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Un chat trempé

Summary:

[Turned back to French. Inspiré des superbes fics de Lacrimalis, et écrit grâce a ses encouragements, sa beta lecture, et TOUTE l'inspiration grace a ses fics et commentaires, merci énormément amigo ♥♥]
Dans ces yeux gris il ne régnait plus que de la fatigue et plus aucune lueur espiègle. Plus aucune lueur du tout.
La mort. Pour quelqu’un qui les avait étincelants de joie de vivre la dernière fois, c’était un sacré changement.
— Y/N…, résonna une voix que tu avais connue tonitruante, ou élégante, bien des choses, parfois imitatrice, mais jamais ainsi.
Ta machoire se décrocha quand tu baissa les yeux vers lui, et réalisa enfin.
— Keith ?!
— Aide-moi… S’il-te-plaît…
Dans absolument n’importe quelle autre circonstance, tu l’aurais entrer, tu l’aurais même pris par le bras, tu l’aurais emmené dans un fauteuil et tu te serais hâtée de lui apporter à manger, à boire, de quoi se réchauffer, un kit de soins… Qu’il y ait une tempête qui fasse rage au dehors ou pas, d’ailleurs.
Dans ce cas, tu laissas tomber tes épaules, tu soupiras, tu levas les yeux au plafond, et…
Tu reculas d’un pas et lui ferma la porte au nez.
Tête de con. Tu crois quand même pas m’avoir ?

Notes:

Chapter 1: Ton chat qui insistait pour sortir hurle maintenant à la porte

Chapter Text

[Turned back to French, we'll put the english version when it's ready ♥)

 

D’accord, tu ne sortais plus beaucoup en ce moment.

 

Mais, ça t’avait réussi ! Bien que ce fut pour des éléments indépendants de ta volonté. Tu étais restée cloîtrée chez toi pendant près de trois mois… Un peu plus même ? À ne te nourrir que de courses achetées en ligne, et de plats amenés à la maison. Tout ça après t’être retrouvée dans les « limbes » de ton nouveau travail. Et, aux yeux du reste du monde, à te morfondre.

Jusqu’à ce que, de chez toi, commencent à sortir quelques individus un peu dingues, mais pleins d’énergie, qui changeaient petit à petit le monde, au point qu’à présent, ton ancien évier était devenu un homme politique à succès, ton plafond et ton sol aussi, et tu recevais quantité de bons petits plats de la part de tes meilleurs amis, respectivement la table et ton bureau…

Non contents de changer ton monde petit à petit, ils commençaient à bouleverser l’extérieur. Leurs personnalités éclatantes t’avaient donné mille et mille fois le sourire, parfois cela avait été dur, mais à présent, oui tu devais nager dans le bonheur.

Sans compter que – et bien…

À présent, tu étais aussi impliquée dans un genre de throuple avec ton ancien patron et l’ancien hacker qui t’avais permis de changer le monde, et à leurs côtés tu étais devenue une dirigeante (de nom seulement) de leur entreprise. Ton ancien manager était un ami et plus si affinités, et tu venais de terminer d’arranger le coup de Sam avec son ancienne figurine de Hero Hime qu’elle t’avait prêté. Tu avais des entrées dans les meilleurs bars du monde, les théâtres, les cinémas, les… Partout où tu allais. Bien que tu ne profitais que de ceux qui étaient à moins d’une demi-journée de distance en voiture de chez toi, à moins d’avoir le moyen de faire un trajet en avion ou en train, là encore, et d’être rentrée dans la journée.

Non, vraiment…

Ton monde tournait bien. Tu avais plein d’amis, on t’invitait à passer des séjours de partout, et beaucoup de gens que tu aimais de manière très libre, et eux aussi…

La liberté, l’amour, l’amitié, qu’est-ce qu’on peut demander de plus ?

 

Ce soir, tandis que tu contemplais par la fenêtre la tempête qui faisait rage à l’extérieur, tu te sentais étrangement à l’aise.

Des émotions conflictuelles un peu en toi tournaient encore, parce que bien que maintenant tu aies l’habitude de dispenser ton cœur un peu à tous, la façon qu’avait eu tout à l’heure David de te prendre dans ses bras pour t’embrasser dans le couloir juste devant la salle de réunion après une réunion de Human Expérience t’avait laissée un peu chamboulée. Vous étiez tous les deux plongés dans les ténèbres, tu lui avais tenu la porte, et comme Franklin vous avait sifflé de ne pas l’attendre, David avait refermé derrière lui.

Puis il avait baissé les yeux vers toi, et tu ne sais pas du tout pourquoi, mais dans la pénombre comme ça, avec son corps massif te surplombant et toujours un certain souvenir d’un rêve érotique le concernant… Disons que le goût de caramel au beurre salé rémanent sur ses lèvres après le latté qu’il avait dégusté durant la réunion, n’était… pas désagréable.

Bon, ensuite Franklin était sorti de la salle de réunion pour vous disputer tous les deux parce que, je cite, « ça va pas bien la tête de vous faire des blagues dégoûtantes à voix basse pendant qu’on est en réunion avec les actionnaires, c’était pas le moment, Y/N tu t’es bien rattrapée mais franchement… » et l’instant où tu t’étais sentie toute chose s’était évanoui. David avait le chic pour balancer de ces roucoulements qui faisait lever les yeux au ciel à Franklin, mais qui rougissait assez pour qu’ils se réconcilient, ce qu’il avait fait tout de suite, et les deux hommes s’étaient chamaillés gentiment (avec toi coincée sous le bras de David qui avait une force assez surprenante).

Et puis, tu avais coupé court à toute chance d’autre chose car ce soir, tu avais préféré rentrer chez toi parce qu’on annonçait une tempête, et que tu te sentais mal quand tu n’y dormais pas, comme si tout ton royaume, ton… intimité, peut-être, s’y résignait.

C’était bizarre, au fond, songea-tu en contemplant le vent hurlant qui agitait les feuilles des arbres en projetant des ombres qu’un jour tu aurais trouvées menaçantes, mais qui désormais te rappelaient juste Splits, et Airyn, raison peut-être de ta tranquillité. De ceux qui étaient nés humains de ta connaissance, tu ne laissais plus jamais personne pénétrer dans ta réelle intimité, dans ta maison. De manière spontanée, bien sûr. Les seuls qui y étaient invités, de façon naturelle, étaient ses anciens résidents.

De sort eque… tu te sentais le besoin, quand tu n’avais pas prévenu le groupe Thiscord de tes anciens « objets » (tu préférais le terme de colocataires) que tu serais absente pendant quelques jours, d’être rentrée chez toi.

Et puis c’était à peu près la date où l’an dernier l’un de tes chéris était venu te rendre visite pour te proposer quelque chose, une croisière de luxe, que sur le coup tu n’avais osé accepter parce que tu étais trop occupée à te réjouir pour lui puis à rattraper le temps perdu, mais que ut comptais bien accepter aujourd’hui.

Alors…

 

Autant rester à la maison.

 

Et puis, il te manquait beaucoup, ton petit pirate. Beaucoup. Beaucoup.

Alors, là, on pouvait dire que tu étais heureuse. A savoir que bientôt tu verrais un autre de tes amoureux, que tu en avais vu deux aujourd’hui, que tu en avais eu un autre au téléphone… Et ce soir, avec ta nuisette, à contempler le vent hurler par la fenêtre dehors tout en sirotant un Whiskey Sour, tu ressentais un bien-être mêlé d’une mélancolie et d’une appréhension qui faisait ronronner ton cœur.

En fin de compte, tes relations s’étaient naturellement assagies avec plusieurs de tes anciens amoureux et tu était passée au second plan, mais tu étais heureuse pour ceux pour qui tu n’étais plus qu’une amie, et ces conversations de rupture se passaient bien. Pour certains, tu étais toujours aussi importante, et de toute façon, tu les aimais tous.

Alors que tu portais ta tasse à tes lèvres en contemplant le vent qui agitait les arbres, bien au chaud, la pluie se mit tout à coup à battre férocement. Avec un petit sourire narquois, tu repensais à Wyndolyn, en te disant qu’elle se serait sûrement plainte d’être trop trempée. Tu avais eu du mal à devenir amie avec, et en fin de compte, ce qu’elle était devenue ne te surprenait pas tellement. Tu recevais des nouvelles régulièrement et…

Un coup de tonnerre résonna brusquement à l’extérieur, illuminant le monde brièvement d’un éclat blanc et faisant trembler la terre en même temps. Tu grimaça : l’orage était juste là, au dessus de ta tête. Rapidement, tu tourna la tête en direction de la télévision et du petit voyant rouge qui indiquait que la box télé était active d’ordinaire, mais cette fois était éteinte, afin de vérifier que le courant ne passait pas. Tu étais bien contente d’avoir pensé à couper l’électricité un peu plus tôt : à présent, changer l’un de tes objets cassés te causait une grande peine, au point d’apprendre toi-même à bricoler pour tout réparer. Ta maison était devenue comme un sanctuaire, et le regard rivé sur le noir de la télévision, tu ne pus t’empêcher d’esquisser un petit sourire.

 

C’est peut-être justement pour ça que-

DRRRIIIIIING

Le coup de sonnette te surprend à ce point. Si tu avais regardé la rue, peut-être t’en serais-tu aperçue, mais en lieu et place tu sursauta presque jusqu’à Florence et écarquilla de larges yeux.

Qui est-ce qui vient sonner chez les gens à cette heure-là ?!

Peu importe qui, ils devaient être dans le pétrin. Rapidement tu te levas, passa une couverture autour de toi, et fonça vers la porte d’entrée pour l’ouvrir avec un brin de panique, tes sourcils presque en haut de ton front. Mais, à peine eut-tu la main posée sur la poignée que tu eus déjà une sensation bizarre, comme si tu allais ouvrir à Frankenstein ou à son monstre.

Franchement, qui vient sonner à la porte à… onze heures du soir un soir d’orage ?

Puis tu tiras, en te demandant encore une fois ce que ça faisait à Dorian à l’époque quand tu tournais la poignée, et –

 

Et ce fut un lynx tout trempé qui apparut derrière.

 

Un lynx avec un costume gris tirant sur le violet bleu, avec une chemise rose… qui avaient dû être étincelants et très élégants sur lui à une époque. Maintenant, ça faisait plutôt « employé de bureau qui a picolé toute la nuit et a passé plusieurs jours à décuver dans le coaltar dans la rue ». À l’exception que ça ne devait pas être que dans la rue, parce que des petites branches et des feuilles, des cailloux et autres traces de bave d’escargot et quelques traces de crocs d’animaux avaient complètement fini de ruiner le costume (et lui, au passage). Tissu froissé, déchiré, sali avec des traces de on-ne-savait-quoi, trempé…

Porté par un grand gaillard, aux larges épaules et au corps harmonieux d’un homme bien charpenté, même si la faim l’avait fait pas mal maigrir, et qui, aujourd’hui, se tenait voûté sur un bâton qui ressemblait plutôt à une branche cassée, dans une telle posture qu'il semblait incapable de tenir debout sans.

Un grand gaillard qui n’avait d’un lynx que la volumineuse masse de poils, que ce soit une crinière grise sombre parsemée de fils blanc, qui avait l’air d’avoir vécu de meilleurs jours, mais était actuellement toute plaquée sur sa tête à cause de la douche phénoménale qu’il venait de se prendre dehors, ou sa barbe et sa moustache qui avaient perdu de leur superbe et pendaient lamentablement, avec l’air d’avoir besoin d’un bon coup de ciseaux.

En dessous de ses cheveux qui retombaient plaqués sur sa tête, se trouvaient un nez droit, une forte mâchoire, et des traits irrémédiablement séduisants en plus d’un peu plus de cernes que dans ton souvenir, et son teint autrefois déjà bronzé l’était plus encore, mais avait pourtant pâli comme s’il était à deux doigts de défaillir. Et surtout, dans ces yeux gris dans lesquels tu t’étais perdue autrefois, il ne régnait plus que de la fatigue et plus aucune lueur espiègle. Plus aucune lueur du tout.

La mort à l’intérieur de ces yeux. Pour quelqu’un qui les avait étincelants de joie de vivre la dernière fois, c’était un sacré changement.

 

— Y/N…, résonna une voix que tu avais connue tonitruante, ou élégante, ou bien des choses, parfois même imitatrice, mais jamais ainsi.

Les yeux levés vers toi, voûté, et trempé comme un chat tombé dans la piscine, il avait la voix cassée de quelqu’un qui tombait de sommeil et d’épuisement. De quelqu’un qui avait sombré dans le désespoir. Tu avais vu des traders comme ça de temps en temps.

Ta machoire se décrocha quand tu baissa les yeux vers lui, et réalisa enfin.

Keith ?!

— Aide-moi… S’il-te-plaît…

Dans absolument n’importe quelle autre circonstance, tu l’aurais laissé passer, tu l’aurais même pris par le bras, tu l’aurais emmené dans un fauteuil et tu te serais hâtée de lui apporter à manger, à boire, de quoi se réchauffer, un kit de soins… Qu’il y ait une tempête qui fasse rage au dehors ou pas, d’ailleurs.

 

Dans ce cas, cependant, tu laissas tomber tes épaules, tu soupiras, tu levas les yeux au plafond, et…

 

Tu reculas d’un pas et lui ferma la porte au nez.

Tête de con. Tu crois quand même pas m’avoir ?

Il te sembla vaguement entendre un faible : « Mais ! Ouvre-moi ! Tu ne peux pas me laisser comme ça ! Où ils sont tes cent points d’Empathie ?! » que tu n’écoutas pas, car les dents serrées, tu frémis, et te retourna pour plaquer ton dos sur la porte et l’empêcher de l’ouvrir s’il l’essayait. Tu en doutais : tu avais eu beau fermer ta porte à clé et lui être un passe-partout, il ne l’était justement plus, alors à part utiliser la force brute ou forcer la serrure, ce pour quoi il était trop faible, il ne risquait pas de te poser souci. Mais ça n’était pas ça le problème. Le problème c’était…

Comment oses-tu ?

Le dos à la porte, tu inspiras profondément, risqua un œil sur le côté, où tu voyais ses mains sur les côtés latéraux de la porte, sur les fenêtres tout autour. Ses gants avaient bien sûr disparu, et il tapait de mains sales sur la vitre, égosillé. Il avait perdu son sang-froid…

Tout comme sa superbe.

Il y avait-il du sang sur les vitres ?

— Y/N ! J’ai froid ! Ne me laisse pas comme ça, je te demande pardon pour tout, mais…

Tu avala ta salive, puis laissa s’écouler quelques secondes, où tu le devinas glisser le long de la porte, éternuer. Vaincu, il gémit :

— S’il-te-plaît…

— Je te déteste, siffla-tu. Comment oses-tu revenir faire le beau minois devant ma porte après le coup que tu m’as fait ?!

— Je sais ce que je t’ai fait ! Mais j’ai besoin de toi ! Ecoute, j’ai survécu à des choses que tu n’imagines même pas, je te demande juste l’asile pour un soir, après je m’en irai et…

— Comment veux-tu que j’aie confiance en toi ?! crias-tu, sentant ton cœur se gonfler de rage. J’étais folle d’inquiétude ! Tu m’as piqué les trois quarts de mes économies, tu m’as menti, et…

Pire que tout : tu n’as même pas eu assez confiance en moi pour te montrer tel que tu es.

Ca, tu ne pouvais pas le dire. Alors tu te repris, après plusieurs longues secondes, et cria :

— … Tu m’as dit que tu m’avais manipulée depuis le début !

— Et je le regrette ! Ecoute, je sais tout ça, mais tu as toujours eu une empathie surdéveloppée avant même que je t’encourage à développer tes talents, je sais que tu ne peux pas me laisser comme ça…

— C’est pour ça que tu es rentré ?! siffla-tu. Parce que tu crois que je vais de nouveau me laisser avoir et t’accueillir dans ma maison et prendre soin de toi ?! Et comme une idiote te laisser profiter de moi de nouveau ?

— J’ai l’air d’un monstre quand tu me décris comme ça ! protesta-t-il. Un soir, un seul soir, une seule nuit, je prendrais pas beaucoup de place, j’irai dans le…

— COMMENT VEUX-TU QUE JE TE CROIS ! rugis-tu, les larmes te montant aux yeux. Je peux pas croire un mot qui sort de ta bouche !

Ce fut le silence qui s’ensuivit. Un silence seulement brisé par tes sanglots, et le clapotis incessant et agressif de la pluie, et la foudre du tonnerre à l’extérieur.

Sa voix résonna une nouvelle fois, plusieurs minutes plus tard.

— Je resterai sous le porche. Laisse-moi juste là, au sec, s’il-te-plaît. Ne me chasse pas.

Tes larmes coulaient sans s’arrêter sur tes joues, et vaincue, assise

Il était dangereux, reconnus-tu dès que tu l’entendis. Il savait où frapper. Il savait que tu ne pourrais pas résister. Qu’il débarque chez toi quand il était dans un pétrin pareil, quand il aurait pu aller dans n’importe quel endroit où on accueillait les sans abris, ce n’était pas pour rien. Tu n’étais pas sans le savoir. Et pourtant…

… Pourtant, il était vraiment mal en point.

 

Si tu avais pu vous voir tous les deux, tu aurais remarqué qu’à présent vous aviez adopté exactement la même pose. Il s’était lui aussi assis par terre, le dos à la porte. La différence était que ton regard était au sol, perdu dans les méandres de ton cœur, perdu dans les tréfonds de ton âme.

Le sien était vers le ciel, laissant couler qui avait imbibé ses cheveux sur son visage. L’expression – étrangement, n’était pas indéchiffrable. Simplement, soulagé. D’enfin se poser un peu.

Toi, tu ne le chasserais pas, il le savait. C’était impossible pour toi. Bien d’autres auraient voulu faire partir quelqu’un qui avait l’air d’un clochard qui s’arrêtait devant chez eux pour s’éterniser sur leur porches, beaucoup d’autres aussi auraient fait le minimum, et toi, il le savait, tu faisais partie du deuxième groupe.

Tu avais l’impression qu’il profitait encore de toi.

Et…

— …. Pff.

 

Ta porte s’ouvrit dix minutes plus tard.

Keith s’était endormi contre la porte, de sorte que quand tu ouvris il sursauta et se tourna pour t’adresser un œil écarquillé et effaré. C’était une sacrée vue, que ce maine coon humain tout mouillé qui levait les yeux vers toi, un œil où une lumière n’était pas présente, mais où la lumière de l’intérieur de chez toi commençait à se refléter. Forcément : tu avais remis le courant tout à l’heure, parce que tu n’allais pas pouvoir l’aider sans électricité. Et aussi que, pour ce que tu avais prévu de faire, il t’en fallait de l’électricité. Mais quelque chose te sauta aux yeux…

Il avait l’air d’avoir traversé l’enfer.

Tu ne pus t’empêcher de lui adresser un sourire amer, en montrant ce que tu avais dans ta main droite. Une grosse serviette pelucheuse rouge. De sous sa masse de cheveux, son expression était un peu hagarde, comme s’il se réveillait d’un profond sommeil. Pas étonnant.

— C’est bon. Déshabille-toi et sèche-toi, tu as la douche déjà de chaude, et je t’ai mis des vêtements propres et secs dans la salle de bain, sur l’étendoir.

Son regard se posa d’abord sur la serviette, puis sur toi. Un peu écarquillé. Perdu. Puis lentement cela vint à réaliser, et ce fut un large sourire que tu regrettas immédiatement d’avoir vu, car il y scintillait de la gratitude, ou en tout cas le semblait-il.

Merci beaucoup , la mia querida. C’est bien mieux que ce que je mérite.

— De un, tu commences pas à essayer de faire celui qui s’en veut, ça marchera pas, feula-tu en laissant tomber la serviette sur sa tête avant de tourner les talons et de commencer à t’éloigner vers la cuisine. De deux, tu m’appelles pas ta « querida ». Tiens le toi pour dit, je me fiche royalement de toi, je peux juste pas moralement laisser quelqu’un crever de froid et de faim sur mon porche.

Par-dessus ton épaule, tu l’avisas commençant à se déshabiller de son costume pour s’enrouler de la serviette, et pousser un soupir de soulagement en réalisant qu’elle était chaude. Evidemment, tu avais pris le temps de la mettre durant ces dix minutes sur le séchoir. Malgré toi, tu souris en voyant que ta précaution était bien appréciée. Vu le froid qu’il faisait dehors, ça n’avait rien de surprenant. Dans des circonstances pareilles, tu l’aurais apprécié toi aussi.

Et puis tu vis un morceau de son magnifique torse se dévoiler nu à toi, et ton corps se trahit à toi en faisant battre ton cœur à fond dans ta poitrine et le rouge te monter tout de suite aux joues. Bon sang . Il avait beau avoir l’air de quelqu’un qui avait besoin d’être nourri et réhydraté rapidement, il était toujours très bien foutu. Rapidement tu reportas ton regard droit devant toi, secouant la tête pour te reprendre.

Au moins, il y allait mollo sur la tentative de manipulation. Il devait être trop fatigué pour.

— Je vais préparer quelque chose à manger, lança-tu au moment de disparaitre au coin du mur vers ta cuisine, sache que Dasha et Abel me rendent visite presque tous les jours, et je téléphone à Johnny tous les soirs, s’il m’arrive quelque chose, ils le sauront. T’as pas intérêt à me faire du mal !

— Pour qui est-ce que tu me prends ?! Je suis un voleur, pas un tueur ! protesta-t-il derrière toi, mais le son de vêtements tout mouillés tombant au sol lui indiqua qu’il avait pris son conseil.

Tu grimaças d’emblée en entendant tomber un éclair, et tu manquas de retourner dans ton hall d’entrée pour fermer la porte, mais le bruit de celle-ci rapidement refermée t’indiqua qu’il venait de le faire de lui-même. Tant mieux, tu ne te sentais pas capable de revenir et de le découvrir nu.

 

Avec un large soupir, tu commenças à faire chauffer une casserolle d’eau puis ouvris le congélateur et tu tendis la main vers une barquette de viande hachée qui y attendait, mais t’interrompis à mi-chemin.

Tu te surpris toi-même à lui lancer :

— J’imagine que tu n’es pas végétarien ? Tu t’es pas découvert des allergies alimentaires depuis que tu es humain ?

— … Tu es sérieuse ? lança une voix bien plus proche que prévue.

Il devait être juste derrière la porte du frigo. Par instinct, tu détournas la tête vers l’intérieur du frigo. Presque à mettre la tête dedans. Ca te rappelait des choses agréables avec Freddy d’ailleurs…

Sa voix avait déjà repris du caractère, et tu sentis son odeur de chien mouillé mêlé de saleté tout proche. D’en dessous, tu devinais ses pieds juste derrière la porte.

— Tu te soucies vraiment de ça ?

— J’ai pas envie d’avoir un mort chez moi, soupira-tu en détournant d’avantage les yeux. Va te laver. T’as rien contre les pâtes, le bœuf et la sauce bolognese ? Parce que là, j’ai pas envie d’en faire plus, et vu ton état ça te…

— Je t’aime, renacla-t-il derrière la porte du frigo.

Putain de bordel de merde.

Dépêche-toi d’aller te doucher tant que l’eau est chaude ! protesta-tu, et tu l’entendis rire.

Tu savais que ça n’était pas du sérieux. C’était comme quand tes amis te balançaient un remerciement après un dessert offert au bon moment, c’était rien, juste une exclamation de gratitude. Mais enfin, de sa part, quand malgré toi, malgré tous ceux que tu aimais, la cuisante douleur de savoir que tu n’avais rien représenté pour lui, même pas une affectueuse pensée, t’avait cuit trop longtemps pour qu’une simple réplique comme celle-ci ne suscite pas un tsunami de chagrin en toi.

La porte de la salle de bain du bas retentit, et tant mieux, car tu ne sentais pas plus capable de retenir le flots de larmes qui t’assaillait. Et elles dévalèrent le long de tes joues tandis que tu te relevais pour commencer à préparer tes pâtes. Cabrizzio t’aurait sûrement grondée pour la façon dont tu massacrais sa cuisine, et tu t’excusais, mais les habitudes d’étudiante fauchée ont la vie dure. Tu lui demanderais comment le reste de cette soirée allait se dérouler.

Si tu serais toujours vivante demain pour –

 

Tu ouvris en fermant les yeux la porte de la salle de bains pour y rugir :

— Pour ta gouverne, je suis aussi en couple avec Tinfoilhat et David Most, je suis blindée de thunes, si tu me fais quoi que ce soit, ils te feront vivre l’Enfer ! Bonne douche !

Puis tu reclaqua la porte avec le cœur battant, sans même attendre de réponse. Tu entendis juste un petit ricanement, comme s’il levait les yeux au ciel dans la salle de bain avec amusement, puis tu retournas à tes affaires rapidement.

Ta seule satisfaction vint de son rugissement vingt minutes plus tard, à l’instant où, tu imaginais, il découvrait la tenue que tu lui avais préparée et faite chauffer aussi. Parce que tu entendis d’abord quelqu’un râler, puis un magnifique « EY CARAJO ! C’EST UNE BLAGUE OU QUOI ?! »

Tu ricanas sous cape.

 La survenance d’un Keith – à poil – bondissant hors de la salle de bain te fit très vite cesser de rire, surtout quand il se planta à l’entrée de la cuisine, et brandit à bout de bras ses vêtements :

— CA ?! CA ?! C’EST TROIS FOIS TROP PETIT ! TU M’AS PRIS POUR UN NAIN ?

— Estime-toi déjà heureux que je te donne des vêtements propres, non ? riposta-tu en grimaçant, amusée, et retournant la tête pour te concentrer sur ta gazinière et finir de touiller la casserolle et les pâtes à l’intérieur. J’ai pas de vêtements d’hommes chez moi. Y a que certains de mes amoureux qui m’en laissent.

Il s’immobilisa.

Te regarda fixement. Et il était absolument hors de question de lui laisser voir que tu refusais de le regarder de peur de ne t’empêcher de te rincer l’œil.

Tu priais intérieurement pour qu’il ne s’approche pas, parce que tes joues rougissaient rien qu’à sa présence et à sentir son regard perçant. Il avait toujours su te mettre toute chose d’un simple regard. Tu entendis qu’il ouvrait la bouche car tu perçus son souffle, celui de quelqu’un prêt à parler, puis…

Un soupir.

— Tu n’avais vraiment pas un peu plus à ma taille ?

— Je t’ai beaucoup plus connu à la taille d’une clé que sous ta taille humaine, riposta-tu. Même si les Dateviators te faisaient apparaître à une taille humanoïde, j’ai pas exactement eu l’occasion de vérifier tes dimensions sous ta forme humaine, quoi.

— Je…

Il poussa un autre gros soupir, se passa les doigts sur le visage, se pinça le nez. Tu sentais émaner de lui une énorme frustration, et pour être honnête, tu te sentais un peu conne à ton tour. Donc tu soufflas du nez et laissa tomber tes épaules tendues, puis éteignis le feu.

— Ecoute, reprit-tu en te penchant pour récupérer un saladier dans un placard inférieur, je suis sérieuse. Je n’ai pas de vêtements d’hommes, et au niveau de la carrure, tu es beaucoup plus fort de torse que moi. A part les vêtements de Jacques et de David, j’ai rien pour toi – et encore, David c’est juste une veste.

Tu commis une erreur fatale : tu tourna la tête vers lui, pendant que tu lui parlais.

 

Bon dieu qu’il était beau.

 

Une fois lavé et sec, ses cheveux pas encore peigné donc un peu en pétard, mais de l’eau luisant sur tout son corps… Il avait toujours l’air épuisé et des cernes plus profondes que jamais, et là il était juste en train de respirer profondément, et d’essayer de se calmer – ce qui était un tel changement par rapport à votre dernière rencontre – mais l’élégance de ses traits, et le charme à présent sauvage qu’émanait son corps, étaient indéniables. Tu regrettas aussitôt ton geste parce que tu ne pus t’empêcher de contempler le reste d’eau qui coulait le long de ses pectoraux, le long des cuisses, et le long des…

— Enfile au moins le caleçon, quoi ! Le pantalon !

Malheur t’en pris, car il releva les yeux vers toi, et tu surpris une étincelle dans son regard – qui s’alluma davantage dès qu’il cessa de te regarder instantanément pour humer l’air, et tu vis son regard s’éclairer de surprise et d’envie et il suivit tes gestes pour regarder ensuite la gazinière, et le plat dedans.

— Ca sent…

— Habille-toi avant de venir manger ! gronda-tu en te redressant, en le foudroyant du regard en évitant le reste de son corps et en te concentrant sur ses yeux. On mange pas à poil, ici !

— Mmh, grimaça-t-il avec une moue honnêtement adorable parce qu’elle avait l’air sincère, détournant son attention du plat pour la poser sur toi, dans ta nuisette, et tes joues qui chauffaient. J’ai le distinct souvenir d’avoir entendu les autres parler de ton comportement d’avant les lunettes, et des nombreuses fois où tu te baladais en peignoir pour manger devant la télé…

Tu serras les dents en rougissant d’avantage à ce souvenir, et tu secouas la tête.

— Je ne me disputerai pas avec un homme à poil dans ma cuisine, tu t’habilles et après seulement tu viens manger, quand on est invité quelque part on se plie aux règles de la maison !

— Comment ça, « invité » ? releva-t-il en fronçant les sourcils, puis en les haussant.

Bon sang, comment faisait-il ça. Maintenant qu’il n’avait plus son stupide masque, il était aussi charmant qu’avant, et sans effort.

— Voudrais-tu dire que…

— C’est plus chez toi ici, donc tu n’es qu’un « invité », riposta-tu sèchement. Donc, tu obéis à mes règles, un point c’es tout.

Instantanément, la cruauté de cette réplique te sauta aux yeux, mais il parut ne strictement rien comprendre. Pour toi, cet endroit était la maison de tous tes amis.

L’en exclure ainsi était significatif, très significatif.

Mais il se contenta de s’étonner, en te décochant un sourire charmeur :

— Ce n’est pas ce que je voulais dire. Tu m’invites donc chez toi ?

Malgré toi, tu eus un mouvement de recul à l’entendre, et tu serras les dents, en une sale grimace. Ton cœur te recroquevillait de douleur.

Merde. Pas question de lui montrer mes larmes.

Parce qu’elle pointait à tes yeux. Pour te cacher, tu te hâta d’attraper le saladier et de te relever, si vite que bing

Putain, Cabrizzio ! jura-tu en portant une main à ta tête après t’être cognée dans le placard haut, que tu avais oublié de refermer après avoir pris les pâtes. Bordel de merde !

Tu l’entendis juste renacler et puis tourner le dos en chantonnant « J’vais m’habiller, mes hommages à ta future bosse ~ » au moment où tu lâchais une flopée de jurons enragés et te tournais juste pour voir un très joli petit cul disparaitre au coin du mur.

Malgré toi, tu ne pus t’empêcher de pousser un « pff » d’agacement, et, honnêtement, d’amusement. Bizarrement, la normalité de cette vanne te semblait plus… naturelle que la façon dont il t’avait quittée la dernière fois. Alors même si ton crâne te faisait mal et que tu dus passer la main dessus pour vérifier que tu ne saignais pas, tu souris doucement en finissant de mettre un couvert.

Pourquoi est-ce que tu fais ça , glissa une voix dans ta tête.

Tu connaissais la réponse.

Parce qu’il compte toujours pour moi. Et d’apprendre qu’il était supposé mort m’a brisée encore plus que d’apprendre qu’il s’était servi de moi.

Mais il n’était pas question de le laisser se reposer sur ses lauriers.

 

             *          *          *          *

 

             Quand il ressortit de la salle de bain quelques minutes plus tard, tu retins un éclat de rire à sa vue.

 

Néanmoins tes yeux brillaient d’hilarité, et tu pouffas de rire en essayant de te cacher derrière une main, et les siens nettement moins. Apparemment, Keith n’était pas à l’aise dans l’ancienne tenue de Jacques. Problème de taille et de goût, sûrement ? La chemise bouffante lui arrivait au nombril, le manteau rouge à peine à la taille,  quand au gilet il avait carrément oublié l’idée de le mettre, malgré la fraicheur ambiante. Le pantalon aussi lui faisait à peine un short, et il semblait complètement engoncé dans ses vêtements comme un pantin.

Et bien, malgré tout ça, quand tu le regardas un peu mieux et que tu vis qu’il rentrait dans ses vêtements au lieu de ne pas le pouvoir, parce qu’il avait beaucoup maigri depuis la dernière fois, tu n’eus plus le cœur à rire. Keith détourna les yeux et t’ignora, puis posa une main sur la chaise devant la table, devant l’assiette, et grommela :

— C’est bon, ou tu comptes encore me faire la leçon ? Tu m’as assez humilié ?

— Mange, dis-tu en levant les yeux au ciel. T’en as besoin. Et, désolée si c’est pas très savoureux.

Il renacla en s’asseyant.

— « Pas très savoureux » ? J’ai rien senti d’aussi bon depuis des mois.

Le compliment, si c’en était un, te prit tellement par surprise que tu en resta figée quelques secondes – et quand tu retournas les yeux vers lui, tout ce que tu vis, c’était un homme affamé qui dévorait ton plat comme si c’était le plus fabuleux mets du monde.

Là encore, ton cœur se contracta.

Tu l’avais connu élégant, et même quand il avait laissé tomber toute illusion et qu’il s’était révélé humain sous son vrai jour, il avait toujours eu ce quelque chose, ce charme assez juvénile au final, un truc un peu dingue qui, une fois la cuisante humiliation passée, t’avait laissée amusée, surtout quand il t’avait envoyé sa photo à l’aéroport. Là, toute majesté qu’il avait un jour pu avoir, ou même ce charme bandit, tout avait disparu.

Il n’était plus qu’un homme qui dormait dans la rue depuis tu ne savais combien de temps, et qui avait dû ne subsister que de grapilles. Et tu ignorais d’où il venait.

— Keith, appela-tu doucement en s’approchant pour poser ta main machinalement dans ton dos. Doucement, tu vas t’étouffer. Prends ton temps, ça ne va pas partir.

Il écarta ta main avec brutalité, et grogna :

— Ca fait des mois que je n’ai pas eu de repas convenable, peut-être un an. Tes conseils tu te les mets au c-

Evidemment, il se mit à tousser aussitôt et à devenir rouge, en train de s’étouffer sur une portion de pâte trop grosse, et tu commença aussitôt à paniquer, en te mettant en position pour lui taper dans le dos et le soutenir – mais il leva la main et avala avec difficulté , mais ça passa. Avec pas mal de toux ensuite, il grimaça et grogna :

— C’est bon, je suis pas un gamin. Laisse-moi.

— Tu m’énerves ! sifflas-tu en t’écartant. Vas-y doucement, je vais te préparer un matelas dans le gymnase, si tu t’étouffes entre-temps parce que tu es trop bête pour m’écouter, c’est ton problème !

— Attends ! appela-t-il dès que tu commenças à t’éloigner pour monter les escaliers, et tu jetas un œil en dessous de l’interstice entre les deux étages, vers lui.

Il avait reculé la chaise, tout en dessous de la pendule en forme de chat dont tu t’étais servie pour Réaliser Timothy, et le grand escogriffe te regardait avec décontenance. Il s’était arrêté, la bouche pleine de sauce, des pâtes tombées sur sa chemise – tu devrais tout nettoyer et t’excuser auprès de Jacques pour ça – et ses yeux gris te contemplaient avec une expression qui ne t’étais pas familière du tout. Il voulut parler, mais n’y arriva pas, et but une grande gorgée d’eau avant de s’exclamer :

— Ne pars pas.

— Je ne pars nulle part, riposta-tu, je vais juste te préparer un lit. J’aurais pas de pyjama par contre. Et vu ta taille actuelle, j’ai peut-être une chemise de nuit à te pr…

— …. Merci.

Pour le coup, l’aveu te prit tellement par surprise que, penchée pour le regarder, tu rougis de la tête aux pieds. Keith avait l’air sincère , d’autant qu’il faisait sa moue de gamin que tu ne l’avais que très rarement vu faire.

Tu ouvris la bouche, et balbutia, et enfin avala durement ta salive, vos deux regards plongés l’un en l’autre de loin.

— Parce que tu crois que je vais te croire quand tu dis ça ? siffla-tu de loin, mais ton feulement avait beaucoup moins de rage que voulu. Tu mens comme tu respires ! Et encore plus depuis que tu respires…

— Profites-en, t’avertit-il avec un sourire tristounet dévastateur. Je te mens pas parce que je suis trop fatigué pour, et que ça fait je ne sais combien de temps que je n’ai pas dormi dans un vrai lit, ni mangé, ni même pris de douche. Je te suis reconnaissant  de tout ça.

— Je peux pas avoir confiance en toi…, murmura-tu, mais ta déclaration te fit mal au cœur. Ecoute, finis de manger, bois, vas-y doucement, et va te coucher. On verra ce qu’il en est du reste plus tard. D’accord ?

— Je t’ignorais aussi directive, dit-il avec un sourire sous sa moustache. J’aime bien.

Malgré l’évidence même, cela était dit pour te déstabiliser et t’attirer à lui, tu sentis ton cœur battre la chamade, et soupira puis disparus à l’étage.

 

Andouille.

 

Ce ne fut que quand tu l’entendis monter à l’étage, s’immobiliser un instant devant la porte de ta chambre, mais ne rien faire, puis partir dormir qu’enfin tu respiras correctement.

Tu ne trouvas néanmoins pas le sommeil. Pas avant de longues heures passées à te retourner dans tous les sens.

La situation t’était effarante. Keith était de retour. Et non seulement il était rentré, rentré pour te voir , mais à présent il dormait, en chair et en os, juste à côté de toi, quelques mètres plus loin, et tu ignorais ce que tu allais en faire.

Ton devoir était accompli : il avait mangé, il avait bu, il se reposait, et le lendemain tu irais lui acheter des vêtements à sa taille.

Mais ensuite, quoi ?

Et comment faire pour qu’il ne tente pas de te manipuler encore, te dire ce que tu voulais entendre ? Tu connaissais ses manigances, maintenant. Mais ton cœur souffrait toujours pour lui. Plus par amour. Mais pour les sentiments passés. Pour…

Menteuse. A l’instant où tu l’as vu en si piteux état, t’as su que tu pouvais pas l’abandonner. Autant un enfoiré puisse-t-il l’être.

Oui, ta voix intérieure le savait.

 

Tu espérais juste que lui non.

Chapter 2: La gamelle est remplie, mais le chat n'y touche pas à moins que tu l'aie agitée devant lui

Summary:

Le matin suivant, tu te réveillas avec la tête dans les nuages.

Notes:

For now in French ♥
ET. Amusez-vous bien, maintenant qu'il s'est reposé et qu'il peut manger, ce bon vieux Keith redevient un délicieux troll :D ... Sauf qu'il en a bavé énormément. Et que ça se voiiiiit
Oh. Et. Désolée. Parce qu'il y a un nombre de fautes de grammaires dégoutantes.

Chapter Text

Le matin suivant, tu te réveillas avec la tête dans les nuages.

 

Que tu aies réussi à dormir relevait du miracle et du cachet de mélatonine que tu avais pris sur le coup des trois heures et demi du matin. Avec précaution, tu te frottas la tête, bailla et tapota la surface du lit avec un petit sourire en murmurant « Bonjour à toi aussi, Betty », avant de poser tes pieds au sol, de te lever avec un regard furieux en direction de la lumière du soleil qui t’agressait, et d’aller te passer un coup d’eau sur le visage.

Ce n’est que quelques secondes plus tard, alors que tu essuyais ton visage, que tu sentis une odeur désagréable – et que tu baissa les yeux vers la cuvette de tes toilettes. Un sagouin avait uriné de manière très imprécise, et il y en avait sur le rebord de la cuvette. Ce qui de prime abord te fit paniquer, vu qu’à ton souvenir tu-

KEITH

En panique, et aussi parce que t’avais dormi vêtue d’une jolie petite nuisette bleue retroussée maintenant sur tes hanches, tu te tournas vers le gymnase dont la porte était fermée. Oui, il y avait un homme qui avait dormi chez toi cette nuit, et un homme fatigué au point de ne probablement pas être capable de faire pipi correctement. T’étais peut-être une feignante, mais pas une crasseuse.

Sauf que cet homme ronflait encore dans le gymnase – et bizarrement c’était mignon de sa part. Tu t’arrêtas devant la porte, hésitante, à l’entendre ronfler, et bien que l’envie de lui passer un savon fut pesante, tu t’en empêchas… Parce que, bon, ça devait aussi faire des lustres qu’il dormait dehors, il avait besoin de dormir, et qu’il pisse n’importe où – ça t’énervait, mais tu avais bien l’intention de rattraper ça.

 

Alors tu passas l’éponge pour cette fois, et puis une fois les toilettes, les mains et le visage propre, tu descendis pour ton petit-déjeuner.

 

D’ordinaire, t’es pas du tout du genre à te fouler pour le petit-déjeuner. Un bol de céréales, ça suffit parfaitement. A la limite, un café et tartines. Maiiis, tu en avais un qui devait crever la dalle en haut, et qui allait dormir un bon bout de temps. Et tu doutais qu’il fasse comme dans toutes ces séries où il y a une table superbe pour le petit-déjeuner et les gens ne prennent qu’une micro-tartine avant de partir au travail, vu que, et bien, justement, il n’en avait pas.

