se laisser deviner.
Mais sous la surface paisible, certains commencent à s’interroger.
Car que peut-on faire d’un enfant qu’on ne peut pas voir… et d’une mortelle qu’on regarde un peu trop ?
Chapter 8: Par instinct
Summary:
Eva a découvert la lenteur du temps asgardien et l’écart vertigineux qui la sépare des jeunes princes asgardien. Tandis que Loki grandit à peine en six mois, elle sent déjà sa propre jeunesse lui filer entre les doigts. Et pourtant, au fil des jours, c’est une tendresse immense qui s’installe, un lien indéfinissable — fait de gestes simples, de silences complices et d’une présence qui apaise. Styr, lui aussi, se rapproche, mais sans jamais briser l’équilibre fragile qu’ils construisent.
La naissance de Thor viendra bouleverser le quotidien… mais une autre naissance, plus discrète, se prépare aussi : celle d’une magie enfouie, d’une force que même Frigga peine à nommer. Car Loki n’est pas le seul à déployer des dons inattendus. Et Eva, sans le vouloir, pourrait bien être liée à lui par plus que de l’affection.
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
Les semaines passaient, et chaque jour qu’elle vivait dans ce palais ajoutait une couche à l’étrangeté de sa position.
Un matin comme les autres, elle quitta ses appartements avec Loki endormi dans les bras. Elle n’avait plus besoin d’escorte — Frigga l’avait libérée de cette contrainte il y a quelque temps — et elle avait pris l’habitude d’arpenter les couloirs à pas lents, pour bercer l’enfant ou simplement faire circuler ses propres pensées.
Mais ce jour-là, elle sentit plus intensément les regards autour d’elle.
Un jeune noble croisé dans une galerie lui adressa une salutation pleine d’une politesse forcée, suivie d’un regard en coin où se mêlaient interrogation et jugement. Un peu plus loin, deux servantes se turent à son approche, baissèrent les yeux, et s’écartèrent comme si son passage méritait le silence.
Elle n’avait pas de titre. Pas d’ancêtres glorieux. Et pourtant, les gardes la saluaient parfois comme une dame, et les domestiques s’inclinaient comme devant une supérieure. Elle ne savait jamais quelle attitude adopter — ni s’il fallait corriger ceux qui en faisaient trop ou ceux qui en faisaient trop peu.
Depuis quelque temps, elle avait aussi remarqué certains regards entre les soldats. Des sourcils levés, des chuchotements retenus lorsqu’on la voyait s’entraîner ou prendre le thé avec Styr.
Elle soupira en silence.
Qu’imaginaient-ils ? Qu’elle cherchait à séduire son instructeur pour obtenir un meilleur statut ? Ou qu’un homme aussi noble et rigide que Styr n’aurait d’intérêt pour elle que sur ordre royal ?
Elle ne savait pas ce qui l’agaçait le plus : les rumeurs, ou le fait qu’elles contiennent, quelque part, une forme de jalousie.
Loki bougea légèrement contre elle, et elle resserra un peu ses bras. Peu importe ce que les autres pensaient. Ce qui comptait, c’était ce lien-là. Ce petit être qui, lui, n’écoutait pas les ragots et ne faisait pas de manières.
Le calme se prolongea encore quelques semaines, comme une accalmie entre deux grandes marées.
Le temps sur Asgard ne s’écoulait pas comme sur Midgard. À peine quelques mois terrestres s’étaient écoulés depuis son arrivée, et pourtant, elle avait parfois l’impression d’avoir vécu plusieurs années. Ou alors, c’était simplement son cœur qui vieillissait plus vite.
Quelque temps plus tard, le Prince Thor vint au monde et le royaume fut en liesse durant des jours. Il était très rare d'avoir deux enfants en si peu de temps dans une même famille. Ils étaient si près l’un de l’autre qu’Odin et Frigga avaient dû cacher la naissance pendant quelques semaines et prétendre à un accouchement prématuré afin d’éviter les soupçons.
Eva fut également présente au bal de présentation du véritable premier né d’Odin, qui fut bien évidemment présenté comme étant Loki Odinson. Cette fois-ci, toutefois, elle avait eu le temps d’apprendre les danses asgardiennes et accepta l’invitation de quelques gentilshommes.
Après une de ces danses, elle revint s’asseoir à sa table et son regard croisa celui de Styr qui était un peu plus loin. Il leva à peine son gobelet dans sa direction, comme pour trinquer en silence, un sourire un peu forcer aux lèvres et elle lui fit en retour un signe discret de la tête.
Prenant alors son courage à deux mains, le capitaine, à nouveau hors service pour le banquet, fini par s’approcher lentement de la jeune nourrice royale. Ils ne s’étaient pas croisés depuis le début de la soirée mais il l’avait remarqué dès son entrée. Les moqueries de ses hommes à propos de sa prétendue relation avec la jeune femme n’y étaient sans doute pas étrangères. Sa réputation de marbre fondait doucement depuis quelques mois — et il n’était pas le seul à s’en rendre compte. Certains l’encourageait à courtiser officiellement la jeune femme mais ils ne savaient pas d’où elle venait, ni combien sa vie était éphémère à côté de la leur.
Arrivant finalement à côté d’Eva, il lui souffla délicatement à l’oreille :
« On voit que vous étiez très bonne élève en cours de danse… j’ai mis des années à parfaire ces pas que vous avez réussis à maitriser en quelques mois seulement. »
Elle lui sourit de toutes ses dents. Elle avait effectivement mis beaucoup d’effort sur cette partie de son apprentissage. Principalement parce qu’elle avait toujours adoré dansé et qu’elle avait eu beaucoup de peine de ne pas pouvoir le faire lors de son premier banquet sur Asgard. Mais il enchaîna, avant même qu’elle ait eu le temps de répondre.
« Il est juste dommage que ce talent soit gâché avec des jeunes hommes qui savent à peine comment mettre un pied devant l’autre » ajouta-il plus doucement, comme s’il n’avait pas voulu être entendu.
Lorsque la musique reprit, plus douce, plus lente, il lui tendit la main sans un mot. Elle hésita un instant… puis accepta. Ce n’était pas prévu. Rien ne l’était, avec lui.
Les premiers pas se firent dans un silence solennel mais sans aucun malaise, il n’y en avait jamais eu entre eux. Mais elle finit par prendre la parole.
« Est-ce qu’on parle encore de moi dans les couloirs ? »
« Moins que vous ne le croyez… ou alors, ils parlent plus de moi. » lui répondit-il, un sourire en coin avant de poursuivre. « Mais ils risquent de parler davantage demain… Vous ne devriez pas être à mon bras ce soir. »
« Pourtant vous m’avez invité… »
« … et vous avez accepté. »
Au fil du temps, elle avait noué un lien privilégié avec celui qu'elle appelait affectueusement son garde personnel. Il y avait bien quelque chose entre eux deux mais aucun n’était capable de le définir. Ils valsèrent encore quelques minutes ne disant rien d’autre, profitant simplement de leur présence mutuelle et de cette proximité qui ne devrait pas être.
Personne ne leur avait interdit de se rapprocher bien entendu. Le capitaine de la garde était libre de choisir la compagne de son choix, même si une servante était bien en deçà de son rang, mais ils sentaient tous les deux qu’une histoire entre une midgardienne de 18 ans (maintenant 19) et un asgardien de 489 ans ne faisait pas de sens. Et il y avait les ragots, la jalousie des jeunes dames de la cour qui lui tournait autour depuis des décennies, pour ne citer que celles qu’on pouvait évoquer à voix haute.
Après cette unique danse, Eva décida de se retirer à la nurserie pour aller coucher les princes.
Quelques semaines après la naissance de Thor, alors que les deux princes dormaient à poings fermés, la reine convoqua Eva à ses appartements. Cette dernière fut très surprise, car jamais elle n'avait été convoquée à une heure si tardive. Habituellement, après le repas du soir, la reine passait quelques heures avec son époux avant d'aller au lit.
Elle se rhabilla donc et se dirigea à la hâte vers les appartements de la reine.
Celle-ci l'attendait effectivement, mais elle n'était pas seule : Odin était à ses côtés…
Eva s'inclina aussitôt très bas. Frigga ne se formalisait pas du protocole lorsqu'elles étaient ensemble, mais Eva savait que le Tout Puissant était très pointilleux sur le sujet.
« Vous m'avez fait demander Votre Majesté ? »
« Effectivement très chère. Mon époux et moi discutions justement d… » Elle stoppa net son propos lorsqu'elle réalisa qu'Eva avait toujours le haut du corps bien penché par en avant.
« Voyons jeune fille, relevez-vous, je vous prie » et Eva s'exécuta sur le champ, évitant le regard du roi.
« Comme je le disais, poursuivit Frigga, mon époux et moi discutions de l'aide que vous m'apportez chaque jour et, une chose en entrainant une autre, j'ai voulu vérifier immédiatement une théorie que j'ai à votre propos depuis quelque temps. »
Eva la regarda avec d'immenses points d'interrogation dans les yeux. C'est le roi qui prit ensuite la parole.
« N'avez-vous pas mentionné avoir eu des visions de notre futur ? »
« Effectivement Tout Puissant »
Frigga poursuivit avec un petit sourire en coin.
« Il n'y a pas que vos visions. Dès notre première rencontre, j'ai ressenti une parcelle de Seidr en vous. Pour que je la ressente seulement en étant en votre présence, il faut que ce soit assez fort. Considérant l'enfant que je portais, je n'ai pas voulu pousser mon inquisition plus loin, car l'utilisation du Seidr draine beaucoup d'énergie, mais maintenant, avec votre autorisation, j'aimerais sonder ce pouvoir que je ressens en vous. »
Eva fut surprise d'entendre ces paroles. Jamais elle n'aurait cru avoir des pouvoirs magiques, surtout que même ses visions étaient inventées.
« Je ne suis pas certaine de comprendre pourquoi et comment je pourrais dégager une telle énergie vos Majestés, mais c'est avec plaisir, et surtout beaucoup de curiosité que je vais vous laisser sonder ce pouvoir que vous décelez en moi. »
« Alors c'est parfait, répondit la reine. Venez me rejoindre demain dès que mes fils seront prêts à sortir. Nous nous installerons dans mes jardins privés afin de ne pas être dérangées. »
Eva acquiesça, leur souhaita bonne nuit et se retira dans la nurserie.
Après être allée vérifier que les princes dormaient bien, elle s’installa dans le petit salon, sortit sa clarinette de son coffre de rangement et se mit à jouer, machinalement d’abord, pour occuper ses mains pendant que son esprit vagabondait.
Elle était passée d’étudiante en musique sur Terre à nourrice royale — non seulement sur une autre planète, mais aussi dans une autre dimension… Si elle racontait un jour son aventure sur Midgard, on l’internerait sans l’ombre d’un doute.
Ses doigts glissèrent sur les clés presque par automatisme, et les premières notes d’un thème familier s’élevèrent, doux et vibrant.
Celui de Loki.
Celui qu’elle avait tant écouté sur Terre, qui lui avait brisé le cœur au cinéma plus d’une fois. Une mélodie tissée d’ombres, de solitude et de grandeur contenue.
Elle ferma les yeux. Elle ne l’avait jamais joué pour lui. Pour ce lui.
Et pourtant, dans la chambre voisine, elle crut entendre un soupir. Un froissement de draps.
Puis plus rien.
Était-ce le hasard ? Ou la mémoire d’un avenir qui sommeillait déjà en lui ?
Des cris d'enfants la tira de sa rêverie. En ouvrant les yeux, elle réalisa qu'elle avait fini par s'endormir et que le soleil était sur le point de se lever. Elle se dirigea rapidement vers la chambre des princes où bébé Thor (comme elle aimait l'appeler) s'époumonait afin d'obtenir son repas matinal comme il en avait l'habitude. Et comme tous les matins, malgré le vacarme, bébé Loki dormait toujours à point fermé, comme s'il savait qu'il ne servait à rien d'être pressé de se lever et d'endurer l'impatience de son frère.
Eva avait déjà l'impression de reconnaître le tempérament des adultes qu'ils allaient devenir. À seulement quelques semaines, Thor était déjà impulsif, flamboyant et impatient alors que Loki était réfléchi, calme et patient… Ils étaient complètement à l’opposé l'un de l'autre.
Mais parfois, lorsqu’elle les tenait tous les deux contre elle — l’un gigotant, l’autre lové contre sa poitrine — elle sentait leurs deux énergies contraires se répondre, comme les deux pôles d’un même équilibre.
Deux bébés, deux futurs… et elle, au milieu, tissant chaque jour un lien plus fort entre eux.
Elle se prépara rapidement pendant que la nourrice effectuait son travail. Frigga l’avait fait venir de Vanaheim le lendemain de l’arrivée de Loki. Eva avait eu très peu de contact avec elle, car la reine lui avait demandé de demeurer à l’écart tant qu’elle ne pouvait pas avoir parfaitement l’air de ce qu’on prétendait qu’elle soit, une cousine éloignée de Frigga. Léna, la nourrice, était muette et c’était la raison pour laquelle on l’avait engagé. Son handicap la plaçait en marge des autres servantes du château et protégeait le secret royal. Elle-même n’avais jamais été en présence d’un des enfants dont la tête n’était pas couverte. Eva se chargeait de leur mettre un bonnet juste avant son arrivé et elle ne demeurait en présence des princes que le temps de les nourrir, jamais plus qu’il n’en fallait.
Eva était parfois un peu triste pour Léna, mais savait que cette dernière était plus que grassement payé pour son travail ainsi que pour sa discrétion quant à ce qu’elle aurait pu voir ou entendre dans la nurserie.
Lorsque Léna fut repartie et que les princes furent enfin prêts pour la journée, Eva les installa dans ce qui servait de poussette sur Asgard, une espèce de charrette surélevée avec des roues aussi grosses que celles d'une bicyclette. Comme il est très peu commun qu'un couple asgardien ait plus d'un bébé à la fois, Eva avait demandé que la poussette soit modifiée pour lui permettre d'y installer les deux princes et elle avait fait ajouter un système pour fermer le dessus de la poussette avec une toile lorsqu'elle était en public. Il avait été interdit pour quiconque n'ayant eu l'autorisation du roi de voir les princes.
Ils avaient fait passer le mot que le prince ainé était blond et que le second avait les cheveux noir et Odin avait estimé qu'ils devraient attendre une année après la naissance de Thor avant d'être certains que personne ne découvre la supercherie.
Comme la nurserie n'était pas très loin des appartements royaux, Eva fut vite rendue chez la reine pour le rendez-vous. Aussitôt eut-elle frappé à la porte que celle-ci s'ouvrit pour laisser place à une reine des plus enjouée.
Frigga ne dit pas un mot avant de prendre bébé Loki dans ses bras et d'embrasser tendrement sa petite tête. Bien que sachant ce qui l'attendait, Eva était ravie de réaliser à quel point il était aimé par sa mère qui ne ferait jamais de différence entre les deux princes.
Les deux femmes s’installèrent sous leur arbre habituel, dans le jardin de la reine.
Eva s’étendit dans l’herbe, les bras ouverts, Loki assis sur son ventre. Il semblait, comme toujours, fasciné par le mouvement des feuilles et des fleurs dans le vent. Il pouvait rester ainsi des heures à contempler les branches, sourire aux lèvres.
Elle aimait ces moments de silence partagés.
Le soleil baignait les fleurs d’une lumière tiède et vibrante, et tout semblait suspendu.
Sur Asgard, les jours suivaient un rythme à part, détachés de toute horloge terrestre — comme si le monde avait oublié d’avancer.
Parfois, elle se demandait si les saisons de son cœur finiraient par se désynchroniser.
Les rayons glissaient entre les feuillages, les fleurs valsaient au souffle d’une brise douce, et les feuilles chuchotaient à chaque frémissement.
Elle adorait cet arbre. Il éveillait en elle un bonheur calme, inexplicable. Et plus encore, elle aimait partager cette paix avec le petit être qu’elle avait sauvé.
Son regard se porta sur la reine qui berçait Thor. Frigga était vraiment une personne merveilleuse. Jamais elle ne s'était sentie jugé et jamais elle n'avait ressenti autre chose que de la bienveillance chez cette femme. Elles étaient devenues de très bonnes amies au fil des mois.
« Je peux vous poser une question ? » demanda Eva.
La reine lui fit signe de poursuivre alors qu'elle embrassait tendrement le dessus de la tête de son fils.
« Pourquoi m'avoir fait venir alors que votre époux était là ? Vous auriez très bien pu m'en parler ce matin. »
Frigga la regarda avec cet air malicieux qui faisait tellement penser au Loki adulte.
« Je veux qu'il soit curieux à votre sujet. Il a pris une décision à votre propos, mais celle-ci pourrait peut-être changer si vous l'intriguez assez pour qu'il désire que vous restiez. Je ne peux rien vous promettre cependant. »
Eva fit comme si elle n'avait pas entendu cette réponse. Elle ne voulait vraiment pas se faire de faux espoirs.