Donc, tu grimaças, te juras que tu ne faisais ça que par moralité, et tu te mis à cuisiner – avec que des produits surgelés, ou réfrigérés, parce que faut pas déconner non plus.

De sorte que quelques minutes plus tard, c’était un fumet – d’abord de café, puis de ces fameuses galettes de pommes de terre assorties de quelques tranches de bacon, avec pancakes et sirop – absolument délicieux qui se répandait dans toute la maison. Tu ronronnais d’aise : depuis le départ de Stephan et de Mitchell, ça faisait bien longtemps que ta maison n’avait plus senti si bon. A vrai dire, te dis-tu même en levant le nez pour contempler tes plantes qui étrangement croissaient comme sous les bons soins d’une main verte depuis que Prissy était parvenue à devenir une vraie fleur, ce n’était même pas pour cet idiot que tu faisais ça, mais pour toi. Tu avais une journée de travail chargée qui t’attendait après tout.

Et…

Bom. Bom. Bom.

Des bruits de pas, lents et patauds, retentissaient à l’étage. Tes sifflotements se turent, tes yeux s’écarquillèrent, et ton cœur se mit à tambouriner. De peur, plus que d’autre chose. Oui, de peur. Tu avais peur de lui.

Les pulsations agitant ta poitrine s’élancèrent encore quelques fois, et du bout des doigts tu changeas ta prise subrepticement sur ta spatule, adoptant une saisie de celle-ci plus agressive. Le poste radio que tu avais installé pour écouter la chaine qui diffusait les chansons de Rainey, Miranda et Keyes, était passé sur une page de publicité à la noix, et tu te concentras dessus pour éviter de montrer la moindre expression.

Les pas, lourds et endormis, descendirent lentement l’escalier, et tu entendis bailler en chemin.

— Mmh. Ca sent délicieux. A peu près aussi délicieux que mon hôte, résonna une voix particulièrement séduisante avec un charmant accent.

Il semblait encore un peu endormi, ce qui expliquait peut-être pourquoi il ne t’avait pas encore balancé de vacherie. Ou, il avait adopté son ancienne persona de gentleman, et ce serait une pire insulte encore.

— Ne commence pas , prévins-tu en serrant les dents et en coupant le feu, tant pis pour lui si le pancake n’était pas parfait. Tu te sens mieux ?

— Ha, t’imagines pas à quel point, renacla-t-il en continuant de descendre. J’ai rêvé que j’étais de nouveau dans tes bras. Ton bon cœur me…

— J’ai dit, sifflas-tu en passant la tête au coin du mur pour le foudroyer du regard, ne commence pas. Je ne suis pas naïve au point de te croire.

Son expression, malgré le sommeil qui alourdissait ses paupières, était délicieusement féline. Un sourire paresseux et lascif, comme un baiser de chat, dirigé droit vers toi.

Et grands dieux -

— Non, protesta-tu en couvrant l’assiette de galettes de pommes de terre à table d’une main, comme si ce simple geste aurait pu physiquement l’empêcher de la prendre s’il en a envie, tu t’habilles , je ne veux pas d’homme nu dans ma maison !

Il renacla une fois et tu sentis tes joues chauffer sérieusement. Ca n’était pas le tout que par la lumière, une charmante clarté baignait son corps nu et celui qui avait eu l’air d’un chat tout mouillé la veille était redevenu au choix un lynx gris ou un Maine Coon bien nourri et soigné, mais la clarté se reflétait aussi à l’intérieur du sourire goguenard qu’il venait de t’adresser.

— Ha ? Première nouvelle.

— Sérieusement Keith, insista-tu en grimaçant, va t’habiller. On mange pas à poil. Mets au moins un caleçon, David en a laissé un sur-

— David ? ricana-t-il en continuant sa route, apparemment assez fort pour ignorer maintenant tes ordres, et se rapprocher de la cuisine. David Most ? Mi querida, tu as plus appris de moi que je croyais.

Son grand corps nu, maigre toujours mais plus coloré peut-être de vigueur et de l’absence de cette mortelle pâleur de la veille, se rapprochait encore plus de la table. Et il était absolument impossible de ne pas remarquer que, comme tous les hommes, il avait le piquet dès le réveil.

Sauf que pour toi, là, malgré ton… expérience désormais de la chose, c’était absolument pas envisageable, et en grimaçant tu fis un pas chassé sur le côté pour croiser les bras, et t’interposer entre la cuisine et lui. Ignorant le feu de tes joues, et le frisson que de voir son expression – désormais taquine et peut-être un brin admirative – te faisait dans le dos, tu croisa les bras sur ta nuisette et le défia du regard.

— Keith, je ne me répèterai pas. Va t’habiller. Comme je te disais, il y a un caleçon qui traine accroché à un coin de mon lit depuis deux semaines, t’as qu’à le mettre, si les vêtements de Jacques sont trop petits.

Sans t’écouter, il continua sa route, en te regardant désormais de haut avec un sourire de plus en plus taquin. Pour s’arrêter juste devant toi.

 

Il devait faire facilement deux têtes de plus. Peut-être une seule, mais c’était bien assez pour que tu te sentes toute petite.

 

Du haut de sa taille, tu voyais la lumière illuminer son corps d’un halo doré chaleureux qui, si jamais tu l’avais vu avant qu’il ne se révèle être un connard, t’aurais fait fondre sur place. En lieu et place, tu te mis juste à bégayer, et à grimacer en écartant les bras pour lui bloquer la route :

Va t’habiller , c’est sale !

— Mmh. Je suis fier de toi. Ma petite apprentie.

D’un geste de la main il cueillit ton menton et te fit lever les yeux vers lui. Tu restas complètement interdite, et comme paralysée sur place, quand il déposa un léger baiser sur tes lèvres, pendant lequel il ferma les yeux.

Merde. Ca, c’est nouveau.

Et c’était très agréable.

En un sursaut tu reculas en le poussant, mais il eut beau être propulsé avec un peu force, la façon qu’il eut une fois qu’il se fut stabilisé après quelques idiots pas en arrière de lever main dont il s’était servi pour te tenir le menton, pour se caresser les lèvres en rouvrant à demi les yeux pour te regarder au travers de ses paupières lourdes.

— Mais enfin ?! protesta-tu tout haut. Ca, c’est non !

— Allez, on sait tous les deux que tu es toujours à fond sur moi, ironisa-t-il en passant le doigt dont il venait de s’essuyer les lèvres, juste sur sa langue. Arrête tes simagrées, et laisse-moi passer. Ca…

Il leva le nez et renifla, plissa les yeux de délice avec un sourire charmeur aux lèvres.

— Ca sent délicieusement bon, mi querida. Voilà encore de beaux progrès. Entre toi qui te trouves un sugar daddy et qui apprend à prendre soin des gens ainsi… J’ai l’impression que ma feignasse au grand cœur a gagné quelques niveaux. Tu mériterais presque que-

Tu vas trop loin

De te voir soudain t’avancer vers lui d’un grand pas parut le prendre par surprise, mais il écarta les bras, comme pour que tu viennes t’y lover – sauf qu’à sa grande surprise, tu pointas un doigt sur sa poitrine, et tu n’avais même plus besoin de consciemment ignorer le reste, parce que ça n’avait plus d’importance pour toi. Il pouvait avoir un manche qui ballottait en dessous, et les cheveux qui avaient eu l’air autrefois d’être les plus soyeux du monde et avoir à présent bien besoin de plusieurs shampoings et de tendres soins, des pectoraux et des muscles qui semblaient délicieux à explorer, ça n’avait plus la moindre importance, parce que.

— Ecoute-moi bien, siffla-tu entre tes dents. Je t’ai hébergé hier, je t’ai fait à manger, j’ai fait plein de choses – mais tu n’es pas chez toi ici, et je ne suis ni ta querida ni même une amiga. J’ai commandé des vêtements hier soir qui arriveront ce matin, dès qu’ils arrivent et que tu as mangé, tu dégages d’ici.

La férocité de ta répartie ne te surpris pas. Lui, par contre, si.

Il haussa les deux sourcils en reculant en levant les mains, et en éclatant de rire. Autrefois, cette expression joyeuse t’étais adorable. Depuis qu’il t’avait balancé ça avec un diantre applomb en t’expliquant, tout joyeux et triomphant, qu’il t’avait volée toi, qu’il avait volé son ancien propriétaire, et que si seulement t’avais pas été autant un bébé peut-être que tu aurais pu venir t’amuser avec lui, cette expression était devenue synonyme de gros connard.

— Oula ! Ma petite chatte s’est fait pousser des griffes ? Ma voleuse qui m’aide à cambrioler les comptes des gens en ligne –

Ta petite chatte, repris-tu en continuant d’avancer, et il recula par instinct jusqu’à se retrouver contre la porte, car tu brûlais de rage, ne s’est pas trouvé un sugar daddy , elle a littéralement rejoint Valdivian, elle fait partie du conseil d’administration, et elle a toujours su s’occuper des gens ainsi, c’est juste qu’avant qu’un certain connard la traite comme une merde, elle n’osait pas s’affirmer. Alors ta petite chatte , elle te le dit : tu manges, tu t’habilles, tu dégages, et je veux plus jamais te revoir ici. T’es pas chez toi.

Il continua à ricaner – jusqu’à la dernière phrase.

Puis, de colère, il baissa les yeux vers toi en abaissant également les épaules et les mains, puis fronça les sourcils, et prit appui sur la porte, comme pour se servir de la maison pour se renforcer. C’était singulier, tu l’avais encore rarement vu vraiment fâché.

Ses mains se crispèrent sur le bois, et baissant la tête, tu te sentis soudain menacée. Ses yeux gris étincelaient d’une émotion que tu ne lui avais encore jamais vue.

De la… frustration ?

— Je ne suis pas chez moi ? Je peux ouvrir toutes les portes d’ici, et j’habite cet endroit depuis sa création. Petite pute, tu n’as pas le droit de…

Wallace habite au coin de la rue, David et Franklin m’attendent pour le travail, Dasha et Abel viennent me voir avec Rongo régulièrement, et Jacques devrait venir dans les jours qui viennent, siffla-tu comme si tu récitais une lithanie, un psaume protecteur. J’ai qu’un cri à pousser pour qu’on vienne à ma rescousse.

— Tu… Je ne t’ai pas touchée, protesta-t-il en restant sur place, comme une bête acculée.

Tu avança encore d’un pas, plantant ton doigt dans sa chaude poitrine. Et, grondante, tu ajouta :

— Ca aurait été ta maison, ici. Si tu m’avais pas trahie. Si tu nous avais pas tous trahis. Maintenant, tu manges, et tu t’en vas.

— Tu me hais, hein ? grimaça-t-il. J’ai cru que tu m’aimais encore à ta façon de m’accueillir hier, mais je me suis bien trompé, putain.

Tu sentis malgré toi ta colère retomber, et les coins de tes yeux et de ta bouche s’affaisser. Et, peut-être plus doucement, tu détournas le regard, en ôtant ta main de lui pour reculer, l’amertume au cœur, et le dépit au visage.

— … Non. Je ne te hais pas. J’ai pitié de toi, c’est pire.

Tu reculas, puis tu te retournas, en lui tournant le dos. Tu avais conscience que son expression s’envenimait de seconde en seconde, et que n’importe qui t’aurait dit que surtout dans cette maison, on n’avait pas intérêt à tourner le dos à quelqu’un qui vous en voulait. Tu n’avais pas envie de devenir comme Zoey.

Pitié ? Tu m’as aidé par pitié ?

— Quoi, rétorqua-tu en retraversant ce couloir, et en ayant conscience qu’il se décollait de la porte et lentement se mettait en route derrière toi. Parce que c’est pas l’émotion que tu voulais susciter en moi hier ? Avec tes « Je resterai sous le porche. Laisse-moi juste là, au sec, s’il-te-plaît. Ne me chasse pas » ? T’as eu ce que tu voulais, bravo, maintenant tu as ce qu’il te faut, va-t-en.

— Non, il me manque quelque chose, rétorqua-t-il en te suivant tandis que tu allais t’asseoir à ta table, abandonnant l’idée de l’intimider. Je ne partirais pas sans.

— Quoi, râla-tu avant de grimacer en le voyant aller s’asseoir – toujours avec la nouille à l’air – de l’argent, c’est ça ? T’as tout claqué dans tes putes à Ibiza ?

— Ha ! J’aurais bien aimé ! renacla-t-il. Au moins j’aurais eu qu’à faire quelques œillades à une fille ou un mec un peu moins coincé que toi et j’aurais pas eu à ramper devant ta porte hier soir.

Pardon ?

 

Tu t’immobilisas, en train de te servir un pancake et de prendre du sirop en écartant bieeeeen  les jambes pour ne pas toucher par mégarde les siennes sous la table, et encore moins frôler son – son truc gargantuesque. D’un rapide coup d’œil vers l’extérieur, où tu ne vis que le yacht que tes deux compères de chez Valdivian t’avaient offert pour ton anniversaire malgré l’inutilité totale de celui-ci, qui trainait sur la pelouse, tu t’assuras que de l’extérieur personne ne voit ce grand escogriffe à poil dans ta maison.

Déjà que niveau hygiène franchement c’était pas terrible du tout…

Malgré l’agacement volumineux que son refus complet d’aller s’habiller te procurait, quelque chose dans son récit tournait pas rond.

— Comment ça, demanda-tu en versant par réflexe un café et un jus de fruit au lynx qui se jeta dessus plutôt comme un chat de gouttière devant une pâtée bien juteuse, qu’est-ce que tu fiches ici alors ?

Tu dus attendre – patiemment – qu’il finisse de boire le verre entier de jus d’orange, t’arrache la bouteille et s’en siffle trois verres coup sur coup, ce à quoi tu lui aurais dit hier qu’il fallait qu’il se calme parce qu’il allait avoir des effets indésirables, mais là tant pis pour lui, tu te contentas de le regarder ensuite s’empiffrer snas rien dire.

Seulement après avoir terminé ses trois verres et deux pancakes d’affilée, puis tapé sur son propre torse pour faire passer la nourriture, il s’installa au fond de sa chaise pour boire une gorgée de café et souffler profondément, puis enfin répondre.

Même comme ça, à manger comme un porc, avec les cheveux complètement emmêlés d’hier soir de la douche, et la barbe en tafouillons avec la moustache, il était séduisant.

Sauf que dès qu’il ouvrit la bouche, ça cassa tout.

— Je ne suis jamais allé à Ibiza, admit-il après la gorgée de café, qui passa si bien qu’il en ferma paresseusement les yeux.

— Oui, je sais, tu as sauté d’un avion en cours, commenta-tu en coupant ton dernier morceau de pancake. Ca a fait la une des journaux.

J’en ai été malade.

— Ca t’a impressionnée, hein ? s’amusa-t-il en relevant les yeux vers toi, sa moustache recourbée en un petit sourire. Avoue.

— Oui, ça m’a impressionné qu’on puisse être aussi débile ? riposta-tu en fronçant les sourcils. Bon sang, Keith – tu pouvais pas attendre d’être arrivé avant de…

Tu fermas fortement les yeux en te les pinçant entre les deux doigts, déprimée. Pas question de lui faire l’honneur de le dire à voix haute.

— … Tu pouvais pas attendre encore un peu avant de faire des conneries pareilles ? On t’a tous cru mort !

— Quoi, t’étais triste ? ricana-t-il. Oh, je vois. Et c’est là que ton petit patron a terminé ses intimidations et qu’il est arrivé devant chez toi, et tu lui as fondu dans les bras en larmes comme tu sais si bien faire, et tu l’as séduit comme ça ? Bravo.

Arrête avec ça ! siffla-tu en tendant la main vers sa tasse. Café ?

— Ouais, merci. Oses me dire que ce n’était pas volontaire. Tu as un côté manipulateur, je le sais ! Je t’ai vue faire, commenta-t-il avec un large sourire. Ca m’a beaucoup plu, tu sais ! C’est peut-être là que tu me plaisais le plus, lorsque je te voyais m’imiter.

— Je ne te ressemble absolument pas.

— Que tu dis, que tu dis, bébé…

De l’autre côté de la cuisine, près du percolateur, tu lui jetas un coup d’œil. Il était en train de continuer de manger avec l’air tout joyeux, fatigué encore, mais presque…

Heureux ?

Merde, te dis-tu en contemplant cette cuisine, et en repensant à tout ce qui s’y était passé, puis avec un coup d’œil dans ton jardin. D’accord, tu avais réussi ton coup : il se sentait de nouveau comme chez lui, il était bien. Mais justement, là était le problème.

Mais, comme tu songeas en contemplant ses cheveux, qui avaient l’air tellement plus en forme que la veille, et que tu te remémoras combien tu aimais les caresser et lui masser la tête, tu… étais soulagée. De le voir ainsi. Néanmoins, hors de question de lui admettre.

 

Avec une nouvelle tasse de café de prête pour lui, et après t’en être fait une deuxième et t’être concentrée quelques secondes à la sucrer, tu revins le voir et vis qu’il faisait une pause, et qu’il s’était installé au fond de sa chaise. La main sur le ventre, la tête en arrière sur le dossier de la chaise, il avait l’air absolument satisfait, repu, et peut-être même prêt à retourner dormir. Honnêtement, s’il ne t’horripilait pas autant, tu aurais souri et tu l’aurais invité à retourner te reposer. Si ça avait été n’importe qui d’autre, tu l’aurais fait. Et peut-être, peut-être qu’en installant une si belle tablée, tu espérais un peu l’aider à se requinquer.

Même si vu la façon dont il s’était payé ta tête dès le réveil, il semblait très en forme.

— Hé, Keith, l’appela-tu d’un ton beaucoup plus doux que prévu, ton café. Fais gaffe, c’est brûlant.

— Hmm ?

Il rouvrit un œil gris paresseux, et sourit en te voyant revenue. Quand son bras nu où l’on devinait d’anciens muscles devenus bien trop secs à cause de la malnutrition et de la déshydratation se tendit vers toi pour prendre la tasse que tu lui tendais, tu sentis ton cœur se contracter de peine. Le sourire charmeur qu’il t’envoya en récompense te fit lever les yeux au plafond de nouveau, et le maudire intérieurement.

Puis tu te rassis devant lui, et tu toussas.

— Alors dis-moi…

— Oui ? ronronna-t-il en levant l’œil vers toi. Oui, si tu as envie, mon grand corps est prêt à t’emmener de nouveau au Nirvana. Avec plaisir.

— … Tu m’énerves, soupiras-tu. Pourquoi est-ce que tu n’es pas arrivé à Ibiza ? Et pourquoi est-ce que tu es revenu me voir ?

Son sourire s’effaça aussitôt, et son expression s’endurcit. Son menton se releva en une moue que tu lui avais rarement vue, mais elle semblait sincère. Ses épaules s’affaissèrent, et il poussa de côté délicatement les assiettes de nourriture pour se faire la place d’y poser les coudes. Son regard était fuyant, mais sa moue disait qu’il allait être sincère.

Et arrêter de faire son charmeur.

— Je suis tombé dans une forêt, et j’ai eu de la chance parce que les branches ont amorti ma chute. J’étais très mal en point quand je suis arrivé et-

— Tu as sauté d’un avion sans parachute ? t’ébahis-tu, l’interrompant, récoltant pour ta part un regard noir. C’est sérieux ?

Ses joues se colorèrent légèrement, et après t’avoir foudroyée du regard, il s’enfonça la mâchoire dans une main et bouda en détournant de nouveau le regard.

— J’en ai pris un... Il s’est pas ouvert.

Ca t'avait l'air d'un mensonge. Il ne pouvait avoir été idiot au point de ne pas prendre de parachute s'il comptait sauter, hein ? Lui qui mentait si bien pourtant te cachait quelque chose dont il avait honte, mais tu n'eus pas le temps de poser plus de questions parce qu'il soupira:

— Et je doute que ça m’aurait été très utile, de toute façon. Je n’ai pas du tout… atterri au bon endroit.

— Tu croyais que tu allais atterrir où ? tu t’ébahis. A Ibiza ?

— Non ! protesta-t-il, les joues maintenant franchement rougies d’embarras. Je croyais… Je croyais que j’allais… savoir me débrouiller quoi ! Mais j’ai perdu la majorité de mes billets en chemin et quand j’ai réussi à toucher le sol, j’avais plus rien.

— Et tu savais même pas où tu étais.

Humilié, il acquiesça.

— Quel con je fais.

— Je ne te le fais pas dire, dis-tu, incapable de t’empêcher de ricaner. Mais alors qu’est-ce que tu as foutu pendant tout ce temps ?

— J’ai… J’ai essayé de rentrer, confessa-t-il pendant que tu mangeais une galette de pomme de terre avec du bacon. Sans argent, je me voyais mal traverser l’océan, et encore moins m’amuser à Ibiza. Et… J’ai eu du mal à me repérer.

Il se renfrogna et bouda :

— C’est pas bien indiqué aussi !

— Tu t’es paumé, conclus-tu en retenant un éclat de rire. Oh bon dieu. Tu as mis un an à revenir, parce que tu t’étais perdu.

— Tu trouves ça drôle ? s’emporta-t-il soudain en plaquant les deux mains sur la table.

Le geste avait dû être un peu trop fort peut-être parce que la table branla et que les œufs ainsi que le lait manquèrent de se répandre de partout – et d’un même réflexe vous rattrapâtes ensemble la nourriture et la boisson. Et, sans manquer un instant, il releva le regard vers toi au moment même où vos mains se touchaient sur la carafe de lait.

Son regard étincelait d’une rage rare, plus furieuse encore qu'avant, quand tu le narguais, que tu le refusais, plus que jamais. Ca n’était plus juste de la frustration. C’était de la colère, une émotion nouvelle, et surtout…

Sa main se crispa sur la tienne, et sa colère sortit… pour une fois sincère. Et doublée d'une douleur pure qui ne lui ressemvlait pas.

— J’ai passé un an dans la rue à devoir me débrouiller tout seul, à manger des détritus ou n’importe quel truc à peu près comestible que je trouvais. A boire dans des eaux dont même Cam n’aurait pas voulu. A dormir comme un… comme un moins que rien dans la rue, et à me faire battre, frapper, insulter par des cabrones.

En un éclair, tu l’imaginas dans le même état que la veille au soir, en train de mendier.

Déjà que tu ne souhaitais à personne de se retrouver à la rue, mais pour lui… Sans même que tu ne t’en rendes compte, tu tentas de dégager ton pouce de sous sa main pour lui caresser le plat de la main, et tu murmuras :

— Keith, je suis…

Ne me touche pas , siffla-t-il en te lâchant brusquement et en se levant de sa chaise pour reculer et l’entrainer derrière lui.

 

Celui qui te faisait face, pour reprendre l’analogie féline, ressemblait à un chat apeuré feulant devant autrui. Peur et colère. Et-

 

— Les gens qui m’accueillaient me regardaient tous avec pitié, comme toi. Mais aucun n’était prêt à faire plus que ça pour moi. M’offrir un logement stable ? De la nourriture, de l’eau stable ? Nan, il y avait toujours une contrepartie. Les gens ne sont pas bons les uns envers les autres pour rien, soit c’est pour se filmer, soit c’est pour vous faire travailler. Je le savais, mais j’aurais cru pouvoir manip…

— C’est pour ça que tu es venu ici ? l’interrompis-tu en laissant tomber tes mains sur la table, et tes épaules aussi, levant les yeux vers lui avec peine.

Il cligna de l’œil en te dévisageant, toujours furieux. Son front se ridait de fureur et il posa un poing sur la table en commençant à gronder :

— Je sais pas pourquoi je suis venu ici. C’était une erreur. J’ai cru pouvoir compter sur t-

— T’as voulu rentrer à la maison, hein ? repris-tu, plus doucement que tout.

Il t’ouvrait son cœur. Et désormais, c’était clair.

Vu la façon dont il écarquilla les yeux et laissa échapper un rire amer, et l’espèce de façon dont il s’en défendit bientôt en te balançant que décidément, t’étais une incorrigible naïve, ça ne trompa pas. Son expression était la même, cette moue. Cette moue caractéristique qui…

Tu lui souris, malgré toi.

— …. Je ne te mettrai pas dehors, dis-tu en plissant les sourcils en une expression de peine. Je te le promets.

Devant toi, il resta interdit, et son expression devint dédaigneuse. Il leva le menton en signe de défi, sa chevelure de lion suivant le mouvement, et il rouvrit la bouche pour parler, mais tu l’interrompis tandis que sur tes joues à toi s’esquissait un sourire de loup :

— Je ne te mettrai pas dehors, et j’accepte de te fournir la nourriture et le minimum vital, jusqu’à la fin des temps s’il le faut. Par contre, pour ce qui est de tout le reste , tu peux toujours courir.

Il fronça un sourcil, haussa le reste, mais croisa les bras en inclinant la tête sur le côté en te regardant intensément. Tu avais l’impression d’être face au véritable lui.

— … Comment ça, « tout le reste » ?

Tu haussa les épaules, et t’installa au fond de ta chaise avec un large sourire, croisant les jambes.

— Tu veux de l’argent pour retourner tenter ta chance à Ibiza ? Je te le donne volontiers. Mais il y a une condition.

Il grimaça et s’acouda au pilier, te dévisageant avec mauvaise humeur.

— J’ai comme l’impression que c’est pas en échange de mes services au lit. Tu as tort, d’ailleurs.

Rien qu’à cette idée, il te sembla que de la fumée te sortait des oreilles, et tu dûs t’arrêter de le narguer pour te passer les deux mains sur le visage.

Force était d’avouer que si tu avais le feu au visage, ça n’était pas à cause de la fumée que dégageaient les plats chauds sur la table, mais plutôt à cause de ce qu’il venait te dire.

S’il était aussi doué en réalité que dans la version onirique que projetaient les Dateviators, ça devait être une bête au lit.

Tu te força à penser à tes autres amoureux pour te distraire, mais au moment où tu parvenais à reprendre ton souffle, tu l’entendis ricaner et un pas se faire vers toi. Sa voix retentit de nouveau, cajoleuse.

— Oh ? Tu as beau dire, t’aimerais bien que je te fourre sur la table, hein ?

— PUTAIN, KEITH ! protesta-tu en rouvrant les yeux, les joues écarlate. Si tu veux que j’te donne de l’argent, va falloir que tu travailles, c’est tout ! Démerde-toi, mais rembourse-moi ce que tu m’as volé dans mon coffre !

Bon, déjà c’était une mauvaise idée que de rouvrir les yeux parce qu’il s’était rapproché – et qu’apparemment rien que de te voir toute rouge ça le faisait bander à nouveau – mais ensuite, parce que tu voyais de trop près combien il était beau et séduisant et penché vers toi, et tout perplexe et…

… Et que quelqu’un qui serait passé dans le jardin pour le moment aurait vu un homme cul nul penché sur toi, et toi avec les jambes écartées à côté de la table et l’air à deux doigts de tomber dans les pommes.

Il te dévisageait tellement confus soudain, que tu aurais pu en rire si la situation n’avait pas été aussi gênante.

— … Pardon ?

— Oui, travailler, sifflas-tu, de mauvaise humeur en essayant à tout prix d’éviter son souffle sur ta peau, et surtout d’éviter son regard intense et curieux, un peu vexé, sur toi. Je me fiche de savoir comment. Tu avais pas énorme dedans, je sais, un truc genre mille balles, ça a dû te payer l’avion et c’est tout. Donc rends-moi mes mille balles et je te donne, je sais pas, je t’en donne dix mille… Plus peut-être, j’en sais rien, je m’en fous.

T’étais pleine aux as maintenant. C’était pas ça qui te manquerait.

Par contre, lui, après son départ, il ne te manquerait pas.

— Tu essaies de m’apprendre la valeur du travail ? ricana-t-il en s’approchant de toi et en posant une main sur ta chaise, pour que tu ne t’enfuie pas, se penchant sur toi. Tu as conscience, j’espère, que c’est complètement débile ?

La main sur ta chaise te fit frissonner, son bras était tendu juste à côté de toi, et malgré toi tu retournas les yeux vers lui. Pour découvrir, comme tes cuisses le sentait, qu’il s’était logé entre tes cuisses, juste devant toi. Tu étais comme prisonnière entre la table, la chaise et lui, et il te suffit de lever le nez pour voir qu’il était à quelques centimètres de tes lèvres.

Tu avalas ta salive, de mauvaise humeur et un peu trop excité que de raison.

— Non, je m’en fous. Mais comme ça, ça lavera juste l’affront que tu m’as fait en me piquant mon argent sans rien me dire. Après, que tu refasses ce que tu veux et que tu manques de crever une deuxième fois, ou que tu crèves pour de vrai…

Tu inspira profondément, essayant de le foudroyer du regard, ses superbes yeux gris. Les lèvres entrouvertes, tu avais presque du mal à respirer.

— Ca me serait… égal.

— Je peux te rembourser en nature, murmura-t-il, ses yeux étincelants d’une joie malicieuse. Je te promets, mi querida, que je peux être le plus merveilleux des gigolos qui soit.

— Ha, ricana-tu, mais mal t’en pris parce qu’il fléchit les genoux et se pencha davantage sur toi. Oui, j’avais remarqué, merc…

Cette fois, quand il t’interrompit pour glisser sa main dans tes cheveux d’un geste tendre, toute pensée en toi se court-circuita.

 

Les yeux luttant pour rester ouverts tandis que tu le sentais descendre vers toi, se pencher de plus enplus, son corps contre le tien, la chaleur de vos deux corps se mêlant de part vos poitrines et tes lèvres déjà entrouvertes, tu pus à peine murmurer :

— Ca… ça compte pas dans le remboursement.

Il ne te laissa pas le temps de réfléchir.

 

Les baisers d’Abel sont tels qu’on en oublie son propre nom. Ceux de Keith vous vident momentanément le cerveau, et quand tu te surpris malgré toi à te coller à lui, et à te fondre contre son corps en épousant la main qu’il venait de mettre dans ton dos, avec un petit gémissement…

— Alors ce sera pour te remercier d’hier soir.

Il te lâcha ensuite, et tu manquas d’en tomber à la renverse sur ta chaise, tu dus te rattraper à la table sur laquelle en riant il posa une main pour la stabiliser, s’étant écarté de toi à peu près à un mètre de distance. Essoufflée, le cœur battant et désespérément trempée , tu le regardas t’adresser un clin d’œil avant de se détourner de toi et d’emprunter le chemin des escaliers.

— Merci pour ton hospitalité, mi amor ! lança-t-il joyeusement dans les escaliers. Je vais mettre mon caleçon. Hâte de voir ce que je peux faire pour toi ~

La main plaquée sur ton cœur, tu essayas désespérément de te reprendre, comme si tu venais de courir un marathon.

Et tu te maudis instantanément.

 

— Je suis pas « tu amor », putain…, protesta-tu, mais si bas que tu doutais qu’il t’ai entendu.

 

Ou que toi-même tu te sois entendue.

Chapter 3: Le chat, quand il s'ennuie, fichera absolument tout ce qu'il peut par terre en te regardant droit dans les yeux

Summary:

—  Ha… D’accord. Je te servirai de larbin toute la journée. Tu me paies combien pour ça ?

Chapter Text

En t’efforçant de ne pas toucher à tes lèvres, tu terminas ton petit-déjeuner avec le cœur qui faisait des bonds.

 

A présent, le chant de ce joli oiseau qui sifflait si bien te semblait ironique, comme s’il reproduisait un jingle de « game over » dans Zelda : Ocarina of Time, et tu avais l’impression que ce soleil qui t’avait réchauffée un peu plus tôt t’agressait la peau. Avec humeur, tu remis tout dans une assiette et rangea le tout au frigo, en lançant tout haut qu’il y avait plein de restes parce que tu n’avais plus faim, au cas où un crétin serait intéressé.

Puis, une fois ceci fait, tu voulus aller prendre une douche, mais tu hésita au dernier moment, arrêtée devant la porte de la salle de bain. Le problème, c’était que si tu prenais ta douche là, ça te forcerait à remonter les escaliers toute nue jusqu’à ta penderie dans ta chambre, et tu n’étais plus seule dans la maison.

Et déjà que tu n’avais pas réussi à le repousser pour ce second baiser, il n’était pas question de lui laisser d’autre opportunités. Avec un souffle agacé, tu empruntas à ton tour les escaliers, et jeta rapidement un coup d’œil au gymnase. Le matelas gonflable que tu avais installé la veille était de nouveau occupé, et Keith, allongé dessus avec les bras musclés et secs croisés sous sa nuque, avait les yeux fermés. Au milieu des équipements sportifs, il n’avait pas du tout l’air dans son milieu, mais tu ne pus t’empêcher de t’arrêter en remarquant que…

Pourquoi, un petit sourire te vint en voyant qu’il avait mis le caleçon ?

Le soleil qui pénétrait par la fenêtre illuminait son corps, et tel un chat, les yeux fermés et la tête lâche, il semblait se reposer en plein soleil. Les rayons de lumière chaleureuse réchauffaient son puissant torse, et dans ses cheveux se reflétaient comme sur une myriade de facettes d’un diamant gris, tel elle joue sur le pelage d’un gentil chat gris. Tu t’arrêtas sur le haut des escaliers, à le contempler.

Un instant comme… hors du temps.

Tu te souvins que tu l’avais déjà vu dans de telles circonstances, sur la table justement devant toi, et sa clé y était toujours. Tu hésitas un instant, puis… Ah, tant pis. Avec les confidences de tout à l’heure… il avait eu l’air sincère. Peut-être t’y laissais-tu tromper une deuxième fois. Tant pis.

Lentement, tu gravis un pas vers le gymnase et toqua doucement, une fois, puis deux. Un œil gris paresseux s’ouvrit, et la tête se tourna vers toi avec un lent mouvement qui te rappela singulièrement celui d’un chat prêt à se rouler par terre, qui vérifie d’abord que vous êtes bien là pour le regarder.

Son visage adopta aussitôt une mimique charmeuse et tu regrettas tout de suite ton geste.

—  Incapable de te passer de moi, quérida ?

—  Andouille, soupiras-tu. Hé, j’ai juste quelque chose pour toi. Je vais aller au travail, alors je vais devoir te laisser, mais il faut que tu puisses bouger si tu en as envie. Penses bien à fermer derrière toi.

—  Ha ! renacla-t-il en s’asseyant d’abord sur son matelas, d’un mouvement qui fit un peu trop luire sa peau bien tannée. Tu crois sincèrement que je vais fermer derrière moi si je sors ? Comme un bon petit mari ? Je croyais que tu aurais reçu la leçon pourtant !

Il se leva, et à ton grand soulagement, même si le caleçon était un peu petit, cette fois il n’avait plus la gaule rien qu’à te voir. Quand il s’approcha, du haut de sa grande taille, tu te sentis comme toute petite, de surcroît quand il s’appuya au cadre de la porte et se pencha vers toi. Son sourire était conquérant. Trop.

Malgré l’accent narquois de sa voix.

—  J’suis plutôt du genre à ramener des copains pour ouvrir ma propre « petite entreprise » ici, tu vois. Vu que toi et la couche que t’as pour culotte êtes incapable de vous amuser, je…

—  Tes habitudes t’ont mené à ramper pendant un an pour venir me retrouver et me supplier de prendre soin de toi, lui rappela-tu avec colère. Si tu as envie de faire tes conneries, ou de crever comme un chien, c’est ton problème. Mais tu le fais pas chez moi.

—  Ou sinon quoi ? ronronna-t-il en te posant un doigt sous le menton. Tu vas me faire un sermon ? Bébé, je m’en fiche. Tu l’as dit toi-même, tu ne me mettras jamais dehors. Alors…

Bon sang, sa façon de se comporter avec toi comme en maître te rendait toute chose. Sauf que.

Tu le défias droit dans les yeux et siffla :

—  Les autres. C’est pas que chez toi. C’est chez eux aussi. J’appellerais pas Dorian, parce que tu vas encore lui faire de la peine, mais Wallace est juste à côté, et Abel aussi. Je pense que tu n’as pas envie de voir ce que c’est s’ils sont en colère de voir que tu as démoli leur maison.

Sa lueur espiègle s’éteignit aussitôt, et il laissa retomber son bras en soupirant, regardant machinalement le plafond.

—  Putain, ce que vous êtes chiants.

—  Souviens-toi, siffla-tu. Rembourse-moi ce que tu m’as volé, et je te donne ce que tu veux pour aller cette fois correctement à Ibiza. Là-bas tu pourras t’amuser tant que tu veux.

Le poing sur le cadre de la porte, il râla en plongeant de nouveau ses yeux gris en toi :

—  Ha… D’accord. Je te servirai de larbin toute la journée. Tu me paies combien pour ça ?

Tu haussa les sourcils, amusé.

—  … Chouchou, qu’est-ce qui te fait croire que je suis ici toute la journée ? J’ai du travail maintenant. Avec deux hommes qui m’aiment vraiment et avec qui je fais bouger les choses.

Il parut à peu près aussi surpris que toi tout à l’heure quand il t’avait fait un petit smack dès le réveil. Et te contempla comme s’il venait de te pousser une deuxième tête, comme Cauchemar.

Un rire le secoua temporairement, puis de dépit il secoua la tête et grinça :

—  Je retire ce que j’ai dit. Tu ne m’impressionnes plus du tout. Je t’aurais cru plus ambitieuse, mon apprentie.

—  Juge-moi tant que tu veux, je m’en fous. T’as qu’à nettoyer un peu si tu veux.

—  Tu n’as pas peur que je te vole de nouveau et prenne la poudre d’escampette ? te taquina-t-il. Ca serait tellement facile, ma chérie. Il me suffit de mettre la main sur un ordinateur, ou sur tes comptes, sur ton argent, et je me volatilise. Si j’étais toi, j’accepterais ma proposition. Je saurais bien, bien te baiser, tu peux me croire. Ca serait pas la première fois.

Tu dus avaler ta salive à ça. Quelque chose dans sa phrase, en plus de l’évidente méchanceté, avait quelque chose d’amer que tu n’aimais pas, pas du tout. Et alors qu’il venait de te prendre la main, tu la tiras en arrière, lui arrachant fermement et le foudroyant du regard.

Bizarrement, cette fois il parut moins bien le vivre, et avoir l’air un peu déçu, et agaçée.

Tu soufflas :

—  J’imagine que je devrais être contente que tu n’essaies pas de me faire prendre des vessies pour des lanternes, mais enfin, je me suis pas tirée indemne de tes petites expériences. Et tu n’es plus une clé, tu es un humain maintenant. Alors si tu parviens à retrouver de l’argent liquide, ou un moyen d’accéder à mes comptes dans cette maison, honnêtement, t’auras mérité ta récompense.

Sur ce, tu baissas les yeux vers ta nuisette, et tu tendis le bras pour prendre quelque chose caché tout à l’intersection du placard où se trouvait la boîte à compteurs. Tu eus conscience qu’il te regarda pester, puis te déplacer de dos pour aller chercher quelque chose de logé entre la porte du compteur électrique et le plancher. D’un petit trou poussiéreux, tu tiras une clé que tu contemplas longuement, avant de te tourner vers lui d’un air résolu.

—  Tiens, rétorqua-tu sèchement avant de jeter la clé.

Il la rattrapa au vol, et tu le vis observer la clé avec une expression indéchiffrable. Mais au moins, une expression honnête.

Tu souris, amère, triste.

—  Autant qu’elle te revienne. Tu es libre, Keith. Tu fais ce que tu veux. Mon marché tient toujours.

—  Qu’est-ce qui me retient de rester ici jusqu’à la fin des temps, dit-il perplexe en te regardant. Qu’est-ce que tu y gagnes ? La satisfaction morale ? Parce que si c’est le cas, tu es encore plus bête que je croyais.

—  Ben, c’est simple, ricanas-tu en haussant les épaules. Quand on est seuls ici, on se fait chier très vite. Si t’arrives à tenir plus d’un mois avec personne avec toi, sans la moindre interaction sociale avec autrui,  t’es plus fort que moi.

Ses yeux se plissèrent.

—  Je serais pas seul. J’aurais une jolie petite poupée qui finira par retomber amoureuse de moi en un clin d’œil. C’est différent. Si tu as tenu trois mois seule avec nous pour toute compagnie, tu…

Retomber amoureuse de toi ?

Alors là, qu’il suscite des émois physiques en toi, d’accord.

Mais –

—  « Tomber amoureuse de toi » ? fis-tu en explosant de rire en lui tournant le dos pour te rendre dans ta chambre. Oh mon chéri, le naïf ici, c’est toi ! Si tu crois que je vais tomber amoureuse d’un gros bâtard qui m’a menti pour se servir de moi alors qu’il aurait pu être sincère dès le déb…

—  Parce que tu m’aurais aidé si t’avais su que j’avais qu’une envie, aller me défoncer ? ricana-t-il. Oh pitié. Reconnais au moins que j’avais une…

—  Oui, et je serais sûrement quand même tombée amoureuse de toi ! répliqua-tu en franchissant le seuil de la porte de ta chambre. J’suis tombée amoureuse d’un sac poubelle, de l’incarnation de mes cauchemars, et d’une cuvette de toilettes, d’accord ?!

Tu claquas la porte derrière toi, et t’avais pas besoin de regarder pour savoir qu’il en resta bloqué pendant plusieurs secondes.

 

Dans le couloir, Keith contempla longuement la porte que tu venais de claquer. Puis la clé dans sa main. Dans un éclat de rage, il la jeta contre ta porte et retourna dans le gymnase en claquant lui aussi la porte.