« Alors c'est quoi cette énergie que vous ressentez en moi ? »
« Dès notre première rencontre, j'ai ressenti un bouclier autour de vous. Une protection fait par le Seidr. Je crois que ce bouclier est ce qui brouille le pouvoir d’Heimdall. Mais… la signature de cette énergie est étrange. »
« Que voulez-vous dire ? »
« Selon nos connaissances, les midgardiens ne peuvent contrôler le Seidr. Ou du moins nous n'avons jamais entendu parler d'un midgardien qui en possédait. Ce que vous appelé magie sur terre n'a rien à voir avec ce que nous pouvons contrôler avec ce pouvoir. »
« Je vous arrête tout de suite Frigga. Il y a, ou il y aura, des maîtres sur terre dans votre univers qui peuvent contrôler les arts mystiques à un très haut niveaux. »
« Peut-être, mais contrôler la magie ou en posséder une parcelle en soit est deux choses différentes. Dans votre cas, vous avez une parcelle de Seidr attachée à votre esprit comme c'est mon cas et celui des asgardiens. Sauf que la signature énergétique de ce que je ressens en vous est exactement la même que celle de Loki. »
« Comment ça que celle de Loki ? Je ne suis pas une Jotun. »
« Ce n'est pas ce que je voulais dire. Je crois en fait que c'est ce petit qui vous a transféré une partie de son propre pouvoir. Avez-vous remarqué quelque chose d'étrange lorsque vous avez croisé sa route pour la première fois ? »
« Rien de spécial… sauf peut-être cette envie indescriptible de tout faire pour le protéger. Je me suis occupé de ce petit bébé tout bleu durant quelques temps avant que le Tout Puissant n'entre dans le temple. Quand je l'ai entendu arriver, j'ai remis Loki sur l'autel et je me suis caché. La seule magie que j'ai vu s'opérer dans ce temple s'est produite lorsque Odin l'a pris dans ses bras et que le prince a changé de couleur. J'avais déjà vu cette scène avant. Des dizaines de fois même. J'avais toujours cru que le Tout Puissant avait lui-même exercé sa magie pour le transformer, mais elle provenait de ce petit, j'en suis persuadé maintenant. »
« Ce jeune homme à un immense pouvoir d'adaptation. Il semble instinctivement savoir ce qui va dans son intérêt. »
Sans pouvoir s'en empêcher Eva étouffa un éclat de rire sous l'œil intrigué de la reine.
« Désolé, mais… vous n'auriez pu poser un meilleur diagnostique. »
« Pardon ? »
« Euh… c'est juste qu'il aura un talent pour réussir à obtenir ce qu'il souhaite » Eva espéra ne pas en avoir trop dit mais le sourire de fierté qu'elle décela chez la reine la rassura à nouveau. Quelque chose lui disait que Frigga ne s'était pas souvent fait dire non dans sa longue vie.
« Alors, repris la reine, mon hypothèse est la suivante : Si ce jeune homme possède cet instinct et qu'il deviendra aussi puissant que vous le dite, il n'est pas exclu qu'il soit capable de transférer une partie de son pouvoir vers d'autres ou de l'utiliser pour lui-même par simple instinct de survie. »
« Et donc ? »
« Donc je crois que, laissé à lui-même dans le froid, ce petit être aurait pu comprendre que ce qui était dans son meilleur intérêt c'était de s'assurer que vous vouliez et que vous pouviez vous en occuper. Il a pu vous charmer pour être certain que vous feriez tout pour le protéger, même au prix de votre vie. Il a également pu partager une partie de sa magie pour vous donner le pouvoir de vous protéger vous-même. Ensuite, quand mon époux est arrivé, il a compris que son sort dépendait de la décision de cette personne qui le tenait dans ses bras. Il aurait très bien pu changer instinctivement son apparence et en prendre une qui lui assurerait d’être aimé par notre roi. »
Cette idée en déclencha une autre. Inévitable.
Eva pensa d’instinct à la ressemblance future entre Loki et Hela, la première née d’Odin puis recentra ses pensées vers ce que la reine venait de dire à propos d’elle.
« Il m'aurait donné une partie de sa magie ? Qu'est-ce que ça implique pour moi ? »
« C'est ce que j'aimerais savoir et c'est la raison pour laquelle je vous ai demandé l'autorisation d'investiguer. Si ma théorie s'avère juste, il vous aurait offert de quoi le protéger. Il doit y avoir une raison. Nous savons déjà que vous ne pouvez être détecté magiquement par Heimdall lorsque vous êtes à proximité de Loki. ET ce petit semble posséder ce pouvoir en tout temps... Est-ce tout ? C'est à voir. Mais il n'est pas impossible que vous puissiez apprendre à le maitriser avec beaucoup de pratique. »
« Alors je veux savoir ce que ça implique. Si ce petit ange veut que je le protège grâce à cette magie, je ne veux pas le décevoir. »
Frigga ne répondit pas tout de suite. Elle observa la jeune femme un moment, presque attendrie.
« Vous ne marchez plus comme une étrangère », fit-elle doucement. « Même votre accent s’estompe peu à peu. »
Eva tourna légèrement la tête vers elle, surprise.
« J’espère que ce n’est pas un mal », souffla-t-elle.
« Ce n’est ni un mal, ni un bien. C’est le signe que vous commencez à prendre racine. »
Eva baissa un instant les yeux vers Loki, songeuse.
Depuis son arrivée à Asgard, il y avait eu des moments étranges.
Une fois, elle avait su prédire les pleurs de l’enfant avant même qu’il n’esquisse un son. Une autre fois, elle avait levé la main pour apaiser une lumière trop vive dans la nurserie… et sans qu’elle ne sache comment, la pièce s’était assombrie.
Sur le moment, elle avait cru à des hasards. Ou à des coïncidences heureuses.
Mais si ce n’était pas que cela ?
Et ce rêve… Celui où elle tenait un fil de lumière entre ses doigts, qui pulsait au rythme de la respiration de Loki.
Et si une part de cette lumière vivait vraiment en elle ?
Notes:
Elle ne venait pas d’ici, mais le monde d’Asgard l’avait peu à peu adoptée.
Son lien avec Loki, tissé au fil des jours, prenait racine dans quelque chose de plus ancien, de plus instinctif — un Seidr encore discret, mais indéniablement vivant.
Et tandis que Frigga l’invitait à apprivoiser cette magie silencieuse, Eva sentait en elle grandir un rôle qu’elle n’avait jamais demandé… mais qu’elle n’aurait cédé pour rien au monde.Les saisons tournent lentement sur Asgard. Mais cinq années peuvent suffire à transformer un bébé en enfant… et une étrangère en figure essentielle.
Considérant la surcharge de travail pour moi en été, et le fait que je doive réécrire le chapitre 9 en entier (il n'était pas assez structuré, ça avançait trop vite dans le temps et j'ai ajouté des détails dans les chapitre précédent s'en me rendre compte que le chapitre 9 n'allait pas dans le même sens...). Il est possible que je prennes une petite pause de 2 ou 3 semaines avant le prochain chapitre.
Chapter 9: Entre deux battements
Summary:
Le banquet donné pour présenter le fils cadet d’Odin à la cour est terminé, mais ses échos résonnent encore dans les couloirs d’Asgard. Entre les regards croisés et les silences prolongés, quelque chose s’est mis en mouvement — discret, fragile, mais bien réel.
Alors que les jours s’étirent et que les jeunes princes prennent vie, la routine s’installe pour Eva. Pourtant, sous les apparences tranquilles, les cœurs s’éveillent. Et parfois, il suffit d’un seul battement pour changer la cadence.Vos retours seraient très apprécié, je prend beaucoup de liberté comme tout ça se passe en dehors de ce qu'on connait de l'univers et j'aimerais bien savoir ce que vous en pensez. J'aimerais aussi avoir votre opinion sur l'évolution de la relation Styr/Eva. Je sais que ce n'est pas le ship qu'on attend mais entre vous et moi, Loki est pas mal trop jeune... Vous ne pouvez certainement pas vous attendre à ce qu'elle passe le reste de sa trop courte vie seule...
Notes:
J'ai finalement été capable de terminer le chapitre 9 à temps qui s'est à nouveau divisé en 2... l'ancien chapitre 9 sera finalement 3 chapitre distinct. Je serai en vacances dans les prochaines semaines, je vais essayer d'avancer le plus possible mais mon emploi du temps va dépendre de la température... Bonne lecture
(See the end of the chapter for more notes.)
Chapter Text
La vie suivait son cours sur Asgard, immuable pour tous… sauf pour le passager semi-clandestin, bien dissimulée à la vue de tous qu’était Eva…
Chaque matin, elle s’occupait des deux jeunes princes. Elle dinait ensuite, seule, avec Styr ou avec la reine et presque chaque après-midi, elle allait porter les princes dans les appartements de la reine pour pouvoir continuer de parfaire sa formation accélérée de « Asgard 101 » (elle avait déjà terminé le cours « Asgard pour les nuls…). Lorsqu’elle n’était pas en cours, elle trainait dans les jardins ou discutait avec Frigga.
À l’exception du départ de Léna lorsque Thor eut fini d’avoir besoin d’être allaité, départ qui laissa à Eva un étrange sentiment de vide, plus lié au changement de routine qu’à une véritable absence, ses semaines étaient des boucles sans fin, et elle avait hâte de retrouver un peu plus de liberté.
Léna n'avait jamais été très présente, passant seulement quelques minutes chaque jour auprès des princes, mais son départ marquait symboliquement la fin d’une période précise dans la vie des enfants, et donc dans celle d’Eva.
Maintenant qu’ils étaient deux, il lui était plus difficile de sortir se promener. Elle attendait avec impatience l’instant où Odin les jugerait suffisamment grands pour que les princes puissent reprendre leur place respective. Ce jour-là, tout deviendrait plus simple pour Eva. Deux ans déjà, presque trois, qu’elle marchait dans ces mêmes couloirs, invisible au reste du monde.
En attendant, les asgardiens vaquaient à leur occupation sans se poser de question.
Non. Pas tous les asgardiens… Toujours dans sa tour, Heimdall ne faisait que ça, se poser des questions. Il avait beaucoup de responsabilité. Beaucoup ne le voyait que comme un portier cosmique, ouvrant et fermant l’accès au Bifrost selon les demandes des gens mais il était tellement plus que ça.
Avec son don unique il pouvait voir et entendre tout ce qui se passait dans les Neuf Royaumes, et même au-delà tant que le lieu était connecté avec Yggdrasil. Il était ainsi responsable de détecter toutes menaces envers le royaume d’Odin ce qui faisait de lui quelqu’un de très occupé…
Il n’avait pas le temps de gérer ce mystère en plus de ses responsabilités.
Depuis la visite de la reine, il ne cessait de repenser à ses propres limites. Elle lui avait parlé de l’enfant. Du pouvoir. D’un Seidr qui n’obéissait à aucune règle connue.
Alors il observait. Non pas avec ses yeux, mais avec ce don ancien qui faisait de lui le gardien.
Thor… il le voyait sans problème.
Loki… il ne pouvait le voir qu’avec ses propres yeux.
Eva… c’était plus complexe. Son pouvoir arrivait à la voir sauf lorsqu’elle tenait l’enfant dans ses bras ou qu’elle en était très proche. Alors, elle devenait à son tour une absence. Une silhouette brouillée, comme avalée par le vide. Il en avait d’abord voulu à ses propres sens. Puis, à la reine, de l’avoir mêlé à cette énigme.
Mais maintenant, il en voulait surtout à ce qu’il ignorait.
Il avait tenté mille fois de percer la brume. De localiser le nourrisson seul. Rien. Comme s’il n’avait jamais existé.
Un prince invisible. Un bébé que même Hofund ne pouvait atteindre.
Ce n’était pas une faille dans la magie. C’était une faille dans sa magie à lui.
Et Heimdall ne pouvait pas protéger ce qu’il ne voyait pas.
Se tournant à nouveau vers le reste de l’univers, il savait que la réponse à ce mystère ne viendrait qu’avec le temps. Le jeune prince grandirait et la reine finira peut-être par trouver de quel type de magie il s’agissait. À ce moment-là, il pourrait essayer de trouver une solution à son problème.
Au fil du temps, Frigga avait découvert que le jeune Jotun avait une des plus grandes forces de Seidr qu'elle ait pu sentir chez un enfant. Eva n'avait pas eu tords lorsqu'elle avait avancé qu'il deviendrait un des plus grand maître magicien d'Asgard.
Quant à Eva, son Seidr personnel était tellement discret qu'il était difficile de l'étudier, mais il était bien là et plus le jeune prince grandissait, plus on pouvait le ressentir.
Après trois années de pratique quotidienne, Eva pouvait réussir, non sans peine, de simple tour comme allumer et éteindre une bougie ou faire léviter un objet de quelques centimètres. Mais ces tours l'épuisaient alors elle n'usait de magie que lors des leçons que lui donnait la reine ou le soir juste avant d'aller au lit.
Une fois, en pleine nuit, Loki s’était réveillé en pleurant. N’ayant pas du tout envie de se lever, Eva avait tendu la main vers le mobile suspendu au-dessus du berceau pour tenter de le faire bouger doucement… mais l’étoile la plus lourde avait tourné sur elle-même, cliquetant bruyamment contre les autres. Loki avait sursauté, puis ri. Elle, un peu moins. Mais au fond, il avait fini par se rendormir — et c’était déjà une petite victoire.
La magie qu’ils possédaient tous les deux était effectivement liée. Eva s’en rendait compte depuis qu’elle y portait davantage attention.
Et avec le passage des saisons, les princes grandissaient.
Comme Frigga lui avait expliqué, la croissance des jeunes princes sembla d’abord être au même rythme que celui d'un bébé humain.
Lorsque le premier anniversaire de Thor approcha, celui-ci fit ses premiers pas, suivit quelques heures plus tard par Loki. Le jeune Jotun n’avait pas semblé intéressé à se déplacer seul jusqu’au moment où il avait vu son frère s’aventurer au-delà de leur aire de jeux.
En quelques semaines, Thor avait commencé à courir et à grimper partout, surtout quand ils sortaient dans les jardins privés de Frigga.
Son frère lui, était toujours le plus calme des deux, mais surtout le plus réfléchit. Jamais Eva ne le surprenait dans un endroit qui aurait pu être un danger pour lui et il essayait toujours de protéger Thor de lui-même en l'empêchant de se faire mal.
Puis, vint la parole mais cette fois, Loki n’eut pas à attendre que son frère s’y essai.
Encore là, la différence entre les deux reflétait à merveille la personnalité qu’ils auraient en tant qu'adulte. Thor parlait beaucoup et très fort alors que Loki se faisait plus discret et réfléchi.
Bien qu’elle s’occupait des deux princes, le lien avec Thor était plus difficile à créer qu’avec Loki. Dès qu’il eut été capable de marcher et de parler, Thor ne désirait qu’une seule chose : s’évader de la surveillance d’Eva pour découvrir le monde.
Après l’avoir attrapé quelques fois de justesse alors qu’il s’était faufilé entre les jambes du garde qui avait ouvert la porte de la nurserie pour courir vers l’aventure, Odin ordonna que la grande porte reliant les appartements royaux au reste du palais soit fermée et verrouillée en permanence. Ainsi, Thor pu au moins sortir de la nurserie pour courir dans le corridor et avoir quelques pièces à explorer.
Loki le suivait parfois, mais rarement à la course car, pourquoi se presser?
Eva leur laissait donc de plus en plus de liberté considérant qu’ils ne pouvaient pas sortir de ce secteur du château et qu’il n’y avait rien de dangereux dans ces pièces vides.
Un matin, ils avaient exploré une chambre vide entre la nurserie et les appartements de leur mère. Lorsqu’Eva avait fini par partir à leur recherche, elle les avait trouvés cachés sous une table basse sur laquelle un drap avait été posé.
Ils s’étaient fait une cachette. Ne voulant pas trahir leur mauvais camouflage, elle demeura dans l’embrasure et les observa en silence. Thor babillait à toute vitesse, gesticulant comme s’il menait une armée. Loki, qui était dos à elle, hochait la tête, visiblement concentré.
Ils communiquaient entre eux avec une aisance troublante. Pas toujours avec des mots. Un langage de regards, de gestes, de liens invisibles.
Puis le jeune jotun leva un doigt vers la porte — Eva n’entendait pas ce qu’il disait, mais Thor poussa un éclat de rire, et fit semblant de se cacher. Il avait senti la présence de leur nounou…
Eva sentit son cœur se serrer. Ce n’étaient pas juste deux frères. À ce moment de leur vie, ils étaient des alliés. Deux forces en gestation, et elle était leur témoin.
C’était l’époque de l’évolution des liens. Eva avec les princes, les princes entre eux et avec leur parents… mais un autre lien évoluait, lentement… prometteur ou effrayant? Eva et Styr n’avaient pas encore tiré cela au clair…
Ils avaient passé beaucoup de temps ensemble durant les mois d’apprentissage d’Eva. Lorsqu’elle eut appris tout ce qu’elle pouvait apprendre pour passer pour une femme du Vanaheim et suffisamment pour être apte à survivre à sa vie à Asgard, Styr retourna à temps plein à ses fonctions premières de chef de la garde.
Il essayait de passer la voir quand il avait un peu de temps libre mais il avait souvent l’impression qu’Odin faisait exprès pour qu’il n’en ait pas souvent. Il gardait cependant un œil de loin sur Eva pour s’assurer qu’elle aille bien jusqu’au jour ou Odin l’envoya former de jeunes recrues dans un camps militaire retiré à l’autre bout d’Asgard.
Eva avait alors été séparée de son garde préféré durant presqu’un an. Loin des yeux mais non loin de l’esprit, son absence lui avait beaucoup pesé. Il était certes un des seuls amis qu’elle avait, en dehors de Frigga et d’Inga mais elle se rendit compte qu’il pourrait y avoir plus que cela ce qui était pour elle très troublant.
Elle avait toujours repoussé de la main toutes les rumeurs au sujet de leur proximité. Mais le poids que cette absence avait pour elle voulait certainement dire quelque chose.
Et des rumeurs, il y en avait toujours. Le départ du chef de la garde n’y avait rien changé. Bien au contraire.
Certains la disaient ambitieuse, insinuant qu’elle cherchait à se faire remarquer pour gravir les échelons en s’attirant les bonnes grâces de la reine… ou du roi, selon les langues les plus perfides. D’autres suggéraient qu’elle tentait d’envoûter un soldat bien né pour se hisser, par alliance ou par charme, dans une caste qui n’était pas la sienne. On la traitait de parvenue, de favorite sans titre. Et depuis peu, certains murmuraient qu’elle espérait renforcer son statut incertain en s’attachant à un homme de devoir — comme si une affection bien placée pouvait faire oublier qu’on ne l’avait jamais vue avant le banquet royal annonçant la naissance du premier prince.
Rien de tout cela ne lui avait été dit en face bien entendu. Mais les murs du palais ont des oreilles, et Inga s’assurait que la sienne ne reste jamais sourde à ce qui se murmurait.