A l’intérieur de la salle de sports, néanmoins, il s’assit par terre, et fit la moue, en croisant les bras, les coudes sur les genoux.

Quand tu sortis de ta chambre, toute habillée pour le travail, pimpante et prête à mettre en place ton pouvoir de « la bonne répartie au bon moment », que tu trouvas devant ta porte d’entrée les vêtements à sa taille que tu avais commandé et que tu les jetas à l’intérieur en lui criant que ses fringues étaient arrivées, il ne bougea pas d’un poil.

 

Le soir, quand tu revins, que tu le découvris habillé – dans un jogging, parce que même si tu lui avais pris des tenues élégantes pour le cas où il veuille sortir, ça ne risquait pas d’arriver tout de suite – il était toujours, étrangement silencieux. AU moins, il était peigné correctement maintenant. Et il avait l’air d’avoir bien mangé aujourd’hui, parce qu’il semblait calme. Il se contenta à peine de venir quand tu l’appelas pour dîner, et ne se formalisa même pas que tu lui donnes des plats que tu avais récupéré à emporter, en lui disant que t’avais déjà mangé, qu’il avait qu’à le faire dans son coin.

Pas un mot.

Son expression était indéchiffrable.

Il retourna dans sa « chambre » après et tu ne le revis pas de la soirée.

 

Honnêtement, tu avais mieux à faire que de t’inquiéter de lui. Dans ton bureau, sur le coup des minuit, tu planchais toujours sur la branche artistique que vous étiez en train de développer, et le projet te donnait du fil à retordre. Tu y avais travaillé toute la journée, et pour une fois, tu n’avais même pas répondu à la tentative de câlins d’un David en manque d’amour après une réunion d’investisseur. Franklin avait dû le consoler parce que, honnêtement, l’autre andouille était un nounours quand il s’y mettait, et on t’avait demandé ce qui te prenait. Tu avais prétexté que tu ne parvenais pas à trouver l’idée, c’était comme si tes SPECS t’évadaient pile au dernier moemnt, et Franklin t’avait lui-même ordonné d’arrêter ça, que tu étais en train de te rendre malade. Vous étiez sortis tous les deux, et vous aviez eu une longue discussion sur les motivations sous-jacentes de nos actes parfois. Tu n’avais pas tellement compris ce qu’il voulait dire, et tu avais eu aussi peur de dire la vérité, mais il te parut qu’il était trop perspicace, et quand Franklin t’embrassa sur le front en te disant de rentrer chez toi et de dormir, tu aurais juré qu’il y avait dans ce bisou quelque chose de plus tendre encore que d’habitude.

Malgré son bon conseil, et parce que tu n’avais aucune envie d’adresser le sujet problématique, à savoir ton colocataire qui errait chez toi, tu préféras manger dans ton bureau et t’enfoncer dans le travail. C’était idiot. Tu aurais dû t’en rendre compte, tu faisais comme Holly, tu faisais comme bien de tes amis… En cet instant, tu oubliais absolument tout ce que tu avais appris.

Alors tu travaillas. Tu t’en remettais à l’inspiration de minuit, mais étrangement tu étais vraiment fatiguée, malgré les six cafés que tu avais bu pendant la journée, et la zone ne venait pas. C’était dommage, tes meilleures idées venaient quand tu entrais dedans.

Là, tu…

Tu planchais dessus depuis des heures. Des heures et des heures et des heures, sans trouver ce qu’il te fallait. Tu étais une feignasse, c’est vrai, mais tu aimais faire les choses correctement une fois qu’elles étaient lancées, surtout dans le domaine artistique. Et là…

 

*          *          *          *

 

C’est sur le coup des deux heures du matin que tes yeux se rouvrirent soudain, car tu pris soudain conscience que tu étais toujours dans ton bureau, et que tu t’étais endormie avec sur l’un de tes écrans une discussion sur thirscord avec tes deux partenaires qui se battaient sur Wordle, l’autre ton projet qui attendait, avec une demi douzaines de notes sur des posts its jonchant ton bureau, un bordel qui aurait rendu Jerry fier.

Tu pris également conscience que quelque chose avait changé dans la pièce. Comme si un second souffle y était, comme si on te regardait. La tête avachie sur ton clavier, les cheveux emmêlés dedans, tu rouvris des paupières en essayant de lutter contre un filet de bave qui t’avait coulé – et tu levas lentement les yeux, en te les frottant d’un poing qui s’était endormi avec un stylo en main, et l’autre bras passé sous ta tête.

Dans ton bureau, Keith était là – debout, pensif. Dans sa main, un petit carnet. En panique tu tapas sur ton téléphone et glapis en relevant la tête :

—  Ah, touche pas à mes comptes ! Ca marche pas si tu me voles, je te préviens, si tu me voles je te fais pours…

—  Espèce de connasse, rit-il, déprimé. Tu as pensé à appeler Dorian, hein ?

Tu te redressas perplexe, et cligna des yeux en avisant le carnet. C’était ton carnet d’adresses. Tu grimaças et soudain une idée te vint.

—  Oh. Si tu veux, Prissy a…

—  Ne change pas de sujet, dit-il en tournant les yeux vers toi, un regard froid d’acier. Je veux une chose. Je veux juste vivre.

Son expression était sinistre. Triste, aussi.

Tu avais pensé à appeler Dorian, oui, la veille au soir. Tu avais ouvert ton carnet à sa page, et oublié de le refermer. Malheureusement il s’avérait qu’il y avait d’autres Dorians dans ton répertoire, et pour aussi ne pas perdre le compte de leur vraies identités, ne pas les perdre, tu gardais leurs adresses.

Mais tu n’en avais rien fait. Parce qu’au final, Keith t’avait paru trop mal pour représenter la moindre menace.

Dans la pénombre de ton bureau, au tableau sur lequel toutes les photos de tes amis étaient affichées, tu remarquas qu’un petit dessin avait été rajouté à la place qu’aurait dû occuper Keith. Un petit dessin de clé, le même qu’il t’avait signé à l’aéroport, avant de t’envoyer une dernière photo de lui. Sauf que sa photo avait fini à la poubelle, puis dans l’incinérateur de la ville.

Une dernière…

Dans la pénombre, tu sentais la pesanteur des lieux. Il n’était pas fâché. Déçu. Tu baissas la tête et la secoua.

— Oui, j’y ai pensé. Et après je me suis dit que c’était pas le moment. Je te l’ai dit ce matin, je ne l’appellerai pas parce que ça lui ferait du mal. Pas la peine que tu lui brises le cœur à lui aussi.

 Tu sentis tes yeux te faire mal, et tu baillas. Tu ne te serais pas attendue à ce qu’il fasse le cliché de l’homme qui passe une couverture sur le dos de son être cher quand celle-ci travaille, mais enfin…

— Je suis venu parce que je savais que tu ne me rejetterai pas, admit-il enfin à nouveau. Ce que tu as dit ce matin, ça me tourmente depuis. Tu as dit que tu m’aurais aimé tel que je suis. N’est-ce pas ?

Tu le regardas. Dans l’ombre, son corps massif détachait de plus en plus comme celui d’un tigre. Ses mouvements étaient élégants, malgré ses dires.

Ses yeux pourtant semblaient plus sombres encore que le reste de la pièce.

Lentement, tu acquiesças, et tu lui décernas un faible sourire.

— Si tu m’avais pas menti, je pense que j’aurais pu t’aimer. Mais on n’en est plus là. Alors laisse-moi travailler, s’il-te-plaît.

— …

Son regard gris te fixa encore pendant quelques instants. Puis ce fut à son tour de faire un sourire amer.

— Je ne fais pas partie de ton… harem, mais je suis sûr d’une chose. Sans poudre blanche à renifler pour tenir, tu vas tomber. Va te coucher.

Tu renacla.

— Pardon ?

— Ca te donnerait de l’énergie. Et puis, tu serais moins ennuyeuse. On aurait pu s’amuser un peu.

Tu le foudroyas du regard, puis tu grommelas en laissant retomber ta tête sur le bureau.

— Va te coucher toi-même. J’irai quand j’aurai trouvé.

— …

Tu vis en direct le sourire narquois qui s’inscrivit sur ses lèvres. La manière dont il tendit la main, par-dessus une étagère et –

— NON, gronda-tu en redressant le tronc et en t’asseyant bien sur ta chaise, fronçant les sourcils.

Deux choses se passèrent simultanément : il poussa le bloc de papier posé en équilibre sur le bord d’une étagère, ET, au moment où le bloc de papier s’effondra en répandant des feuilles de partout, il t’adressa un clin d’œil suivi d’un petit bisou du bout des lèvres, envoyé de loin.

Tu ouvris de grands yeux, et te décrochas presque la machoire.

Lentement, au dessus de ton solide bureau, et devinant d’ici la tête qu’aurait fait Dasha si elle avait vu quelqu’un te faire le coup, tu pointas un doigt vers lui avec incompréhension :

— Qu’est-ce. Que. Tu. Fais ici.

— J’ai vu tes dessins, sourit-il tout large, avant de placer sa main de nouveau, juste entre le dernier best-seller de Maggie, posé lui aussi sur l’étagère avec ta liste de choses à lire, et le mur. Alors comme ça, je suis un chat, hein ?

— Non, c’est pas ce que…

Tu ne pus même pas finir, parce qu’avec un plus large sourire il poussa le livre.

Livre que tu vis tomber comme au ralenti, tomber par terre et s’écraser lamentablement au sol avec un gros « oops ». Tu clignas des yeux, et releva ton attention du livre, à l’homme de cinquante et quelques années en apparence. Les rides de son visage s’était creusées, de jolies pattes d’oies amusées autour de ses yeux, ses cernes prononcées semblant légèrement moins creusées, de par le charmant, et absolument désarmant sourire à ses lèvres. De quelques pas lestes mais gracieux, il se promena le long de tes étagères, réfléchissant tout haut.

— Bon, alors. La figurine de Séphiroth… Non, ça coûte cher, même s’il me rappelle Dishy, vous les geeks vous avez tendance à aimer ça. Aloors… Le bac d’agrafes…

— Keith, dis-tu, mais malgré toi un petit rire t’échappa. Mais qu’est-ce que tu fabriques.

Il te décocha un de ces sourires absolument ravageurs que tu ne connaissais pas, parce que ce n’était pas sa persona de gentleman, c’était sa persona d’addict qui s’écriait des conneries à la « I’m fucking loaded », avec la fossette qui se creusa, il t’accorda un clin d’œil, et-

Bing , le bac d’agrafes, par terre. Ca allait être le désordre à ranger.

Mais peut-être était-ce la fatigue, peut-être était-ce autre chose, mais un éclat de rire te vint. Tu te repoussas au fond de ta chaise, et en leva un doigt amusé, il reprit :

— Elle a bougé ! Incroyable !

— Keith, protesta-tu avec un petit éclat de rire. Arrête enfin…

— Oooh ! La pile de papiers administratifs « à trier » ! s’exclama-t-il en continuant son chemin derrière toi, juste dans la grande bibliothèque derrière ton bureau.

Tu te retournas vers lui sur ta chaise,  avec un autre large sourire, cette fois riant de fatigue, c’était nerveux.

— Mon dieu. Qu’est-ce qui te prends ?

— Empêche-moi, chuchota-t-il juste avant – un tout petit coup de la main – envoyer patatras, tout ton bac de papiers à trier par terre.

Ca va être un bordel innommable à ranger.

Tu explosas de rire. Ses pattes d’oies se plissèrent d’avantage et tu te levas au moment où il continuait son chemin, pour lui attraper le bras en protestant, riant tout ce que tu savais.

— Allez, arrête ! Qu’est-ce que tu veux !

— Te voir vivre, ronronna-t-il en se servant du bras que tu lui tenais pour le passer dans ton dos, et poursuivre son examen de ta pièce et des étagères.

Soudain, son visage s’illumina.

— Oooh, une photo de toi avec deux autres hommes ! Pas besoin de ce genre de merdes, hein ? Allez, par terre les deux autres blaireaux, on garde que ma Propriétaire !

Il posa la main sur une photo que tu avais prise avec David et Franklin, et tu ne savais plus trop s’il était sérieux ou pas, mais riante, tu t’exclamas en tendant la main pour essayer de l’attraper :

— Oh non, tu fais chier ! Sérieux, arrête, c’est bon, je suis levée !

— Ha ha ! ricana-t-il en levant la photo au dessus de sa tête. Empêche-moi ! T’oseras pas, t’as pas assez de couilles pour !

— Tu me saoules, souffla-tu, tout en ne pouvant s’empêcher de rire, et au moment où il allait jeter la photo par terre, tu lui saisis les deux joues et l’embrassa droit sur les lèvres.

 

C’était à moitié pour l’arrêter.

 

Non, complètement pour l’arrêter. Mais il y avait une bonne partie de nerfs qui jouait dedans.

En revanche, tu sais que, tu te pencha et te plaqua sur lui, et le plaqua dos contre la bibliothèque, sur la pointe des pieds. Tes yeux fermés, l’agréable sensation de sa barbe, de ses cheveux entre tes doigts…

Lui-même, ses yeux s’écarquillèrent de surprise – mais au bout de son bras, il reposa le cadre au hasard au bord d’une étagère, peu importe, là où sa main parvenait à se poser. Son dos contre les dossiers, c’était pas confortable, mais tant pis. Sa main libre se déplaça dans ta nuque, qu’il saisit… et il inclina la tête, contre toi.

Le simple baiser pour l’arrêter se transforma en un baiser avec la langue.

Son torse était fort, plus qu’hier. Sa chair chaude. Et accueillante. Contre la tienne, comme le plus agréable des matelas. Dans ta nuque, sa main n’était pas agressive. Le tissu de son jogging, doux contre le tien. Sa fourrure, douce contre toi, son odeur enivrante…

Tu l’entendis gémir un peu, et étrangement, cela te vainquit. Tu inclinas la tête à ton tour, et laissa échapper un léger gémissement à ton tour, l’invitant à prendre le dessus. Il ne se fit pas prier, et tandis que tes deux bras se passaient derrière sa tête, celle qu’il avait dans ta nuque appuya un peu plus. Ses lèvres, chaudes, bougeant doucement, de plus en plus ardemment. Son cœur, sous toi, qui battait de plus en plus fort, résonnait contre le tien.

Vos deux corps s’étaient unis, ou presque, juste l’un contre l’autre, se fondant comme une clé et sa porte. Comme une…

Tu voulus te dégager, comme pour respirer, mais il n’avait pas envie, et au moment où il sentit ta main glisser de derrière sa tête, se poser sur son torse pour lui demander d’arrêter, il se pencha encore plus et te tourna entre ses bras, pour te plaquer à l’étagère.

 

Ce fut à son tour de se plaquer contre toi, et tu ressentis si bien son désir qui croissait entre vous que ça te tira de l’espèce de transe qui t’avait pris. Tu rouvris les yeux, et découvris que son beau visage, de près… qu’il était toujours si séduisant. Avec un petit gémissement, tu posas ta deuxième main sur sa joue pour l’inciter à reculer, doucement.

Quand il rouvrit enfin les yeux, juste après que vos lèvres se soient enfin séparées, il brûlait, dans ses paupières mi-closes, l’intensité d’un feu à peine restreint derrière des portes métalliques.

Comme par réflexe, tu posas le bout de tes doigts sur ses lèvres, pour l’empêcher d’y retourner, et tremblante, tu murmuras :

— Je… Je ne sais pas ce qui m’a pris. Désolée. Bonne nuit.

— Y/N…, chuchota-t-il contre toi. J’ai envie de toi…

— Je sais, souffla-tu à ton tour, ainsi de refermer les yeux, et déposer un dernier, tout petit baiser, plus léger qu’un battement de papillons d’ailes, sur sa bouche. Désolée. J’aurais pas dû t’embrasser.

 

Tu t’écartas, vite. Vite, avant de faire d’autres bêtises. Et vite tu remontas tes escaliers, pour vite sauter dans ton lit, et te blottir dedans toute habillée, tremblante d’incompréhension.

 

Il resta planté, tout seul, dans le bureau. Confus. Solitaire.

 

Et, au lieu de mettre encore plus de désordre et de s’octroyer une tâche très facile à faire le matin pour grapiller quelques sous comme il en avait l’intention, il remit mieux en place sans la regarder la photo que tu avais avec tes deux collègues, se força à ne pas jeter d’œil aux multiples autres photos que tu avais de toi avec tous tes amis et amoureux…

Puis à son tour, il quitta la pièce.

 

Au bas de l’escalier, il leva les yeux et songea… que bizarrement, c’était peut-être la sensation la plus agréable qu’il ait ressenti en une année d’errance.

Pas le baiser.

Ta chaleur contre lui, et ton cœur qui s’était momentanément livré au sien.

Chapter 4: Le chat quand il sent l'odeur d'un autre sur tes doigts crache, et c'est à toi d'aller le réconforter

Summary:

Déjà, quatrième dimension : depuis quand c’était lavé par terre ?!

Notes:

Où : Keith se rappelle THE trauma selon la théorie qui le lie à Zoey et à Rudy... Et, dans la foulée pour se détendre il va se relaxer un peu, et va avoir l'air abruti fini. Il y a aussi une scène de fesses, et une autre qui techniquement gère "l'après" scène de fesse donc un peu cradingue.

Chapitre né d'énormément de discussions d'avec Lacrimalis... notamment concernant Zoey et les concept arts de Keith, qui semblait avoir un lien à la mort assez prononcé en tant que "Skeleton key". Ca marche moins bien en français, mais c'est génial. Allez lire sa fic sur Zoey et Keith, et sur Dorian et Keith juste après les évènements du grenier, c'est formidable.

This chapter features Zoey's backstory, which we thought a lot in dms with lacrimalis! He also wrote Bluebeard's key as a depiction of Zoey's death, and For her most wrong'd of all the dead as a Keith/Zoey reconciliation fic! Go check them out! :)

Chapter Text

Au petit matin, dès que tu ouvris les yeux sous la nouvelle agression du soleil au travers de tes rideaux éternellement ouverts, tu te réveillas avec l’impression singulière que ton monde n’était pas normal.

 

Et ça n’était pas seulement parce que tu avais dormi enroulée autour d’un traversin entre tes jambes et entre tes bras, habitude récupérée depuis que ta maison était devenue particulièrement vide suite au départ de tous tes amis. Ton traversin, il faudrait que tu en changes la housse ce matin, parce qu’il sentait un peu trop… il se démontrait olfactivement un malheureux, mais fidèle, témoin du rêve plus que chaud que tu avais fait concernant Keith. Un rêve où, puisque tu commençais à avoir de l’expérience dans les trouples, finissait par se mêler Dorian, un trio fort sympathique pendant quelques instants… mais ça avait fini par un cauchemar où ton ancienne porte te traitait de traître pendant que Keith te saisissait au col et te maltraitait. En vrai, il allait falloir que tu téléphones à ton psy. Bientôt. Même si Dinah s’était proposée pour la tâche, elle en avait déjà assez bavé à cause de toi, pas besoin d’en rajouter, quand à Chance, tu avais envie d’aller le voir pour jouer à GnG, mais pas pour ses sessions de jeu-thérapie. Qui plus est, tu avais une bonne idée de ce qu’il te dirait..

Non, ta maison te semblait bizarre parce qu’il y avait une odeur de…

 

… De cramé.

 

Dire que tu bondis en un éclair de ton lit était un euphémisme. Déjà que tu faisais encore des cauchemars du feu que Sinclaire avait accidentellement déclenché, et d’Arma étant une badass absolue au passage, pas la peine d’en faire un deuxième !

Si cet endroit brûle, mes amis n’auront plus de maison où revenir en cas de besoin !

Tu dévalas les escaliers à toute allure, en t’écriant, mettant rapidement un peignoir autour de toi :

— Keith ! Sors d’ici, il y a le feu, tu…

— « Le feu » ? Ay, putain ! T’y vas pas avec le dos de la cuillère ! répondit sa voix dans la cuisine. C’est bien grillé c’est tout !

Dès que tu touchas le sol du rez-de-chaussée, tu écarquillas les yeux et te tourna en toute hâte vers la cuisine. Pour être tout à fait honnête, il y avait bel et bien des particules qui flottaient, mais ça n’était guère de la fumée pour autant. Juste… même pas de la poussière ambiante, des grains de soleil. Avec le cerveau embué, tu ne retrouvais plus le terme correct.

Néanmoins, l’odeur de cramé y était. Un cramé qui ne tarderait pas à devenir au moins cendre, si ce n’est feu. Du coup, tu te hâtas de galoper ventre pattes en direction de la gazinière, en criant un « mais qu’est-ce que tu fous » assez sincère, ton cœur carburant déjà à fond dès le matin. Tu dérapas sur le sol en t’arrêtant dès le frigo franchi – et tu manquas de glisser jusqu’au mur, parce que c’était lavé par terre.

Déjà, quatrième dimension : depuis quand c’était lavé par terre ?!

Et ensuite… Après une réception hasardeuse, tu vis, te tournant le dos, un homme grand et musclé juste ce qu’il faut, encore à poil ou presque car : miracle, autour de son très agréable petit cul, un caleçon, qui… Etait en train d’agiter une spatule sur une poele, à touiller quelque chose qui, au vu du son, avait accroché comme Keith lui-même s’accrochait à ta maison. Tu clignas des yeux, perplexe, regagnant ton équilibre, puis tu essaya de te redresser malgré ta jambe qui te faisait mal en raison d’un angle hasardeux de chaussure. Ce que tu finis par faire, en te grattant la tête. L’odeur de cramé venait de là.

— Attends, t’ébahis-tu. Tu es en train de…

— Ca me rapporte combien, ça, de te faire le petit-déjeuner en t’offrant un beau spectacle au passage ? riposta-t-il avec un petit éclat de rire, en te désignant ta table de petit-déjeuner. Au moins cent balles ? Mon cul, il vaut cher tu sais ~

Bon dieu. Il manquait pas de culot. Mais il avait un si charmant accent de joie et de bonne humeur, que ça te contamina. Et malgré toi, une fois debout, tu ne pus t’empêcher de pouffer de rire.

— Je vais être généreuse et dire quinze balles, mon grand, pour le petit-déjeuner… et encore, c’est seulement si c’est bon et copieux. Et on va être généreux et compter le service, allez. Vingt balles grand maximum. Tu as de la marge.

— Et avec un baiser à t’en retourner le cerveau et t’en faire voir des putains d’étoiles et mouiller la culotte ? ronronna-t-il en se retournant vers toi, et tu t’aperçus qu’il avait osé mettre un tablier « kiss the cook » que tu avais acheté à Stephan il y avait un bail pour une blague, sans jamais avoir l’occasion de lui donner pour l’instant. Je t’ai entendue m’appeler cette nuit, tu sais.

Tu fais chier

Le rouge te montant aux joues soudain en réminiscence de la façon dont tu l’avais embrassée la nuit passée, tu détournas le regard de son corps majestueux et de son regard gris amusé qui te contemplait de haut, pour t’intéresser à la nourriture sur la table, et…

Ta bonne humeur retomba aussitôt. Les œufs étaient complètement cramés. Avec des morceaux de coquilles de partout. Et vu leur tête – il t’avait démoli la poele. Tu allais devoir gratter des siècles, et c’était vraiment pas ce que tu aimais faire. Rien que l’idée d’aller changer tes ustensiles de cuisine bientôt, ça te saoulait. Ta joie vira aussitôt à l’agacement et tu soufflas en traversant la cuisine pour poser la main sur son épaule, et râler avec un coup d’œil par-dessus :

— Allez, c’est bon, t’es en train de me dégueulasser mes outils. Ouste.

— Attends ! J’ai pas bien cuit le pancake, j’arrive pas à le retourner, protesta-t-il quand tu essayas de lui intimer l’ordre par une poussée sur son épaule, de filer. Je te retourne après, promis.

— Savoir faire tes « bonbons » et de la vraie nourriture, riposta-tu, ça a rien à voir. Bon dieu, bouge de l…

Il s’executa avec un râle d’agacement, et s’écarta – juste à temps pour que tu puisses voir que dans ta poele, il était en train de faire cuire un pancake… en forme de bite.

Tu levas les yeux vers lui.

Il baissa les siens vers toi.

Avec une telle bonne humeur et un tel large sourire goguenard que tu sentis ta frustration changer malgré toi à la faveur de cette lumière revenue dans son regard, joyeuse, dansante. Il était séduisant. Et quand il était de bonne humeur comme ça, simplement irrésistible. Tu rougis jusqu’aux oreilles, et tu ne pus t’empêcher de répondre en un rire soufflé, secouant la tête…

— Tu es impossible.

— Et toi, bébé, sublime.

Il se pencha vers toi et voulus t’embrasser – mais un coup de panique te prit et tu reculas soudain en toute hâte, pour te re -prendre le placard de la cuisine dans la tête. En lieu et place d’un bisou, tu te saisis le crâne à deux mains et protesta un magnifique :

— ( in french ) Ah putain de sa mère la bite ! Cabrizzio may be a softie, but his love hurts, dammit !

Keith explosa de rire devant toi, et après avoir éteint le feu, tendis le bras pour saisir le tien et t’attirer à lui, contre son torse bien chaud du soleil du matin. Tu te tus, le souffle coupé en le sentant t’attirer tout juste contre lui, te sentant rejoindre son corps chaud, puis lui, t’embrasser sur le front :

— Peut-être aurait-il fallu t’en tenir à ta clé préférée comme unique amant, alors. Je ne serais peut-être pas parti si je t’avais entendue me sortir des jurons aussi créatifs.

Ses bras étaient chauds, et entre eux, tu étais mille fois trop à l’aise. C’était comme être enveloppée d’une ferme couverture chaude de chat. Son ronronnement, contre toi, faisait vibrer ta peau, et tu te serais volontiers lovée contre lui si les restes de la nuit passée ne te hantaient pas encore.

Son regard gris était entièrement concentré sur toi. Et contrairement à autrefois, ils semblaient t’être sincèrement, tout à fait voués. Dans son étreinte, tu n’avais pas envie de bouger. C’était comme un rappel de la chaleur des draps au matin, cette chaleur qu’on a tant de mal à quitter.

La lumière amusée, espiègle, presque gamine, qui luisait en eux, et à la fois emplie d’une maturité qui cette fois n’était plus feinte, acheva de te séduire.

— « La puta madre del capulo » ? traduisit-il avec un souffle. J’adore. Ca, c’est un caractère. Ca, c’est…

— Keith…, murmura-tu.

Malgré toi, tu te levais sur la pointe des pieds pour le laisser finir le chemin qu’il avait entamé presser ses lèvres, chaudes aussi, et douces, dans ton cou. Tes mains avaient beau se poser sur son torse comme une barrière, c’était à la fois pour l’arrêter, à la fois pour caresser. Tu fermas les yeux, le souffle court, et tu murmuras :

— Je sais pas où j’en suis avec toi. Ne me fais pas ça, s’il-te-plaît.

— Ce n’est pas ce que ton corps dit, ronronna-t-il, si près de toi, si près, que tu restas à quelques centimètres de lui, vos souffles à présent un seul. J’ai envie de toi, et toi aussi.

— Je…

Tu ne pus plus respirer, tant l’envie t’écrasait la poitrine. Tu avais conscience du fait que comme la veille, son corps te plaquait contre le comptoir de ta cuisine, te faisait monter dessus, et si ça continuait comme ça, il allait te prendre dans ta cuisine… et tu t’imaginais mal le repousser.

Ses yeux brûlaient de désir.

Et pas que. Parce que si tu en croyais la barre de fer telle une clé qui pressait contre ton entrejambes, le reste de son corps aussi. L’intention était évidente. Et toi-même, si tu cédais une seule seconde, tu savais très bien que tu allais te retrouver à l’embrasser férocement, et tu n’ignorais pas du tout comment ça allait finir. Avec toi les jambes croisées derrière son dos, en train de subir le genre d’activités que Stefan ne tolérerait pas du tout dans une cuisine. A tout salir comme une vilaine.

Tu avais envie de te méfier : après tout, peut-être ne faisait-il que semblant d’être plus gentil envers toi, d’accepter tes conditions, peut-être comptait-il te faire une nouvelle entourloupe.

Mais l’appel de la chair est fort parfois. Surtout avec lui.

— Attends, gémit-tu en le repoussant du bout des mains, au prix d’un effort mental presque insurmontable. Ca fait pas partie du remboursement, ça…

— Ouvre ces jolies lèvres, murmura-t-il en glissant le long de ton cou de ses lèvres, ses deux mains te saisissant et te posant sur le comptoir. Comme pour satisfaire ton joli bec sucré.

La froideur du plan de travail sous tes fesses te fit frissonner, ainsi que le suave de ses mots. Bon sang, il était crade en général, mais quand il s’y mettait, il vous charmait en un clin d’œil. Comme dans un état second tu le regardas poser une main sur ta cuisse pour te maintenir sur place, l’autre main allant cherher une petite assiette d’omelette qu’il s’était gardée sur le côté. Il en prit un morceau entre deux doigts, et avec un baiser tendant au mordillage dans ton cou, ronronna :

— Ouvre…

Tu n’aurais pas dû, mais tu obéis.

 

…Ouais. Ben ça marchait mieux avec ses « bonbons », tu grimaças quand tu mâcha un peu et avala le morceau d’œuf.

 

Et il dût s’en douter, parce qu’il recula instantanément en voyant ta grimace. Quand tu rouvris l’œil, tu déglutis avec dégoût et grimaça en plaquant tes deux mains de chaque côté de tes fesses sur le plan de travail, désolée pour la surface niveau hyginèe on repassera, pour lui adresser un regard de dépit, son propre bras se décalant naturellement de ta cuisse pour rejoindre la plan de travail… décidément un peu cracra après sa préparation de tout à l’heure :

— De un, c’est trop cuit, de deux c’est en même temps pas assez cuit, de trois les coquilles ça apporte pas du croquant, et de quatre, les herbes apportent beaucoup de goût mais avec le cramé on sent moins, et… C’était quoi ?

— Les herbes aromatiques du voisin, dit-il en haussant les épaules et en faisant un signe de tête en direction de ton voisin de droite. J’y suis allé en pleine nuit pour ne pas me faire voir.

Merde. Dis-moi que le voisin se fait pas pousser des herbes pour un usage « récréatif », glapis-tu intérieurement.

— Vu la gaule que tu m’as collée hier soir, j’arrivais pas à dormir, reprit-il avec un large sourire. Alors… Ca te plaît ?

Tu poussas un petit rire agacé.

— Si tu peux éviter de finir au poste parce que tu te balades chez le voisin en pleine nuit, ça m’arrangerait ? Tu m’as quand même pas collé de…

— Rien du tout, voyons, râla-t-il, avant que sa moue ne se transforme en un clin d’œil séduisant et qu’il te caresse le menton : en revanche, si tu veux que je te prépare un space cake , je peux aller chercher ça… L’autre voisin avait de quoi. Ca me vaudrait combien de points ?

— Arrête avec ça, soupiras-tu en redescendant du comptoir, te retrouvant malheureusement collée tout contre lui. Si je voulais toucher à ça, j’irais voir Prissy, je voulais te dire hier, au cas où t’aurais absolument besoin de ce genre de trucs. Elle a des… fabuleux champis, je te ferais savoir.

— Oh ? ronronna-t-il, toujours ton menton dans sa main. Peut-être qu’elle sait s’amuser, elle. Je vais aller la voir, qui sait, j’arriverai peut-être à la convaincre de me donner…

— Chiche, sifflas-tu, mais la lueur espiègle qui brillait dans ton regard te trahit. Mais après, ne reviens pas pleurer parce que tu es accroc et que t’arrive pas à te débarrasser de ça.

— La seule à laquelle je suis accroc, c’est toi…

Tu l’imaginais bien prêt à retourner te séduire, surtout avec ton menton dans sa main… Mais il se produisit quelque chose qui cassa absolument tout.

Car au moment où il voulut lever ton menton, tu ne bougeas pas. Parce que, la peau du bras et des muscles en action et de son muscle devant toi n’était pas indemne. Ce qui était normal, mais…

Tu remarquas quelque chose, sur le bras qu’il avait plaqué à côté de toi pour t’empêcher de passer. Des irrégularités sur sa chair. Des traces de…

— Keith… C’est des traces de cigarette, ça ? Et ça ? C’est des traces de…

Tu leva le nez vers lui. Douces, tes mains se posèrent sur ses bras. Son visage, lui, se durcissait, mais tu ne t’en rendis pas compte, car pleine d’inquiétude, tu examinais tout son corps. C’était subtil, comme si ça faisait longtemps, mais il y avait très clairement des traces que seulement à la lumière du matin et non plus désormais perturbée par euh, la nouille à l’air , tu remarquais. Des traces de cigarette, des traces de fouet, quelque chose comme si pendant longtemps sa chair avait été resserrée par un collier. Ton murmure malgré le chant des oieaux et des environs, résonna comme un glas.

— Qu’est-ce qu’on t’a fait ?!

Dans la cuisine si chaude, parut soudain passer un blizzard.

Keith recula de plusieurs pas en arrière, droit, mais la froideur glaciale des pôles de la Terre s’étant inscrite dans ses yeux qui, quelques dizaines de secondes auparavant à peine, t’étaient plus que chaleureux, infernaux, gorgés d’envie.

Dans la cuisine, ses pieds lestes reculèrent avec discrétion, et là aussi, tu remarquas qu’il ne faisait pas un seul bruit quand il bougeait, sauf hier matin, au réveil. Là aussi, tu remarquas ses gestes, des coups d’œil vifs, portés vers l’extérieur, et vers les issues de la pièce.

Là aussi tu te souvins de quelque chose qu’il avait dit.

Ne me touche pas

— Je… Je suis désolée, balbutia-tu en avançant un pied, mais en immobilisant ton autre jambe au moment de continuer ton mouvement, rien qu’à voir son mouvement de recul. Pardon de m’être moquée hier.

Il ne répondit rien. Se contenta de darder un regard comme de haine sur toi.

Et quand tu levas les mains en l’air, il souffla et grimaça, s’accoudant à ton autre plan de travail, celui sur lequel se trouvaient ton lave-vaisselle et kopi. Les bras croisés, il grinça :

— J’aurais jamais cru en partant de chez toi il y a un an, mais… J’ai dû faire pas mal de trucs pour survivre, dormir en sécurité ou manger, ou avoir mes doses, dont je suis pas fier. C’est plus dur de manipuler, quand les gens ont un moyen de pression trop évident sur toi.

Tu ouvris la bouche, et puis tu te souvins. La photo de Keith avait circulé pendant des semaines suite à son saut de l’avion.

Tu grimaças.

— Ouais. Je… Peux rien faire concernant ta « dose » et je peux pas t’encourager à ça. Par contre, cette maison… Elle te sera toujours ouverte.

La commissure de ses lèvres esquissa un léger sourire narquois.

Comme pour dire « je le sais déjà ». Il fit un signe de tête vers la table, comme aussi pour indiquer qu’il fallait que t’aille manger avant que ça soit froid.

Il te sembla juste entendre marmonner, en allant t’asseoir mierda, tu es impossible.

*          *          *          *

 

             Ne t’en déplaise, car tu n’en sus rien sur le coup, mais contrairement à la veille, la journée de Keith chez toi fut nettement plus animée.

 

Ne lui en déplaise, ta journée à toi fut assez animée aussi. Tout d’abord, tu t’offris un court trajet en voiture décapotable sous le soleil d’été du matin, choisie parce que tu avais bien besoin de quelque chose pour te vider l’esprit. Cet espèce d’énergème te donnait faim de sexe en deux secondes, et tu n’avais pas du tout envie de lui céder. C’était déjà nul que tu l’aie embrassé la veille de ton plein gré, et encore plus que tu te surprenais à espérer, espérer de toutes tes forces pour que cette fois, l’attention qu’il te témoignait soit sincère.

Sur la route, il faisait clair, il faisait beau et chaud, et tu savoura cette fraicheur du vent sur ta peau, le parfum des arbres et des pelouses, des fleurs coupées, des champs parfumés, que tu longea au long de ton parcours. Tu avais enlevé la capote exprès, pour t’immerger de tout ça, toucher de l’herbe, comme on dit. Fut un temps où c’était d’être chez toi qui te permettait de te ressourcer, mais en devenant la colocataire et l’amoureuse, et à présent l’amie, d’une centaine de personnes, cela dépossédait votre foyer d’un caractère privé…

Quand tu le pus, à un feu rouge, tu contemplas le ciel et les nuages blancs qui passaient. C’était comme si tout cela était innocent, si innocent, un coton de tendresse, en comparaison du cuir ardent qui te brûlait et t’étreignait chez toi. Un instant de calme… Que tu goutas avec délice.

Le building de Human Experience se dessina au loin, puis se rapprocha, et tu te garas aujourd’hui sur les places extérieures.

— Ha… Quelle merde, murmura-tu tout bas, pour toi, coupant le moteur et reposant les mains sur tes genoux, pour fermer les yeux. Dans quelle merde je me suis encore fourrée.

Les employés étaient déjà arrivés, et devaient être en train de travailler. Tu avais encore quelques instants de silence, rien qu’à toi, avant de devoir reprendre le travail, de devoir répondre aux gens, d’utiliser tes… « specs » à fond. Ou, de devoir faire et parfois rater des jets de specs, comme Chance te l’avait dit une fois en riant quand tu t’étais mangée un poteau parce que vous marchiez tous les deux dans la rue pour aller vous acheter des pizzas lors d’un break de soirée jeu de rôle. Bref.

Un instant de silence, loin de tous ceux qui avaient besoin de toi. Loin de ton royaume, loin de tes amis. Instant de silence, juste à toi…

Tu inspiras profondément, fermant les yeux, posant la main sur ton ventre, pour faire quelques exercices de respiration.

Zut. Cette histoire te tourmentait plus que prévu, réalisa-tu en grimaçant. David ne comprendrait pas, mais il était nécessaire que tu lui dises que tu avais quelque problèmes relationnels, quoique Franklin ait déjà dû lui en toucher deux mots. Mais David était aussi con que toi sur le concept de relations saines avec les autres (tu en avais bien fait l’expérience pendant quatre mois…), alors ça n’était pas nécessaire d’aborder le sujet avec lui, tu espérais juste que tes tracas n’allaient pas encore influencer ton travail.

 

En mobilisant ton courage, tu poussas la portière de ton cabriolet blanc, et tu posas un pied au sol.

L’immense bâtiment te surplomba aussitôt, et tu levas les yeux, un peu intimidée. Ca avait beau être le terrain de jeu de deux de tes amants, tu étais…

— Y/N, je suis heureuse de vous voir. Je te cherchais, justement.

La voix devant toi te fit hérisser les poils sur la peau, et tu plissa les yeux pour apercevoir, t’attendant devant l’entrée du bâtiment, Val. Ca ne représentait rien de bon, décida-tu en contournant ta voiture pour prendre à l’arrière ton sac dans le coffre, le mettre à ton épaule, et t’approcher lentement.

Val, dans sa « Realization » se dressait devant toi, plus froide que jamais. Ta peau se hérissa devant elle. Au fond, tu avais été gentille avec elle parce que tu te doutais que ce n’était pas de sa faute si ses utilisateurs avaient voulu l’utiliser pour remplacer les humains, mais sa présence te mettait quand même mal à l’aise.

Une main dans tes cheveux, geste typique de nervosité, tu lui souris en la rejoignant sur le parvis.

— Ouais ? Bonjour, Val ? J’peux t’aider ?

— Je veux vous informer de la présence sur votre terrain d’un élément de dangerosité de classe 3, potentiellement 2, te dit-elle sans que sa voix ne change une seconde d’intonation, bien qu’il te sembla que sa posture se voulait… pas menaçante, mais autoritaire ?

Tu inclinas la tête devant elle, sur le côté, perplexe. Quelque chose là dedans te mettait plus que mal à l’aise et grandissait en toi.

— Et… ? dis-tu, en fronçant les sourcils. A quoi ça correspond ?

Val tourna sa tête métallique vers ta voiture, et ses yeux s’illuminèrent brièvement d’une lumière rouge. Cette machine était terrifiante. Tu l’aimais bien, et elle était marrante à t’appeler à deux heures du matin pour te demander à l’autre bout du monde la meilleure manière d’exprimer à quelqu’un qu’on le remerciait pour la nourriture, mais quand elle revenait à Valdivian, et qu’elle venait comme ça vous balancer des punchlines de ce genre, c’était effrayant. D’autant que tu ne savais plus très bien pourquoi elle venait à l’entreprise pour travailler de temps en temps, si ce n’était pour demander de l’argent.

— Analyse terminée, dit-elle calmement. Pas de contenu nocif dans la voiture.

— Je te demande pardon, dis-tu en croisant les bras, l’estomac se nouant. Peux-tu répondre à ma question, s’il-te-plaît ?

— Vous avez un criminel notoire dans votre domicile, répondit-elle, un homme qu’on a surpris utilisant des substances nocives, et volant de grandes quantités d’argent à autrui et qui par conséquent pourrait porter préjudice à votre nom. Mon devoir est de veiller à votre sécurité. Je me dois donc de vous suggérer de…

— Non, attends, déclaras-tu en l’interrompant, levant une main devant toi. Qui est-ce qui t’a demandé de me surveiller ?

Tu grimaças, et d’un coup d’épaule, tu remis correctement ton sac sur ton dos, esquivant Val pour monter les marches du perron et pénétrer dans le bâtiment par les immenses portes vitrées. L’androide te suivit, son pas froid et tranquille résonnant d’un rythme régulier en comparaison du tien nettement plus agité.