Par un bel après-midi où elle se promenait seule dans les jardins publics du palais, elle croisa deux jeunes demoiselles qui discutaient entre elles. En arrivant à leur niveau, Eva fit une rapide révérence pour les saluer avant de poursuivre son chemin. Dès qu’elle fut passée, elle entendit derrière elle les deux jeunes femmes rire à voix basses.
« C’est elle dont je te parlais, la parvenue étrangère qui s’accroche à plus noble qu’elle… »
Eva n’attendit pas de connaitre la suite de la conversation, elle tourna immédiatement à la prochaine allée et s’accota sur le premier arbre pour remettre ses émotions en place et ravaler ses larmes.
« Vous savez… sur Midgard, je crois que le mot est ‘jalousie’. »
Elle reconnut immédiatement la voix de celui qui devait se trouver de l’autre côté de l’arbre mais retenant ses émotions elle demanda simplement :
« Et sur Asgard ? »
« On appelle ça l’arrogance des héritiers inutiles. »
Elle se tourna vers lui, un sourire complice aux lèvres. Mon Dieu qu’il lui avait manqué… et il était là devant elle. Elle oublia immédiatement la scène précédente. Sans pouvoir se retenir, elle leva lentement la main droite dans sa directement et lui toucha délicatement la joue.
« Vous m’avez manqué. »
Il ferma les yeux à son touché, prit une grande respiration, comme s’il avait retenu son souffle depuis son départ.
« Pas autant que vous m’avez manqué. »
Il prit sa main délicate entre les siennes, caressant machinalement le dos de celle-ci avec un de ses pouces.
« Venez avec moi. »
Il l’entraina alors plus loin dans le jardin jusqu’à atteindre un mur de pierre dont la seule ouverture était bloquée par une grille fermée à clé. Il sortit alors une clé de sa poche et débarra la porte en chuchotant : « j’ai possiblement soudoyé un des jardiniers quand j’ai su que vous étiez dans les jardins… »
Ils traversèrent la grille et il la referma derrière eux.
« Quel est cet endroit? »
« Un endroit où personne ne vient jamais plus. C’était le jardin de Bor. Odin aurait dû le reprendre mais il n’a pas vraiment d’intérêt pour les plantes et quand ça lui plait de se promener dehors, il le fait avec la reine dans ses propres jardins alors personne ne vient ici sauf les jardiniers qui en font l’entretient. Il parait que c’était grandiose à une époque. Maintenant, son principal intérêt est surtout d’être à l’abris des regards. »
Il la dirigea vers un banc où ils s’assirent tous deux, légèrement de biais pour pouvoir parler en face à face.
« Est-ce que vous allez mieux maintenant? Vous aviez l’air dans tous vos états à cause de ces deux jeunes femmes… »
« Votre retour m’a remonté suffisamment le moral pour que je n’y pense plus. Je ne sais pas pourquoi j’ai été autant affecté cette fois. La plupart du temps, je ferme l’oreille aux rumeurs et à leurs commentaires. »
« La demoiselle avec la robe orangée… Il s’agit de damoiselle Lyra. Son père est ami du mien depuis le jour où ils ont été acceptés dans la garde royale ensemble. Je crois que son père lui a rempli la tête d’idée et elle s’imagine que nous finirons nos jours ensemble. C’est la raison pour laquelle elle est si mesquine envers vous, elle a entendu les rumeurs... Et cette mesquinerie est la raison pour laquelle je m’en tiens le plus loin possible depuis des siècles. »
« Des siècles… » chuchota Eva qui se souvint tout à coup de leur principale différence. Il se sauvait déjà de cette Lyra alors que ses arrière-arrière-grands-parents n’étaient pas encore nés… Elle réalisa alors qu’il lui tenait toujours la main et essaya de la ramener vers elle mais il la retint.
Elle répéta alors, assez fort pour qu’il l’entende vraiment.
« Des siècles… entendez-vous ce que vous dites? Tout cela… » ajouta-t-elle en gesticulant avec son autre main pour indiquer qu’elle faisait référence à eux deux, « … ne fait aucun sens. Je ne suis qu’un battement de paupière pour vous, comme pour tous ceux qui vivent sur cette planète. Pourquoi vous infliger cela? »
Elle voulut se lever et partir sur le champ, prise d’une très grande panique, mais réalisa qu’il avait refermé la grille et qu’il était le seul à avoir la clé… Ils étaient enfermés ensemble, elle ne s’en sortirait pas si facilement.
« Ce que je suis prêt à m’infliger est de mon ressort et du miens seulement Eva. »
« mais… »
« Mais rien du tout. Ces longs mois loin du palais, loin de vous, ont été une véritable torture pour mon cœur. Je sais ce que ça me coutera… et la douleur de votre départ demeurera toujours moins douloureuse que la douleur de vous sentir près de moi sans pouvoir vous prendre dans mes bras. »
Elle ne savait quoi penser, son cerveau avait simplement cessé de fonctionner. Elle le vit ouvrir les bras pour lui faire une étreinte et ne pus rien faire d’autre que de s’y blottir.
Après quelques instants à reprendre ses idées, elle acquiesça finalement, regrettant amèrement de ne pas être capable d’émettre plus de résistance à sa demande. Elle ne voulait simplement pas le faire souffrir… Et il souffrirait, elle n’en avait plus que pour 10, 12 ans avant d’être banni d’Asgard… et il ne pourrait pas venir avec elle à moins de tout abandonner ce que sa famille avait mise des milliers d’années à bâtir.
« N’en parlons à personne pour l’instant s’il-vous-plait. J’ai besoin de faire le point quelque temps » lui demanda-t-elle en le regardant enfin dans les yeux.
Il s’approcha lentement d’elle, le sourire aux lèvres et lui répondit doucement : « Je me soumettrai à cette demande… » il lui embrassa le front « … seulement si j’obtiens la promesse… » il lui embrassa le joue « … que cet instant demandé ne sera pas trop long. ».
Ses lèvres s’arrêtèrent à quelques millimètres des siennes, comme s’il voulait lui laisser l’occasion de se retirer mais elle ne bougea pas d’un iota, figé à l’idée de ce qui se passait en elle. Elle le voulait ce baiser… plus que tout en ce moment… Elle ferma les yeux, prit une grande respiration, ainsi que son courage, et sauta le pas.
Lorsque leurs lèvres se touchèrent enfin, il respira nouveau. Il avait craint d’avoir été trop loin dans ses aveux, de l’avoir poussé à le fuir. Mais il n’avait pu penser qu’à elle durant ces longs mois d’absence et il s’était juré de lui ouvrir son cœur dès qu’il la reverrait.
Le baiser dura une demi-éternité (enfin, selon eux…). Lorsque leurs lèvres se séparèrent enfin, ni l’un ni l’autre ne parla.
Ils restèrent là, front contre front, les yeux fermés, comme s’ils cherchaient à ancrer cet instant hors du temps dans leurs mémoires.
Ce n’était ni une promesse, ni un adieu.
Juste une pause dans la fuite en avant.
Un moment volé entre deux battements d’éternité.
Puis Eva souffla, à mi-voix :
« Je crois… que j’avais besoin de ça. »
Styr rouvrit les yeux, son regard ancré dans le sien.
« Moi aussi. »
Et il ne dit rien de plus. Il n’en avait pas besoin.
Ils quittèrent le jardin secret un peu plus tard, chacun portant en silence le poids léger — et déjà lourd — de ce qu’ils venaient de vivre.
Notes:
Les années ont filé entre rires d’enfants, silences partagés et soupirs étouffés. Tandis que Loki et Thor découvrent le monde l’un à travers l’autre, Eva trace lentement sa place dans ce royaume qui n’était pas censé être le sien. Et dans l’ombre des protocoles et des convenances, un lien se tisse — doux, incertain, mais tenace.
Bientôt viendra le temps des révélations. Le temps pour chacun de retrouver le rôle qui lui revient. Et pour Eva, celui d’assister, impuissante ou émerveillée, à la fin d’une illusion et au début d’un nouvel équilibre
Chapter 10: Entre ces murs
Summary:
Après une absence prolongée, Styr revient au palais, bouleversant l’équilibre fragile qu’Eva avait mis des années à construire. Entre confidences à demi-mot et promesses silencieuses, un lien profond s'est tissé entre eux — discret, mais irrésistible... Que décidera Eva ?
Tandis que les princes grandissent à l’abri des regards, une nouvelle étape s’amorce : ils approchent de leur cinq ans, âge auquel leur croissance ralentira pour plusieurs décennies. Frigga et Odin observent de loin l’attachement entre les enfants et leur nourrice… et devront bientôt prendre une décision importante.
Notes:
Désolée, il y a peu d'interaction avec les princes dans ce chapitre mais la routine s'installe alors il y a peu à raconter... pour l'instant.
(See the end of the chapter for more notes.)
Chapter Text
Le soleil filtrait à travers les tentures épaisses de la nurserie, éclairant les jouets épars et les draps froissés d’une lumière paisible. Après trois ans à vivre presque exclusivement dans la même aile du palais, Eva apprenait à mesurer les jours non pas en heures, mais en rires, en silence… et en battements de cils.