 

Dans les grands halls autrefois stériles, à présent les employés discutaient avec liberté, et des couleurs, et des installations d’art et de détente brisaient la monotonie. Tu t’y serais presque sentie à l’aise comme toujours, ou « à peu près », si aujourd’hui Val ne persistait pas à te suivre en parlant.

— Personne ne m’a demandé de vous surveiller. Mais vous êtes l’une des premières personnes en ce monde à avoir été gentille avec moi, donc je veille à votre sécurité. J’ai ainsi remarqué que vous aviez attiré l’attention de certains individus probablement mal-intentionnés, qui tentent de suivre vos démarches, vos comptes en ligne, qui vous allez voir, d’où ma surveillance plus active qu’à l’ordinaire et la remarque de cet individu chez vous. Vous…

Comment ça

Tu t’arrêtas tellement net que Val se cogna dans toi, au moment où tu allais rejoindre les escaliers. Quand tu te tournas vers elle, ce fut avec une rage mal contenue, tremblante. Dans ta tête, mille pensées se bouleversaient. Quelqu’un te suivait, quelqu’un essayait d’infiltrer tes comptes, et il y avait intérêt à ce que…

Pas lui, pitié

— Je te demande pardon ? siffla-tu en reculant à contrecoeur d’un pas pour lui laisser un espace vital dont elle n’avait pas besoin. Qui ça ?! Donne-moi des noms !

L’expression de Val parut s’écarquiller, aussi improbable cela puisse-t-il être sur le masque d’inexpressivité qu’elle avait sur le visage, et elle porta la main à son menton en un semblant de considération.

— Hmm. Quelqu’un avec qui vous avez eu un dîner aux chandelles par le passé. Et qui s’intéresse beaucoup à vos fréquentations actuelles.

— Ca comprends pas mal de monde, siffla-tu avant de lever un bras et de désigner l’étage avec outrage. Vas falloir être plus spécifique !

— Soit, dit-elle froidement. Un dénommé Emmanuel. Qui vous épie.

L’image d’un rendez-vous catastrophique te revint en tête, d’un dîner dans un restaurant loué entièrement pour vous, en tête à tête avec un homme qui t’avait dévorée des yeux du début jusqu’à la fin, et plus problématique, accompagné de quatre gardes du corps qui avaient fait exactement pareil que leur maître. Ils t’avaient proposé un plan à six, et, comment dire, tu n’en connaissais aucun, tu avais eu un peu peur.

Que ce type soit toujours à suivre tes déplacements était flippant, en soi, beaucoup plus que l’alternative qui te faisait réellement peur. Il fallait vraiment que tu en touches deux mots à tes amis, et tu te promis d’emblée de faire un mot sur le Thiscord de groupe. Et pourtant.

— Putain, soupiras-tu de soulagement. Bon déjà, merci de veiller sur moi, mais j’ai cru que tu allais me dire que David et/ou Franklin me faisaient suivre, ou que Keith essayait de hacker mes comptes.

Il aurait plus manqué que ça, et ça aurait été le pompom.

— On a parlé de moi ? résonna une voix au dessus de toi, grave, et tu levas les yeux pour apercevoir l’un de tes amoureux, en train de monter une galerie au dessus de toi.

Au ton de sa voix, il n’avait rien entendu, juste son nom, et il vous interrogeait du regard. Comment un type qui avait balancé des énormités pareilles par le passé pouvait-il être un aussi gros rondoudou, tu te le demandais souvent dès que tu étais dans ses bras. Tu soupiras et lui adressa un sourire soulagé.

— Non, tout va bien ! Val me parlait d’un truc de sécurité, mais…

— Y/N croyait que vous l’épiez ou que l’individu dangereux chez elle essaie de hacker vos comptes, lança tout haut Val en levant la tête qui pivota du bout de son « cou » d’une manière tellement écoeurante et peu nromale que tu faillis en avoir des haut-le-cœur.

David marqua une très nette pause et tu vis son visage se vider de couleur. Ta première pensée fut « et merde. »

— Y/N, dit-il d’une voix tristounette, je croyais qu’on était dans le même camp, comment est-ce que tu peux…

— Je… Attends, j’arrive, t’écrias-tu en faussant compagnie à Val pour courir et essayer de rejoindre l’escalator qui menait au demi-étage où était David. Je te jure que c’est pas du tout ce que tu crois !

 

Rattraper le coup ne fut pas simple – mais tu y parvins, notamment en jouant franc-jeu.

Au fond, tu aurais compris qu’on te surveille, vu que tu avais des relations avec énormément de personnes, dont certaines plus ou moins en écart ou rapprochées de la loi. Et oui, tu hébergeais le fameux type qui avait sauté d’un avion l’an dernier, et pire, c’était l’un de tes anciens amoureux, et tu essayais de le convaincre, ou plutôt de le manipuler, pour qu’il se rachète, lui laisser une seconde chance.

Franchement, niveau légalité, c’était pas terrible.

Mais, à ce stade, à la fois David et Franklin avaient vu et faire pire tous les deux. Ta franchise aida à ce que les points de vues soient compris, et vous vous focalisates ensuite sur le problème nettement plus présent de ce Emmanuel qui s’intéressait de trop près à toi.

 

Comme on l’a dit : tu passas une journée complexe. Et le soir venu, tu étais bien fatiguée.

 

 

*          *          *          *

 

             Du côté de chez toi, un chat gris passa l’entière matinée à regarder la télé dans ton salon, et à se faire chier au bout de quelques heures.

 

Principalement parce qu’il regarda des émissions de télé-réalité sur les destinations de clubbard, et que c’était nul, puis qu’au bout de deux heures et la singulière réalisation de « mais c’est à chier », il opta pour un bon vieux film, un bon vieux Scarface.

Il sourit largement au début du film, en trouvant qu’il s’identifiait bien au héros, que son ascension en pouvoir et tout, il vivait la vraie vie. Avec un large sourire dès que Tony se prit son manoir, avec le tigre dedans, et murmura sous cape « The world will be mine ». Il caressa le canapé du bout des doigts, comme si c’était déjà la fourrure du tigre, et s’imagina déjà avec toi à ses côtés, comme il te l’avait proposé dès le départ.

Sa bonne humeur néanmoins… Dès que Tony commença à partir en vrilles, Keith perdit le sourire.

Quand Gina mourut criblée des balles des hommes de Sosa, il était devenu pâle comme un linge.

Et d’ici à ce que défilent les crédits du film, il éteignit la télévision et resta pendant plusieurs longues dizaines de minutes planté devant l’écran noir. Les sensations en lui, il les détestait. Il les détestait complètement.

Notamment parce que –

 

« Non ! Il faut que je bouge, je peux plus rester là, ça marche pas ! »

Des cris retentissent dans tous les sens, des pas précipités, des jambes courrent, même si ce n’est pas longtemps. L’effroi, l’horreur émanent de la pièce entière. Un rituel de magie traine par terre, défait, et de lui pulsent des sombres énergies, des choses qui mettent déjà Keith mal à l’aise. Mais ça n’est rien, en comparaison de la scène actuelle.

« Si tu n’es pas avec moi… tu es contre moi. »

Keith a peur. Pour l’une des rares fois de sa vie, il a peur, il voudrait ouvrir, agir par ses propres moyens mais il ne le peut pas. La sensation est… Horrible.

Arrête !

Des bras forcent, tirent, tournent une poignée qui ne cédera jamais. Ils sont deux, un homme et une femme, et elle tente d’ouvrir la porte, mais elle pourra pas. Impossible pour elle de sortir. Impossible pour elle de s’enfuir. Impossible pour elle de vivre.

Keith le sait.

Il lui crie à la femme de se retourner, de se battre, il implore son propriétaire d’arrêter son geste, mais c’est trop rapide, trop tard.

Parce que c’est lui qui a fermé cette porte tout à l’heure, qu’à présent il est dans la poche de l’agresseur. Certes, celui qui a fermé la porte, c’est Rudy, son propriétaire, plus précisément. Mais pour Keith qui voit la scène, du travers du pantalon fin de cet espèce de manipulateur, ce… ce « sociopathe » auto-proclamé qui le détient, comme Keith se dit en voyant l’action, c’est du pareil au même. Pour lui, alors qu’il voit son propriétaire agir, le bras qui s’élance, et la femme qui soudain tombe et ne bouge plus, les cris qui soudain aussi se taisent, et son propriétaire qui se redresse et la contemple sans rien dire… Pour lui, c’est lui le responsable.

Pour lui, c’est lui le coupable.

Et quand il voit son propriétaire, et lui-même dans sa poche, s’accroupir près d’elle et lui caresser le visage avec une tendresse maladive, malsaine, son âme se fige. S’il n’avait pas fait son devoir, peut-être serait-il encore en vie. S’il avait désobéi, peut-être ne serait-il pas un complice du pire. S’il avait eu sa propre liberté, son libre arbitre, le sang au sol n’imbiberait pas le pantalon de l’homme, et lui-même pas la même occasion. Ce contact, le fer du sang, il le salit, il le souille, il le sent le corrompre d’ici. Comme s’il devenait chargé d’une vie perdue, comme s’il devenait clé de passeur entre-mondes, une clé qui avait fermé une porte, et fermé une vie.

En l’état des choses, néanmoins, de par son action… De par son obéissance, sa volonté de bien faire les choses pour son maître…

 

Keith est coupable de la mort de cette femme.

Le soleil brillait, les oiseaux chantaient, et l’herbe verdoyait toujours autant quand il revint à lui. La petite aiguille de l’horloge avait simplement avancé d’un cran entier.

Les rides sur le visage de Keith s’étaient creusées, et peut-être ses cheveux avaient-ils encore un peu blanchi.

 

Il se leva, se frotta le visage, et marmonna sous cape quelque chose qui ressemblait à un juron en llanito. Puis son ventre grogna et il fit la grimace. Il haïssait repenser à cet instant. Il revivait toujours l’émotion qu’il avait vécue alors, et depuis il s’était toujours battu pour ne plus la ressentir. Avec la nausée, il alla se prendre un burrito dans la cuisine qu’il mangea, accoudé à la fenêtre près du piano, en train de contempler l’extérieur. Son visage était insondable. Il était aux alentours de midi, et sa bonne humeur pas du tout là.

 

Beaucoup de pensées le tourmentaient, aussi sûrement que la pression de l’air extérieur malgré le beau temps, le grand soleil et les enfants qui jouaient sous des jeux d’eau, pesait et indiquait un orage à venir. Toujours accoudé à la fenêtre, et réfléchissant à un lointain passé, dont seul lui semblait se souvenir, il s’ouvrit une bière qu’il but à grosses gorgées. Ni la bière ni le goût de l’alcool ne suffirent à tromper le nœud qu’il avait dans le ventre, et avec un râle de dépit, il finit par se redresser de la fenêtre, en réalisant que ça faisait dix minutes qu’il regardait la route en attendant que tu rentres.

Par réflexe, il se retourna vers le piano et se souvint d’un temps où l’un des anciens propriétaires, d’avant Rudy, avait installé un billard à cette même place. A cette époque, des messieurs venaient, et il entendait ce qui se passait depuis la poche de son prorpéitaire.

A cette époque également, les femmes étaient au service des hommes. Sauf la maîtresse de maison, qui avait un caractère bien trempé.

A bien y réfléchir, tu lui faisais penser à elle. Et puis, les temps avaient changé, et ça ne lui déplaisait pas. On s’amusait plus, maintenant. Il y avait nettement moins de limites. Lui, il avait peu de morale, certes, et s’il n’y avait pas eu cette histoire de remboursement et un plan secret de sa part pour t’inciter non seulement à lui pardonner sa dette plus vite, mais aussi à te pousser à venir avec lui dans ses vacances, il se serait sûrement délecté de cette image du passé.

Sauf que dès qu’il repensait au passé, il revoyait aussi Rudy, qui le prenait avec le collier de Zoey et les envoyait tous les deux dans le vide sanitaire dès que les policiers étaient revenus, la famille de Zoey ayant porté plainte pour assassinat. Il se souvient qu’à l’époque, il n’avait même pas réussi à protester. Il était comme Zoey, un truc dont se débarrasser une fois devenu gênant. La seule façon de s’en sortir, c’était de devenir comme Rudy. Ne plus souffrir. User des autres, et faire en sorte qu’on ne vous force plus jamais à faire ce que vous ne vouliez pas, mais vous servir des autres pour arriver à vos fins. Ce qu’i était advenu de l’affaire, il l’ignorait. Il s’était vaguement renseigné auprès de Rufio le toit (que tu n’avais pas réussi à rencontrer), dont notamment l’information comme quoi Rudy travaillait à Valdivian, idée qui sur le coup avait enchanté Keith, notamment à l’idée de piquer toutes ses thunes. Mais il ne t’avait pas menti, à son sujet. La façon la plus efficace de mentir est encore de dire une vérité… arrangée.

Maintenant qu’il était chez toi depuis quelques jours, et qu’il venait de regarder Scarface, l’idée  de Rudy même, de cet argent volé, lui retournait le ventre. Peut-être un jour il t’en parlerait. Mais pas maintenant. Tu avais déjà  suffisamment « pitié » de lui, il n’avait pas envie d’empirer la chose.

 

Ses idées étaient noires, ça ne lui plaisait pas. Il se détourna de la fenêtre, et son beau visage se fronça d’agacement. Il retourna dans la cuisine, s’ouvrit une autre bière, et regarda l’endroit où il t’avait assise tout à l’heure, l’endroit où tu n’étais pas passée loin de lui ouvrir les cuisses. Ca, c’était plus dans ses cordes. Te faire croire qu’il souscrivait à l’idée de te rembourser, te donner ce que tu avais envie de voir et d’entendre, avant de retourner dans sa grande quête hédoniste. Et au passage, passer un peu de bon temps avec toi, parce que tu lui plaisais, tu lui plaisais beaucoup.

Franchement, vu l’année qu’il venait de se frapper… Un peu de calme ici lui faisait du bien.

Mmh. Qu’est-ce que tu sentais bon, et qu’il sentait encore ta taille, tes fesses, sous ses mains. Douce peau, parfum un peu de… un peu parfum de ta sueur, mais l’odeur lui plaisait. Une idée lui vint, et il reposa sa bière pour grimper les escaliers et se rendre dans ta chambre, à pas de loups.

Lentement, il pénétra la pièce, et ralentit sur le palier, levant un regard appréciateur de haut sur ton lit. Ses lèvres s’étirèrent en un sourire, et il plissa les yeux.

Il vous imaginait déjà d’ici.

Tu ouvrais la porte, bizarrement vêtue seulement de ta petite nuisette dans son fantasme, et dès le premier pas chez toi, tu le découvrais devant toi, l’un de ses bras levé le tenant appuyé contre le cadre de la porte, l’autre rangé le long de son corps. Tu levais les yeux, et tu rougissais, et il saisissait ton menton pour te faire lever la tête.

Il se penchait pour faire le reste du chemin, et après un premier baiser ardent, pendant lequel sa main glissait le long de ton cou pour s’enfoncer dans tes cheveux, il s’écartait juste assez pour te couver d’un regard indiquant clairement combien il avait, désespérément , envie de toi. Tes lèvres entrouvertes et tes yeux hagards levés vers lui, avec de retour, ce nuage de complet abandon, tu poussais un très léger souffle, comme si tu avais retenu ta respiration, tes mains à peine entre vous, comme si elles pouvaient empêcher quoi que ce soit.

Il t’adressait un sourire carnassier, un sourire de je veux te dévorer , et de sa main sur ta nuque il te rattirait à lui pour cette fois t’embrasser plus profond, et à l’instant où tu acceptais d’ouvrir les lèvres, il s’emparait non seulement de ta bouche, mais aussi de ton esprit, de toutes tes pensées, de toutes tes idées. L’un de ses bras, celui qui n’était pas dans tes cheveux, était descendu dans ton dos et te tenait si fort contre lui que tu ressentais, si fort, si bien, son membre contre toi qui brûlait d’envie, et lui sentait d’ici entre tes jambes combien toi-même tu avais besoin, besoin qu’il te revendique, besoin qu’il fasse de toi sienne, besoin qu’il t’honore. Tes mains se glissaient sur son torse, et quand enfin après un gémissement un peu trop fort, tes lèvres tremblantes et tes yeux si perdus dans le vague que tu ne voyais plus que lui en ce monde, tu reculais un peu la tête, tu bredouillais un tremblant « je… je veux », et c’était tout.

Il te soulèverait dans ses bras, et il t’emmènerait à l’étage, tes jambes accrochées dans son dos, vos entrejambes l’un contre l’autre crevant d’envie de se débarrasser de ces fichues couches de tissu qui vous séparaient, mais aussi vos poitrines qui ardamment se pressaient. Puis une fois dans ta chambre, il se positionnerait devant ton lit, du côté des pieds, et il tendrait les bras pour te laisser tomber sur le matelas.

Là, il grimperait sur toi…

 

Dans la réalité, effectivement, il venait de poser un genou sur le matelas en enjambant le panneau de bois du pied de lit qui décidément le faisait chier , et il l’aurait volontiers viré. Sa moustache se froissa, signe d’une grimace, et il posa une main sur le drap, l’autre trifouillant son jogging pour –

 

Tu le laissais te déshabiller, et prendre son temps pour embrasser la moindre parcelle de ta peau, tout sur toi au passage. Tu essayais de le déshabiller, mais tu ne pouvais pas, parce que d’une main il plaquait les tiennes au dessus de ta tête et, comme par magie, elles y restaient – pas d’attache, mais ce qui est bien dans les fantasmes c’est que les règles physiques ne comptent pas – et qu’ensuite, il descendait vers la planche du pied de lit…

Qui décidément le faisait chier, on n’a pas idée de mettre des panneaux en bout de lit comme ça, bordel !

Et il te tirait au bord, et t’écartait les jambes, pour venir enfin, enfin¸ enfin, savourer le petit-déjeuner que tu lui avais refusé ce matin-là. Tu étais toute nue, vulnérable devant lui, offerte, incapable de te défendre, et tu avais ce goût de liberté et de foyer dont il mourrait d’envie depuis son retour.

Le premier coup de langue te faisait te cabrer sur le lit, et gémir son nom, et il souriait en posant ses deux mains sur tes cuisses pour bien te maintenir, pour continuer ses bons soins et profiter de tes yeux qui roulaient à l’arrière de tes orbites à chaque coup de langue et baiser pour récolter ton nectar et s’en délecter.

— Keith…, gémis-tu quand il baissa juste un peu encore la tête, pour adopter un meilleur angle encore de dégustation. S’il-te-plaît…

— Combien ça vaut, un orgasme ? ronronnait-il en crispant les mains sur tes cuisses pour que tu répondes par un gémissement. Cent ? Deux cent ?

— Dix mille, gémissais-tu quand il cessa de te narguer pour rebaisser la tête, et caresser ton clitoris de la langue, faire jaillir un éclair de plaisir en toi tel que tu te cambras au point de te faire mal au dos. Oh, prends-moi, s’il-te-plaît, s’il-te-plaît !

— A ton service cariño, chuchota-t-il dans la vraie vie, couvant des yeux le coussin qu’il avait placé en dessous de lui.

Apparemment c’était un traversin avec lequel tu dormais, un long coussin pas très éloigné d’un dakimadura si ce n’était qu’il n’y avait personne de dessiné dessus, par contre il sentait très clairement l’odeur de tes secrétions naturelles, comme si c’était Betty et que tu venais de faire l’amour avec.

Et par conséquent, ce serait un remplacement parfait à la vraie chose.

A genoux sur ton lit, il contemplait avec les yeux à demi-clos le coussin sous lui comme si c’était toi, une main plantée sur le lit à la gauche du coussin, là où ta main devait se trouver quand tu dormais sur le dos, et l’autre…

Et bien, au début dans son slip en train de caresser, mais à présent il avait sorti son membre, qu’il caressait en contemplant ton coussin.

 

Il t’imaginait en sueur, gémissante, le contemplant avec désir, anticipation, qui s’était dévêtu devant toi une fois qu’il t’avait fait déjà jouir deux fois, et tes bras comme pris au piège d’un ruban de soie, sans défense.

Il grimperait sur le lit, et il te taquinerait un petit peu en faisant semblant de ne pas réussir à bien se positionner, puis…

Un coup de hanche, dans sa main, contre le coussin. Sur ses lèvres, un sourire de vainqueur. Il t’imagine en train de pousser un large, un grand gémissement incontrolable, dès qu’il te pénètre enfin d’un long élan. Tes bras qui tentent de se libérer, mais ne peuvent pas, et tes seins qui se cambrent avec toi, un joli spectacle sous ses yeux avides.

 

Sur le miroir sur le mur, par contre, juste l’image d’un abruti à quatre pattes en train d’essayer de sauter un coussin.

 

Ca dure longtemps, et à la fin tu le supplies de te laisser jouir. Son sourire carnassier vers toi est sublime, et il ronronne « d’accord », et il tourne un doigt dans la serrure imaginaire qui te retient, laissant seulement une de tes mains en couler. Il te laisse triturer ton clitoris pendant qu’il finit de te faire monter le crescendo, et au moment crucial où tu exploses en un cri que la planète entends, un cri qui laisse entendre au monde entier que putain, tu es à lui – lui aussi éjacule en toi, et sa semence te saisit, et te marque à vie, t’es sa chose, son objet, plus jamais il te lâchera ou te laissera à un autr………..

 

Le fantasme se dissipa sous ses yeux.

Il cligna des paupières. Sous lui, ton lit, déjà défait, et une mega grosse tâche de sperme sur tout le long du coussin, qui a coulé sur la couverture et sur le drap.

Et une réalisation : d’accord, ça le dérange pas du tout que tu voies ça…

Mais enfin, tu étais foutue d’ajouter le prix du remboursement à sa dette. Il jura et se leva, et eut un aperçu de lui-même dans le miroir, et sincèrement il réalisa qu’avec son jogging et ses cheveux, sa barbe et sa moustache trop longs et mal peignés, on dirait pas un roi, on dirait John Doe, 50 ans, toujours puceau, comptable, devant un magasine porno acheté au rabais dans un vide-grenier.

Il cligna des yeux.

Avec un constat sans appel.

— J’ai l’air d’un con.

Ce qui s’ensuit pourrait figurer dans un vieux film en noir et blanc de Charlie Chaplin. Un film un peu léger. D’abord, cet espèce d’abruti va chercher du papier toilette pour essuyer ça, mais ça laisse des traces. Il panique, tourne quatre fois sur lui-même, regarde le miroir avec expectation comme si le miroir pouvait donner un conseil, abandonne, retourne dans la salle de bain, ouvre les tiroirs, sort une quantité de produits de beauté inutiles effarantes, et une pyramide avec la tête de Barry s’escalade de plus en plus en plein milieu de la pièce, sans qu’il ne trouve le moindre petit tissu… Et enfin il trouve enfin un gant de toilette, le trempe, retourne en courant dans la chambre en jetant un œil dehors pour vérifier que tu n’es pas en train de rentrer, réalise qu’il a oublié de jeter aux toilettes son papier toilette qui a collé à la table de chevet et évidemment laisse une trace de papier collé-

— ET MERDE

Puis il essaie d’essuyer les traces qui restent sur le coussin, la couverture et le drap – et rien à faire, il a l’impression que ça se voit toujours, sans parler de l’odeur – en désespoir de cause, il ouvre la fenêtre, l’agite un peu comme un abruti, mais rien n’y fait, ça pue toujours autant, et en dépit, il s’asseoit sur le lit en se tapant le front de la main, et se re-regarde dans le miroir.

Ricane.

Et fait un finger guns au miroir.

— J’suis d’accord, Amir. J’sais absolument pas ce que je fiche, mais j’vaux mieux que ça. J’devrais lui laisser ça là.

Le film était passé, maintenant, et il se retrouvait juste avec les conséquences de ses actes.

 

Il avait l’impression que le miroir lui tire la moue. Il haussa les épaules, irrité.

— Quoi. Tu veux quoi. Là, tant qu’à faire, j’devrais en rajouter une couche. Genre, marquer mon territoire. C’est chez moi ici, et elle est à moi. J’ai fait mille fois pire.

Le miroir restait à se taire. Il leva les yeux, irrité.

— Mec, juste avant de sauter de l’avion, j’ai essayé de sauter l’équivalent d’une bonne sœur, enfin je crois, je suis allé me faire des suppos à la coke, et j’ai roulé un patin à une hôtesse de l’air qui honnêtement avait une gueule à être la sœur à Jean Loo. S’tu crois que je suis trop « valeureux » pour laisser des traces à ma femme pour lui montrer qu’elle m’excite en son absence, tu te fourres le doigt dans l’œil jusqu’au cul.

Le miroir n’avait pas l’air scandalisé, en toute honnêteté, c’était juste un miroir. Keith, lui, retroussa les babines en un rictus de haine.

— D’ACCORD ! Mais elle a intérêt à me laisser la prendre en bombe sur ce foutue pied de lit, sinon je te jure que je reviens, et cette fois je lui peins la Tour Valdivian sur sa couverture !

En râlant, il se débrouilla pour enlever la housse du traversin, housse de couette, et le drap, ce qui lui prit un moment considérable parce qu’il avait pas vraiment l’expérience, et les trimballa comme il le pouvait jusqu’à la buanderie.  Là-bas il parvint à mettre le lave-linge en route, par l’opération du Saint-Esprit, et il allait enfin se poser et s’ouvrir une troisième bière quand le bruit d’une porte commençant à s’ouvrir résonna.

Ha. Et merde.

— Oh, ma chère, tu tombes bien ! s’exclama-t-il en se levant de la table où évidemment il avait posé les pieds pour sortir ensuite de la cuisine, avec un large sourire aux lèvres et en levant la main en l’air d’un geste jovial. J’étais en train de travailler, tu vois ! J’avais décidé de…

 

Son sourire s’effaça aussitôt dès qu’il vit l’identité de la personne qui venait d’ouvrir la porte. Soit, la personne en ce monde qui le connaissait le mieux. Ses yeux s’écarquillèrent. Ceux de l’inconnue se plissèrent de joie.

 

— R… Rongomaiwhenua ? bredouilla-t-il. Qu’est-ce que tu fiches ici ?

Chapter 5: Un chat enfouit ses détritus dans le sol et ensuite part en courant dans la baraque en cassant tout

Summary:

— Tout le monde ne compte pas te jeter dans les ténèbres, Keith.

Notes:

Again - discussions with Lacrimalis led to this.... and he has plans, for it all, that I am IN LOVE WITH. Keith and Rongomaiwhenua is an incredible pairing

Note: the idea for the thiscord server with everyone, was inspired by THIS fanfiction : https://archiveofourown.to/works/67234462
I did come up with most of the nicknames, Lacrimalis helped with a few too

AND CAME UP WITH THE IDEA OF CALLING MC/DAVID/FRANKLIN THE MOST/AVERAGE/LESS NICKNAME and I can tell you, we DIED LAUGHING at this

ALSO: first Jacques/MC love scene here!

Chapter Text

     Keith se raidit immédiatement.

 

Le visage de Rongomaiwhenua cependant s’illumina de joie dès qu’elle l’aperçut, et elle s’exclama en déposant ses sacs et en levant les bras :

— Keith ! Bon sang, tu es en vie !

— Ha ha, ricana-t-il en reculant, hésitant entre lui jouer la sérénade du vieillard inoffensif, ou au contraire, le junkie énervé.

Ce qui primait, c’était la fureur, il ne savait pas trop pourquoi.

Elle était plus belle que jamais, nota-t-il rapidement, à contrecoeur. Il ignorait ce qu’il était advenu d’elle (c’était faux. Il était allé lire tes cahiers où tu avais pris des notes sur tout le monde, ce fameux cahier d’adresses), mais elle venait de toute évidence d’une ferme, et sa beauté immense avait beau être toute crottée, les bottes pleines de terre, ses vêtements pleins de pailles, d’herbes, d’espigaus, et… ca ne la rendait que plus resplendissante.

— Je suis en vie, oui. Pas faute d’avoir failli crever, pourtant. En vie, et je m’emmerde comme un rat mort en attendant qu’elle cesse de me prendre en otage. Qu’est-ce que tu fiches ici.

Méfiant, il fronça les sourcils, tâtant de la main sur la table d’entrée pour attraper des clés, un geste impulsif pour se trouver une arme de destination. Il se baissa légèrement, comme un chat feulant se gonflant pour avoir l’air plus impressionnant.

— Tu es venue pour me chasser d’ici ? Je vois le camion de Vaughn là-bas… Elle vous a ordonné de me faire partir, hein ?

Il renacla, et se redressa, en souriant, un grand sourire un peu dingue. 

— Dommage, j’ai déjà pris les devants. J’ai fait une copie de ses identifiants banquaires, j’ai trouvé ses mots de passe. Je ne voulais pas en venir à ce point, mais si elle n’a pas le courage de me chasser, je vais…

Rongomaiwhenua, au lieu de s’agacer, ouvrit de grands yeux, et se retourna pour faire signe à Vaughn, qui traversait la pelouse, de s’immobilier. L’ancien piège à souris fronça le nez dans une mimique très… animale, mais il s’arrêta. Rongomaiwhenua lui décerna un sourire de loin, puis ferma la porte derrière elle, et se retourna vers Keith, son expression bonhomme perdant toute sa joie.

Plus que de la gravité, un instant sa gravité antique. Elle gronda :

— Tout le monde ne compte pas te jeter dans les ténèbres, Keith. Maintenant, regarde-moi bien. Ressens cette maison. Cette maison ne pue plus le fer du sang, mais les fraiches semences de l’amour. Tu n’as plus à avoir peur, tu n’as plus à craindre la mort ici… Respire, respire cet air pur, et viens me faire un câlin.

Quelle idée saugrenue. Si cette maison ne sentait plus le fer du sang, alors qu’en était-il de lui. Sa chair, elle, pulsait toujours de sang. La mort ne l’avait jamais laissé, une ombre qui l’avait suivi tout du long. Il avait cru enfin s’en débarrasser en partant vivre ce qu’il qualifiait de « Grande Vie », mais en résultat, il avait été des mois entiers entre mort et survie, et…

« Un câlin » ? renacla-t-il. Putain, tu m’as pris pour un marmot ?

Rongomaiwhenua haussa un sourcil. Ecarta les bras, et rit doucement.

— Je t’ai étreint sans un mot pendant plus de quarante ans, et tu as tremblé contre mon sein de terreur, jusqu’à ce que ton âme en proie aux flammes de l’Enfer se congèle. Maintenant, viens, que je t’étreigne pour de vrai.

Keith écarquilla les yeux, mais il ne dit plus rien.

Il se contenta de rester figé, et…

 

Et en réalité, quand il reprit conscience, ou plutôt capacité de ses pensées, ce fut parce que deux bras s’étaient passés autour de lui, et que Rongomaiwhenua murmurait à son oreille des murmures, des murmures apaisants qu’il réalisa avoir déjà entendu mille fois. Pendant quarante ans.

L’odeur du sol ferreux, mais l’odeur aussi du petrichor, le murmure de la terre rassurante, celle qui rappelle, celle qui entre en communion avec le fer dans son corps d’antan, dans son corps actuel, ce fer et cette terre qui rappelle, ce n’est pas toi, ce n’était pas toi, tu n’as pas voulu ça, ton cœur était pur, et pourtant tu sens encore le sang, tu entends encore les cris, tu entends les vrombissements de la maison qui vrombissaient déjà quand elle a péri, tu entends encore ses cris, tu entends encore les secours, tu ressens encore la terre… La terre d’antan avait beau vouloir le rassurer, elle était contaminée de toute la ferraille aux alentours, la ferraille des canalisations, mais aussi du sang humain qui tache, qui jamais ne part, contamination des pas de cet homme, elle avait beau parler, ça ne fonctionnait pas, ça ne…

Les bras autour de lui aujourd’hui sentent la terre, mais c’est une terre gorgée de soleil. Une terre qui porte la vie, plus désormais juste une terre qui moisit. Ces bras sont vivants, eux. Ce qu’il cherche depuis si longtemps, la vie, la vie pour fuir la mort, la vie comprend cette étreinte. Rongomaiwhenua… C’est la seule personne en ce monde à pouvoir le comprendre, car elle l’a entendu.

Elle l’a entendu crier, et c’était donc elle, ce sous-vrombissement qui voulait le rassurer, qu’il a entendu si longtemps, et puis s’est tû, quand il a décidé que s’il avait commis un meurtre, si on le traitait comme un monstre, alors il deviendrait monstre et…

Les lèvres de Keith dessinèreent un sourire crasse, alors qu’il sent cette chaleur de soleil, cette chaleur de vie, l’entourer, se glisser dans son corps :

— Ah, je savais bien qu’un jour tu voudrais toi aussi goûter à mes charmes. Envie de découvrir ma grosse clé en chair et en os ?

Elle cessa de l’étreindre, et s’écarta un peu de lui.

 

Et puis, à bout de bras, elle lui adressa un sourire narquois.

Les yeux dans les yeux – de celle qui autrefois si austère était désormais magnifique, belle, et plus maternelle que jamais. Sincèrement, elle aurait pu lui donner un ordre et il l’aurait obéie avec plaisir. Sa crinière noire qui coulait le long de ses amples épaules, sa large poitrine, et son corps apaisant, ses yeux tendres, ses lèvres amusées, il se sentit de nouveau jeune clé devant elle.

Mais cette fois, c’était agréable.

— Ma foi, dit-elle avec un petit rire, posant sa main sur la joue du voleur qui accepta d’y abandonner sa tête comme un chat, l’idée est intéressante. Tu penses savoir vénérer comme il faut Mère Nature ?

Il renacla.

— Si je sais vénérer quelqu’un ? T’auras qu’à demander à notre chère Y/N ce qu’elle en pense, je la touche, elle en gémit à faire trembler Roofio…

— Tu aurais beaucoup plus de mal à me faire fondre dans tes bras, rit-elle doucement en l’embrassant sur le front. Tu es toujours un petit jeune pour moi, c’est moi qui te ferait fondre. Mais ouvre donc à Vaughn, il va paniquer.

Keith vit Rongomaiwhenua le lâcher avec bien de peine, car cette étreinte lui faisait du bien, puis les deux se tournèrent pour ouvrir à Vaughn – et surtout, essayer de comprendre ce qui s’y passait.

 

 

Parce que quelques dizaines de minutes plus tard, après avoir aidé Rongomaiwhenua et Vaughn à apporter et décharger leurs cadeaux pour Y/N (des crèmes glacées, du lait, plein de choses comme ça), Keith but un café avec eux, en faisant usage de ses charmes – sa personnalité de « vieux en qui on peut avoir confiance » revenue, assis à la table du salon, il se fit, comment dire…

— Sérieusement, le gronda Rongomaiwhenua avec les bras croisés, quelle idée ? On a failli ne pas être Réalisés à cause de toi !

— Pff, renacla-t-il avec un large sourire, portant sa tasse de café à ses doigts et ronronnant en le buvant, si délicieux était ce latté fait à partir d’un lait frais de la ferme. Je pensais pas un brin à vous, moi. C’était pas dirigé contre vous, ni contre elle d’ailleurs. J’avais pas d’intentions mauvaises, j’voulais juste aller m’amuser. Je me suis peut-être un peu trop précipité.

— Bon, ça va mon grand, j’te connais, mais moi, j’ai entendu la petite pleurer, hein ! lui cracha Vaughn à la figure, méfiant, en buvant son gros verre de lait. Moi je m’en fiche, elle n’avait qu’à pas avoir confiance en toi, j’te comprends de tendre des pièges, c’est bien bon quand les gens tombent dessus, mais…

Il grimaça et détourna les yeux soudain, en direction de Rongomaiwhenua.

— Elle a passé trois jours à plus rien faire. Sans Jacques, qui l’a appelée trois jours plus tard pour lui dire qu’il avait réalisé son rêve et qu’il avait trouvé un travail comme vrai capitaine, j’sais pas si cette histoire se serait terminée aussi bien que ça. Elle disait qu’elle avait peur de nous réaliser, si c’était pour qu’on ait aucune conscience du danger extérieur et qu’on aille se crever tout de suite. Ca m’a saoulé au départ.

Keith fit la moue, et se concentra à regarder le tournoiement du lait dans sa tasse. La voix froide, il déclara :

— Je suis sincère. Ce n’était pas pour lui faire du mal. J’avais besoin de quelque chose, je l’ai obtenu, basta. Elle se méfiait pas, maintenant elle a retenu la leçon. Je lui ai proposé de venir avec moi, elle a refusé. Tant pis pour elle.

— Pour le bien que ça t’a fait…, siffla Vaughn.

Rongomaiwhenua ne disait rien, mais les deux hommes se chamaillèrent pendant quelques minutes encore, Keith prenant un malin plaisir à prendre Vaughn de haut et le traiter de rat, vulgaire musaraigne, et autres. Néanmoins, il allait bien mieux : ses insultes étaient beaucoup plus créatives, et il avait son sourire à des milliards de dollars aux lèvres.

Rongomaiwhenua les examina longuement tous les deux, puis toussa d’une toux qui les arrêta tous les deux en pleine chamaillerie. Puis elle posa son regard imposant sur Keith qui fit aussitôt la moue.

A elle, c’était plus dur de mentir.

— Keith, déclara-t-elle, qu’est-ce que tu fais ici.

La question était simple. Il avait mille réponses. J’avais besoin d’une maison. Je pourrais partir, la voler, et la laisser là, mais j’ai envie qu’elle m’aime à nouveau. C’est plus facile pour la manipuler. J’ai envie de la sauter, mais elle est pas prête à accepter, j’veux la regagner.  J’ai besoin de me refaire si je veux retourner faire la f…

— J’attends de la rembourser avant de retourner m’accomplir, déclara-t-il sincèrement en haussant les épaules. Je l’aime bien, au final.

— …

Rongomaiwhenua l’examina attentivement. Puis elle grimaça.

— Keith. J’ai quelque chose à te proposer. Elle compte pour moi, mais toi aussi. Alors la seule chose que je te demande, c’est de bien réfléchir.

Il dessina un large sourire. Conquérant.

— Oh ? Je t’écoute.

 

*          *          *          *

 

             Quand tu rentras cette après-midi là, la maison était bizarrement vide. Il y avait juste un mot collé sur l’escalier, avec une serrure dessinée dessus et – évidemment – un stupide petit cœur dessus.

 

« Mon amour,

J’ai convaincu Rongomaiwhenua de me laisser travailler à la ferme, je vais lui donner un coup de main, et peut-être plus encore si affinités.

Prépare-toi à aller à la banque me sortir des billets verts, à ce train-là tu seras bientôt remboursée –

Et si ça te chante, prépare toi à venir avec moi cette fois, que je t’emmène au septième au sens propre comme au sens figuré ~ »

Tu ouvris de grands yeux, et laissa échapper un petit rire nerveux.

— Rongomaiwhenua ? Comment est-ce que tu as fait pour la convaincre de travailler avec toi ? demanda-tu à haute voix ?

Avec un large soupir, tu reposas le mot, et t’assis sur la première marche de l’escalier, plaquant tes deux mains sur ton visage. Quelle journée. Tu fermas les yeux, et tu inspiras, longuement. Ca sentait bon. Ca sentait… La terre, la terre humide. Tu remarquas les traces de terre au sol, et ce fut un léger sourire qui se dessina sur tes lèvres, entre tes mains. Tes plantes resplendissaient de santé, comme d’habitude dès que Rongomaiwhenua venait te voir, avec Prissy de temps en temps. Ca, c’était une vue rafraichissante. A la lumière couchante du soir, qui dessinait ces si belles couleurs sur le ciel, des dégradés d’orange, de rose et de brun, le bleu du ciel laissant progressivement place au rougeâtre puis au noir de la nuit… Ta maison, bien que légèrement tristounette, en devenait aussi plus douce, plus chaleureuse. Plus calme.

D’un autre côté, songeas-tu en laissant couler tes mains le long de tes joues, les allongeant, et regardant le plafond avec lassitude, ça n’était pas plus mal que Keith ne soit pas là. Le contrôle de dommages de la journée avait été tellement prononcé, tu avais l’impression d’avoir passé la journée à calmer le conseil d’administration de Human Experience au sujet de, comment dire, tes fréquentations, et tu aurais sûrement crié sur lui. Il avait le chic pour t’énerver.

On avait confiance en toi, mais en cet espèce de taré de Emmanuel qui te faisait surveiller, nettement moins. Heureusement, on avait trouvé qu’effectivement Keith n’avait pas une seule fois essayé de pirater tes comptes bancaires, ou même de se connecter sur le moindre compte en partance de chez toi. Alors c’était le cadet de tes soucis, mais enfin, voir que ton… nouveau ? ancien ? colocataire revenu ? n’avait pas essayé de te faire un bébé dans le dos, c’était toujours rassurant.

Bon. Pour Emmanuel c’était fini. Un petit coup de fil à Windolyn et quelques autres, et des négociations étaient en cours pour le convaincre de te ficher la paix. Quant à l’élément dangereux qui vivait chez toi… C’était une autre paire de manches. Ca avait été une sacrée discussion, mais tu avais convaincu tes deux amoureux que tout allait bien, qu’il n’était plus une menace.