Elle avait souvent l’impression de flotter dans un monde à part — protégée du reste du royaume, ou peut-être tenue à l’écart, elle ne savait plus très bien.
Mais les choses avaient certainement changé depuis l’aveu de Styr quelques jours plus tôt. Elle ne l’avait pas revu... Elle lui avait demandé un peu de temps pour réfléchir à l’implication de ce baiser et il le lui avait accordé.
Chaque soir, après avoir mis les princes au lit, elle s’était retenue de partir à sa recherche dans le palais. Cela lui avait fait réaliser qu’elle ne savait même pas où il vivait…
Les jours passaient, et sa réflexion tournait toujours en rond — comme au premier soir. Une relation avec le capitaine de la garde ne pouvait être que compliquée. Sans parler de leur inévitable séparation, il serait montré du doigt pour avoir choisi une partenaire sans titre de noblesse… Et puis, bien qu’elle en sache peu sur les relations homme/femme dans le royaume d’Odin, elle avait l’impression que le fait de fréquenter quelqu’un en dehors des liens du mariage serait mal perçu par l’entourage de Styr… et il était hors de question de parler de mariage entre eux considérant sa situation. Alors cela ne leur laissait que la clandestinité et donc, une relation très compliquée. Elle était pratiquement enchaînée aux princes pour encore quelques années et après, elle devrait quitter.
Ce soir-là, elle avait invité Inga à passer du temps avec elle. Elle ne voulait pas être seule une fois les princes endormis.
La femme de chambre avait accepté avec plaisir et elle était arrivée juste au moment de mettre les enfants au lit. Elle aimait beaucoup les princes et se sentait privilégiée de faire partie du très petit cercle des gens au courant de la supercherie entourant la naissance de Loki. Elle savait qu’elle n’avait pas toute l’histoire cependant, mais suffisamment pour que Eva puisse se confier à elle parfois.
Comme Inga était au service de la reine depuis très longtemps, elle avait prouvé être digne de confiance à maintes reprises. Frigga lui avait alors expliqué qu’ils avaient trouvé Loki et l’avaient adopté, mais que n’étant pas de sang royal, il ne pouvait être l’héritier d’Odin et qu’ils avaient donc dû mentir au sujet de leur naissance à tous les deux. Elle savait aussi qu’Eva venait de Midgard. Mais cela, même sans explication, elle l’aurait deviné : quand elle l’avait rencontré, rien dans sa démarche, son accent ou sa tenue ne rappelait une Vanne.
Ainsi, elles avaient pu devenir amies au fil du temps.
Après avoir refermé la porte de la chambre des princes, Inga lança à mi-voix, comme si elle poursuivait une pensée commencée plus tôt :
« Vous savez, certaines dames du palais n’ont jamais digéré qu’on vous confie la nurserie. »
Eva haussa un sourcil. « Parce que je suis étrangère ? »
« Pas seulement. Vous êtes jeune, jolie, et… libre. »
Eva fronça les sourcils. « Libre ? »
Inga eut un petit sourire en coin. « Célibataire. Sans enfant. À Asgard, on attend des nourrices qu’elles soient… établies. Mariées. Parfois veuves. Surtout pas distraites par des amours de passage. »
Elle marqua une pause, puis ajouta avec malice :
« Et encore moins courtisées par le capitaine de la garde. »
Eva rougit légèrement, baissant les yeux vers ses mains et se retenant de dire quoi que ce soit de compromettant.
« Je n’ai rien dit. » Fit Inga, les yeux brillants d’ironie contenue. « Mais c’est pour ça qu’on murmure. Ce n’est pas votre faute… C’est juste que vous ne rentrez dans aucune des cases. »
Les deux femmes restèrent silencieuses quelques minutes, Eva réfléchissant à ce qu’elle venait d’entendre et Inga observant le langage corporel de la nourrice. Cette dernière savait souvent beaucoup plus de choses qu’on ne lui en donnait le crédit. Surtout qu’à la demande de la reine, elle portait attention à tout ce qui se disait sur Eva.
Brisant le silence, Inga ajouta finalement :
« Qu’est-ce qui vous rend aussi songeuse depuis quelques jours? Les rumeurs ou le retour du capitaine? »
Eva leva les yeux vers elle.
« Je n’ai que faire des rumeurs, ils n’arriveront jamais à m’atteindre vraiment parce qu’ils n’ont aucune idée de ce dont ils parlent… »
« et donc… » demanda Inga,
« Vous savez que je ne viens pas d’ici et que je ne vivrai pas aussi longtemps que vous… »
« Et c’est une raison pour rester seule le restant de vos jours? »
« C’est surtout une raison me poussant à ne pas vouloir faire souffrir les gens autour de moi. »
« Mais… nous allons tous avoir de la peine lorsque vous nous quitterez : Frigga, les enfants, moi… et le capitaine. Il aura de la peine quoi que vous fassiez, pourquoi ne pas laisser la vie vous donner de beaux moments, même s'ils ne sont que passagers. »
« C’est ce qu’il a dit, mais je pense à sa réputation aussi. Il devra un jour se marier et avoir un héritier qui continuera sa lignée… »
« J’imagine que oui. Et pardonnez la cruauté de ce que je m’apprête à dire, mais… comme vous le dites vous-même, il devra se séparer de vous un jour ou l’autre, il aura encore du temps pour trouver une femme qui lui donnera un héritier. »
« Ce n’est pas cruel, c’est la vérité… mais je n’avais pas vu les choses sous cet angle. »
Inga lui fit un clin d’œil complice.
« Vous avez dit ‘C’est ce qu’il a dit’… il vous a donc parlé? »
« Il est venu me voir à son retour… » Eva s’arrêta nette… elle n’allait quand même pas raconter ce qui s’était passé.
La femme de chambre comprit qu’elle n’aurait pas plus de détail, mais qu’il y avait bien plus à savoir. Elle ne poussa cependant pas plus loin, mais elle se leva et se dirigea vers le petit secrétaire qui était placé dans le coin de la pièce. Elle prit une plume et griffonna quelques instants sur une feuille de papier puis revint et le remis à Eva.
« Je vais rester pour m’assurer qu’ils demeurent bien endormis. Je vous ordonne d’aller poursuivre cette conversation avec le capitaine. J’ai cru entendre qu’il n’était pas de garde ce soir. »
« Mais je n… » Eva protesta tout en baissant les yeux vers le morceau de papier. Elle réalisa alors qu’il s’agissait d’une carte et se tut immédiatement en regardant à nouveau Inga.
« Le chemin le moins fréquenté vers les appartements du capitaine… »
Eva regarda à nouveau la carte et réalisa qu’il vivait au palais lui aussi. Elle se leva, se regarda dans un miroir placé sur le mur près de la porte. La journée avait été calme, sa coiffure et son léger maquillage avaient tenu le coup… Elle se tourna ensuite vers Inga et chuchota un merci avant de quitter la nurserie, les yeux rivés sur le tracé que lui avait offert son amie.
Sortant de l’aile royale, elle tourna à gauche, puis à droite et encore à droite. Elle descendit ensuite un escalier qui n’était fréquenté que par les employés du palais (donc très peu à cette heure) et tourna ensuite à gauche. Finalement, elle compta six portes à sa droite le long du corridor qui se trouvait devant elle.
En arrivant devant la sixième porte, elle hésita une seconde et aurait voulu avoir un peu plus de temps pour reprendre ses esprits, mais elle craignait trop que quelqu’un ne la voie ainsi devant la porte du capitaine. Elle frappa donc doucement et espéra qu’il répondrait rapidement.
De l’autre côté de la porte, Styr était étendu tout habillé sur son lit depuis au moins deux heures. Il fixait le plafond comme il l’avait fait chaque soir depuis son retour. S’il restait debout, il craignait que ses pas le trahissent à nouveau et il ne reprendrait ses esprits qu’à quelques mètres seulement de la nurserie. Il avait rebroussé chemin plus d’une fois depuis le baiser qu’ils avaient échangé.
Mais elle lui avait demandé du temps, alors il attendait.
Sans savoir si elle regrettait.
Sans savoir si elle reviendrait.
Ces quelques jours lui avaient semblé plus longs que le reste de son existence.
Lui que l’on disait forgé dans les glaces de Jotunheim, s’était consumé au premier feu d’un regard.
Des siècles d'existence sans n’avoir jamais ressenti cela.
Et pourtant, il le savait : une simple présence, un souffle, une hésitation à sa porte suffiraient à faire fondre l’armure qu’il avait portée toute sa vie.
On cogna à la porte…
Il resta figé. Ça pouvait être n’importe qui. Un messager. Un garde. Un oubli administratif.
Mais son cœur, lui, n’avait aucun doute. Il battait comme s’il la reconnaissait — comme s’il l’avait entendue, elle.
Et pendant une seconde, il espéra s’être trompé. Qu’elle soit restée loin, comme elle l’avait demandé.
Car il n’était pas certain d’avoir la force de la laisser repartir, s’il la voyait là, sur le seuil.