Tu avais eu du mal à t’en convaincre. Mais tu les avais convaincu avec quelques bons Specs bien placés, en leur promettant que tu gérais tout. Tu avais aussi fait du contrôle de dégâts sur ta relation avec eux, parce que les colères qui jaillissaient de part et d’autre, ou des protestations à base de « mais qu’est-ce que tu fabriquais » se passait bien mieux quand tu devinais correctement que, le fond des choses était, « on s’inquiète tous les uns pour les autres », « je ne suis pas sans défense et vous le savez mieux que quiconque » « c’est juste un crétin avec une belle gueule qui a réussi à faillir de se tuer dès les premières heures de sa vie »…

Maintenant, tu avais besoin de te reposer, et bien que tu te sentis un peu seule à présent, tu consultas l’écran de ton téléphone avec les yeux mi-plissés.

 

Thiscord : Serveur « House Homies » (nom choisi par les Hanks)

averageuser- Coucou, tout le monde, écrivis-tu sur le channel principal, où ça se chamaillait pour savoir si la robe était dorée ou bleue, j’voulais juste vous dire que j’vous aime tous très très fort ! Bonne journée à tous ^^

iwanttheaward- Awww, eshgham ! Nous aussi on t’aime ~ Je t’appelle d’ici 20 minutes, le temps qu’on finisse de tout remballer sur le plateau !

averageuser- Non non c’est bon chouchou ! Je suis fatiguée, je vais dormir un peu.

abel- Je t’ai déposé une pleine caisse de fruits tout à l’heure, manges-en, c’est plein d’énergie. Moi aussi je t’aime.

dasha- Tu as une délicieuse salade pleine de vitamines pour ce soir dans le frigo ! Mange et repose-toi, sinon on vient avec Abel te forcer à dormir !

italiaIsBeautiful- Tu as besoin de vacances. Viens en Italie mi amor ! J’ai trouvé un hôtel avec des thermes, tu verras, ça requinque

bestDMofalltime- Anyone up for Grottos and Gargoyle ? @averageuser ?

AirwaysSuck- Je fais un stream ASMR ce soir, ceux qui ont besoin de se reposer et de se détendre, on vous attends ! N’hésitez pas à vous inscrire et à utiliser vos points de chaîne !

ikillyouall- BANDE DE MOUETTES, ARRETEZ DE TOURNER AUTOUR D’ELLE, ON DIRAIT DES REQUINS AUTOUR D’UNE BARQUE DE NAUFRAGES !

summercampsareawesome- Aww, quelqu’un est encore énervé ~

dorian-La personne qui m’a appelé à neuf heures du matin est priée de se rappeler que je travaille jusqu’à quatre heures du matin.

sexycoolfur- Tenez, calmez-vous tous :pizzaemogi:

averageuser- Vous êtes dingues. J’vous aime tous, vraiment. A tout à l’heure !

 

Avant de te laisser plus déconcentrer à les regarder se chamailler, tu fermas l’application. Tu avais ôté les notifications du serveur, et avec un petit sourire, tu rangeas le téléphone dans ta poche. Tes yeux, malgré toi, s’étaient plissés, et tes mains sur ton téléphone s’étaient réchauffées.

Quoiqu’il arrive, ils te donnaient un chaud au cœur inaltérable. Tu te sentais plus prête à affronter le monde maintenant, et…

DRING

Tu manquas d’en sursauter jusqu’au plafond.

Ton regard se posa sur la porte avec effroi. La chaleur du soir et sa lumière désormais te semblaient avoir perdu de leur éclat orangé, ou plutôt s’être chargé de la noirceur du sang se coagulant, zt à la fois du froid bleu d’un ciel au dessus d’un hôpital. Avec la discussion de la journée concernant Emmanuel ? Tu ne pouvais t’empêcher d’avoir un brin peur. Et d’avoir aussi des effluves d’autres instants.

Tu avalas ta salive difficilement, en te rappelant de ce soir d’il y a deux jours à peine. Keith débarquant sur ton porche, trempé, inondé, épuisé. Et toi qui, volontairement, ouvrait ton cœur et ta maison à un nouveau bris de cœur inévitable. Et pourtant…

Quand on tapa sur la porte cette fois, bruyamment, et qu’un cri retentit, joyeux, ton cœur bondit dans ta poitrine.

— Et bien alors ! Mon butin, qu’attends-til pour m’ouvrir ?

 

En un clin d’œil, tu ouvris à la volée la porte.

Jacques, petit mais imposant dans son costume de croisière, se tenait là, avec son chapeau en main, penché devant toi en une pantomime de révérence… en revanche, il te gratifia d’un sourire à la fois le plus taquin, conquérant, et fripon qui soit, qui t’emporta immédiatement. Ses yeux pétillaient rien qu’à ta vue, mais tout ton esprit, ton âme, ton cœur, et les tiens aussi.

Mon pirate ~

Le même sourire fripon s’inscrivit sur tes lèvres à toi aussi, et tu t’exclama, portant tes mains à ton cœur comme une jouvencelle effrayée, levant une jambe en l’air derrière toi, t’écriant trop fort :

— Oh noooon mon dieu ! La plus Grande Terreur des Sept Mers est venue m’emporter ! Je vais devoir défendre mon hymen au prix de ma vie !

— Trop tard ! Te voilà prise dans mes filets, petit menu fretin ! s’exclama Jacques encore plus fort avant de te saisir au collet d’une main ferme et te tirer à lui sans ménagement. Je te tiens, gibier de potence, petit fripouille de basse semaine !

Il se tut, parce que tu avais été déstabilisée, forcée à te pencher vers lui – et qu’il venait d’écraser ses lèvres contre toi d’une manière qui te donna instantanément envie de le laisser te prendre par-dessus son épaule et t’emmener droit au canapé où vous vous dévoreriez mutuellement. Il avait une façon d’embrasser avec férocité, qui s’alliait tout à fait à l’excitation dont il faisait preuve quand il décrivait de manière très graphique comment il tuait les gens, une « violence verbale » qui n’avait d’égale que sa férocité à l’amour. C’était si fort, que tu te retrouvas presque à tomber et à devoir te soutenir sur lui, lui qui te tenait au collet comme si t’étais qu’un objet, et avec son costume, il était beau à en tomber.

Quand, pliée en deux, il accepta enfin de te relâcher au moins tes lèvres, et que tu restas presque nez à nez contre lui, ton col dans sa main encore, tu vis dans son regard cette lumière de joie de vivre, d’excitation, et de conquérant qui te plaisait tellement – avec un sourire carnassier, tu grondas contre lui :

— Mais je ne me laisserai pas faire, je me débats ! Je saisis un tisonnier près du canon le plus proche, et je le brandis vers toi en criant « En garde » !

— Mais je te pousse, s’exclama Jacques en joignant le geste à la parole –

Toujours en tenant fermement ton col à la main, de manière un peu douloureuse même, il pénétra dans la maison en passant à côté de toi pour s’avancer droit vers l’escalier et te « jeter » (façon de parler, t’entrainer dessus », t’y faire asseoir, et ainsi se donner l’avantage-

Il grimpa sur les premières marches, grimpa sur toi, et te domina de toute sa taille pendant que tu couinais allègrement de « peur » :

— Oh non ! Tu dévies mes coups de tisonnier et tu piques entre et tu me touches !

— Je te pousse contre le mât, annonça-t-il fort en te poussant inconfortablement assis sur l’escalier, t’écartant les jambes de part et d’autre de ton corps, et te faisant t’allonger tant bien que mal entre les marches.

Triomphant, il claironna en resserrant sa prise sur ton col :

— Je dégaine des couteaux de lancer, je les plante dans tes vêtements et je te cloue au bois-

En lieu et place, sans tirer ton col, il s’empara de ton chemisier de l’autre main, et avec un sourire qui laissait apparaître ses dents et cette même lumière, tira d’un coup sec. Les trois quarts des boutons de ta chemise tombèrent par terre, et tu poussas un faux cri d’orfraie en plaquant les mains sur tes seins :

— Oh nooOooOOon pitié ! Je vous donnerai tout ce vous voudrez !

— Et ensuite je plante mon épée dans ta chair, gronde-t-il en se penchant davantage sur toi, et tu vois qu’au travers de son pantalon il avait effectivement l’épée de prête, et je te découpe en rondelles –

D’une main il te saisit la tête pour te faire incliner légèrement la tête sur lecôté, de l’autre écarter ton épaule pour planter les dents dans la partie érogène entre ton cou et ton épaule, et le gémissement cette fois que tu poussas n’était pas du tout feint. La main qui te tenait la tête, satisfaite, glissa dans ton dos pour te tenir contre lui, et plaquée contre sa poitrine ferme , solide et puissante, sentant ses cheveux retomber en cascade sur toi et sa barbe te frictionner la peau, un gémissement plus fort encore te quitta, tes mains descendant le long de ta chemise pour finir de la défaire, puis se passer dans son dos. 

Il sourit, en s’arrêtant deux secondes de te dévorer l’épaule, pour gronder :

— Désormais, tu seras notre monnaie d’échange sur le navire, jouvencelle ! Tant pis si la marchandise est un peu abîmée !

— Abimez-moi, imploras-tu en osant lever les mains que tu avais jusqu’ici plaquée sur les marches pour mieux te tenir, pour caresser de l’une d’entre elle ses cheveux, puis appuyer dessus et l’inciter à retourner mordre, pour crier ensuite au ciel. Oh, oui, s’il-vous-plaît, abimez-moi…

 

Jacques te trouva particulièrement réceptive, cette fin d’après-midi là, pendant que vous continuez votre petit jeu de rôle et que vous finissiez après sur son lit bizarrement propre.

Et ce ne fut qu’une fois vos folies terminées, et tous les deux couchés sur ton lit, avec ta tête reposant sur son torse et sa main te caressant distraitement les cheveux, qu’il murmura :

— Longue journée sur les mers de ta vie aujourd’hui, hein ?

— Bon dieu, souffla-tu en contemplant légèrement les ombres de la nuit qui s’agrandissaient sur le mur devant toi dans la chambre, tu n’imagines pas. Je suis heureuse de te voir.

Un baiser.

— Tu m’as manqué. Ma Terreur des Sept Mers.

Il produisit un ronronnement du fond de sa gorge, et emmêla paresseusement ses doigts dans tes cheveux, te sentant soupirer de bonheur.

— Cette fois, tu n’as plus le choix. Je t’emmène avec moi.

— Mais ? commença-tu à protester faiblement, mais tu levas le nez vers lui pour voir qu’il te couvait d’une expression assez sérieuse, ses yeux d’ordinaire si joueurs fermés mi-clos et graves, et sa bouche une simple ligne légèrement boudeuse.

Me heartie , je te connais, je t’ai bien pratiquée. Je t’emporte avec moi, cette fois, et tu fais cette croisière. Je t’emmènerai voir tous les plus beaux ports du monde, on terrifiera les passagers, on boira les meilleurs rhums du monde, et je t’épouse tous les soirs dans la couche du capitaine entre les doublons, les canons, et tous les bijoux chipés à ces insouciants boucaniers.

Tu aurais bien ri, mais…

Mais il y avait quelque chose entre vous deux qui surpassait tout, et quand tu songeais que c’était celui que tu aimais le plus, c’était la vérité. Son regard chaud dans le tien, tu sentis que ton être, déjà fondu à cause de votre féroce partie endiablée où il t’avait bien plombée comme il faut, se fondait encore pour lui.

Alors tu reposa ta tête sur son torse, pour jouer légèrement avec la toison qui le couvrait, et après quelques secondes de réflexion, tu soupiras :

— J’ai quelque chose à te dire…

— Ce fichu forban de Keith est revenu, je sais, répondit-il en te caressant toujours les cheveux, s’arrêtant parce que ses doigts venaient de se prendre dans un nœud qu’il s’attacha à défaire de quelques mouvements de doigts agiles très clairement habitués à faire d’autres nœuds. Je ne sais pas pourquoi tu le laisses habiter tes quartiers, et on est plus d’un à se méfier, mais tu es une féroce boucanière quand tu le veux, capable de mater même le plus sans-cœur des capitaines.

Un sourire narquois lui vint, et tu crus sentir son entrejambe tressaillir, pendant que tu lovais mieux contre lui.

— … Je le sais, tu m’as maté moi.

— Ecoute, je…

— Ce que je sais, c’est que je ne t’ai jamais vue aussi expressive au lit, murmura-t-il en t’embrssant dans les cheveux longuement, ce qui te fit fermer les yeux de paresse. D’ordinaire tu hurle plus fort que ces vraies dames quand je fais semblant de les dévaliser, mais là, tu es encore plus bruyante qu’une nuée de perroquets en chaleur. Tu as besoin de repos, et je t’emmène, et tu n’as pas le choix.

— Ah ouais ? t’amusa-tu en allant du bout de la main caresser la tente qui se formait dans le lit, décidément vraiment propre, comme si quelqu’un t’avait lavé les draps et refait le lit. Qu’est-ce que tu me fais si tu refuse ?

— Je te plaque mon bandeau humecté de chloroforme sur la figure et j’attends que tu t’endors, puis je t’enlève et je te fais ma captive. Plus tu te débattras, sans pouvoir rien faire et à ma merci, mieux ce sera. Ou, sinon, on peut se battre maintenant et je te découpe en rondelles pour que tu ne puisses plus te débattre.

Tu éclatas d’un rire un peu étranglé, parce que ça te faisait de nouveau frémir l’entrejambe. Puis tu déposas un baiser sur son torse, mouillé et amoureux.

— D’accord. D’accord, soupiras-tu. Tu as raison, j’ai besoin de vacances. Et j’ai bien, bien envie de te voir tyranniser et asservir ces centaines de pauvres fous qui viennent s’aventurer sur tes planches en croyant s’en sortir indemnes.

— Ha ha ! s’exclama-t-il soudain, en te mettant une main aux fesses pour te les saisir et serrer, possessif. Si tel est ton désir, mon petit mousse, considère-toi embauché ! Demain dès l’aube, on vogue pour les Croisières Fantasy, et plus jamais je te rends à la terme ferme !

Tu éclatas de rire, joyeusement, et tu t’exclamas très enjouée en te blottissant  davantage contre lui en frottant tes jambes nues contre les siennes :

— Oh, oui, mon grand pirate, emportez-moi dans vos mers pour l’éternité !~

Chapter 6: Un chat furieux souffle et crache, et recule, mais il double de volume quand il a peur

Summary:

Les boutons de ton chemisier, par terre

Notes:

First: Thanks Lacri for shipping Rongo and Keith SO HARD IT ENDED UP HERE
Second: Thank you too for insisting that Keith and MC get a true love-making scene here XD

Chapter Text

« Oh, oui, mon grand pirate, emportez-moi dans vos mers pour l’éternité !~ »

 

Keith venait de rentrer d’une longue après-midi passée à travailler la terre et à, en gros, se faire pisser dessus par des chevreaux, marcher dans des crottes de vache de la taille de son tibia, se faire charrier par des quidams qu’il jugeait d’une stupidité fantastique, parce qu’honnêtement ? Ils étaient bêtes comme leur pied, comment pouvait-on se contenter de travailler la merde et être heureux comme ça, que c’était nul . Mais enfin, il était avec Rongomaiwhenua. Et Rongomaiwhenua… En dépit de lui, il ressentait une affection pour elle, en raison de son statut d’être encore plus ancien que lui, et de leur passif commun… qui lui était bien difficile de chasser. Quand, à un moment donné, elle l’avait saisi par le col au détour d’un champ, pour le malmener un peu doucement et ordonner qu’il montre à ses champs le respect nécessaire, et qu’il s’était mis à genoux sur ses ordres pour la vénérer, et qu’il…

Bref, il n’était toujours pas sûr que c’était ça qu’elle lui avait demandé, mais enfin, elle  avait paru agréablement contentée, alors….

En fin de compte, heureusement qu’elle n’avait pas parlé aux autres de lui. Pas besoin qu’ils sachent. C’était un secret entre lui, et quelques autres de la maison qui soit à cause de rénovations ou par temps ou par trauma, avaient oublié . Pas besoin non plus que Y/N sache. Tu changerais de regard sur lui, et soit, tant mieux que tu ne le considérais plus comme un bandit et qu’à présent tu l’acceptais auprès de toi, mais le voir comme… comme Rongomaiwhenua le voyait ? Comme un homme qui se frappait un PTSD monumental ? Non, sans façon.

En tout cas, Keith était fier.

 

Il s’était fait chier, il s’était fait violence pour s’abaisser à ce genre de choses, et il n’avait peut-être pas réussi à maintenir sa persona de « vieil homme qui a besoin de travailler alors il faut y aller doucement avec les tâches qu’on lui confie » (il se sentait plus comme un gamin de vingt ans, franchement) mais pour lui, il avançait dans son but. Son but, de te séduire de nouveau, te « rembourser » pour récupérer tes faveurs, récupérer l’argent, oui, mais peut-être t’emmener cette fois, te montrer sa gratitude en t’emmenant vivre une vraie vie

Il était fier de toi, d’avoir su si bien te démerder pour avoir mis dans ta poche deux patrons de ton entreprise, et tant de monde que tu n’aurais plus à travailler un seul jour de ta vie si tu le désirais… Et pourtant tu continuais, et tu te crevais à la tâche.

Il fallait qu’il t’emmène, qu’il t’emporte, que tu sois à lui, toi et tes grands yeux pleins de désir et d’admiration devant lui, qu’il récupère ça, qu’il t’emmène comme Tony Montana, que tu vives la grande vie comme lui, enlève cette foutue couche-

Viens te ruiner, viens te ruiner avec moi, je suis prêt à y retourner, je suis prêt à remontrer à ce monde ce que c’est de vivre, si tu es avec moi.

Danse, danse avec la mort, danse avec moi, danse avec la vie.

Danse… avec moi.

Quand il rentra à la maison, ce soir-là, durant la nuit même, d’accord, il était tout crotté, mais il était si fier de lui, il avait hâte de te montrer.

 

Mais à peine eut-il fermé la porte d’entrée qu’il t’entendit gémir et roucouler avec un inconnu à l’étage. Enfin, un inconnu. Vu le rire qu’il entendit après, et les bruits qui reprirent, les grognements masculins, ça ne laissait plus trop de doute –

— Mon amante pleine de sel, va falloir te nettoyer un bon coup, c’est toujours pas propre en bas ~

Il devina aussitôt.

Une jalousie monumentale monta en lui. Il ricana amèrement, en se redressant au moment d’enlever ses bottes dégueulasses parce que non, tu sais quoi, au final, tant pis pour toi s’il te dégoûtante la maison, t’avais qu’à pas te dégoutanter en haut. Il monte les escaliers, en balançant les clés de la maison sur la table de l’entrée d’un geste de colère.

— Ca sert bien à quelque chose que je me décarcasse, tiens, râla-t-il de colère en commençant à monter l’escalier et…

Les boutons de ton chemisier, par terre

Rien qu’à voir ça, il devinait ce qui s’était passé, et une fureur monumentale le prenait – ça aurait dû être moi, ça aurait dû être moi à te prendre comme ça, à t’entendre gémir mon nom – quelques marches plus haut, et la porte était évidemment entrouverte, suffisamment pour qu’on ne voit rien du couloir, mais assez aussi pour qu’il perçoive des mouvements derrière…

Il ne put résister à l’envie de s’approcher et de, comme autrefois, rester dans le couloir, juste à s’abreuver du reste du monde… Mais ce qu’il vit ensuite, était peut-être plus énervant encore.

Toi, allongée sur Jacques, et vous deux en train de lutter l’un contre l’autre dans le plus féroce des baisers, à vous attraper les membres l’un de l’autre.

Sur le lit, que Keith avait nettoyé tout à l’heure, changé les draps.

J’aurais dû pas le faire. Ca t’aurait marquée comme à moi. Ca lui aurait montré. Tu es à moi. Tu n’es qu’à moi. Les autres ne comptent pas. Tu es…

Tu dois être à lui.

Rien à foutre des autres que tu baise. Quand il est là, c’est lui que tu dois sauter. C’est à lui que tu appartiens. L’envie de rentrer dans ta chambre, de jarter Jacques pour enfin s’emparer de toi, maintenant qu’il sait que toi aussi tu as envie de lui-même si tu l’avoues pas, elle est dévorante. Mais, comme la fois où il est parti, il n’était pas question de te prendre si tu n’étais pas prête à le suivre. Il veut quelqu’un qui soit à lui, qui lui soit dévouée.

Alors il tourne les talons brusquement et d’un pas rageur, il se dirige vers sa chambre – dont il claque la porte bruyamment.

 

Et là, ce n’est pas la vue devenue familière des instruments de sport et des médailles qui l’assaille.

 

C’est la vue de mur de bois, c’est la vue d’une fenêtre avec des barreaux, c’est la vue de tout un tas de bordel que tu t’es attachée à reformer bien évidemment –

C’est le grenier

Et il revoit ses pensées du jour. Il y a pensé toute la journée. D’ordinaire, il n’y pense plus, mais tu as eu le chic avec tes conneries de « morale » et de « rembourser » et de « refuser tes avances » alors que tu l’as embrassé toi-même, pour le foutre en pétard. Et ce film, là, tu…

Tout ça, c’est ta faute.

Il se retourne, furieux, prêt à retourner correctement dans sa chambre, mais c’est là qu’il t’aperçoit, tu es toute nue, tu viens d’entrer dans le grenier, vaguement couverte d’un pauvre drap que tu as attrapée, et tu es devant lui dans le couloir, ta bouche entrouverte –

Tes yeux écarquillés.

— K… Keith ? balbutia-tu, toute décontenancée. Tu… Ca ne va pas ?

Il ne répondit rien, il darda sur toi un regard de haut, empli de dédain. Comme lorsqu’il t’avait dit que c’était nul, que tu n’avais rien pour t’amuser ici. Comme quand il s’était moqué de toi. Son sourire s’étira, cruel.

— Moi ? Je vais très bien. J’espère que tu t’amuses bien. En mon absence.

— Hé, proteste-tu en t’approchant d’un pas vers lui, le foudroyant du regard, je ne te dois rien, ok ? La maison et le foyer sont à toi, le reste c’est…

Il s’avança d’un pas vers toi, te fait reculer, et d’un mouvement d’humeur il claqua la porte derrière toi.

Il se pencha vers toi, te bloquant contre la porte.

Vociféra :

— Cesse tes grands airs. Je te connais. Tu dis toujours ce qu’il faut pour t’attirer les cœurs de tout le monde, comme moi. Le mien, il te dit « je ne suis pas ta putain de grande cause à sauver ». T’es à moi. Tu te plains parce que je t’ai « abandonnée » la dernière fois au point d’en pleurer des jours, mais sache que ce jour-là, je t’ai respectée. Si j’avais écouté mon corps, je t’aurais emportée avec moi, et je t’aurais si bien fait l’amour dans la voiture que tu m’aurais suivi de ton plein gré, et on en serait pas là.

Ne t’en va pas, ne me laisse pas, ne m’abandonne pas, t’es à moi.

Il s’attendait à ce que tu tournes les talons. Que tu essaies d’ouvrir la porte. Que tu tentes de t’enfuir et que tu…

— Keith, murmura-tu, d’une voix étrangement plate, ton regard dénué de lumière, et surplombée par lui tu semblais pourtant plus forte… Arrête ça. Ne me menace pas.

Moi , te menacer ? siffle-t-il. Je suis pas un tueur. Je suis un voleur, un addict, ce que tu veux, mais je suis pas un tueur.

— Je n’ai jamais parlé de tuer… mais tu me fais peur.

Il cligna les yeux.

C’était comme si ses oreilles qui bourdonnaient juste avant se clarifiaient, et qu’il entendait soudain cogner dans la porte derrière toi, et Jacques rugir qu’il avait intérêt à te relâcher, parce qu’il allait le réduire en miettes ce fils de baleine. C’était comme s’il se revoyait quarante ans en arrière. Lors d’une soirée similaire. Une dispute, un homme, une femme. Lui hurlant à la femme de ne pas partir. Lui la bloquant dans le grenier. Elle qui court, tourne la poignée, apeurée. Des bras qui se lèvent, un sang qui ne fait plus qu’un tour.

C’était comme s’il était…

— Y/N, bredouilla-t-il, soudain, décontenancé, refusant soudain le spectre du passé… et perdant soudain vingt centimètres en cessant de se tenir droit. Attends. Attends. Je…

— Keith, murmura-tu, cette fois la lumière revenant dans tes yeux à sa posture changeante.

Tu t’avança vers lui d’un pas.

Il voyait presque d’ici tes specs en cours. Empathie, à 100. Tu ne pouvais pas savoir ce qui lui arrivait. Mais tu voyais que quelque chose le hantait. Qu’il se faisait peur. Qu’il…

Du bout de la main tu toucha d’abord sa joue, puis tu la pris. Puis, doucement, sans le quitter du regard comme l’on fait à une bête apeurée, tu t’approchas lentement,  pour - très lentement - te dresser sur la pointe des pieds, et  l’embrasser sur le front. Murmurer, devant son visage effaré, hanté:

— C’est bon… J’ai confiance en toi. Tu me feras pas de mal. T’as énormément de défauts… Tu es un voleur, un menteur, un tricheur, mais tu n’es pas violent. Alors dis-moi plutôt ce qu’il y a.

— … Je t’aime, laissa-t-il tomber, en reculant, décontenancé. Je suis un sociopathe, je vais me servir de toi. Je vais te faire du mal. Mon amour est conditionnel. Je mens, à la seconde où tu feras ce qui me déplaît, je te volerai, je te ferai du mal.

La porte derrière toi s’ouvrit.

Tu venais de lui prendre les deux joues, et de l’embrasser, le plus tendrement du monde. Et les yeux dans les yeux, tu murmuras :

— Je t’aime aussi. Et je sais  pas où tu es, là, mais je t’attendrai. Prends le temps qu’il te faut pour te sentir prêt, et dis-moi le jour où tu te sentiras prêt.

Un nouveau baiser, où cette fois, il ferma les yeux.

  

Quelqu’un se racla la gorge derrière toi. Tu rompis rapidement le baiser pour te retourner, avec surprise, et adresser un sourire penaud à ton autre amoureux, juste derrière toi, qui ne s’était pas embarrassé de se rhabiller, et qui avait clopiné jusqu’ici comme il pouvait.

Il semblait… énervé, mais pas en mal. Juste en mode « envie de me chamailler ». Il te fit signe de revenir vers lui et tu te hâtas de sortir du grenier pour accourir vers lui, et couvrir vos corps nus du drap, penaude. Pendant ce temps, par-dessus ton épaule, il s’exclama :

— Hé, l’albatros tordu ! Si tu veux une part du butin, va falloir te battre, et prépare-toi, j’suis un féroce combattant, et tu vas y laisser des dents !

— Je…

— Les garçons, lança-tu tout haut en passant ton bras autour du cou de Jacques pour l’embrasser à son tour sur la tempe, on se bagarre si vous voulez, mais j’vous aime tous les deux, d’accord ?

Keith, grand, épaules carrées, te contempla, comme perdu dans ses pensées.

 

Puis il s’écoula plusieurs longues secondes, et il renacla en s’approchant du haut de ses grandes jambes devant vous deux – pour se pencher et te déposer un petit baiser sur les lèvres, puis détourner la tête et faire la même chose sur les cheveux de Jacques qui parut à trois secondes de l’apoplexie et gigota comme pour lui mettre un coup de poing, en hurlant des joyeusetés comme « Je te saute dessus, je te tranche la verge et je fais des bouillettes pour poisson avec ! Je t’ouvre le ventre, je fais un nœud avec tes entrailles, et je te jette par-dessus la planche et… »

— Profitez bien de la soirée, sussura Keith d’un ton doucereux, le nez à un centimètre du tien, plongeant son regard ardent dans le tien. Et toi, prépare tes billets. Parce que dès que je te rembourse, tu nous paies nos vacances et on s’en va dans un pays de clubbard, pour vivre la vraie vie. Toi et moi. Et le corniaud, s’il a envie de nous tenir compagnie.

— Euh, bredouilla-tu. Je sais pas si je suis super chaud pour ça… C’est pas mon truc, tu sais ?

— Réfléchis bien. Ne faisons pas une redite de la dernière fois. D’accord, bébé ?

— QU-QU-QU-QUOIIIIIIII, s’exclama Jacques, en essayant de l’attraper sans succès (à cause de la différence de taille), se tenant à toi pour essayer d’y coller des coup de pieds dans les tibias. Moi, la cinquième roue du carrosse ? ! Je t’attrape, je te tire dessus avec une arbalète, je te poignarde dans l’œil, je te décapite, je t’éviscère, et je ne m’arrête pas pendant que tu implores pitié, je ne m’arrête que quand tous les requins du monde ont…

— Qu’est-ce que tu dirais qu’on retrouve nettoyer ton mât plutôt, roucoula-tu à son oreille…

Et la bouche du pirate pour le moment ouverte en des cris de rage se transforma en un énorme sourire, qu’il retourna vers toi, rayonnant.

Ses deux bras te saisirent à nouveau et il parvint à te soulever de terre pour t’entrainer par-dessus son épaule vers sa chambre, et c’est en riant que tu retournas finir tes affaires.

 

Dans le gymnase, Keith écoutait d’une oreille, en de l’autre lisant, et relisant encore, une petite carte posée sur son matelas, et souriait. La carte avait été rédigée à la hâte, et il y avait peu de temps.

 

« Keith,

 

Je voulais te le donner en mains propres,

Mais je ne sais pas à quelle heure tu vas rentrer ou quand.

Demain, je pars avec Jacques, il m’emmène faire une croisière d’un mois. Et je me dis que tu aurais peut-être envie de me contacter, ou contacter n’importe qui d’autre.

J’ai mis les numéros de tout le monde, et un tutoriel si tu veux rejoindre notre serveur thiscord… Apparemment, il y en a pas mal déjà au courant. Fais gaffe à Dorian, par contre, il t’en veut toujours.

PS : Je sais que tu t’en fous, mais je suis ravie que tu sois allé aider Rongomaiwhenua. J’étais terrifiée quand tu es parti la première fois parce que tu connaissais pas ce monde… Mais elle est gentille, et elle travailel qu’avec des gens gentils, je suis sûre que ça te fera beaucoup de bien.

Tu comptes beaucoup pour moi. Que tu me trahisses ou pas. »

 

Keith renacla, et tourna la tête vers votre chambre, t’écoutant couiner, et te retenir autant que possible. Sur ses lèvres se dessinait le sourire paresseux d’un conquérant, et entre ses longs doigts fins, le téléphone que tu lui avais offert avait des airs d’élégance absolue.

— Ce que tu veux dire, murmura-t-il, c’est que tu m’aimes. Je deviendrai pas comme tu le veux, c’est nul comme idée. Mais je te jure que je t’emmènerai voir le septième ciel. Et cette fois, je serai prêt à t’offrir encore mieux, pour que ce putain de nabot me passe plus jamais devant.

 

De ton côté, tu espérais pour qu’il continue sur sa lancée. Qu’à ton retour, tu le trouves enfin rangé, capable de prendre des décisions un peu plus rationnelles que juste « aller se mettre une misère ».

D’un autre côté, il avait l’air de savoir ce qu’il voulait. Peut-être que continuer à travailler avec Rongomaiwhenua le calmerait.

 

Ou peut-être qu’il ne changerait pas. Tant qu’il n’essayait plus de se tuer comme un con, maintenant que tu pourrais le joindre, et lui aussi… Ca irait mieux.

 

Tu espérais.

*          *          *          *

 

             Tu pensais partir tôt le lendemain matin, avant que Keith ne se réveille…

 

Mais quand le soleil se leva, et qu’un oiseau vint chantonner une petite chanson de pirate, que tu ouvris un œil… En lieu et place d’un bond pour préparer ta valise, ce fut un petit sourire qui te vint. Devant toi, au cœur du lit, allongé et reposant avec paix dans la douceur de tes draps, dans leur propreté… Ton amant, le pirate, le forban, ton capitaine, adoré.

Jacques dormait avec la sérénité d’un marin qui enfin retourne chez lui après des mois et des mois en mer. C’était comme si, au milieu de ton lit, tels étaient les bras de la mer, les draps bleus faisant ressortir ses traits avec élégance. Avec sa chemise de nuit épousant son corps, et cette expression de gravité tranquille sur son visage, ses longs cheveux éparpillés autour de vous comme un halo…

Jacques était un excité, mais tu l’aimais, et il était si beau ainsi, sa force tranquille.

Du bout du doigt, ronronnante, tu caressas sa poitrine qui se gonflait et se dégonflait au rythme de l’aventure qu’il menait dans ses rêves. Légèrement sa moustache tressaillit, un petit frémissement de la lèvre, et il grommela un « p’tit moussaillon » avant de se retourner sur le flanc, te tourner le dos, et ronfler bruyamment.

Ton cœur battait tendrement dans ta propre poitrine, à le contempler, et une vague de chaleur qui n’avait jamais réussi à s’en aller depuis la veille y crût encore de taille. Tes yeux mi-clos, tu te sentais bien, bien, doucement chauffée par le soleil, doucement reposante sur de frais draps, l’odeur de ta maison de plantes et de ces quelques bougies de River que tu faisais brûler de temps en temps, t’enveloppant d’un cocon de douceur.

 

Tu aurais pu te lever, aller faire ta valise comme c’était prévu, mais tu relevas le nez en entendant du bruit dans la salle de bain du bas. Quelqu’un prenait une douche. Pas difficile de deviner qui.

C’est étrange, mais ainsi, avec les deux hommes chez toi, tu te sentais… mieux que prévu. Tandis que tu te levais, et reposais lentement sur la moquette, passais une main dans tes cheveux pour les recoiffer vaguement, tu songeas à… à l’énorme progrès que ton « pilote de l’air » et toi aviez fait en si peu de temps. Assise sur le lit, tu contemplas un dernier instant Jacques qui dormait, et du bout des doigts tu lui décernas un dernier bisou, avant de te lever totalement. La chaleur était agréable, quitter le lit était déplaisant, mais l’idée d’aller retrouver ton voleur de grand chemin en bas, l’était nettement moins.

Tu hésitas un brin, sur le tapis, et tu chassas tes cheveux pour qu’ils reposent bien sur l’une de tes épaules, avant de te mettre en route d’un pas tranquille.

Quand tu sortis de la chambre et te retrouva dans le petit couloir de l’étage, et que ton regard se posa sur toutes ces choses qui y ornaient les murs désormais, et les tables, et combien tout était vide avant que tu ne découvres tous ces nouveaux amis et amants, la chaleur grandit encore dans ton corps. Souvenirs, à la fois de ton passé, et maintenant d’eux, étaient d’un peu de partout, tu avais fini par coller avec des posts-it tout ce qui restait. La porte du gymnase était ouverte, et tu ne pus résister à l’envie d’y jeter un coup d’œil.

Le matelas au sol avait ses draps défaits, et sur sa surface se devinait encore la présence passée d’un corps grand. Sur le sol, gisant à côté, le téléphone que tu lui avais offert la veille, relié à une prise électrique par un chargeur. L’envie de t’approcher et de voir ce qu’il avait fait était grande, mais enfin, il faisait beaucoup de progrès. Pas question de tout gâcher.

La carte que tu lui avais écrite la veille au soir reposait, seule chose bien rangée, sur son oreiller, juste à côté de là où sa tête avait dû être, car quelques cheveux y tronaient encore. Elle était un peu froissée, légèrement seulement, comme si on l’avait maniée et retournée plusieurs fois.

 

L’idée te vint, alors que tu te détournais du gymnase pour descendre les escaliers, que peut-être… peut-être c’était vraiment la vérité. Peut-être il t’aimait vraiment, et ça n’était pas que des paroles en l’air, l’incapacité d’un quelqu’un privé de compagnie pendant trop longtemps à reconnaitre des émotions, peut-être plus que de l’attachement.

Peut-être que…

Tu ne pouvais plus attendre, et tes pas rapidement descendirent l’escalier, et tant pis s’il était toujours dans la douche, tu ignora tout, et tu ouvris la porte de la salle de bain du bas en toute hâte. Dès que la porte quitta le mur, un gros nuage de fumée s’éleva, comme pour lourd couvrir et obscurcir le monde…

Derrière lui, un corps somptueux, puissant, tout en muscles fonctionnels et élégant, qui s’essuyait les cheveux avec une serviette. Nu, évidemment.

Son regard acier, sous les cheveux gris et blanc humides, se baissa vers toi, et il esquissa un sourire amusé.

— …. Oui ? Tu as changé d’avis au final ? Le daddy est trop sexy pour que tu le laisses derrière toi ? Envie de t’amuser avec m…

Il s’interrompit parce que tu lui avais foncé dessus pour l’attraper et le tirer à toi pour faire un bisou sur les lèvres. Toujours les bras en l’air, en train de s’essuyer les cheveux dans une posture qui faisait ressortir ses pectoraux, le geste le surprit.

Rose d’embarras, tu le lâchas ensuite et tu grognas, après un pas en arrière pour te reprendre, te tenant le coude et l’évitant, reculant juqu’au couloir où la froideur de l’air t’assaillit après le pas dans la fournaise que tu venais de pénétrer :

— Je… Euh… Tu as lu ma lettre ?

Le sourire large sur ses lèvres te rappelait une expression qu’il avait coutume de t’offrir, « avant », quand il prétendait toujours être un gentleman. Il termina de s’essuyer le visage ensuite pour jeter sa serviette par terre comme un malpropre – putain – et ensuite, ses longues jambes en trois pas te rejoignirent.

Tu levas le nez vers lui, si grand, et au sourire si éclatant.

Qu’il était beau .

Qu’il faisait battre ton cœur.

Qu’il…

Carino, chuchota-t-il tout bas, j’ai lu ta lettre. Vas-y, va faire la fête. Découvre un peu la vie. Je prendrai le relais en arrivant.

Evidemment il avait encore la nouille à l’air.

A ce stade-là, tu abandonnais l’idée de lui faire entendre qu’on s’habille avant de parler aux gens. Tu hésitas, devant lui, et bredouillas :

— Est-ce que… tu voudrais venir ? J’peux te payer la place, si tu veux, c’est pas grave…

— Ha ! Et avoir le nabot qui me gêne et m’empêche de t’avoir à moi seul quand je veux ? Et des foutus gosses qui courent partout en se prenant pour des pirates ? Non merci ! ricana-t-il. C’est pas mon truc.

— Ah…, murmura-tu, ta bonne humeur retombant. Non parce que je me disais, j’ai vu que tu avais fait un effort, et puis ça te permettrait de continuer à sortir, et je…

Tu hésitas à nouveau, sans remarquer que vos pieds avaient continué d’avancer, et qu’il t’avait encore coincée contre le mur. Ses mains laissaient des grosses traces mouillées sur le mur. Ses yeux, mi-clos, vers toi, son sourire, et sa moustache retroussée d’un sourire absolument dévastateur, te tuaient.

Dans la lumière du matin, son corps encore un peu mouillé étincelait, et te réchauffait par sa proximité. La froideur du mur en revanche te rappela ce qu’il en était.

Que tu étais petite, surplombée par son large corps, et qu’il aurait fait de toi ce qu’il voulait.

Bon. Fallait pas qu’on te voit de l’extérieur, quoi. Car il se rapprochait, et te coinçait de plus en plus contre le mur.

—Je… Je sais que entre toi et moi c’est plus pareil, confessa-tu, ainsi acculée, et sentant tes jambes fléchir sous toi. Mais euh, je veux quand même bien que tu me rembourses…

— Tu as peur pour moi, hein ? sourit-il. Tu as peur qu’en ton absence je te vole et j’aille me tuer encore ?

— Evidemment ! protesta-tu en le sentant te plaquer contre le mur. Je t’aime !

Ce fut un sourire de carnassier qui lui vint. Il se pencha vers toi, proche, pressant presque son torse chaud contre le tien, pour ronronner à ton oreille, sa moustache et sa barbe te chatouillant l’oreille, sa large épaule contre toi :

— Parfois, je me dis que j’ai pas besoin de toutes ces dopes quand te voir comme ça toute frémissante devant moi me met déjà en extase. Va faire ta valise avant que je rentre ma clé dans ta serrure.

— Ha, couina-tu, complètement en chaleur. J’aimerais… Tu sais, j’aimerais bien apprendre à te connaître quand même…

— Quand j’aurai trouvé comment vivre pleinement comme je le veux,  ronronna-t-il en commençant à te lécher, puis te mordiller l’oreille, vu que tu ne bougeais pas et que tes mains semblait hésiter à l’envie de se poser sur son torse, palper, sentir la puissance sous-jacente.

Tes jambes fléchissaient, alors de son corps il te plaqua contre le mur et l’une de ses mains se faufila sous ta tunique, te saisit un sein.

Il te retourna, contre le mur, et retourna s’attaquer cette fois à ton autre oreille et clavicule, laissant l’autre côté frémir, mouillé, froid, et crevant d’envie presque plus dévoré. Ecrasée sur le froid implacable du placo tu frémis, mais tu sentis sa main glisser le long de tes cuisses, s’approcher de ton entrejambe… Prise en sandwich entre son corps et ton mur, tu perdis un peu la tête et tu geignis :

— Keith, je… Je veux dire, toi, pas juste ton corps, pas juste tes menson…

Tu ne pus continuer, car il glissa le long de ta hanche, et à l’instant où tu sentis le bout de ses longs doigts s’aventurer dans ton aine, tu frémis d’un douloureux élan d’envie. Ton frisson, néanmoins, ne fit que te blottir davantage contre son corps chaud, dur et nu, un peu humide derrière toi, sensation si écrasante que ça t’en coupa le souffle en un soupir saccadé brûlant. Entre ça, et sa façon de te malmener par l’oreille qui déclenchait un incendie en toi…

— J’aime les gentilles filles soumises, et les sauvages aussi, ronronna-t-il en mordillant le lobe de ton oreille, même pas une douleur mais quelque chose de bestial qui te fit fondre en lui. J’aime la musique forte, la bonne bouffe, les substances, vivre… je suis comme qui dirait, hédoniste. Un peu comme toi vu ton tableau de chasse.

Sur la fin, sa petite taquinerie se coupla d’une main qui se resserait sur ton sein, comme pour te saisir le cœur, le serrer à lui, te faire sienne.

— Et j’aime te sentir toute chose dans mes mains. Une bonne petite affamée. Si fière d’elle, si douée pour se faire aimer de tous, et à jamais, incapable de me manipuler….

Bon sang, sa main était en train de t’écarter les cuisses et de glisser sous ta culotte et sous la chemise de nuit, et tu avais tellement chaud, que tu n’arrivais presque plus à parler. Le simple fait de sentir ses longs doigts commencer à soulever le bord de ta culotte pour se glisser dedans, te fit battre le cœur six fois plus vite encore. Alors vite, avant qu’il ne te coupe le souffle, tu gémis :

— Ah oui ? Pourtant, l’homme qui est parti de chez moi en hurlant sa joie de vivre et son envie d’aller se défoncer, il est en train de travailler sagement à la maison pendant que je pars en vacances…

Bon, ça serait comme ça ta première fois avec lui pour de vrai. Contre le mur. Parce que ses doigts glissèrent plus loin, maintenant ayant enfin traversé cette barrière de ta culotte, et caressèrent légèrement, de la pulpe du doigt, sur un petit organe si sensible de toi et-

— Ha… Keith, supplia-tu, le cœur battant à t’en arracher la poitrine, son bras te plaquant bien contre lui. S’il-te-plaît, je…

De son autre bras il te lacha la poitrine pour s’enrouler autour de ton torse, glissant entre tes seins pour te saisir le menton et te forcer à rejeter la tête en arrière, droit au creux de son épaule, pour que son torse puissant te serve d’oreiller et surtout –

De t’abandonner à lui, lui laisser la place libre, de laisser te prendre

A ton oreille, ses dents trituraient, délicatement, insupportablement, ton oreille, et sa main en toi immense en activité était un tel soulagement que tu t’en surpris à gémir contre le mur, surtout en sentant d’autres doigts que celui dont il se servait pour te frictionner le clitoris, continuer de descendre. Il ronronna :

— Qui te fait croire que j’ai accepté pour faire le gentil ? Il faut juste que je te rembourse. Et ensuite, tu vas devenir ma sugar mommy et je vivrai aux frais de la princesse en sautant la princesse. Qu’est-ce qu’on demande de plus.

Tu ne parvins jamais à finir ce que tu voulais dire. Parce qu’enfin ses doigts arrivèrent à destination. Glissèrent à l’intérieur, de longs doigts, fins, mais qui savaient parfaitement ce qu’ils faisaient. Si quelqu’un est doué de ses mains ici, c’était bien lui. Ce ne fut pas le souffle coupé, tu eus carrément un haut-le-cœur et tu retins ton souffle, fermant les yeux, écrasée de désir. Lentement en activité, les uns après les autres, ses doigts te pénétraient avec une maîtrise qui te vainquit complètement. Tu cessas de protester, tu reposas ta tête contre son corps et te concentra juste à ouvrir la bouche et gémir, et il souffla :

— C’est bien… C’est bien, crie bien… qu’est-ce que tu mouilles…

Tu sentais, au baton derrière toi dans ton dos qui frottait, qu’il était en train de perdre la raison, frictionnait son membre et était à deux doigts de te le mettre, s’il n’y avait pas eu cette fichue culotte. Tu aurais pu l’écarter sur le côté quand, la main qui te tenait le cou continua de remonter, et tu vis quelques doigts à proximité de ta bouche, alors par réflexe tu-

— Ohh…., sussura-t-il en te voyant, désespérée, incohérente, essayer de lui lécher les doigts. On a faim ici, hein ?

— J’en peux plus, gémis-tu, prends-moi, je t’en supplie -

— Je ne sais pas, fit-il semblant de réfléchir tout haut tandis que l’un de ses doigts restait à te triturer un petit organe qui se durcissait encore et encore, prêt à céder, et que les autres te saisissaient toute entière de l’intérieur. Est-ce que je n’aurais pas plutôt intérêt à te faire encore patienter…

Keith , geignis-tu plus fort encore, ton équilibre instable te faisant presque tomber et te forçant à prendre mieux appui au sol et mieux lover tes fesses contre lui, le mur ton seul autre appui. J’en peux plus d’attendre, je…

Tu pulsais si fort que, t’étais sûre de pas tarder à défaillir.

— Impatiente, vilaine que tu es, ronronna-t-il en te caressant la lèvre du pouce, son autre main s’activant plus fort, plus vite encore en toi. Dis-le, que tu es à moi…

Keithhhh…

Ses hanches commençaient à accompagner le mouvement de ses doigts en toi, et tu sentais si fort son membre puissant presser contre tes fesses, tu suppliais pour qu’un mince changement de position suffise pour qu’enfin il rentre –

Tes doigts se plaquèrent sur la culotte, comme pour  l’enlever pendant qu’il travaillait dedans, mais il cessa de te mordiller l’oreille pour plonger et te mordre toi aussi, là où des marques de dents montraient que la veille Jacques t’avait mordue comme un possédé, et peut-être était-ce parce que c’était encore sensible, mais tu n’y tins plus et ce fut le coup de grâce, tu sentis ce petit espace juste au dessus de ton entrée dur, si prêt à céder, si prêt à céder, comme un barrage prévenant l’inondation de chaleur juste en toi, plus simple espace, plus simple, et…

KEEEEEIIIITH …, hurla-tu si fort que t’avais dû réveiller Jacques en haut, au moment où tout, absolument tout en toi se brisait.

C’était si fort, ton corps resta contracté pendant plusieurs longues secondes encore, sur lui, et ta voix à crier incohérente, comment savait-il t’arracher des cris pareils et déverouiller des chambres de plaisir si puissantes encore en toi ?!

— Ah… Ah…, haleta-tu en redescendant lentement de ton orgasme, tremblante, pulsante, redescendant tout simplement du mur…

Tu daigna simplement jeter un oeil un œil à Keith, son visage juste en parallèle du tien ainsi lové derrière toi, son visage contracté comme s’il luttait contre lui-même, pris d’une intense concentration. Ta bouche ouverte en un halètement insoutenable, tu couinas, baissant juste le devant de ta culotte, trop excitée pour bouger :

— Keith… Je… Je veux…

— Tais-toi, grogna-t-il avec empressement en te lâchant brusquement pour te retourner vers lui, lever tes jambes autour de lui et te plaquer dos au mur, d‘un seul mouvement qui tenait plus de la maladresse désespéré d’un truc pratiqué, pour écraser ses lèvres contre les tiennes, et te fourrer la langue en toi salement comme pour s’emparer de ton corps déjà par là, bon sang, tais-toi, tais-toi, tais-toi…

Il gémissait encore ses « tais-toi », quand tu sentis enfin, son membre contre toi, toi fermement aux prises de ses puissants bras, son front couvert de sueur contre toi, haletant, et jurant et gémissant à la fois sous cape-

— Tais… toi…

La fin de sa phrase se termina en un sifflement et un gémissement masculin, car enfin il pénétra.

Une seule longue poussée jusqu’au bout, enfin une union entre vous, et enfin tu te sentis –

— Haaa… Je t’aime, haleta-tu dès qu’il fut dedans, son front plein de sueur contre ton épaule, tressaillant au moindre mouvement. Keith, je…

— Je…

Tu levas la tête au plafond, et cria dès qu’il fut totalement dedans. Ses bras autour de toi se contractèrent à t’en briser les jambes, les os, toute entière, lui visiblement tremblant dès qu’il t’entendit gémir ton aveu à son oreille..

Puis il commença à bouger, et tu fermas les yeux le plus fort possible, plaquant ta poitrine un maximum contre lui, comme pour absorber les pulsations de son cœur effréné, enragé, et déterminé – déterminé à te faire crier, déterminé à te faire jouir, déterminé à ne plus faire qu’un avec toi, déterminé à ne…

 

« Putain, » gronda-t-il dans ton épaule, sa voix comme presque brisée de désir, ses coups de reins comme d’autant de volonté de te posséder, plus fort, plus fort possible encore-. « Enfin, ça y est… »

Un nouveau coup, peut-être plus perturbé encore que les autres, plus puissant, et moins rythmé, mais encore plus intense, et un râle, venu du fin fond du coeur: 

« Tu es vraiment à moi… »

 

 

 * * * *

 

            Tu quittas la maison, complètement décontenancée, en fin de matinée.

Ta maison aux mains de Keith, ta boîte aux mains de ses propriétaires, ton jardin aux mains de tes amoureux, et ton cœur aux mains de bien des gens, mais là surtout des deux qui te partageaient entre eux pour l’instant.

Puis à l’instant où tu vis la mer, avec la main de Jacques passée derrière ton épaule, et que tu l’entendis sortir un « Mille millions de mille sabords, ca, c’est la vraie vie ! », tes soucis de ce con d’Emmanuel, tes soucis de la boîte, tes inquiètudes quant au simple fait de « est-ce que mon amoureux va rester en vie » s’envolèrent.

Et d’avantage en entendant Jacques s’exclamer, dès qu’il arriva sur le quai de cette charmante station balnéaire d’où lae navire devait coller, et que vous apercevâmes toute sa troupe qui l’attendait sur le quai :

— Par Neptune ! Regardez un peu par ici, la bande de moules avariées, que je vous présente ma conquérante ! La seule femme en ce monde qui a pu me défaire en combat singulier !

— C’était pas « Beau » ? s’étonna quelqu’un, qui se frappa aussitôt un rugissement du petit pirate qui pointa sa longue vue vers lui en sautillant :

— TOI ! TOI ! SUR LA PLANCHE ! Tu vas nourrir les requins !

Tu éclatas de rire.

 

Et ça aurait duré comme ça si Keith n’avait pas soudain cessé de répondre au bout de quinze jours.

Chapter 7: Ce chat semble à deux doigts de faire son baluchon puis de se barrer à la moindre insulte, et parfois il le fait, et parfois non

Summary:

    — Il ne répond pas, il écrit pas, pestait-tu en faisant les cent pas dans la cabine du capitaine, le nez rivé sur ton téléphone. Bon sang !

Notes:

Continuation of the Thiscord server XD
ALSO THANKS TO LACRIMALIS FOR HELPING WITH THE FORMER OBJECT'S USER NAME AND HELP WITH THE THISCORD MODERATION XD
AND FOR BETA READING
AND FOR EVERYTHING

Chapter Text

    — Il ne répond pas, il écrit pas, pestait-tu en faisant les cent pas dans la cabine du capitaine, le nez rivé sur ton téléphone. Bon sang !

 

La suite était superbe, et rappelait tellement les navires d’antan que tu t’attendais presque à y trouver des doublons hantés. L’odeur de la mer qui pénétrait par les hublots était entêtante, on entendait une musique digne de films sur les pirates jouer dans les couloirs, et tous les matériaux avaient été travaillés pour donner l’impression d’être d’antan bien qu’en réalité modernes, solides, et confortables. Tu avais passé presque un mois merveilleux, et vraiment, si ce n’était qu’en jolie tenue de dame de la Haute Victorienne tu faisais les cent pas à pied en rafraichissant la conversation de ton téléphone toutes les cinq secondes, tu aurais kiffé ta vie. Le seul élément qui cassait l’ambiance à part ton comportement était que Jacques te regardait faire en pinçant la moustache tout en travaillant sur son ordinateur , chose que tu n’aurais jamais, au grand jamais, cru voir. Il était en train de relire le texte du prochain évènement qu’il préparait, il était tard, et il semblait qu’il y avait des soucis au dernier moment, mais ça ne te concernait pas pour le moment – parce que tu étais inquiète !

Sur le thiscord, tu t’acharnais comme une cinglée depuis la veille. Vous rentriez dans deux jours maintenant, et tu étais en panique complète. Un mois de vacances, pas de nouvelles de Keith depuis quinze jours.

 

averageuser – sérieusement, personne ne l’a vu ces derniers temps ?!

motherNaturatrix- Non, mais Prissy ne m’a pas donné de nouvelles non plus depuis qu’ils se sont vus à ma ferme. Ils doivent être ensemble.

MOUSEKILLAH- moi j’sais ce qu’ils font

sexSexSexSexIsCOOL- ça baise dure quoi

averageuser- sans déconner ! vous avez pas peur vous ?

dollarpizzamenu- Moi, tant qu’il reste loin de moi… Il m’a toujours fichu les jetons

dorian- *gif of FFXVI’s hero Clive nodding*

dorian- Tu devrais changer tes serrures pour en mettre des digitales, averageuser, et verrouiller ton cœur

motherNaturatrix- Dorian t’es dispo dans 5 minutes ?

dicesRollsAreDopeBaby- *has completed today’s Wordle in 3 attempts*

dicesRollsAreDopeBaby- YESSSSSSS

dicesRollsAreDopeBaby- anyone for a Bananagrams ?!

bestDMofalltime- dude read the room

dustHistorian [DM]- @dicesRollsAreDopeBaby @bestDMofalltime please keep it to #gamer-cave this is not the time nor the place

averageuser-mais vous êtes sérieux ?! @greenfaery t’es là stp ?

averageuser-…

foodaddictnomeancritic- alors je sais que ça a rien à voir mais vous avez entendu parler de la nouvelle forme de truffe là ? Ca se vend des milliers ! @sexycoolfur tu as vu ça ??

italiaIsBeautiful- ah ouais, ça se vend à prix d’or ! c’est fou, y a quelqu’un qui en a apporté aujourd’hui à l’aéroport, on aurait dit qu’ils transportaient un diamant

averageuser-…

averageuser- Putain je crois pas à ce que je vais faire

dorian- T’acheter une estime de soi ?

theoneandonlycurt- OOOOOOOH

theoneandonlyrod- THAT WAS SICK BRO

averageuser- … merci Dorian

averageuser- @partyhardandfuckbitches sérieusement ça fait des jours que tu réponds plus t’es vraiment un connard

ikillyouall- @averageuser et moi ça fait dix minutes que je t’appelle !

 

Tu lâchas aussitôt ton téléphone pour lever la tête – et voir Jacques qui, toujours assis à son bureau ancien, beau bureau d’ébène noir avec du feutre dessus, des tonnes de papiers dessus, et l’ordinateur diffusant une lumière blafarde dans la pièce autrement sombre et son faux imité de bois. Jacques te regardait avec l’air agacé.

— Tu t’es fait manger les oreilles par… par…

Tu passas à deux doigts de lui répondre « un requin » mais ça n’était pas le moment, penaude, tu grimaças.

— Désolée ?

— Par… Par… Par des POUX DE MER ou quoi ?

— Alors, les poux de mer peuvent m’avoir bouché les tympans, mais me manger les oreilles…, remarqua-tu en te levant pour t’approcher derrière lui, derrière sa chaise.

Il était bougon sur sa chaise, son fauteuil plutôt, et bouda encore jusqu’à ce que tu passes tes bras le long de son cou et les unisse sur son torse. Là, il voulut bouder, tu baissas la tête et tes cheveux lui tombèrent sur le visage. D’une moue, il les souffla loin de son visage, puis s’adossa au fond de son fauteuil, un petit bruit de velours. Un instant de silence se passa, pendant lequel il respira et posa une main sur les tiennes. Ta main sur sa chemise blanche de marin était douce, et le tissu définitivement bien frais, propre et bien repassé. Sa main sur la tienne, chaude, et malgré l’agacement qu’il venait de manifester, tu sentis la chair sous tes doigts se dégonfler, de sa poitrine.

Un sourire tendre te vint et tu l’embrassas à son tour sur les cheveux.

— Pardon.

— Pas de pardon qui tienne, grogna-t-il bien que sa main étreignisse tendrement la tienne. Va falloir trimer dur pour faire rattraper tes bêtises, me heartie.

Il te fit un léger signe de tête en direction de l’écran, et grinça :

— J’ai besoin que tu interviennes, pour le spectacle de demain. J’ai une des interprètes qui s’est cassé une main pendant un de nos abordages.

Tu renaclas : c’était impressionnant ces abordages. Idée de Jacques, quand deux navires appartenant à la même compagnie se croisaient, l’un partait à l’abordage de l’autre… De manière évidemment sûre, mais pour le capitaine ?

Pour lui, se balancer au bout d’une corde en hurlant des insultes et en frappant (… c’était supposé être chorégraphié… tout du moins), c’était moins sûr.

Puis soudain tu réalisas. Tes bras sur son torse se crispèrent, mais il t’adressa ce large sourire un peu taquin qui t’étais si charmant que tu ne pouvais pas refuser.

— Attends, tu veux que je fasse partie de l’équipage ?

— Pas que, je veux que tu chantes, on fait une version pirate de La Petite Sirène.

Dans la suite si luxueuse, reproduisant si bien une cabine de vraie capitaine, puisque c’était la suite du capitaine, tu te figeas. Jacques ricanait.

— Tu chantes déjà si bien sur mon pont, tu-

— Jacques, c’est dégoûtant.

— Oui ~ Mais je t’ai vue avec Chairemi, j’ai envie de donner la réplique ~

— …

Tu ne pus t’empêcher d’éclater de rire, et à la pénombre tamisée de cette cabine, te pencher pour l’embrasser sur la joue et même mordiller un peu, avec un clin d’œil taquin pendant que ton loup de mer s’écriait joyeusement qu’une vilaine succube était en train de lui sucer le sang :

— D’accord, à condition que je sois une sirène comme dans l’Odyssée d’Ulysse et qu’il faille t’attacher pour que tu m’entendes pas ~

Un son de gorge semblable à son bruit de « mais allez, défends-toi » et mêlé à son « hohoho je vois une vague monter à l’horizon » se produisit.

 

Ce soir là, tu chantas très bien.

 

*          *          *          *

 

             Quelques jours plus tôt, Keith affichait un large sourire en soupesant une mallette d’argent.

 

Tous deux étaient dans un bâtiment aux murs boisés, comme un chalet au beau milieu d’une montagne. Une senteur de pin environnante et omniprésente vous enivrait les sens, et mêlés aux nombreux équipements sur les murs et les diverses cartes en tous genres, on aurait facilement devinés qu’on était dans un centre d’observation, de recherche, bref, un repère en tout cas. Les portes de ça et là ainsi que d’autres objets en nombres laissaient deviner que plusieurs équipes devaient travailler ici. Les stores étaient baissés à moitié, et plusieurs objets stratégiquement placés vous empêchaient de voir ce qui se passait sur le bureau depuis les fenêtres de l’extérieur.

Car en effet, sur le bureau de Prissy, deux personnes étaient en train de se partager quelque chose. Une quantité assez… massive d’argent. Une mallette, celle de Keith, et un sac où Prissy engouffrait de l’argent.

Prissy, une expression un peu malaisée sur le visage, était en train de prendre des dollars sur la table, des gestes lents, mal à l’aise. Ses bras tremblaietn un peu. L’air mal à l’aise, elle murmurait :

— Tu es absolument sûr… que c’est autorisé ?

Les lèvres du plus vieil homme se dessinèrent en un large sourire rassurant, et il s’arrêta de compter quelques instants.

— Aurais-tu peur ?

— Evidemment, grimaça-t-elle. C’est pas vraiment… C’est pas vraiment très bien. J’ai détourné de précieuses ressources pour un but…

— Pour le bonheur de Y/N et de Rongomaiwhenua et toi, lui rappela-t-il avec un signe de tête.

N’importe quel observateur extérieur aurait vu que c’était la persona de « gentil conseiller »de Keith  qui était de sortie. Ses mouvements étaient lents, mais délibérés, calculés. Rassurants. La moindre pression sur ses paupières, apaisante.

Ses mains étaient pleines de terres. Celles de Prissy aussi.

L’odeur ambiante était plaisante cependant, autour de lui trainait un fumet étrange, un peu doux, comme s’il était allé dans un endroit où on cuisinait. Mais, où on cuisinait quoi, tel était la question. Prissy n’était toujours pas convaincue. Il avait promis que c’était absolument sans danger, mais…

A voir l’homme plus âgé et sa façon de se comporter comme s’il était roi, et de poser son coude et son visage dans sa main d’un geste élégant, à écouter sa voix douce, elle avait envie de se laisser séduire. Elle tremblait au moindre de ses mouvements.

Son téléphone s’illumina, une conversation thiscord. Dorian, qui la bombardait de messages. Rongomaiwhenua aussi.

— Ne te fais donc pas tant de soucis, cet argent a été récupéré à la loyale, n’est-ce pas ? déclara Keith en lui adressant un bref clin d’œil, avant de se re-concentrer sur la mallette. Tu n’as rien fait de mal, ne t’inquiètes pas.

Prissy avala sa salive, son expression enjouée tombée. Son regard fuyant se déposa sur des morceaux de terre posés sur des nappes non loin, où des tris avaient eu lieu. Une carte de visite qui dépassait de la veste de Keith indiquait la ferme de Rongomaiwhenua. Elle grimaça, hésitant à reprendre une liasse.

— Je n’aurais jamais cru… que des champignons pourraient se vendre aussi cher.

— Les acheteurs sont ravis, déclara Keith qui, après l’avoir contemplée pendant plusieurs longues secondes d’un regard intense, se radoucit et en tendit la main pour lui tapoter l’épaule, une expression tout à fait rassurante. Avec des merveilles pareilles, tous leurs rêves se réaliseront, ne t’inquiète pas.

— Tu crois ? hésita-t-elle en levant les yeux vers lui, ses jolis cheveux verts emplis de fleurs retombant un peu plus tristement qu’à la normale. J’ai… du mal à te croire. Tu es sûr que c’est légal ? Que ça ne risque rien.

L’expression de Keith, de la jovialité, passa à un certain agacement, et il souffla en refermant doucement la mallette, prenant encore deux liasses et les déposant devant Prissy.

—  Crois-en un expert. Et puis, l’important, c’est que nous on soit refaits.

Il termina de refermer la mallette, puis repoussa sa chaise et se leva. Dans la pénombre qui obscurcissait la pièce, le visage de Prissy baignait dans les ténèbres, mais son corps à lui, dans sa tenue noire, prit un instant la lumière filtrante du soir au travers des fenêtres.

Comme une vague d’une douce chaleur d’automne dans la cabane, une vague aux senteurs très prononcées de champignons particulièrement flagrant. Le moindre de ces objets était enveloppé précautionneusement dans du papier aluminium, il en restait encore une boîte que Prissy gardait pour elle.

Keith lui fit un signe de tête respectueux, et puis, un dernier clin d’œil alors qu’il coinçait la mallette sous son bras et lui tournait le dos.

— Merci pour ton concours. Je n’aurais pas pu y arriver sans toi.

— Je me sens… Tu es sûr que tu ne m’as pas menti ?

Keith lui décocha un sourire narquois, long, avec un regard vers elle en arrière…

 

Puis à grand pas s’éloigna sans lui répondre. Son expression cependant devint extrêmement mauvaise dès qu’il fut en dehors du chalet, à partir, seul, au milieu des bois, dans son costume. Grave. Au milieu des pins, une silhouette solitaire, il était tel un lion partant à l’assaut.

Prissy, dans les ténèbres, elle, resta longtemps seule. A compter. A se tordre les doigts, à se tordre l’âme. A contempler parfois le téléphone dans sa poche.

Que faire ?

C’est sûr, maintenant elle aurait de quoi faire agrandir la ferme de Rongomaiwhenua, et de quoi agrandir son jardin. Keith avait de quoi t’emmener faire ce tour du monde avec ton yacht dont il parlait tant. Dans ces mallettes, l’argent était volumineux…

Plus qu’à espérer qu’elle ne s’était pas fait embringuer dans une histoire de fou encore.

 

Elle finit par prendre son téléphone, et avaler difficilement sa salive.

 

 

 

*          *          *          *

 

 

             A la seconde où tu posa pied sur terre, tu serras fort Jacques dans tes bras et tu repartis à toute allure.Tu n’avais jamais roulé si vite.

Pas une nouvelle depuis quinze jours. Prissy avait répondu peu après tes messages paniqués sur thiscord, pour dire qu’elle était en pleine santé et de retour au travail. Effectivement, Keith avait auparavant rencontré Prissy par hasard un jour où Prissy était venue voir Rongomaiwhenua à la ferme tandis qu’il y était, et avant même que Rongomaiwhenua ne s’en rende compte, Keith avait entrainé Prissy dans un coin, lui avait parlé à l’oreille et…

Et il avait pris son congé de la ferme de Rongomaiwhenua en partant chez Prissy, en promettant qu’il reviendrait bientôt. Comme tu pouvais le constater, son « bientôt » s’était accompagné d’un silence radio.

 

David et Franklin avaient reçu un message juste avant que ton navire n’arrive au port, leur indiquant que tu allais rouler comme une tarée et qu’ils allaient se prendre des amendes de vitesse monstrueuse. David t’avait appelée sans réussir à te joindre, pour te dire qu’il pouvait t’envoyer un hélicoptère, Franklin t’avait envoyé un « nani the fuck », et tu n’avais écouté ni l’un ni l’autre parce que tu avais roulé comme une tarée…

… C’est-à-dire à dix kilomètres au dessus de la limite autorisée, parce que peut-être que Keith avait raison quand il t’avait dit que tu portais encore des couches, t’étais pas assez courageuse pour prendre trop de risques non plus.

 

Peut-être néanmoins accéléras-tu à l’approche de Coolsville. Peut-être sentis-tu ton cœur battre encore plus vite en voyant défiler sur ton chemin les multiples panneaux publicitaires dont plus d’un montraient tes amis, les bâtiments qui remplaçaient les champs de plus en plus et trahissaient que bientôt tu trouverais ta maison et l’endroit d’où le traitre était encore parti et –

SKRIIIII

Tu écrasas la pédale quand tu arrivas à proximité de l’école, te rappelant soudain où tu étais, freinant fort. En réalité, tu n’allais de toute façon pas si fort que ça, et tu avais freiné bien bien en avant, mais quand Wallace t’aperçut, il te décocha un large sourire et s’écarta en des bras et dégageant l’endroit pour te laisser passer en beuglant un « WALL !! » volumineux, et tu ne sais pas comment, tu compris tout de suite qu’il voulait dire « Tu m’as manqué ! Je sais que tu es pressée, file ! ».

Rapidement, ta maison apparut au loin, et se rapprocha, rapidement, rapidement –

Sans aucun égard pour les autres de la rue, tu te garas comme une merde sur le bord de la chaussée et tu bondis sur le trottoir, en t’exclamant déjà un volumineux :

— KEITH ! MONTRE-TOI !

Il y avait, remarqua-tu, posé contre ta barrière blanche à poteaux de ton jardin une belle moto, et, garé quelques maisons plus loin et sûrement en traind e s’activer chez un voisin, la camionnette de Vaughn. Tu ne te posas pas plus de question, la moto était classe mais tu n’imaginais pas du tout Keith là-dedans (est-ce qu’il avait un permis de conduire d’abord ? Enfin, c’est pas ça qui allait l’arrêter), et tu te hâta de courir au milieu d’un gazçon bien tondu, pour arriver vite sous le porche. Tu courrais tellement que tu trébuchas à l’entrée du porche et t’étala en avant, et poussa un large juron, mais tu te relevas dans la foulée et ouvris la porte d’entrée à la volée et –

— KEITH ! rugit-tu en pénétrant d’un grand pas chez toi, la voix cassée à force de rugir.

Ton cœur battait la chamade, si fort qu’il te semblait résonner en écho contre les murs de ta maison. Et peut-être que les ruisseaux chauds le long de tes joues n’étaient pas dû au vent, vu que tu n’avais pas décapoté ta voiture pour rentrer.

Peut-être même qu’en fait –

— Doucement... La porte ne t’a rien fait.

La voix était grave, mais mélodieuse, et très agréable, et tu tournas à peine la tête vers le salon que ton regard tomba immédiatement sur l’une des personnes que tu avais le plus peur en ce monde de voir, et en même temps le plus envie…

Dans ton salon, assise autour de ta table basse, se trouvait Rongomaiwhenua avec Prissy, et la plus âgée, et si belle femme mature avait passé un bras autour de Pissy qu’elle réconfortait de quelques caresses dans le dos, la plus jeune pleurant contre sa poitrine. Des saletés laissées tout autour de ton fauteuil en face d’elles indiquaient que Vaughn avait été là il y a peu (peu de monde avait sa taille de pointure, et pour son travail il allait souvent fouiller dans des recoisn bien pourris), et il avait tout Sali.

Mais surtout –

Debout, devant la fenêtre, tourné vers l’extérieur, et les yeux posés sur une carte jusqu’ici qu’il venait à présent de lever vers toi, un homme grand aux bras couverts de tatouages, vêtu encore d’une tenue d’agent de sécurité, aux cheveux châtains presque de bois, volumineux et rabattus d’un côté de sa tête. Sur l’une de ses oreilles, un piercing rapelant un locket de porte, couvrant tout le côté de l’oreille. Des yeux chocolat que tu avais souvent connus non pas froid, mais sévères, afin de te rappeler qu’il te protégeait.

Des yeux qui venaitn de se relever vers toi, et te fixaient intensément.

Tu te figeas devant lui. Son expression était impassible, son front légèrement froncé, ses sourcils plissés mais en forme d’arche inversée un peu, et sa bouche observant le même angle.

Il est furieux.

L’idée de l’avoir blessé t’était insupportable. Tu n’avais pas réussi à lui en parler auparavant, sinon succintement, pour lui promettre au téléphone lors d’une conversation un après-midi juste avant qu’il ne prenne ses fonctions, tout du moins selon lui, que Keith avait changé et que tu voulais lui laisser encore une chance. Il avait été dubitatif, qualifié Keith de « méchant », mais il avait ajouté peiné qu’il te comprenait… et que c’était pour ça qu’il fallait que tu fasses attention.

Tu reculas d’un pas à sa vue, et avant même de t’en rendre compte, au moment où lui-même pivota et ouvrit sa posture devant toi, décalant ses chaussures de cuir en une pose solide… Ta bouche s’entrouvrit en bégayant, et c’est l’instant que ton cœur choisit pour se rompre.

Des larmes se mirent à couler sur tes joues, d’abord devant Dorian…

— Dorian, je… J’aurais dû t’écouter, je suis désolée…

Puis en les tournant vers Prissy, et tu reculas encore d’un pas même si ça les ôta à ta vue, en plaquant les mains devant ta bouche.

— Oh mon dieu Prissy, je suis désolée, je suis…

— Y/N, t’appela Dorian, en tendant la main vers toi, viens. Viens, il faut qu’on parle.

Il est…

Tu hésitas, avec l’envie de t’enfuir à nouveau. Tout ça c’était de ta faute. Evidemment que tu n’aurais pas dû faire confiance à Keith. Tu hésitas, et tu bredouillas en n’y voyant plus très clair à cause des larmes qui te piquaient les yeux, reposant ton deuixème pied au sol, mais reculant une troisième fois.

— Tu… Tu me détestes, hein ?

Je t’aime, te gronda-t-il gentiment, avant de te faire signe du doigt de t’approcher. Viens.

Malgré toi, tu refis quelques pas en avant, mais tu t’immobilisas au moment de passer l’entrée du salon. A ta droite, le meuble télé, ta télé, bizarrement en état, et une pile de DVDs de gangsters américains entassés sur le côté. A ta gauche, sur la fenêtre, plusieurs très belles plantes en pot, dont un peu de terre semblait avoir été sorties. Tu grimaças, et chercha dans le regard de Dorian.

Il sourit amèrement, puis fit un pas en avant et t’attrapa… puis te tira à lui, et t’attrapa entre ses bras dans une puissante étreinte, solide comme un bois, si fort que tu faillis en trébucher. Tu en fis peut-être même tomber, désolée, tes clés de maison – mais là, le nez entre les pecs de Dorian et lui qui t’étreignais si fort, tout lâcha.

 

Ugly crying.

 

A se blottir contre lui et à passer tes deux bras autour de lui pour le serrer fort, et gémir longuement. Dorian reposa les mains autour de toi et te tapota dans le dos en murmurant :

— Je suis là. Je suis là, pour empêcher les méchants de venir. Serre-moi aussi fort que tu veux.

Entre deux sanglots, tu parvins à jeter un œil à Prissy et Rongomaiwhenua, et gémir :

— Je suis désolée ! Si je lui avais pas fait confiance, il vous aurait pas fait…

— Ce n’est pas aussi grave que tu le crois, lança Rongomaiwhenua, dont tu eus du mal à évaluer l’expression entre deux sanglots et les yeux pleins de larmes, mais qui semblait plus agacée qu’autre chose. Mais tu devrais faire comme Dorian et apprendre à placer ton cœur.

— Ordure, gémissait Prissy en pleurant contre Rongomaiwhenua.

Dorian, toujours ses bras autour de toi, te serra un peu plus fort et te relâcha. Tu levas le nez vers toi, dans son étreinte, et il t’adressa un petit sourire narquois.

— Il t’a laissé un mot. C’est déjà une… tentative de sa part.

— Un mot ? répéta-tu, perplexe, en écartant un peu ta tête pour t’essuyer les yeux. Quel mot…

Tu t’écarta de Dorian, et remarqua un papier écrit sur la fenêtre. Le papier, néanmoins, avait connu des jours meilleurs. Tu grimaças, et Dorian tendit le bras pour le siasir et te le donner avc l’air singulièrement dépité. Tu voulus l’ouvrir et tu remarquas que ça puait la truffe, et que la moitié des mots n’y étaient pas, ou étaient écrits comme si… :

 

« to m- sex bomb

 

i leave for ibiza ur money is on the bed and min too there's everything - wha do know, Prissy's mushrrooms are worth a lot all i had was take it go grin at people and say it's good bio shit and they bought it, also Prissy is super hot

i also had enough mony for me so i go have fun and you join me when you want

love you my lil slut

but your life and all your work fucking lame

XoXo in your pussy

 

ps:  I got wasted sry hard to read »

 

 

C’était peut-être le dernier truc auquel tu t’attendais.

Tu lus les lignes une première fois

Puis tu relus

Puis tu relus une troisième fois

Puis tu plissas les yeux, tu te passa la main devant, et tu soupiras :

— Je… Faut que je m’assois.

Dorian, un bras autour de ta taille, t’entraina à une chaise avant même que tu ne le fasse, qu’il te tira, et une fois assise dessus, tu le relus encore une fois et… Tu t’éclatas la paume sur le front.

Tu brisas le silence de tout le monde qui te regardais avec expectative :

— On est d’accord qu’il est con comme une brique. Putain, le mec! Il me saute une fois, et ça y est, ça joue les filles de l’air et ça manipule tout le monde au passage et c’est même pas capable de laisser un message correctement. Quel con.

— Alors, je dirais que non, vu qu’il a quand même réussi à nous tromper tous une deuxième fois et à se faire une fortune en vendant de la drogue, râla Dorian en serrant les dents. Et à faire en sorte que tu retombes amoureuse de lui une deuxième fois.

Ses épaules s’abaissèrent, déprimé.

— … Et il a réussi à tromper tout son monde depuis son retour, à tel point que je ne soupçonnais pas un instant ce qui… ce qui nous était arrivé par le passé.

— De quoi est-ce que tu parles ? lui demandas-tu, perplexe.

Mais avant que Dorian et Rongomaiwhenua ne puissent te répondre, Prissy parvint à souffler dans les bras de la déesse, et à râler en se levant d’un coup, sa longue crinière verte volant furieusement :

— Dorian, tu te trompes ! C’était pas de la drogue ! Mais j’avais quand même pas le droit de lui prêter mes outils pour fouiller le mycelium. Il est allé chercher un type de truffe qui pousse dans les bois autour de chez moi, qu’il a devinée parce que je sentais la truffe, apparemment. Puis il a trouvé des restaurants étoilés prêts à se damner pour ces truffes. Comment ça se fait qu’il sache à quoi ça sent, je ne sais pas…

— C’est mon odeur préférée, confessa Dorian, d’une voix pâle. On a eu un propriétaire qui en cuisinait beaucoup, j’en sentais énormément, ça me rappelait la forêt, ça me plaisait, on en avait parlé tous les deux. Mais attends. Tu… Il a fait fortune avec des truffes ?

Prissy acquiesça.

— Oui. Et il s’est arrangé pour me payer une partie pour me convaincre. Mais il m’a dit que c’était pour emmener Y/N dans un voyage autour du monde, et il m’a dit que c’était légal. Déjà, j’avais pas le droit de faire ça, et ensuite… Ensuite, très clairement il m’a menti.

— C’est sûr…, souffla Rongomaiwhenua. Et moi qui croyait qu’il s’était vraiment rangé.

Et ce fut un gros silence qui s’ensuivit.

 

Tu n’arrivais pas à réfléchir. Mais une chose ressortait, et…

 

— Attendez… S’il a fait ça à la loyale, suggéra-tu après de très longues minutes. Peut-être qu’il a quand même un peu changé. Et qu’il va pas… Qu’il va pas se tuer.

— J’espère, confessa Dorian, et vos deux regards se croisèrent.

Ce qu’il y avait dans ses yeux, et dans les tiens – étaient la même chose. De l’inquiétude, pour un amour passé, et peut-être encore très, très actif.

Chapter 8: En dépit de tout, ce chat est un animal social qui reviendra avec bonheur auprès de ses maîtres et les aime très fort

Summary:

En soi, tu ne doutais pas que Keith ne voit même pas ce qu’il avait fait de mal.

Notes:

In which the MC's levels of gross are starting to mirror Keith's
Also known as the moment where MC takes the fujoshi seat

Chapter Text

            Déprimée, tu restas un instant avec tes amis et amoureux dans le silence jusqu’à ce que Rongomaiwhenua se lève en déclarant, fermement :

— Je vais aller faire un café glacé. Qui en veux.

Tout le monde leva la main, et Dorian fit de même, adressant un sévère signe de tête à Rongomaiwhenua . De sa voix grave il déclara qu’il venait l’aider, et les deux disparurent au coin du couloir. A la lumière défaillante du soir, tu vis que les joues de Prissy étincelaient… Ton cœur se brisa à cette vue.

La pauvre.

En soi, tu ne doutais pas que Keith ne voit même pas ce qu’il avait fait de mal. Et au fond, c’est sûr, il avait tenu sa promesse. Il avait récolté l’argent, sans faire quelque chose d’immoral, sans faire autre chose que d’aller chercher des produits qu’il connaissait pour être chers, les avoir refourgués au plus offrant. Le problème, c’était qu’il s’était servi des connexions et des outils de Prissy qui travaillait tout de même pour une structure affiliée gouvernementale, et qu’il mettait son poste en danger, pour quelque chose qu’elle adorait. Et qu’il lui avait promis de faire quelque chose qu’elle avait accepté pour toi et il s’agissait au final d’un mensonge.

Qu’il soit parti… Ca, c’était normal. Il ne t’avait même pas demandé d’argent, au final. Tu étais un peu dépitée, mais tu devais reconnaitre qu’il avait tenu parole – à sa façon. Plus qu’à prier pour qu’il ne se tue pas comme un crétin, et puis, rattraper les dégâts.

Tu adressas un sourire triste à Prissy, dont tu te rapprochas, et t’agenouillas devant elle. Elle semblait blessée, se tenant le coude, les yeux chargés de larmes. Ton cœur se brisait à sa vue, et tu avais envie de la prendre dans tes bras et de l’étreindre jusqu’à ce que cessent ses pleurs. Ce que tu aurais fait si tu ne t’étais pas sentie responsable. Doucement, tendrement, tu posas la main sur son bras et l’appela gentiment.

— Prissy ?

— Quoi…

— Je suis désolée. C’est de ma faute s’il s’est servi de toi. Je te demande pardon…

— Comment est-ce que tu veux que je t’en veules ? demanda-t-elle en relevant un regard tremblant vers toi. On t’aime tous, tu sais…

— Et vous vous aimez tous, ou presque, repris-tu en souriant gentiment. Mais ça n’excuse rien. Il est hors de question que tu perdes ton job de rêve à cause de lui.

— Je vais pas perdre mon travail, hein…, grimaça-t-elle. C’est juste que… J’y ai cru, il m’a convaincu, j’ai cru que tout allait bien se passer. Il a une façon de vous rassurer, c’est…

Elle s’essya les yeux, mais continuait de couler du nez. Ses beaux yeux brillaient de larmes, et eux que tu aimais tant voir scintiller de joie, te brisaient le cœur.

— Je comprends comment tu as pu tomber amoureuse de lui, quoi, confessa-t-elle. Mais j’ai pu rattraper le coup avec mon responsable. Il est prêt à passer l’éponge, mais contre une partie des revenus.

Tes épaules s’affaissèrent et un grand sentiment de lassitude te prit.

— … Je m’en occupe. C’était une belle somme que vous avez récoltée, mais c’était pas non plus au point de me ruiner. Même si c’est pas l’envie de laisser Keith se prendre une amende qui me manque… Quel blaireau.

Prissy éclata de rire en essayant de s’essuyer le nez, mais sa main se retrouva pleine d’une morve verdâtre. Tu grimaças :

— Désolée pour tout ça. Attends, je te passe un mouchoir.