Il mit quelques secondes à se lever. Lorsqu’il ouvrit enfin la porte, il la trouva, immobile, les mains jointes devant elle, comme si elle s’était demandé jusqu’à la dernière seconde si elle allait frapper.
« Je ne sais pas ce que je fais ici », murmura-t-elle dès qu’il ouvrit la porte.
Il tendit la main, sans un mot. Elle la prit. Ce n’est qu’une fois la porte refermée qu’il osa chuchoter :
« Tes pas t’ont trahi et ton esprit n’a pu reprendre le contrôle avant qu’il ne soit trop tard. »
Eva hésita une seconde, surprise. Elle n’avait entendu personne utiliser le tutoiement à Asgard, sauf envers les enfants. Mais ces mots sonnaient bien à son oreille.
Comme il n’avait pas lâché sa main droite, elle leva la gauche et lui frôla la joue.
« J’ai besoin d’une promesse… non plus que ça… d’un serment… »
Styr la regarda avec des points d’interrogation dans les yeux, mais ne dit rien.
« Tu dois me promettre que tu te trouveras une femme après mon départ. Que tu auras des enfants. Que tu vivras la plus belle des vies. Que je ne resterai qu’un beau souvenir, et non un poids sur ton cœur. »
Il enlaça les doigts de la jeune femme et avança d’un pas.
« Je te promettrai tout ce que tu voudras, mais… »
« Non Styr, pas de ‘mais’. C’est ma condition. Je ne veux pas passer chacune de mes journées à anticiper le moment de notre séparation et lorsqu’Odin m’ordonnera de quitter, je veux pouvoir partir sans regret. Je ne peux t’offrir une histoire longue et encore moins un héritier. »
Son regard changea au moment où il capitula. Il hocha légèrement la tête avant de reculer d’un pas et de descendre un genou au sol. Son poing droit se plaça ensuite sur son cœur et son regard se plongea dans celui de la femme devant lui.
« Par mon honneur et ma volonté, je te fais le serment de poursuivre ma vie et ma lignée après ton départ en ne regrettant aucun jour passé auprès de toi. »
Eva s’agenouilla face à lui.
Elle le regarda un instant, touchée jusqu’au cœur par la simplicité de ses mots. Il n’avait rien demandé, rien exigé — seulement offert, sans condition.
Et elle l’embrassa tendrement, lui donnant ainsi enfin sa réponse.
Ils restèrent là, à hauteur égale, les yeux fermés, comme si le silence seul pouvait fixer l’instant dans leur mémoire.
Lui, il s’efforçait de ne pas trembler.
Il avait prêté bien des serments dans sa vie — loyauté au trône, fidélité au commandement, obéissance au code.
Mais jamais aucun ne lui avait coûté autant.
Jamais aucun n’avait été tissé de tant de douceur, et de tant de perte annoncée.
Puis Styr se redressa légèrement et murmura, un sourire doux au coin des lèvres :
« Je crois que c’est maintenant qu’on devrait discuter des termes de notre secret d’État… »
Eva laissa échapper un petit rire étouffé, encore appuyée contre son épaule.
« Frigga l’a déjà deviné. Inga… aussi. »
« Je m’en serais inquiété si ce n’était pas le cas. »
« Pour les autres… je préférerais qu’on reste prudents. »
« C’était aussi mon souhait. Il y a trop de regards qui cherchent à percer ce qu’ils ne peuvent comprendre, et je ne voudrais pas que les gens s’acharnent davantage sur toi. »
Il glissa une main dans ses cheveux, avec une tendresse qu’il n’avait jamais osée.
Elle laissa faire, mais un souffle court, presque rauque, lui échappa — réflexe brut, échappé de plus loin que la pensée.
Le front encore appuyé contre lui, elle ne bougea pas.
Il se surprit à retenir sa respiration. Chaque fibre de son corps s’était tendue, attentive à ce simple son.
C’était peut-être ça, aimer quelqu’un dont on ne posséderait jamais l’avenir : s’accrocher au présent comme à un trésor prêt à disparaître.
« Alors on garde ça entre nous », murmura-t-elle.
Il acquiesça en silence, scellant le pacte invisible d’un nouveau baiser.
« Je ne m’en lasserai jamais… » chuchota-t-il.
Et il le pensait vraiment.
Quelques instants plus tard, ils étaient assis côte à côte et main dans la main sur le rebord de son lit, mais plus proche que jamais. Ils discutèrent ainsi pendant près d’une heure, échangèrent plusieurs autres baisers puis, tel un vrai gentleman, il la raccompagna à la nurserie en lui montrant un passage encore plus court que seuls les gardes attitrés aux appartements royaux connaissaient et qui n’était utilisé qu’en cas d’urgence.
Il ne disait rien. Il n’avait pas besoin de le faire.
Ses gestes suffisaient, précis, mesurés, protecteurs.
Mais en son for intérieur, chaque pas était un aveu qu’il n’aurait jamais formulé à voix haute :
Elle était devenue sa priorité.
Même en silence.
Même sans lendemain.
Elle marchait à ses côtés comme si elle lui appartenait un instant — et cela lui suffisait.
Ce soir-là du moins.
Et comme ça, la routine s’était compliquée. Entre les enfants qui grandissaient et l’apprentissage de la magie, elle avait fait de la place pour un beau capitaine aux yeux bleus…
Il était souvent de garde le soir, ce qui limitait leurs moments ensemble. Mais dès qu’un instant se libérait, il trouvait son chemin jusqu’à la nurserie. Parfois, Inga restait avec les enfants et ils partaient tous les deux explorer le jardin oublié de Bor. C’était maintenant leur endroit à eux.
Il n’y eut jamais de moment décisif.
Styr commença à se glisser en silence dans la nurserie. Il aimait la regarder s’occuper des enfants, rêvassant – non sans mélancolie – à comment elle serait avec les leurs.
Toujours chaste au début puis avec le temps, leurs gestes s’étaient faits plus sûrs, plus familiers. Il n’était plus question d’attente, ni de promesses. Seulement de temps partagé, et d’un lien qu’ils n’avaient plus besoin de justifier.
C’était bien un secret — du moins, sauf pour Frigga et pour Inga, qui détournaient le regard sans commentaire lorsqu’elles les surprenaient à se frôler la main. Mais ils n’en parlaient jamais à voix haute.
C’était un lien tissé entre les heures volées. Un amour sans serment nouveau, sans futur assuré… mais un amour quand même.
Rien ne changeait vraiment entre eux — sinon cette tendresse plus libre, plus franche, que les mots n’auraient su justifier.
La plupart du temps, quand il n’était pas de garde, il veillait chez elle.
Parfois, lorsqu’Inga acceptait de veiller sur les princes, elle se permettait d’emprunter le passage secret qu’il lui avait montré et retrouvait ses bras pour une nuit entière.
Mais jamais l’inverse.
Styr ne dormait pas dans la nurserie.
Pas une seule fois.
C’était la seule limite imposée par Frigga.
Mais même sans cette limite, il aurait été impossible pour Styr de dormir dans la chambre de sa douce. La raison… Un tout-petit prince aux instincts déconcertants…
Parfois, au milieu de la nuit, Loki se levait et allait la rejoindre sans un bruit.
Elle ne le voyait pas venir, mais se réveillait le lendemain avec son petit prince bien blotti contre elle — comme si sa magie l’avait conduite à elle sans qu’il en ait conscience.
Elle avait renoncé à comprendre.
Lui avait cessé de s’en étonner bien avant elle.
« Je ne rivaliserai pas avec un prince doté de sixième sens », avait-il simplement dit.
Et il n’insistait pas. Ce lien relevait de la magie, et cela seul le rendait sacré à ses yeux.
Ainsi les saisons avaient glissé les unes après les autres, et bientôt deux ans s’étaient écoulés depuis leur promesse silencieuse.
La croissance de Loki sembla ralentir à l’approche de ses cinq ans, comme prévu. Frigga expliqua que ses fils resteraient enfants très longtemps avant de reprendre leur développement. Elle avait vérifié : la croissance des Jotuns était semblable à celle des Ases.
Ce qui l’étonnait davantage, en revanche, c’était que l’attachement de Loki à Eva ne se soit pas atténué avec l’âge. Il cherchait encore sa présence comme un nourrisson cherche l’odeur de sa mère, même s’il n’avait plus besoin d’elle pour s’endormir ou se nourrir. Comme s’il la sentait indispensable.
« C’est rare, ce genre de lien. Mais je n’ai pas voulu l’interrompre, » avait simplement dit Frigga, le regard perdu sur les dessins que Loki lui avait offerts.
Peut-être était-ce dû à cette trace de Seidr qui flottait autour d’Eva… faible, mais étrangement accordée à celle de Loki, songea-t-elle.
Eva avait hoché la tête, un peu émue. Malgré le ralentissement de sa croissance, rien ne semblait altérer la constance de ce lien silencieux entre eux.
D’après ce qu’Eva avait compris, les princes atteindraient une maturité stable autour de cinq ans qu’ils conserveraient pendant environ quarante années. Ensuite, leur croissance reprendrait lentement, les menant à l’adolescence. Cette phase durerait près de deux siècles, avant que le processus ne s’accélère de nouveau pour les conduire à l’âge adulte vers quatre cents ans.