Pendant qu’elle continuait de parler, tu cherchas un mouchoir, mais à défaut d’en trouver un sur toi, tu te retournas pour en prendre un dans les boîtes de mouchoir du meuble télé. Normalement il t’en restait, mais là, tu trouvas à la place des mouchoirs usagés secs mais plein de terre et d’un autre substance –

— Putain, Keith, t’es vraiment dégueulasse, soupiras-tu en te servant d’un autre mouchoir pour rassembler les papiers – collés – sur la table et tu te retournas pour tendre un mouchoir propre à Prissy. Tiens… Désolée. Et non, j’pense pas qu’il m’aime. Je pense qu’il s’aime et il aime son plaisir plus que tout au monde. Nous, on passe même pas au second plan, on passe au millième tiers. Et il t’a manipulée comme il m’a eue moi, et ça me fait chier.

Puis, tu fis quelque chose dans ton agacement, pendant que tu continuais de nettoyer, que même toi tu eus du mal à comprendre : tu récoltas les mouchoirs usagés dans l’autre mouchoir propre, d’accord… et par un geste instinctif indescriptible, tu les reniflas .

 

Ce fut un mega. Gros. Silence qui se fit autour de toi.

 

Déjà : ça ne sentait rien – ce qui était peut-être un soulagement – mais surtout, tu sentais les poids de trois regards peser intensément sur toi. Tu reposas doucement les mouchoirs, sur place, et… Rongomaiwhenua, revenue dans la pièce et pour le moment immobilisée à côté du piano, se clarifia légèrement la gorge, au bout de bien vingt secondes d’une gêne, et d’un silence, intense. Tu avais réussi à ne pas entendre les pas revenir, et ne pas voir du coin de l’œil Dorian qui tenait les cafés glacés dans un plateau. Celui-ci voyait sa posture droite légèrement branlante par rapport à d’habitude.

Trop forte la fille. A peine obsédée.

— Euh…, bredouilla-tu en jetant un œil à Prissy et en agitant le mouchoir propre que tu étais en train de lui tendre. Si tu as besoin…

— … Merci, grimaça-t-elle, mais sa main se tendant vers toi ne prit le mouchoir que du bout de deux doigts pincés et l’air dégoûtée.

Elle considéra ensuite le mouchoir avec l’air quelque peu hésitant à l’idée de se sécher les joues avec. Franchement, tu comprenais. Aussi, euh, obsédée l’était-tu par lui, et quelque peu fanatique de bonne parties de jambes en l’air, ça te donnait pas vraiment envie non plu.

— On peut savoir ce que… ce que c’était que ça ? demanda Dorian, avec cette voix typique un peu robotique qu’il avait d’homme qui ne sait pas trop comment réagir.

— Tu veux sincèrement que je te réponde ? grimaças-tu en reposant ton regard dégoûté sur les mouchoirs souillés a moitié de truc bizarre et de… terre ? que tu repris enroulé du propre, pour te lever avec et te préparer à aller les jeter. J’en sais rien, il a dû faire des cochonneries en matant un film…

Du menton, tu fis un geste dégoûté en direction du côté du meuble télé où s’accumulaient les dvds de film de gangster. Ils n’étaient absolument pas rangés correctement, comme s’il avait tout reposé rapidement d’un coup.

En soi, ça ne te dérangeait pas, c’était plutôt…

— Doit sûrement se faire plaisir en regardant des films de gangster, il doit se prendre pour eux ?

Une légère toux se fit et tu jetas un œil au fond de la pièce, en direction de Rongomaiwhenua. Le plafond et/ou les tableaux que tu avais mis au mur semblaient soudain revêtir un intérêt absolument capital pour elle. Alors tu voulais bien que certes, le tableau de cette petite maisonnée dans les bois était très joli, et il y avait beaucoup de verdure, mais enfin…

Ses bras croisés sur sa plantureuse poitrine, ou serrés autour de son volupteux mais magnifique corps, tu notas qu’elle avait une posture un brin, comment dire…

Coupable ?

C’est pas possible.

— … Rongomaiwhenua… ? appela-tu avec un petit sourire taquin sur les lèvres. Si tu sais quelque chose, n’hésite pas…

Ton appel la fit rougir un brin et elle continua de t’éviter quelques secondes, avant de pousser un petit soupir d’amusement, lever les yeux au ciel, puis les reposer sur toi, avec l’air quelque peu complice.

— Petite astuce… Il sait très bien suivre les instructions.

— Mais enfin, de quoi est-ce que vous parlez ? s’étonna Prissy, dont les yeux s’écarquillait au fur et à mesure.

Dorian vous fixait toutes les deux, avec son plateau chargés de cafés toujours en main, et ses sourcils s’étaient pour l’un froncé, l’autre levé. Il se racla la gorge avec malaisance.

— Disons que le concept d’amitié est une idée qui se perd. Est-ce que je peux déposer ça, ou…

— Ah oui, désolée ! t’écrias-tu avant de te hâter de débarrasser la petite table, qui était pleine de papiers randoms, des feuilles de calcul et autres, d’une main avant de te lever.

Rapidement tu courus ranger les papiers puis jeter le reste dans la poubelle et te laver les mains, puis tu te hâtas  de revenir.

 

A ton retour, tout le monde s’était assis, et bien que l’atmosphère relativement plaisante qui régnait depuis ta taquinerie avec Rongomaiwhenua tout à l’heure avait disparu, il y avait une gravité entre eux désormais qui s’était installée, que tu remarquas aussitôt.

Prissy, couverte de la couverture de Mateo qui trainait là depuis des siècles, se l’était mise dessus et était en train de siroter le café glacé, et ses yeux s’écarquillaient, elle se léchait les lèvres en s’étonnant du délice. Dorian et Rongomaiwhenua cote à côte cependant avaient quelque chose d’assez raide dans leur posture, ce qui n’était certes pas surprenant venant d Dorian, mais de la part de Rongomaiwhenua… en plus tu avais l’impression d’avoir été une lycéenne turbulente convoquée au lycée puis rentrée pour voir tes parents tous les deux assis comme ça, à deux doigts de te faire des remontrances. Cela n’était bien sûr pas du tout quelque chose que tu avais déjà vécu, et encore moins à cause d’une histoire de cahier de cours que tu avais recouvert de dessins de gens en train de se faire des câlins plus ou moins chaud.

Tu grimaças, et ala t’asseoir avec décidément l’impression d’être au tribunal, à côté de Prissy. Machinalement tu lui caressas l’épaule d’un bras, mais de l’autre tu supportas le regard des deux grands qui avaient détourné les yeux vers toi, et tu t’enquis :

— Qu’est-ce qui… se passe ?

— Ecoute, Y/N, finit par dire Dorian en se tournant vers toi, j’ai quelque chose à te raconter. Et j’ai besoin que tu restes là jusqu’au bout.

— Le mieux aurait été de le faire avec toutes les personnes inclues, grimaça Rongomaiwhenua, en prenant son propre verre à deux mains, la beauté de ses traits et de ses tatouages ressortissant d’autant plus magnifiques quand la gravité pour laquelle elle était si connue auparavant se montrait en elle. Mais Keith risque de ne pas être là avant un moment, et si… s’il survit et qu’il est sérieux quand il veut que tu le rejoignes… il faut que tu saches une chose. Son comportement, il ne sort pas de n’importe où.

— Qu’est-ce que c’est ? t’étonna-tu, soudain inquiète.

Il était vrai que Keith se comportait différemment depuis son retour, il n’y avait pas l’ombre d’un doute. Tu avais supposé que c’était à cause de son voyage pour le moins épuisant, mais à leur expression, et à celle de Dorian, qui paraissait hantée, tu avais l’impression que c’était autre chose.

Tu ne pouvais pas savoir ce qui se passait. Pourtant, tu ressentis tout de même, à la tension de leur corps, au poids très précis et compact qu’ils exercaient sur les sièges où ils étaient assis droit, que ce qu’ils voulaient te dire était important.

— Y a… pas mal de choses que tu ignores sur lui, confessa Dorian en enfonçant une main dans ses cheveux châtains, les yeux fermés de douleur. Pas que sur lui. Sur les occupants les plus… anciens de cette maison.

Il évita ton regard.

Le videur, ton videur, avait une posture assise loin d’être son élégance ferme d’ordinaire. Les jambes écartées, les coudes sur les genoux, les mains unies, les pouces qui se tournaient vite, et lui qui t’évitait, les épaules tendues et nerveuses, non plus simplement carrées de menace, contractées de pression. Sa bouche, en une moue nerveuse. Ses mains agitées, ses yeux fuyants.

Décidément, quoiqu’il ait à te dire, ça n’était pas pour rien.

— Dorian, murmuras-tu en tendant la main vers lui. Qu’est-ce que tu veux me dire ? Qu’est-ce qui vous lie comme ça ?

— Et bien voilà. On ne t’en aurait pas parlé autrement, car… car la plupart d’entre nous avaient oublié, commença Dorian, dont le moindre mot semblait difficile, mais de récents évènements et une entrevue entre Rongomaiwhenua et Keith ont fait ressurgir tout cela.

— Disons que, si j’ai décidé de faire suffisament confiance à Keith pour lui proposer de travailler à ma ferme, continua Rongomaiwhenua avec un sourire amer, et ses doigts élégamment croisés sous son menton, ça n’était pas que pour ses beaux yeux.

Prissy, à tes côtés, tressaillit. Et toi non plus, tu ne compris pas.

Tu fronça les sourcils et te raidit, et malgré toi, tes doigts sur l’épaule de Prissy se contractèrent. Ce sentiment sourd d’angoisse croissait au creux de ton ventre.

— Pour quoi, alors ? Vous vous connaissiez ?

Rongomaiwhenua t’adressa un sourire faible, et cligna lentement, lourdement des yeux, telle une lionne devant un petit. Tu frémis : elle t’iimpressionnait toujours autant, et rougis à profusion.

—  Si je le connais ? Je suis la personne en ce monde qui le connait le mieux. Je l’ai bercé dans mes bras pendant quarante ans.

Quoi

Ton cœur loupa quelques battements, te sembla-t-il, en voyant Rongomaiwhenua sourire avec bienveillance et jeter un coup d’œil à Dorian, qui avait pâli et se contractait sur son siège. De le voir ainsi t’accabla le front d’inquiétude : que se passe-t-il ?

— Et quand je l’ai revu chez toi il y a quelques semaines, celui que j’ai vu n’était plus du tout celui que j’ai vu te courtiser et te servir le grand numéro du « Majordome » poli, confessa Rongomaiwhenua avec un lent signe de tête. J’ai téléphoné à Dorian lorsque vous vous disputiez sur le canal général, pour lui en parler. Mais malgré ce qu’il a fait à Prissy, et ce qu’il t’a fait, il y a quelque chose que tu dois savoir sur Keith, Dorian, et… Et une visiteuse très fréquente de chez toi.

La sidération faisait tellement partie de toi à présent que tu ne parvins même pas à réagir. Prissy le fit pour toi en laissant couler ses mains le long de ses cuisses, stupéfaite, et bredouilla :

— Attends… De qui est-ce que tu parles ? Qu’est-ce que tu as vu qui t’a motivé à me le présenter ? J’avais confiance en toi, et je…

— Il –

 

Rongomaiwhenua ne put pas finir sa phrase parce que tout d’un coup ton téléphone sonna. Sonnerie bien forte parce qu’évidemment tu avais mis à fond la cause, des fois que ton emmerdeur de quatre-vingt-sixième amoureux se décide à appeler.

Il y eut en tout et pour tout trois secondes de silence où tu restas bloqée sur place pendant la première, la seconde tu les balaya tous d’un regard paniqué, puis la troisième tu vis Rongomaiwhenua te faire un léger signe de tête, Dorian aussi, et Prissy qui comme toi cherchait à comprendre. Puis tu enfonças rapidement la main dans ta poche pour en tirer le téléphone et tu te levas aussitôt pour répondre à l’appel, plaquant ta main de l’autre côté de ton oreille pour mieux entendre, et de pas pressés tu filas dans ton bureau.

Le numéro était inconnu, et tu paniquais si vite que tu t’imaginas aussitôt que c’était quelqu’un pour te dire qu’il était arrivé malheur à Keith. La voix tremblante, tu bredouillas :

— Keith ?!

— Bonjour ! I’m calling about your car’s extended warranty ! I-

Les dents serrées, tu raccrochas en luttant contre l’envie monumentale d’envoyer ce téléprospecteur se faire foutre – et tu entendis vaguement en fond Prissy demander ce que c’était, Rongomaiwhenua qui soupirait de lassitude et Dorian qui ne pouvait s’empêcher de renacler, avant que ton regard ne se pose sur ton écran juste avant que celui-ci ne s’éteigne pour cause d’inactivité.

Un frisson te glaça le sang, et tu manquas d’en faire tomber ton téléphone.

 

partyhardandfuckbitches- bébé mon avion a un retard de 4 heures

partyhardandfuckbitches- je crois que tu devais rentrer aujourd’hui alors… si tu as envie de venir t’envoyer en l’air littéralement je t’attends ;)

partyhardandfuckbitches- j’attends que toi

 

La pulpe de tes doigts sur l’écran, tu hésitas.

Tu avais envie d’y aller. Non pas pour prendre l’avion, bien sûr. Aller à Ibiza, ça ne te branchait pas. Ou plutôt si, mais pour la plage et la détente, pas pour le clubbing. Pas pour ces choses qui continuaient à intéresser Keith en dépit de vos paroles.

Mais tu étais fâchée contre lui. Et en même temps troublée.

Que sais-je de toi , en fait ? réalisas-tu, ton regard concentré sur ces quelques mots. Ton cœur se prit dans ta gorge, et tu avalas difficilement ta salive.

Tes mains tremblaient, et sur ta peau, ta légère pilosité s’était retroussée, une chair de poule légère. Rapidement, tu recalculas.

Tu as 120 ans, et tu as été conçu à Gibraltar, mais au début de ta vie tu vivais dans un manoir, où après quelques années, l’on a fait étalage de ton élégance, sur un mur. Tu me l’as raconté un jour avant ta Réalization, juste après quelques câlins, entre deux… entre deux nourrissages.

Tu rougissais d’avance. Tu te souviens que tu lui avais amené pour changer non pas des bonbons mais quelques raisins délicieux, parce que tu avais confessé que les bonbons n’étaient pas ce que tu préférais, mais tu aimais plutôt les trucs chocolatés et fruits naturels… et aussi parce que tu avais besoin de le voir en train de « croquer la pomme ». Ton sous-entendu l’avait fait sourire, et allongée sur le dos, ta tête sur ses genoux, lui reposé paresseusement comme un chat contre la tête de lit, il avait pris un malin plaisir à te les glisser entre les lèvres, un par un, ces fameux et délicieux grains de raisin. Tu avais fini par rire en disant que c’était plutôt à lui que tu voulais les faire manger, parce qu’il avait l’élégance de quelqu’un à croquer ça allongé sur un divan. Il avait suivi ta pensée, amusé, et deviné que tu l’accusais de dater de la rome antique. Alors il s‘était un peu ouvert à toi sur son passé, d’avant la maison.

Comme quoi, il avait été un objet d’une grande élégance conçu qu’avait acheté une épouse d’homme riche lors d’un voyage avec son mari, qui vivaient tous les deux dans un très grand et très beau manoir. Tu avais été fait sur mesure, en copiant l’une des clés de cette dame, et lors de votre retour tu avais été confié à l’amant de la dame en question. Tu avais ainsi aidé à leurs rendez-vous secrets, jusqu’à ce que périsse le mari âgé de la dame, et que l’amant prenne sa place lors d’un remariage ma foi sommes toutes assez rapide. Là-bas, en souvenir, ils t’avaient exhibé selon toi sur un mur – tu avais quelques doutes là-dessus -  et pendant quelques générations, les enfants t’avaient piqué pour faire des bêtises, comme les créatures comme toi étaient beaucoup plus puissantes par le passé. Tu avais servi à faire quelques mauvais coups, mais jamais rien de bien grave, selon toi…

Puis l’un des petits-petits-enfants s’était fait pincer avec sa clé, et il s’était enfui. Il avait atterri en même temps que le descendant ici, et puis il avait progressivement perdu de l’importance jusqu’à ce qu’un jour un des propriétaires le jette dans le vide sanitaire, sans qu’il ne comprenne pourquoi.

Tu avais une nouvelle fois témoigné ta sympathie, et il t’avait distraite en te faisant relever la tête à lui pour s’emparer de ta bouche et te faire te redresser sur les coudes, t’attirer à lui.

Je sais que tu n’as plus cette persona de majordome et d’homme mature gentil depuis un moment. Je sais que tu te sens nettement plus jeune que tu ne l’est, et tu as envie de vivre à fond.

Je sais que tu es capable des trucs les plus crades et les plus élégants qui soient.

Je sais que tu aimes bien la nourriture, les saveurs complexes mais aussi les plus simples. Je sais que tu regrettes de ne plus pouvoir fumer la pipe, et que tu fumais déjà dans ton autre persona, par souvenir du passé. Je sais que tu adores faire l’amour, et me faire crier.

Je sais que tu t’intéresses beaucoup à la technologie, pour des raisons évidentes.

Je sais que…

 

Tout cela te paraissait superficiel.

Les larmes te montèrent aux yeux, alors que debout, chancelante, tu fixais ton écran du regard. Le monde semblait s’éloigner de toi. C’était comme si tu voyais les choses avec du retard.

Je sais que tu es un voleur, je sais aussi que tu as une joie de vivre à toute épreuve, que tu veux vivre à fond, je sais que tu es plein d’émotions, un manipulateur, et quand tu es sincère, tu me remportes toujours.

Je sais que tu aimes toujours énormément Dorian.

Je sais que…

 

— Hé, Y/N.

Tu y voyais flou, tellement tu étais concentrée. Tellement tu tremblais. Tu étais dans le couloir, car quand tu avais décroché tu avais commencé à faire machinalement les cent pas. Le couloir même entre la cuisine et l’entrée. Ce couloir où Keith t’avait…

Tu levas les yeux de ton téléphone, et avant même de voir son visage, tu vis cette large poitrine prêt de toi, et sentis la main qui se posait sur ton bras. A l’autre main, un casque.

Au dessus, Dorian, impassible.

— Il va y avoir des embouteillages à cette heure-là, déclara-t-il froidement. Monte. Je t’emmène.

— Quoi… ?

Il avait dû voir ton écran. Ou quelque chose d’autre.  Bêtement, tu te contenta de le contempler, la bouche ouverte.

— Pardon ?

— La moto, précisa-t-il en te mettant le casque contre toi. Si tu y vas en voiture, tu mettras trop longtemps et tu n’auras pas beaucoup de temps. Monte.

Ses yeux étaient impitoyables.

— Et moi aussi, j’ai deux trois mots à lui dire.

Ca ressemblait à de la colère, et de la peine en même temps. Et à voir combien l’habituellement tranquille Dorian semblait tourmenté…

Tu acquiesça, bien volontiers. 

 

            *         *         *         *

 

             Il y a quelque chose que tu as tendance à oublier parce que, comment dire, Dorian ne vient pas beaucoup te voir, et que quand il le fait vous ne vous touchez pas beaucoup, mais…

 

Quand tu étais collée à lui dans son dos, tes bras passés autour de lui, la sensation était formidable. Pour quelq’un qui était restée enfermée chez toi pendant des mois d’affilée, tu profitais pourtant fort bien de l’extérieur. Voir les champs défiler, les forêts, succéder aux villes… Et d’encore plus près, d’encore plus vivace qu’avec la décapotable…

C’était un bonheur, que sur l’instant, tu ne pus faire qu’en profiter.

D’être sur une moto à zigzaguer entre les voitures, à filer en ligne droite, et à sentir entre tes jambes la puissance tremblante de la machine, c’était déjà agréable, mais quand à un moment, en rejoignant les abords de l’agglomération entourant l’aéroport, vous dûmes vous arrêter à un feu rouge, Dorian posa le pied au sol et vous stabilisa, devant le feu.

Par-dessus son épaule, tu vis l’aéroport se dessiner plus loin, le logo. On voyait même un avion en train de décoller, et surtout, on l’entendait.

Ce qui signifiait aussi que Keith, l’un des plus… originaux de ton polycule massif, ou en tout cas faisant partie du lot dit « problématique », n’était pas loin.

Tu tremblas un peu d’angoisse, car autant tu mourrais d’envie de le revoir, autant il y avait tant de non-dits entre vous et des conneries qu’il faisait à n’en plus finir, et tu resserras sans t’en rendre compte tes bras autour de lui, posant ton front contre son dos. Comme pour te rassurer, un frisson te parcourant.

Tu eus l’impression d’entendre la voix grave de Dorian murmurer « Allons… allons, » peut-être une illusion à cause du bruit ambiant, et tu l’ignoras, anxieuse, regardant rapidement les véhicules autour de vous. Une main gantée, cependant, se posa sur tes bras et t’attira contre lui. Gantée, et forte, et… Et la sensation de Dorian, chaud, dur, mais pourtant définitivement aimant, serrant tes bras contre lui, fut assez pour te tirer de ton angoisse.

Tu ne le voyais pas, mais un sourire se dessinait sur tes lèvres, malgré la situation, que tu aurais été bien incapable d’ôter. La joue contre son dos, même séparés d’un épais blouson, tu avais l’impression de sentir son cœur battre, un tout petit peu plus fort, un petit plus vite, au moindre de tes mouvements. La pulpe de son pouce te caressa un peu, puis le feu passa au vert.

 

L’aéroport apparut enfin. L’aéroport près de Coolsville n’était pas très grand, mais comme il pourvenait aux besoins de Valdivian, il débordait néanmoins d’activité. Tout comme la Tour Valdivian, il était grand, un design futuriste mais lumineux, et étrangement à présent devenu chaleureux quand un an auparavant il était encore stérile. La moto, dans un grondement profond mais puissant, quitta les files des voitures pour rapidement se faufiler au portique, entouré de deux plots et d’une cabine de garde où quelqu’un dormait. Dorian, tendu comme un fil, prit son ticket, et se glissa sur la voie de dépôt rapide. Ton cœur s’emballa dès que Dorian posa un pied au sol après avoir éteint sa moto, et tu resta une ou deux secondes de plus contre lui pour l’étreindre, peut-être encore un peu plus fort qu’avant.

Tu avais peur.

Ce câlin se prolongea un peu plus. Vous aviez été rapides, en effet, ce qui signifiait que Keith n’était plus très loin. Et vu tout ce qui s’était passé récemment, et toutes tes pensées contradictoires... Tu ne savais plus que faire. Dorian tourna la tête vers toi, sur la moto, lui aussi hésitant un peu, et il t’observa quelques secondes au travers du casque.

Tu finis par soupirer pour reprendre tes esprits, puis, avant qu’il ne dise quelque chose, tu posas un pied de toi-même sur le sol. Il faisait chaud, même à cette heure de début d’après-midi, et quand tu ôtas ton casque tes cheveux étaient trempés de sueur.

— On y va ? demanda-tu à Dorian en lui adressant un sourire plus fier que tu ne l’étais, en lui tendant la main.

Eternel problématique de la romance, Dorian te sourit néanmoins, mais au lieu de te prendre la main, posa la sienne au creux de ton dos et appuya doucement. Le signal reçu, tu te mis en route.

 

Dès votre entrée à l’intérieur de l’aéroport cependant, vous remarquez qu’il y avait plus de monde qu’à l’habitude. Beaucoup de passagers y attendaient, avec force râles et l’air blasés, et tandis qu’à présent ton bras à celui de Dorian vous traversiez le hall principal en direction du portique de sécurité pour vous présenter sur insistance de Dorian, tu écoutas une conversation.

Au milieu d’une rangée occupée de passagers plus ou moins débraillés occupés à faire des Sudokus (et un à lire un magasine où Dolly faisait la première page), et à côté d’un couple qui avait du mal à tenir un gamin surexcité en train de leur raconter son dernier match de baseball et la passion absolue de l’arbitre qui tenait à réexpliquer toutes les règles dès la moindre erreur, une femme irritée était en train de vociférer dans son téléphone en broyant ses ongles manucurés dans sa main :

— J’y crois pas. Retardés pour des champignons !  Ils ont trouvé des champignons dans les conduits d’aération de l’aéroport ! Tu y crois, toi ?

Dorian avança d’un pas alors toi aussi, mais tu continuais à écouter avec attention la conversation, l’oreille frémissante. La dame continuait de pialler avec irritation, et un homme à côté d’elle lui siffla qu’il aurait apprécié qu’elle bouge ses fesses de là. Elle lui adressa en retour une grimace qui aurait rendu Tina fière, puis se retourna sur son siège, croisa les jambes et continua à râler :

— Non ! Même pas ! Des… des vesses-de-loup ! Enormes ! Tu sais, les champignons qui font un genre de fumée quand tu marches dessus ? Ouais non je pige pas, mais ils ont eu peur que ce soit un risque pour la sécurité, ils ont retardé tous les vols de quelques heures le temps d’analyser le truc ou quoi.

— Ca, c’est signé, souffla-tu en levant les yeux au ciel. Bon c’est pas vrai…

— …  Quand on sait ouvrir toutes les portes, j’imagine que c’est facile de faire des mécréantises pareilles…, râla Dorian tout bas en t’attirant un peu en avant. C’est bientôt à nous. Il t’a répondu ?

Tu avais envoyé un message à Keith dès que tu avais enfilé le casque de moto chez toi, pour lui dire que tu arrivais, et que tu voulais savoir où il était. Evidemment, il n’avait pas répondu. Irritée, tu rangeas à nouveau ton téléphone dans ta poche en souffla lourdement :

— A ton avis.

— J’aurais dû m’en douter, grinça Dorian. C’est…

 

Il ne put pas terminer de râler, parce qu’une voix diablement séduisante retentit, un peu plus haut, résonnant d’une joie de vivre indécrottable, et s’accompagna de l’ombre de quelqu’un qui de la salle circulaire des activités juste après les portiques d’enregistrement s’avançait vers vous, les bras levés :

— Mais, c’est Y/N ! Tu es venue, quérida ! Je ne m’attendais pas à te voir si vite !

Ton corps réagit à ta place : tu bondis sur le côté en essayant de voir derrière la masse des visiteurs de l’aéroport qui faisaient la queue, et comme de juste, quand tu te fus décalée vers les rubans qui maintenaient la circulation des gens dans les files d’attente, un sourire à un million de dollars accompagné d’une paire d’yeux gris scintillants, un visage plus que charmant , une barbe et une moustache fort savamment soignés, bien plus qu’ils ne l’avaient été chez toi, et…

Rien que de loin, tu vis qu’il portait un costume qui lui seyait à ravir. Costume assez familier, du reste. Tu rougis d’emblée à fond, mais te força à te reconcentrer en te rappelant que vous aviez quelques choses à lui dire ; et puis Dorian d’une main sur ton épaule te rattira dans sa direction et dans le rang avec la fermeté d’un videur qui vous rappelle juste à l’ordre passivement. Tu t’écrias :

— Attends, j’arrive !

Puis les agents de la sécurité, à qui tu expliquas rapidement que vous n’étiez là que pour voir quelqu’un qui devait monter dans un avion et que tu repartirais ensuite, dont l’un ne cessait de te regarder fixement, procédèrent à l’examen rapide de vos affaires et de vous. Leurs actes étaient précis, même après vous avoir fait passer sous le portique et passé le détecteur de tusavaispasquoi le long de ton corps, mais tu ne leur prêtas pas la moindre attitude. Un peu plus loin, Keith les bras croisés adossé avec élégance à un pilier te couvait d’un regard étincelant, son large sourire et ses pommettes relevées révélant fort bien l’excitation qui le revêtait rien qu’à ta vue, quelques mètres plus loin. Impossible de le gronder, quand il avait une expression si heureuse au visage ? Tu secouas la tête d’un faux dépit devant lui, rien qu’à le voir, et tu tendis ta veste sans réfléchir aux agents pour qu’ils la passent aux rayons X.

Sa bonne humeur néanmoins s’affaissa dès que le visiteur suivant passa au portique de sécurité. Il devint même blême, et décroisa les bras pour se redresser, faire la grimace.

— Ah…, grinça-t-il, reculant de quelques pas.

Mate, tu as intérêt à attendre ici, gronda Dorian en enlevant sa veste qui à vue de nez devait peser dix kilos, pour la confier à l’agent de sécurité. On a quelques explications à se donner, toi et moi.

Tu terminas de récupérer tes affaires rapidement, d’autant que plus loin ton… amoureux manifestait tous les signes de quelqu’un qui regrettait d’être là, quand l’un des agents de sécurité, celui qui venait de t’examiner et laissait son collègue s’occuper de Dorian, te tapota sur l’épaule.

— Dites, euh…, commença-t-il au moment où tu allais partir. Vous êtes bien… Y/N ?

— C’était marqué sur ma carte d’identité ? grimaça-tu en te tournant vers lui, perplexe. Pourquoi… ?

Tu échangeas un œil perplexe avec Dorian qui se faisait examiner et semblait sur ses gardes, foudroyant l’argent de sécurité du regard. Celui-ci, qui t’était familier, grimaça et fit quelques pas en avant avec toi, pour te rendre ta veste, et te souffler en se penchant légèrement vers toi, d’un air de conspirateur et aussi de coupable à la fois :

—J’voulais juste vous dire, euh…

— Je vous connais, vous ? t’étonna-tu, bien que c’était du malaise. On s’est déjà vus.

L’homme, qui avait une carrure plus que carrée et massive, parut gêné à l’idée, et il se pencha davantage vers ton oreille dans un geste qui n’avait rien de séduisant, pour souffler :

— Ouais, euh… j’étais un garde du corps de Mr Emmanuel…

La mention te fit tressaillir et tu grimaças, et recula de quelques pas en le foudroyant du regard, tes pas te menant droit contre ton ancienne porte qui dans un geste fortement pratiqué, t’esquiva pour se positioner devant toi, en posture de protection.

— Emmanuel ?! glapit-tu. Qu’est-ce que vous faites ici ?

— Bah franchement j’étais pas super bien payé, dit l’homme avec l’air gêné, et puis il y avait pas la sécurité de l’emploi, j’voulais juste vous dire, ben, j’suis désolé, je…

— Arrête de mentir, mon pote, dit Dorian menaçant. Qu’est-ce que tu veux lui dire.

— Argh ! râla l’agent en faisant signe à son collègue que tout allait bien, et passa une main dans ses cheveux en soupirant lourdement. Bref ! J’voulais juste vous dire, on a. Euh. Reçu la visite d’une femme très très énervée, apparemment une amie à vous, et. Euh. Il vous embêtera plus.

Tu haussas si haut les sourcils qu’ils manquèrent de toucher le plafond.

— Pardon ?

L’homme se creusait encore plus la tignasse, sans prêter attention à la liste des visiteurs scandalisés qui s’allongeait au portique. L’autre agent avait l’air d’avoir la matraque qui le démangeait, alors tu pris Dorian d’un bras pour l’écarter doucement et lui murmurer de se calmer.

Le premier agent soupira :

— Une femme blonde, qui disait s’appeler… Sophia ? Elle euh, j’suis désolé de dire les choses si crument –

— Vous vouliez me gang-bang, signala-tu, presque imperturbable.

Il tressaillit en voyant les yeux de Dorian s’écarquiller de colère. L’agent se grattait si fort qu’il devait s’en faire mal, maintenant.

— … Bref, notre patron c’est sa pute maintenant. Genre, cuir cuir moustache, sauf que c’est elle qui porte la moustache. Donc euh ben maintenant je fais la sécurité dans les aéroports. C’est…

— Je ne veux même pas savoir comment vous avez réussi à tromper l’enquête nécessaire qu’on mène sur vous, décréta Dorian le regard dur. Y/N, j’ai deux mots à lui dire. J’arrive.

— A tout de suite, souffla-tu en serrant les mains avant de lui fausser compagnie.

 

Keith, qui avait reculé au niveau d’une fontaine au milieu de la pièce, te sourit avec bonheur en te voyant approcher et Dorian rester en arrière. Tu ne fis pas tant attention à son costume, ou plutôt tu remarquas vaguement que ça l’épousait à merveille, parce que son visage… Il avait cette expression absolument conquérante, les yeux rieurs, ses pattes d’oies plissées et ses fossettes apparaissant dès son large sourire, qui te vainquirent le cœur immédiatement. Malgré ta colère contre lui, tu ne pus t’empêcher d’être momentanément prise de court par son charme presque gamin qui jaillissait si pur, là.

Il écarta les bras et s’écria :

— Mi amor ! Viens donc m’embrasser, que tu m’as manqué !

— Andouille, soupira-tu en t’approchant, et en devenant très vite incapable de t’empêcher de lui sourire, malgré tes grands efforts pour lui faire la gueule, résultante en une grimace mi-narquoise. Tu es infernal, tu le sais ?

— C’est ainsi que tu m’aimes

Sur ce, il ne mit pas une seconde avant de te prendre dans tes bras et se pencher d’un coup sur le côté pour te faire tomber dans ses bras et t’embrasser, comme dans un film. La surprise te prit un peu de trop, et tu ne parvins pas à réagir, et tu étais furieuse de sentir ton cœur qui avait envie de lui sauter dessus, de l’embrasser à ton tour. Mais l’image de Prissy en train de pleurer te revint, et de ce stupide mot qu’il t’avait laissé, et tu détournas la tête en plein baiser. Lui refuser un baiser parut le frustrer, mais seulement quelques secondes. Toi, cependant.

Quand il te lâcha, les yeux pétillants, il ronronnait joyeusement :

— Ton pirate ne t’a pas fait oublier ton séduisant bandit, alors ?

— Parce que tu crois qu’un homme comme toi ça s’oublie ? rétorquas-tu. Et je ne veux pas dire ça en positif.

Il te rattrapa bien vite, mais avec un petit rire nerveux, te reposas les pieds au sol et te releva contre lui. Dans une étreinte si proche, l’un contre l’autre, tu ne pus t’en empêcher, surtout entre ses bras, et tu lui fit une pichenette sur le front. Le geste était un peu enfantin, mais… vu la joie purement gamine peinte sur son visage ?

Bon dieu, il était irrésistible.

— Keith, le grondas-tu. Il faut qu’on parle.

— Oui, du premier endroit où on va une fois là-bas ! s’exclama-t-il, t’étreignant toujours fort. J’avais fait mes plans la dernière fois, mais pas pu les exaucer. Mais cette fois ensemble, et si on commençait par un strip-

— Minute, papillon, le gronda-tu en t’écartant un tout petit peu, restant tout juste entre ses bras assez pour baisser les yeux.

Et tu avais juste prévu au début de poser tes mains sur son torse pour t’écarter, mais. Mais il avait mis ce matin avant de partir un costume que tu lui avais acheté pour remplacer celui qu’il avait en arrivant chez toi quelques semaines auparavant, deux mois ou un peu plus peut-être, et.. diable. Une chemise d’un blanc rosé qui suivait les contours de son corps à merveille, au col légèrement ouvert de quelques boutons pour laisser deviner une partie de son délicieux torse, et seyait si bien…

Tu t’en lasserais jamais

Une veste de costume et un pantalon gris d’un léger pourpre aussi, qui lui allaient encore mieux, et qu’il avait peut-être retouché lui-même ?

Sur son visage, sa barbe et sa moustache avaient clairement été taillés il y a peu pour être bien parfaits, ses cheveux étaient propres et soyeux comme s’il sortait de chez le barbier, et sa bonne humeur dansait si fraiche sur son visage que tu n’arrivas même pas à t’écarter.

Il inclina la tête sur le côté, avec toi dans ses bras, et sourit, ravi. Tu fronçais les sourcils, en colère, et t’accrochant autant à cette colère que possible. Infernal. Absolument infernal.

— Pourquoi donc ?

— Tu crois pas que tu exagères ? le gronda-tu en prenant sans réfléchir sa cravate entre tes mains – grise-bleu elle aussi – pour la serrer un peu et l’approcher de ton visage en un geste très, très proche..

Et tirer vers le bas, comme pour le rappeler à l’ordre. Il grimaça légèrement en devant baisser la tête, et tu en profitas pour t’ôter de ses bras et le gronder du regard.

Un peu plus loin, on aurait dit que tu tenais un cheval en laisse, que tu étais en train de gronder.

— Dis, tu m’as même pas attendu, t’es parti comme un voleur, et en plus en arnaquant Prissy. C’était vraiment la peine ?

— Tu n’as pas l’air si fâchée que ça pourtant, ronronna-t-il. Ton bandit de grand chemin, tu l’adores…

— Oh s’il-te-plaît, protestas-tu en tirant une nouvelle fois sur ta cravate, et il baissa un peu la tête, pour suivre le mouvement.

Vraiment, on aurait dit que tu le menais à la baguette.

—Je ne suis pas d’accord pour que tu fasses des coups pareils aux autres. Et à moi. Si tu veux avoir une vie en société, tu peux pas te comporter comme ça. Je ne te suis pas, tu veux aller faire la fête ou bien tu veux un avenir avec nous ? Parce que mettre Prissy en danger, c’est pas la bonne voie !

Le coin de sa bouche grimaça légèrement, une demi-grimace, un demi-sourire, mais la lumière dans son regard était vive.

— J’ai pensé que tu voudrais m’en empêcher, confessa-t-il, quand bien même son demi-sourire un peu sournois le trahissait. J’avais envie de voir ce que ça aurait donné si je n’avais pas, et bien, sauté de l’avion. Une chance que cet avion soit en retard !

— Tu me prends pour une gourde ? souffla-tu en le tirant vers toi. J’ai entendu, dans la salle d’attente. Tu…

Keith , résonna une voix glaciale derrière lui.

La clé se vida de couleur. Et ce fut une sombre grimace d’inquiétude qui s’inscrivit sur son visage, la tension qui occupat son visage.

Derrière lui, Dorian. Et son apparition termina d’achever l’humeur joyeuse de Keith, qui l’avait habité dès ton arrivée. Toi, il parvenait à te séduire assez pour te troubler au point que tu n’arrives plus à rester assez concentrée, le gronder. C’était simple pour lui, il suffisait de balancer quelques répliques charmeuses, te toucher de quelque façon que ce soit, et ronronner sur votre lien.

Dorian… Dorian avait été clairement trop blessé, et il n’avait pas eu le temps de voir Keith lui faire du charme progressivement, pour baisser ses défenses. Keith t’avait à sa façon encore manipulée – d’une manière nettement moins insincère cette fois – mais Dorian, il ne se laisserait pas.

— Il va fallloir que tu t’expliques, déclara Dorian d’un ton glacial, bien que toi, et Keith aussi sûrement, vous virent le coin de sa bouche légèrement frissonner et trahir son mal-être.

Keith, de bonne humeur, parut nettement moins à l’aise. Il recula et se redressa, laissant sa cravate de soie (monsieur a des goûts de luxe) glisser d’entre tes doigts, et le laisser vous faire face à nouveau, penaud. Mal à l’aise, il grinça :

— Dorian… Tu ne vas tout de même pas me faire une scène dans un aéroport, hein ?

Il n’essayait même pas de le séduire. Sacré changement par rapport à leurs retrouvailles après des décennies de séparation… Sacré changement par rapport à la dernière fois.

— Non, dit Dorian entre ses dents. Mais il va falloir que tu me convainques sérieusement de te refaire confiance. Je ne suis peut-être rien pour toi, mais…

— Ha…

La vieille clé poussa un petit soupir de lassitude. Puis décerna à Dorian un sourire fatigué. Nettement plus semblable à son ancienne persona de gentleman.

— Comment oses-tu dire des choses pareilles.

Keith secoua la tête, en portant la main à son front, comme s’il venait d’entendre une énormité. Mais sa bouche se tordit aussitôt en une grimace, comme s’il reconnaissait que… son comportement ne laissait pas entendre l’inverse. Amèrement, il inclina la tête sur le côté en fermant l’œil, comme pour reconnaître quelque chose d’autre aussi, peut-être qu’il n’y croyait pas non plus lui-même.

Puis, d’un mouvement assez léonin, il fit un signe sur la droite.

— Je… comprends pourquoi vous dites ça. Je connais un endroit. Venez.

*          *          *          *

 

Ce fut avec une certaine appréhension que tu suivis Keith, accompagnée de Dorian, au travers de l’aéroport. Et tu avais l’impression de flotter dans la huitième dimension. Dorian, éternel stoïque, se rapprocha de toi sur le chemin comme un garde du corps, pour te défendre contre toute entourloupe à la con qu’aurait prévu son ancien amant… Car il est vrai, reconnaissais-tu, qu’à la façon de Keith de marcher dans l’aéroport comme un paon, avec son sourire de conquérant et à la fois de gentil gars du coin, saluait tout le monde si ceux-ci ne le saluaient pas en retour. Tout le monde y passait. Vendeurs, agents de changes, agents de sécurités, agents d’entretien, etc… Tout le monde y passait. Tu piquas même un fard énorme quand Keith ralentit pour te glisser quelque chose à l’oreille concernant une boutique de vente de nourriture qui disposait apparemment de desserts fabuleux, car le vendeur vous aperçut et lui lança joyeusement :

— Ha, ça y est ! Ta propriétaire est là !

Keith tressaillit un brin, mais il t’adressa l’un de ses sourires avec les yeux mi-clots qui, désolée du terme, te faisait contracter les parois. Tes joues prirent feu, surtout qu’il en profita pour passer un bras autour de toi et se tourna vers son copain pour lui lancer :

— Absolument ! Elle est magnifique, hein ?