Depuis qu’elle vivait ici, Eva avait cessé de compter les années comme avant.
Les Asgardiens ne parlaient ni de mois, ni de semaines : leur vie était rythmée par trois grandes saisons.
La Várstíð, le temps du renouveau.
La Gróðrtíð, la saison de la croissance et de la lumière.
Et enfin la Hausttíð, la période des récoltes et de la mémoire.
Il n’y avait pas d’hiver. Bien qu’elle ait entendu dire que certains pics étaient couronnés de neiges éternelles.
C’était maintenant la Gróðrtíð — et tout, autour d’elle, semblait sur le point d’éclore.
Un après-midi, alors qu’elle courait après Thor dans les jardins de la reine — lequel grimpait aux arbres avec l’agilité d’un petit animal indomptable — Eva sentit enfin le besoin de poser une question qu’elle repoussait depuis des années.
« Combien de temps vivrez-vous Frigga ? »
La reine s’interrompit, surprise, puis se tourna vers elle.
« Pourquoi cette question, tout à coup ? »
« Je crois que je l'ai repoussé trop longtemps. Voilà cinq ans que je vous côtoie presque tous les jours et il n'y a absolument aucun signe de vieillissement sur votre visage. Je sais que vous vivrez des siècles… mais combien exactement ? »
Frigga esquissa un sourire mélancolique.
« Chaque race des Neuf Royaumes vieillit à son propre rythme. Les Midgardiens ont une existence brève, ce qui les rend fascinants pour certains… et sans intérêt pour d’autres. Les Asgardiens, les Vanirs, les elfes, les nains, les Jotuns… tous vivent plusieurs siècles, parfois des millénaires. Mais certains, ceux qui accèdent au panthéon des dieux, peuvent dépasser cinq mille ans. »
« Je croyais que tous les asgardiens étaient des dieux. »
« Oh non. Ce titre se mérite. »
« Et qu'est-ce que ça implique ? » demanda Eva de plus en plus intéressée par cette coutume dont elle n'avait jamais entendu parler.
« Le Tout-Puissant, s’il estime qu’un être en est digne, peut lui accorder une pomme d’Idunn, la déesse de la jeunesse et de la fertilité. Ces fruits rendent la vigueur, la beauté, et prolongent la vie. Lors de la cérémonie, celui ou celle qui la reçoit se voit attribuer un titre divin, selon ses mérites, ses exploits… ou ses sacrifices. »
Eva resta un moment silencieuse. Puis :
« Mais… vous n'êtes pas asgardienne… »
« Non, en effet. Les Vanirs y ont aussi droit, bien que ce soit plus rare. Les elfes et les nains peuvent y prétendre. Même les Jotuns. »
« Et… les midgardiens ? » Demanda Eva, soudainement pleine d'espoir.
Frigga la regarda longuement.
« Jamais aucun Midgardien n’a reçu un tel honneur. Je crains que vos corps soient trop fragiles pour contenir une telle énergie. Même si ça fonctionnait, Odin ne prendrait pas un tel risque… à moins d’un exploit absolument hors du commun. Ne vous nourrissez pas de faux espoirs, Eva. Ce serait vous condamner à la déception. »
Eva hocha lentement la tête. Elle s’en doutait. Mais elle s’accrocha malgré tout à l’idée qu’un avenir, même improbable, valait mieux qu’aucun avenir du tout.
Et en attendant que le destin choisisse son camp, tout continuait d’évoluer.
Et Styr… Il trouvait toujours un moment pour lui voler quelques instants. Et ce matin-là, quelques jours plus tard, elle lui manquait. Ils ne s’étaient pas vus depuis plusieurs jours…
Il était resté dans l’ombre d’un pilier, à bonne distance des gardes en faction (il avait lui-même attribué les points de garde pour assurer le bon fonctionnement de son plan).
Il savait qu’elle passerait. Elle passait toujours à cette heure-là.
Et parfois, quand elle lui manquait un peu trop, il s’arrangeait pour être dans les parages — sans jamais se l’avouer tout à fait.
Officiellement, il faisait sa ronde. Officieusement… il guettait un éclat de voix familière, un pas léger dans le couloir.
Mais ce matin, il n’avait pas résisté.
Quand il l’aperçut enfin, un rouleau sous le bras, les sourcils légèrement froncés comme à chaque fois qu’elle retenait des mots dans sa tête, il sentit son cœur se tendre.
Il jeta un coup d’œil autour. Le couloir était calme. D’un pas sûr, il la rejoignit et, sans un mot, l’attira doucement dans l’alcôve la plus proche, entre deux colonnades oubliées.
Elle n’eut pas le temps de protester. À vrai dire, elle n’en eut pas l’envie.
« Tu as été bien sage ces derniers jours, » murmura-t-il à son oreille, son front frôlant presque le sien.
Elle sourit, à moitié amusée, à moitié prise au dépourvu. « C’est que je ne voulais pas faire jaser davantage… »
Il glissa une main contre sa nuque, avec la douceur d’un homme qui connaît la valeur du silence, et l’embrassa.
Un long baiser, sans urgence, mais passionné. Comme une évidence.
Il ne cherchait rien d’autre. Juste ça. La certitude qu’elle était là. Qu’elle ne regrettait pas.
Quand leurs lèvres se séparèrent, elle resta contre lui quelques secondes encore, les yeux clos.
Styr n’ajouta rien. Il n’en avait pas besoin.
Quand elle se remit en marche, droite et digne, il la regarda s’éloigner.
Il resta là un moment, le cœur battant.
Ce n’était qu’un baiser, volé dans l’ombre d’un palais.
Mais pour lui, c’était l’instant le plus clair de la journée.
Quelques jours après les cinq ans de Loki, Eva sortit jouer avec les princes dans le jardin de la reine, sans savoir qu’on l’observait depuis l’un des balcons, quelques étages plus haut.
Frigga et Odin prenaient le soleil sur le balcon de la reine lorsqu’ils entendirent des cris et des rires d’enfants. Ils les observèrent en silence pendant quelques minutes, jusqu’à ce qu’Odin rompe enfin le silence :
« S’occupe-t-elle bien de nos fils? »
« Elle fait bien plus que ce qu’on attend d’une nourrice. Elle les aime profondément, et ils le lui rendent bien. Surtout Loki. »
« Comment est-il? »
« Il n’a pas l’esprit guerrier de son peuple, si c’est ce que tu demandes. Elle dit qu’il deviendra un bon combattant, mais que son pouvoir résidera principalement dans la connaissance de la magie. »
« Que dit-elle de Thor? »
« Qu’il sera un grand guerrier, digne de Mjolnir, et qu’il te succédera un jour. »
Odin sembla satisfait.
« Alors tu as ma permission de former Loki à la maîtrise du Seidr. »
Elle acquiesça, et posa sa délicate main sur celle de son époux, posé sur la balustrade.
« Ils ont l’âge de reprendre leur place respective », annonça Odin. « Je vois d’ici que Thor a maintenant la même taille que Loki. Nous n’aurons plus à les cacher. »
Il marqua une pause.
« Tu pourras le lui annoncer lorsqu’elle rentrera. Mais dis-lui de faire comme si de rien n’était. Le peuple ne doit pas percevoir qu’il y a un ‘avant’ et un ‘après’. On doit faire comme si tout était normal depuis le début. Je vais avertir le capitaine Styr également. Il sera officiellement attitré à la protection des princes comme il est déjà au courant de tout. »
Frigga retint son sourire. Elle en connaissait deux qui seraient très heureux de cette nouvelle… mais savait aussi que rien, jamais, ne serait simple avec eux.
Notes:
Entre les murs protecteurs de la nurserie, le temps semblait suspendu. Tandis qu’Eva s’autorisait enfin une part de bonheur auprès de Styr, la relation qu’elle entretient avec les princes, elle, ne faisait que se renforcer — surtout avec Loki, dont l’attachement défie toute logique.
Mais les jours cachés touchent à leur fin : Frigga et Odin ont tranché. Les enfants retrouveront bientôt leur place au grand jour.
Et si Eva s’est adaptée à mille réalités depuis son arrivée… comment parviendra-t-elle à élever deux jeunes dieux qui resteront enfants pendant des décennies ?
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N'hésitez pas à me donners vos impressions, l'histoire est bien avancé mais je suis toujours ouvertes aux suggestions. Et c'est toujours encourageant de vous lire.
Comme je l'ai dit dans les dernière semaines, j'essais de continuer de vous donner une chapitre par semaine mais avec ma charge de travail l'été, et les vacances en famille, je ne peux rien promettre d'une semaine à l'autre, au moins jusqu'en septembre où tout devrait reprendre un rythme plus normal.
Miyara on Chapter 4 Sun 22 Jun 2025 07:37PM UTC
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MelOfMidgard on Chapter 4 Sun 22 Jun 2025 08:30PM UTC
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KyleAxelle on Chapter 5 Wed 09 Jul 2025 11:56AM UTC
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KyleAxelle on Chapter 8 Thu 31 Jul 2025 09:25AM UTC
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