— Et elle est pas un peu jeune pour toi, vieux cochon ? s’écria son copain avec amusement. Dites, mademoiselle, vous pouvez faire mieux que lui ! Est-ce que….

L’homme s’interrompit net en voyant Dorian passer juste à ton flanc et marquer la sécurité entre toi et le vendeur. Le tout couplé d’un regard fixe qui dura en tout et pour tout cinq secondes, dont trois passées dans un ralenti en guise d’intimidation très claire.

Dès que le vendeur, un brin apeuré, se détourna pour retourner s’occuper de ses cafés, tu ôta la main de Keith de ta taille et tu lui adressas un regard noir, tandis que vous entriez dans une nouvelle section de la zone duty free. Les boutiques changeaient et devenaient plus focalisées sur la nourriture, tandis qu’elles étaient plus concentrées sur les parfums et les vêtements et autres magasines un peu plus tôt, et de même le sol changeait de couleur et passait du gris bleuté « sophistiqué » à une imitation de bois plus chaleureuse. Keith osa prendre l’air un brin vexé que tu le repousses.

— Keith, grinça-tu, depuis quand je suis ta propriétaire ? Je vais te tuer.

Il fit la moue, mais riposta avec l’air à moitié amusé, décidant d’au moins laisser trainer ses doigts à côté des tiens :

— N’est-ce pas la vérité ? Propriétaire de la clé de mon cœur et de ma rédemption. Ma specs-iale amie…

— Beau parleur, râla-tu.

— Oh allez ! I thought it was rather clever !

— Xpjkt.

Le bruit incohérent qui t’était sorti quand il t’avait draguée ainsi s’accompagna d’un très net rouge aux joues et il éclata d’un rire joyeux, t’étreignit un brin contre lui. Un vendeur dans un tabac non loin s’exclama en levant la main à sa vue qu’il avait quelque chose pour lui, et Keith après un bisou sur ta tempe se décala aisément de toi pour aller le rejoindre en vous chantant à Dorian et toi de continuer.

 

Pendant qu’il s’éloignait, tu sentis Dorian te rattraper, et tu lui glissas à voix basse en lui jetant un coup d’œil, les dents serrées :

— Bon sang. Merci d’être là, il a le chic pour te déconcentrer complètement, et encore plus quand tu es en colère contre lui.

Un sourire amer s’inscrivit sur les lèvres de Dorian qui posa une main contre ton dos en arrivant à ta hauteur, pour continuer de marcher quelques instants tous les deux. Sa présence physique chaleureuse te faisait du bien, cependant.

— Oh, je le sais. Même à l’époque, il était comme ça. Je te l’ai dit, j’étais incapable de lui résister.

Et, tandis que guidée par lui vous continuiez vos pas pour une destination inconnue… vous vous êtes tous les deux arrêtés, progressivement, un ralentissement au début, tout en contemplant sous le faux verre des plafonds, Keith un peu plus loin en train de récupérer des gains pour un pari sportif. Rien que cette vue te fit grimacer : tu n’avais certes rien à dire, ça restait légal, mais clairement une addiction. Au vu du regard de Dorian, déjà froid, qui s’était changé en une glace trahissant une douleur en dessous, cette joie que manifestait votre… ami, n’était pas la vôtre.

— Regarde ce sourire qu’il a, soupira Dorian. C’est une arme de destruction massive. Même en sachant tout ce qu’il a fait, on a envie de l’imiter.

— Peut-être qu’à deux, on parviendra à lui résister ?

Dorian baissa le regard un instant vers toi. De haut, ainsi… tu vis nettement la fierté briller en lui. Ce fantome d’un sourire, sur ses lèvres.

Un en tout cas, on va essayer.

Le fantome d’un sourire, qui te fit rosir, et légèrement t’incliner vers lui. Sa main, dans ton dos, resta chaste simplement à te guider, mais peut-être un brin plus tendre.

— En tout cas… Je suis bien contente d’avoir mon garde du corps avec moi, murmuras-tu, tes yeux fermés légèrement un instant quand ta tempe toucha quelques secondes sa poitrine massive. Merci.

— De rien. C’est mon devoir, à jamais.

Keith vous cria de loin de continuer votre route et d’aller au hall H. L’ignorant, vous poursuivires votre chemin, et tu profitas un instant de plus de ce contact. Dorian n’était pas très câlin… Et encore moins démonstratif.

Il montrait son affection, amoureuse ou amicale, d’autres façons.

Côte à côte, lui droit et fier garde, et toi te permettant à un geste de tendresse que tu le savais te laisser de bon cœur, vous restères dans un agréable silence. Puis tu l’entendis dire, tandis que ses pas s’arrêtaient et qu’il levait peut-être un bras sur ton dos pour te tenir l’épaule :

— Et d’ailleurs, tu n’as plus rien à craindre d’Emmanuel, ni du reste de ses acolytes.

— Ah bon ? murmura-tu en levant de nouveau le nez vers lui, engouffrée sous sa massive taille. Le mec de tout à l’heure m’a dit que Sophia avait calmé le jeu… Tu as confirmation ?

Bon sang, ce qu’il était grand. Tu étais toute petite à côté.

Ce qui avait rendu la nuit ensemble où, allongé sur toi et te dominant de toute sa taille, il t’avait plus qu’amoureusement embrassée, et étreinte, et chérie d’une façon qui t’avait fait voir mille étoiles, d’autant plus délicieuse. Sous son corps, tu étais petite, et il faisait de toi ce qu’il voulait.

Ce qui, quand il s’agit de quelqu’un qui a une telle puissance mais est un tel doux cœur, une force tranquille, est particulièrement merveilleux.

Puissance et force, mais avec sécurité.

Dorian resserra un peu son étreinte, contemplant rapidement le reste du monde du regard, comme pour surveiller que personne ne venait.

Il était vraiment protecteur… La porte qui gardait tout, qui empêchait les méchants de rentrer.

— Oui, mais cela ne me suffisait pas. Je lui ai clairement fait savoir qu’il n’avait pas intérêt à s’approcher de toi, ni lui, ni ses amis. Tu as énormément de puissants prêts à te protéger et qui veillent sur toi en tout instant. Dont moi.

Ca avait pas mal de sens, mais maintenant, depuis les révélations de Val, et quelques éléments que tu avais vus subrepticement quand tu sortais des bureaux Valdivian, ça ne t’étonnait plus.

Tu voulus lui donner un petit coup d’épaule taquin, mais tu eus plus l’impression de t’enfoncer contre un très épais matelas, dont le bras sur ton épaule, bien que pas assez haut pour être romantique ni assez bas, se resserra un brin.

— C’est rassurant de savoir que je peux compter sur toi, murmura-tu.

— Je sais que je le peux aussi. C’est donnant-donnant. Et puis…

Sa voix était brièvement comme rauque, haletante. Un peu à la Trap Dorian. Tu sentis sa main légèrement couler, épouser la forme de ton corps plutôt que juste te tenir, et un frisson de bonheur te traversa, tandis que vous vous tourniez tous les deux vers le son de pas qui trottinaient vers toi.

Au moment où vous aperçures Keith qui sortait du bureau de tabac d’un pas un peu rapide, tranquille mais vous rejoignant d’un bon pas, tu entendis Dorian dire tout bas :

— Tu es mon humaine.

— Dorian…, murmuras-tu en te retournant doucement sous son bras pour te décaler d’un pas chassé juste devant lui, d’un geste qui te fit tomber son bras dans ton dos, cette fois dans l’étreinte caline de deux amoureux.

Ton cœur était en train de s’emballer.

Du bout des lèvres, tu murmuras, posant une main hésitante sur sa poitrine, les yeux levés vers lui sous tes boucles emmêlées après le casque de la moto :

— Je suis plus « ton » humaine depuis longtemps…

— Oui, c’est vrai, confirma-t-il, et tu vis à sa légère moue amusée, qu’il en avait encore sous le coude. Tu es plus que mon humaine. Tu es encore et toujours ma propriétaire .

— Tss, le grondas-tu doucement en te hissant sur la pointe des pieds, tes deux mains reposant ainsi que tes bras et tes coudes, contre son puissant torse, ses bras autour de toi à présent tous les deux, t’étreignant légèrement, mais si significativement. Je préfère le terme…

Vos yeux se fermèrent, et il inclina légèrement la tête.

 

Keith, un peu plus loin, ralentit le pas en vous voyant vous embrasser, même si ce n’était qu’un simple, tout petit, effleurement de lèvres – cela comptait mille fois plus pour toi qu’un roulage de patin avec Keith, par exemple. Puisque, et bien, il n’était pas timide de tentatives de séduction comme ça.

Tu ne le vis pas, mais lui, en vous apercevant à la lumière déclinante du soir vous échanger une marque d’affection comme ça… Il haussa les sourcils, les yeux un brin écarquillés avant de se refermer à mi-clos, et immobilisé en plein geste, sourit largement.

— Intéressant…, murmura-t-il sous cape.

 

Contre les lèvres de Dorian, alors que tu redescendais lentement et reposais tes pieds au sol, lovée contre lui, tu murmuras :

— … « Amie ».

— Plus encore, murmura Dorian. My love.

— Nous y sommes ! s’exclama Keith en vous rejoignant et en plaquant un bras avec autorité sur vos épaules. Ah, mis amores ! Regardez, on y est.

Dorian et toi restèrent comme un peu ébahis quand Keith s’infiltra de force au milieu de vous et vous emporta tous les deux sur son chemin, ses bras d’abord autour de vos épaules tombant pour vous étreindre à la taille contre lui, et s’avancer comme si vous étiez à lui. Evidemment, avec Dorian on aurait pu croire que ce serait plus dur, mais il parvint à prendre Dorian suffisamment bien par la taille que ce dernier en resta scié. Vous vous échangeâmes un regard un peu vexé, puis vous apprêtâmes à protester, quand il tira un peu et vous fit avancer en direction d’un bar café un peu plus loin.

 

Tu étais à deux doigts de t’arrêter, et Dorian avait déjà commencé à vouloir lui faire une clé de bras – quand tu sentis une odeur délicieuse, absolument délicieuse, une odeur chocolatée qui emplissait les airs, en plus d’une odeur de cuisine et de…

Tu cessa de te débattre pour regarder devant toi – ce n’était pas qu’un café, c’était une échoppe charmante avec des tables en dehors de l’aire d’assise « d’intérieur », qui profitait des derniers rayons de soleil que laissait filtrer la fausse verrière du haut, avec des sièges en rotins bas autour de tables rondes, un aspect un peu « terrasse franchouillarde ». A l’intérieur, un bar très joli de bois sombre bien patiné tronait dans une grande salle de restaurant aux panneaux clairs entourant des murs sur lesquels étaient accrochés de vieilles coupures de journaux sur les stars natives des villes du coin, et où quelques colonnes séparaient la pièce avec une atmosphère somme toutes assez agréable, assez « homely ».

C’était joli, tu devais admettre, d’autant que l’homme adossé au bar, en train de calculer quelque chose et d’examiner les tables, leva les yeux à votre approche et son visage s’illumina.

Mais avant même que tu ne puisses protester, tu aperçus ce qui sentait si bon.

Une vitrine dévoilait des pâtisseries de toute sorte qui, bien qu’il était la fin de journée et qu’elles ne devaient plus être très fraiches, sentaient encore très bons. La lumière du côté des vitrines pâtisserie était en train de s’affaiblir, mais juste à côté une autre vitrine dévoilait des sandwichs et autres gourmandises plus adaptées à un repas du soir. Tu voyais également quelques clients déjà attablés en train de regarder leurs téléphones ou journaux, avec des verres devant eux, le café se voyant doucement remplacer par quelques bières légères, et quelques apéritifs qui s’installaient au compte-gouttes sur les tables, des bretzels, olives et autres. Dorian, à tes côtés, qui allait râler aussi, renifla, et ouvrit de grands yeux, tout surpris.

— Attends… Est-ce que ce sont tes truffes qui sentent si bon ? grinça-t-il à Keith, essayant de froncer les sourcils, mais décontenancé.

Keith lui darda un sourire radieux avec les yeux mi-clos, que tu connaissais, pour te l’être frappée bien des fois, comme dévastateur.

— Ah, je savais bien que tu aimerais ! (Son sourire retomba un peu.) Je n’avais pas prévu de te revoir sous ces circonstances, mais…

Il se tourna, vous adressa à tous les deux un clin d’œil ravageur, et s’éloigna en direction du bar en vous envoyant un baiser du bout des doigts.

— Allez vous asseoir ! Je reviens tout de suite !

— Je vais le tuer, râla-tu tout bas.

Dorian acquiesça lentement, longuement.

— Moi aussi.

 

*          *          *          *

 

             Quelques minutes plus tard, Dorian et toi étiez assis à la table, et vous contempliez Keith en train de discuter avec celui qui s’avérait être le patron de la boutique/bar/café, avec un enthousiasme et une telle façon qu’on les aurait dits copains depuis des siècles.

Tu grinças des dents dès le début de leur échange où les deux hommes se serrèrent la main en se taquinant, et tu sifflas à Dorian que la scène semblait commencer à agacer :

— Mais ça fait combien de temps qu’il est ici ?

— J’en ai aucune idée. On dirait que son message ne datait pas d’aujourd’hui…

L’échange entrre les deux autres hommes, Keith toujours aussi élégant ayant des airs d’acteur ou au moins de célébrité tandis qu’il finissait par étreindre l’épaule du patron de la boutique, commençait à devenir intéressant, et Dorian et toi écoutèrent pile au bon moment. La joie indiquait clairement qu’ils se connaissaient depuis un petit moment maintenant, et que, comme absolument tout le monde, le patron était sous son charme. Keith semblait lui servir un autre numéro que celui de son « gentil vieux gentleman », et semblait plutôt s’accorder à lui pour être son ami.

Le patron s’exclama, hilare :

— Alors ! Il est trop tôt pour ton avion, mais il part bientôt ! Tu comptes nous sortir quoi comme prétexte cette fois pour l’éviter ?

— Aucun ! déclara Keith avec un large sourire. Celui-ci s’est retrouvé décalé, ça m’a permis d’arriver à l’heure.

— Et d’enfin faire venir ta femme, je vois ? dit le patron, dont les cheveux grisonnants et dégarnis semblaient aussi peu en forme que ceux de Keith était luxueux. Avec, quoi, c’est ton fils ?

Keith ne put s’en empêcher et poussa un large « Ha ha ! » de rire instantané, avant de vous pointer du doigt sans même vous regarder :

— Tu rigoles ? C’est mon ancien ex !

Et je ne suis pas sa femme, spécifia-tu, bien que le rouge te monta aux joues.

Le patron se trouva un instant décontenancé, et il regarda Dorian longuement – puis il posa ses coudes sur son bar et regarda Keith, avec un autre air. Quelque chose semblait gêner le nouvel « ami » de Keith, qui te déplut instantanément. Peut-être parce qu’on aurait dit… un double-standard ?

— Ton… Ex ? grinça-t-il. Mais il… est beaucoup plus jeune que toi ?

— Et alors ? fit Keith en haussant les épaules. Dis, on voudrait manger rapidement… Ils n’ont pas encore eu le plaisir de goûter à ton hospitalité, j’aimerais bien profiter du temps qui nous reste avant le départ pour ce faire.

Il se pencha et glissa quelque chose au vieil homme qui haussa les sourcils, lui jeta un coup d’œil comme enthousiaste, qu’il posa ensuite longtemps vers toi. Tu frissonnas, la sensation te déplaisait. Sous la table, néanmoins, tu sentis Dorian te prendre la main et serrer.

Ton garde du corps (… plus ou moins) s’était raidi et il semblait de fort mauvaise humeur. Keith, semblant d’une sunglière bonne humeur, revint vers vous en chantonnant, et s’approcha de la cabine pour s’installer à côté de toi. Encore debout il se pencha vers toi par-dessus la table pour t’embrasser sur les cheveux mais en méfiance, tu te décalas vers Dorian. Le geste ne passa pas du tout inaperçu vers Keith, encore moins quand Dorian enroula son bras autour de toi, non pas en un geste amoureux, mais protecteur.

Je n’aime pas celui que tu es avec eux.

Keith s’assit enfin en grimaçant :

— Et alors quoi ? Carino, tu…

— J’aime pas ton nouvel ami, grinça-tu. Il me dévisage bizarrement, et il a dit quelque chose sur Dorian.

La mention fit froncer les sourcils à Keith, qui parut ne pas goûter la plaisanterie du tout. Son expression de joyeuse passa à une gravité totale instantanée. Il se retourna aussi sec par-dessus le dos de la cabin en direction du barman qu’il dévisagea d’un regard particulièrement intense – comme s’il examinait sa personnalité, comme il l’avait fait bien des fois pour toi. Celui-ci, occupé à parler avec la dame qui se trouvait en cuisine, ne fit pas attention à lui.

— Keith, dit Dorian qui ne paraissait pas ravi non plus, et te fit passer subrepticement au fond de la banquette, de manière telle qu’il pouvait te passer devant en cas de besoin... Explique-toi. On dirait que tu es chez toi.

— Depuis une semaine, oui…, reconnut Keith, qui ne faisait plus tellement attention à vous et semblait concentré à examiner l’autre. Ca fait une semaine que je rate, plus ou moins exprès, mon avion. J’ai fini par prendre une chambre ici. C’est pas top, les chambres dans les aéroports, mais ça fait l’affaire.

Tu fronças les sourcils en enregistrant ses dires. Dorian parut sentir que tu te méfiais un peu moins, car il te laissa te détendre un peu. A peine, cependant.

— Ca fait une semaine que tu rates ton avion ?

— La première fois c’était sincère, expliqua Keith sans te regarder. J’étais tellement pressé, je suis venu ici, j’ai trop bu, je me suis réveillé le lendemain matin avec une gueule de bois du tonnerre, et pas loin de passer en cellule de dégrisement. Depuis je-

Il s’interrompit parce que le patron du bar, après avoir donné ses ordres, se retournait vers Keith et s’écriait :

— C’est bon, t’as trois plats du jour qui arrivent, deux Amaretto Alexander, et pour le flic, là ?

Keith retroussa les babines comme un chat en train de feuler, ce qui lui donna une expression absolument horrifiante que tu ne lui avais jamais vu. Se redressant au fond de la banquette, tu le vis tourner la tête vers Dorian en changeant immédiatement d’expression, les paupières mi-closes et les sourcils légèrement haussés, les lèvres légèrement en avant, étendant ses bras de part et d’autre du dossier de la banquette dont derrière lui :

Carino, qu’est-ce que tu veux boire ? Un sex on the beach ?

Dorian parut l’espace d’une seconde prêt à exploser à tes côtés… et tout d’un coup il réalisa ce que Keith voulait faire, et à son tour il se détendit, s’installant au fond de la banquette, contre le bras de Keith, son bras gauche passé autour de toi. Un rapide coup d’œil en direction du comptoir et avec un souffle rauque qui sortait tout droit de son Trap Dorian, et en s’enfonçant les doigts dans les cheveux pour se recoiffer, il ronronna :

— En pas trop lourd, alors, d’accord ? Je roule après.

— On n’aura qu’à aller se reposer dans la chambre que j’ai loué si tu veux, ils nous accepteront peut-être encore, sussura Keith en se penchant vers lui par-dessus ta tête, faisant encore plus cette petite moue boudeuse du bout des lèvres, se rapprochant l’un de l’autre, et pour cela, devant se rejoindre juste derrière toi, se coller à toi, dans ton dos.

Derrière le bar, « l’ami » de Keith parut se liquéfier, et rester comme figé tandis que derrière toi les deux hommes se rejoignaient. T’osas même pas te retourner, mais tu sentis, rien qu’à la chaleur, au mouvement des corps derrière toi, que les deux homme se rejoignaient derrière toi et…

Un léger bruit de bisou. Un petit grognement de la part de Dorian, et t’osais pas te retourner, mais l’expression de dégout sur le visage du barman était impayable.

Celui-ci se racla la gorge, et glapit dans la cuisine :

— Hé, quelqu’un pour faire les cocktails ! Deux Amaretto Alexander et un Sex on the beach pas trop chargé ! J’viens de recevoir un message de la direction, faut que j’aille voir le patron !

— CA MARCHE ! cria quelqu’un dans les cuisines, et…

 

… Et le patron s’en alla, mais le baiser derrière toi n’avait pas cessé, et au bruit mouillé, et au deuxième bras de Keith qu’il avait dû lever pour le poser sur le visage de Dorian, que tu sentais frotter contre ton dos, ça partait en gros baiser.

 

L’instant où tu te retournas, malheureusement, tu n’avais pas réalisé que Keith s’était appuyé sur ton épaule, et son bras qui tomba les sépara doucement.

L’expression de Dorian, complètement perdue, ne s’accordait qu’à celle de Keith, qui était presque aussi perdu. Keith, cependant, vira rapidement pour adopter un sulfureux regard empli de désir, sa main gauche se posant sur ta poitrine, caressant presque ton cou, l’autre sur l’épaule de Dorian.

Quand ses lèvres virèrent au sourire, ce fut un doux souffle qui s’ensuivit :

— Ca faisait bien trop longtemps. Merci, Dorian.

— Tu… Crois pas aussi bien t’en tirer, grinça Dorian, bien que son expression le trahissait, et qu’il était lui aussi, complètement absolument, sous le charme. On a encore un sermon à te passer.

— Tous ceux que tu veux, roucoula Keith en te faisant lever la tête vers lui pour t’embrasser sur la machoire. Absolument tout ce que vous voulez.

Chapter 9: On gronde un chat en le saisissant par la peau du cou

Summary:

— Qu’est-ce qui s’est passé ?

Notes:

I will write a free drabble for the first person who finds out why MC's ringtone for David is the song "You won't see me coming". GOOD LUCK
Includes another feeding kink scene from Keith to MC

Chapter Text

— Qu’est-ce qui s’est passé ?

 

La serveuse qui vous approcha bientôt après le départ du patron, ses bras chargés d’un plateau plein de trois assiettes de ce qui ressemblait à des œufs brouillés, plus des petites salades, frites, ainsi que trois verres, parvenait à marcher en soutenant aisément le poids du plateau sur ses mains tout en contemplant avec amusement l’endroit d’où son patron venait de partir. Elle devait avoir à peu près la cinquantaine, et sur son visage parsemé de tâches de rousseur, un large sourire.

— Les garçons, c’était absolument magnifique. Tenez, votre commande.

— Merci, Lisa, dit Keith, bien le seul qui était capable de parler et de réfléchir depuis tout à l’heure. Il va bien ?

— Ouais, je crois que vous lui avez filé une bonne leçon, dit-elle en pouffant de rire, tendant la main pour prendre les billets que lui tendait Keith. Dire qu’il n’arrêtait pas de me dire que tu étais un homme, un vrai, et qu’il avait envie d’apprendre de toi… Je crois que tu lui as fichu un sacré choc. Tant mieux.

— Avec plaisir, madame, ronronna ton amoureux avec un clin d’œil charmeur.

Elle pouffa de rire, et fit demi-tour pour retourner au bar dont elle s’occupa quelques temps. Après son départ, Dorian, qui avait du mal à se reprendre, son corps trahissant par quelques frissons, combien il était troublé par ce baiser, tendit la main vers l’un des verres.

— A~ah, l’arrêta Keith en levant une main, l’autre se saisissant de l’un des deux verres plus clairs, couleur crème. Toi, c’est le plus coloré.

— Mais attends, protesta Dorian, dont les joues étaient encore rouges. Je bois encore ce que je veux ?

Tu ne t’en rendis pas compte, parce qu’étrangement ça te donnait des frissons que Keith commande pour toi - tu n’aimes pas qu’on décide à ta place en général, mais il avait eu l’air particulièrement motivé cette fois, comme si ça faisait partie d’un spectacle qu’il avait hâte de vous montrer… Mais Dorian n’avait même pas l’air fâché, un peu troublé. Ou plutôt, si, vocalement il semblait un peu fâché, mais le coup d’oeil presque inquisiteur qu’il décerna à Keith déclencha chez ce dernier un sourire assez… émoustillé de l’entendre. 

— Oui, bien sûr, soldat… Mais, celui-la est fait exprès pour elle, corrigea Keith en poussant le Amaretto vers toi. Mi amor… Per favor ?

Toujours décontenancée par tout ce qui s’était produit, à peu près autant que Dorian, tu sursautas seulement au moment où Keith posa la main sur la tienne.

Confuse, tu secouas la tête et les regarda tous les deux, l’un puis l’autre, avant de bredouiller :

— Pardon ?

— Ton verre, te murmura Keith, inclinant légèrement la tête vers toi pour t’inciter à essayer. Goûte. Ca fait une semaine que je travaille avec cette gente dame à te trouver le cocktail parfait, pour te dire ce que je ressens.

Il est impossible.

Tu lui adressas un regard noir, mais prit quand même ton verre pendant que Dorian, pour reprendre ses esprits, prenait le sien. Dans un silence religieux, vous posâtes tous les deux les lèvres sur le verre… Et la saveur-

 

La saveur te précipita dans une myriade de souvenirs. Chocolat, un brin de lait, un brin de crème, et une liqueur à l’amande amère – un pur délice – et…

 

Tes joues s’imprégnirent de rouge, et tu fermas les yeux, plongée dans des souvenirs décadents. De Keith, du bout de ses longs doigts fins, déposant à tes lèvres des truffes de chocolat, allongé sur le large dos d’Abel, de toi couchée sur lui, ou tout près, fermant les yeux en proie à une confiance absolue. Dans ce monde onirique et rien qu’à vous que créaient les Dateviators, il n’y avait que vous deux.

Du chocolat, c’était pas ce qui t’avait manqué. Des glaces de Freddy. Des desserts de Stefan, des délices de Mitchell…

Mais le plus sensuel était de loin Keith te faisant lever le menton vers lui, et murmurant, baissant ses yeux vers tes lèvres après t’avoir taquinée pendant bien longtemps avec un chocolat du bout des doigts, sans te le donner, te forçant à essayer de tendre la bouche et te salissant bien longtemps : « Oh, dear one… How cute you are, when you're frustrated… »

« Stop fucking tease me and give it to me ! » you half-pleaded,  half-swore, trying to grab his head but him avoiding you again, with that charming, so utterly heart-stopping grin of his, his head just smirking furthermore. « J’en salive depuis une demi-heure déjà… » supplia-tu en abandonnant, laissant ta tête retomber sur le coussin juste à côté où, cûte à côte, après des heures d’amour, vous vous détentiez. Une détente que tu aimais particulièrement avec lui. « Allez, fais pas le connard… C’est comme tout à l’heure, ça se fait pas de taquiner autant les dames ! »

Il avait éclaté de rire devant ton expression si vexée, et murmuré : « Et bien dis-moi… If I were your teacher, I’d have to wash that filthy mouth of yours with soap… »

« Pourquoi, tu ne l’es pas… ? » avais-tu ronronné ce jour-là, avant, de ta langue, lui lécher les doigts qui tenaient le chocolat. A la façon dont il avait écarquillé les yeux, et esquissé un diabolique sourire, tu avais su que tu étais fichue pour le jour. « Pourquoi tu me nettoierais pas avec ta langue ? »

« Descarado, » avait-il chuchoté avant de se pencher vers toi pour te voler tes lèvres, et ton esprit aussi.

 

Quand tu rouvris les yeux, de retour à l’aéroport de Coolsville, tu pris conscience de deux choses : tu étais à la limite de pousser un gémissement impudique devant tout le monde, de une, et de deux, tes lèvres trempées du cocktail, tu t’étais penchée vers Keith que tu étais à deux doigts d’embrasser à nouveau à ton tour.

De trois, parce que jamais deux sans trois, Dorian qui était en train de boire s’était repris. Après quelques gorgées de son verre, malgré un léger rosissement sur ses joues, il t’adressait un regard sévère qui te rappela où tu étais.

J’ai pas envie , une voix en toi songea, celle qui reporta le verre à tes lèvres et t’arracha un gémissement comme tu goûtais une nouvelle gorgée. J’ai envie de rester dans ses bras, j’ai envie qu’on aille dans un coin et qu’il me refasse l’amour, qu’il savoure ce cocktail sur mon corps, qu’il me rende folle. Je veux l’entrainer avec Dorian, qu’ils se réconcilient par la chair, que ça facilite la réconciliation de l’esprit. J’ai envie de…

Bon sang, reprends-toi ma fille !

Lentement, Keith, toi penchée contre lui, blottie contre lui, te caressa les lèvres de son pouce et lentement le porta aux siennes pour lécher la crème dessus du geste le plus lourd de sensualité qui soit et…

Malgré toi, t’avais vraiment pas envie de te libérer, et la main que tu posas sur sa poitrine puissante avait l’air d’avoir plus envie de le caresser que de le repousser.

Le cœur battant à mille à l’heure, tu gémis, ton nez à quelques centimètres du sien :

— S’il-te-plaît, insistas-tu. Il faut vraiment qu’on parle.

Une partie en toi se rebellait et avait aussi vraiment envie de lui passer un savon. En désespoir de cause, tu jetas un œil désespéré à Dorian, qui avait croisé les bras et essayait un peu trop d’ignorer son assiette. Ce qui, au vu de l’odeur fabuleuse qu’il s’en extirpait – de la truffe, évidemment, une brouillade truffée, pile poil ce que tu mangeais pour Noël quand autrefois tu vivais encore en France avec tes parents, avant de partir pour les Etats-Unis – devait être bien difficile.

Ce repas était comme un piège pour vous deux.

Apparemment, ça lui demandait beaucoup d’effort.

— Keith, le prévint-t-il en croisant ton regard suppliant, laisse-la respirer un peu.

— Je sais, dit gentiment Keith. Ne t’inquiète pas, je n’ai pas oublié. Un dernier, juste.

Il se pencha, pour te retrouver à mi-chemin et, enfin, t’embrasser correctement une dernière fois, d’un baiser chocolaté avec ce léger goût d’alcool d’ivresse, et te faire un clin d’œil en s’écartant enfin de toi.

Ce simple contact était frappé d’une telle honnêteté que ton cœur en fit des bonds.

C’était comme un nouveau je t’aime , murmuré.

— Allez, ronronna-t-il tout bas avant de sourire à Dorian. Mangez et buvez. Ces truffes, c’est grâce à Dorian principalement que j’ai eu l’idée de les récupérer, et pour le cocktail…

— C’était pour me dire que ces instants qu’on a eu ensemble… ils étaient peut-être faux, mais pas tant que ça ? conclut-tu.

L’œil acier de Keith, posé sur toi, souriait.

Comment en étais-tu venue à cette conclusion, voilà un mystère, mais… apparemment vos deux esprits pouvaient parfaitement se suivre.

— Absolument. On discutera après, il nous reste encore trois heures avant le départ de l’avion, donc deux bonnes heures. Faites-vous plaisir, j’offre.

— Incorrigible, soupira Dorian avant de goûter la brouillade de truffe et de fermer les yeux de plaisir, puis de les rouvrir en ta direction, comme vaincu – avec dans ses yeux la chaleur d’un chien heureux, peut-être un peu loup. Bon sang, que c’est bon. Profites en, je suis loin d’en avoir fini avec toi.

Entre eux deux – tu étais trop bien.

 

 

*          *          *          *

 

             — Bon, dit Keith une fois que vous en étiez venus au café, l’air confiant sur le visage d’un chat heureux, bien. Maintenant qu’on a tous bien mangé… Allez-y. Je vous écoute.

 

— Soit, déclaras-tu en sortant une feuille de papier d’un calepin de ton sac, que vous aviez rédigé avec Dorian un peu plus tôt au moment où vous étiez bien, bien énervés contre Keith pendant qu’il discutait avec le propriétaire, juste avant leur spectaculaire démonstration d’affection publique. On commence par quoi.

Au bout de ton bras, ta main posée sur la table, se trouvait ta feuille. Keith l’avisa, et son sourcil se haussa dès qu’il consulta rapidement le nombre de points clés à aborder.

— A ce point ?

Dorian, son café en main mais sa posture toujours d’une rigidité extrême, fronça les sourcils. Depuis la fin du repas, bien qu’il eut dit un tranquille merci Keith pour le délicieux plat avec pas mal de stoïcisme contredisant les subtiles expressions de son visage pendant la dégustation de la brouillade de truffes, il restait ferme – attendant que la raison de votre présence ici se fasse enfin. Ses lèvres se pincèrent à la vue de la réaction presque étonnée et un peu frustrée de Keith à la vue de la feuille, et son front se plissa également : l’attitude trop décontracté de votre coq en pâte d’ex l’agaçait.

Et si tu avais des griefs à émettre à Keith, il t’était avis que Dorian, encore plus.

Avant de reprendre la parole, tu fis un signe de menton vers Dorian, comme pour l’inviter à prendre la parole. Celui-ci, te regardant à ton tour, fit lentement non de la tête, quand bien même ses bras croisés sur sa poitrine semblaient légèrement nerveux. Sa main se contractait de temps en temps et tu voyais les veines ressortir, s’il ne prenait pas la parole, c’était peut-être pour se contrôler

Aussi, parce qu’il était un peu perdu et qu’à plusieurs reprises ses joues avaient rougi au moment de vouloir parler.

Tu pris donc la tête de la discussion, en posant la main sur la sienne sous la table et l’étreignant doucement pour lui faire savoir que tut’en occupais. De l’autre, tu te tournas vers Keith et tu pointas le premier objket de la liste.

— Oui, à ce point.

Tu inspiras, en fixant tes yeux sur le premier point. Il avait réussi à endormir votre vigilance avec son charme et son idée de vous faire traverser l’aéroport avant de parler, mais qu’il ne s’imagine pas que ça l’exemptait de tout reproche.

Surtout que, pour le coup, l’offensée n’était pas là et ne pouvait donc se laisser avoir elle aussi par ses manigances.

— D’abord, le point le plus important : tu as escroqué Prissy, ce qui est le plus impardonnable. Ensuite, repris-tu en désignant le verre, tu t’es encore barré sans prévenir personne, en ignorant tous nos messages. Ce que je peux comprendre, mais j’aurais cru mériter mieux que ça de ta part. Troisièmement, comment est-ce que tu as fait pour convaincre Rongo de te laisser travailler chez elle ? Et de te confier à Prissy ?

Le premier point lui fit faire la grimace, le deuxième le laissa incompréhensif, et le troisième lui arracha une grimace telle que son regard quelques secondes devint terne, et fuyant. Dorian lui-même grimaça sur le troisième point, comme tout à l’heure quand vous l’aviez évoqué.

Sentant une opportunité, tu insistas :

— Sérieusement, qu’est-ce que vous me cachez ? Quel est le lien entre vous trois ? La terre peut-être ? Mais…

Keith poussa un petit rire sans joie.

— Ca fait beaucoup de questions. Dans quel ordre.

— Celui que tu veux, grinça un Dorian de mauvaise humeur. Mais quand tu auras fini, j’aimerais que tu expliques à Y/N pourquoi tu l’as volée tout court et tu t’es enfui la première fois. J’ignore comment tu t’es débrouillé pour qu’elle te pardonne, mais moi, je ne te le pardonne toujours pas.

— Commence par où tu veux, dis-tu en te réinstallant au fond du siège de la cabine, plus sévère. Mais tu ne pars pas avant d’avoir répondu à tout.

Keith parut surpris de ta nouvelle intervention, mais tandis qu’il pivotait son tronc pour vous faire, il t’adresa un sourire un brin trop excité.

— Tu sais que ça me plait follement quand tu te te comportes comme ça ?

Dorian se racla la gorge bruyamment.

— Keith, on se concentre !

— Pardon…

La clé grimaça, puis, avisant la lumière ambiante du soir et les plafonniers que l’on commençait à allumer, pivota le bloc-notes vers lui de façon à bien le voir. Il relut la liste, puis eut l’air pensif pendant quelques secondes. Tu te mis à craindre le plus, et tu te raidis.

Quel Keith allais-tu avoir. Le gentleman, le crado, ou le mélange des deux dont tu tombais amoureuse une nouvelle fois ?

 

— Pour Prissy, décréta-t-il après plusieurs longues secondes de réflexion et relevant un œil perplexe vers vous, je ne vois pas ce que vous me reprochez. Je comprends que vous m’en vouliez pour tout le reste, mais là, j’ai bien du mal à voir.

 

Tu en resta coie, et Dorian se frappa la main sur le front et se l’enfonça dans les cheveux rageusement, détournant le nez pour ne pas exploser de colère.

— Ca, c’est bien du Keith, siffla-t-il. Qui manipule les gens à sa guise, les convaincs qu’ils ont envie d’agir comme il le veut, que c’est dans leur meilleur intérêt, et le soutiendra mordicus après.

— Prissy risque de perdre son emploi à cause de toi ! insista-tu en serrant le poing sur la table, pivotant à ton tour pleinement vers Keith, tes poils se hérissant. Et avant que tu dises qu’un travail ça compte pas, elle adore ce qu’elle fait ! C’est comme si… Comme si on te prenait tout ce qui compte pour toi !

Keith se renfrogna. La lumière du soir qui tombait dans ses yeux leur donnait un aspect non pas gris métallisé, mais un gris de mer un soir d’orage. Au moins, c’était plus expressif. Et vu la façon dont il te considéra entière, le message était assez clair : ce qui compte pour moi, c’est toi.

Avec colère, il contracta les doigts sur le calepin et grinça :

— Si elle risque son emploi, ça n’est pas ma faute ! Son patron était au courant que l’opération fonctionnait mieux que prévu, je lui avais laissé une lettre, et il était d’accord sur le principe. S’il a changé d’opinion, même en recevant cinquante pour cent des gains de l’opération, ce n’est pas de mon fait.

Dorian fronça le nez, stoïque.

— Un gouvernemental  qui accepte de prêter à un quidam des équipements de recherche, ça me paraît louche.

— Pourtant c’est le cas, grimaça Keith en te pointant d’un doigt. Notre cariño ici présente l’avait fait avant moi. Son nom cité, en plus de celui de Prissy, et une très simple explication selon laquelle je suis un addict en rémission qui avait besoin de travailler pour aider la société et de rembourser des dettes, et on m’a fait confiance.

D’un côté, ça te fichait hors de toi qu’il se serve de toi.

De l’autre…

— … Un « addict en rémission » ? « Travailler pour aider la société » dans un centre de recherches avec études nécessaires ?  Comment tu as fait pour faire gober ça sans personne pour truquer ton dossier ? demandas-tu, effarée, posant le coude sur la table pleine de miettes encore pour te gratter la tempe. T’as dû faire super vite.

Keith voulut répondre, apparemment par un mensonge, puis il s’arrêta en plein milieu. Les légères rides de son front, et ses pattes d’oies, se décontractèrent, et il poussa un long soupir.

Puis il t’adressa un sourire penaud, laissant tomber ses épaules. Il paraissait… Défait, et lui qui allait te regarder en protestant, croisa les bras sur la table pour détourner le nez.

Il avait étrangement l’air vulnérable en cet instant.

— Tout d’abord, j’ai démontré ce que j’avançais. Secondement, j’ai utilisé un argumentaire que certaines personnes ont usé par le passé pour justifier de… Comment dire. Ce n’était pas la première fois que je travaillais sous prétexte de rembourser une dette.

Un frisson glacial te prit. Quand il n’était pas habité par sa bonne humeur et son enthousiasme de vie, il y avait parfois un côté extrêmement sombre de lui qui ressortait, et… soit tu t’imaginais qu’il mentait… soit tu tentais de comprendre de toi-même certaines de ses réparties. Et puis certaines de ses réactions.

Là, un souvenir de l’avoir vu il y a un peu plus d’un mois devant ta porte, épuisé, s’étant endormi d’éreintement contre la porte après avoir marché tu ne savais combien de temps sous la pluie te revint. Et toutes les traces sur son corps.

Le genre de scène que tu ne voulais jamais voir se reproduire. Et la raison même pour laquelle tu lui en voulais d’être parti sans prévenir.

— « Ne me touche pas » ?, tu répétas doucement en tendant le bras pour lui toucher l’épaule doucement, du bout des doigts.

Ton cœur s’était ralenti, lourd de peine. Le rictus qui secoua Keith était assez forcé.

— Ouais… J’ai vu ce qu’étaient les hommes comme moi, tu sais, dit-il d’un air à moitié ironique, à moitié hanté, te contemplant de haut. Quand ils utilisaient ce prétexte, ça marchait. Même quand c’était pour faire vraiment de la merde comme travail.

— Qu’est-ce que tu as proposé de faire ? reprit-tu. Pour le patron de Prissy, je veux dire. Il… avait l’air d’être quelqu’un de plutôt gentil quand je l’ai vu. De cool. Nous, il nous avait laissé emprunter les mêmes appareils, mais c’était pas pour la même dose. Ce que tu dis m’étonne.

Devant toi, sous sa masse de cheveux, Keith te regarda et t’adressa un sourire fatigué. Ta main, sur son épaule, glissa pour lui prendre la sienne. Etais-tu en train de te faire manipuler encore ?

T’avais pas l’impression.

Ses doigts s’entrelacèrent dans les tiens, et tu caressas le dos de sa main de ton pouce.

— Je sais que vous aviez pu faire la même chose avant, Prissy me l’a dit. A plus petite dose. C’est justement ça qui m’a servi. Je connais bien les champignons, et ça n’est pas seulement parce que Dorian aimait cette odeur. Mais quarante ans passées dans la terre, et cent vingt sur cette Terre ?

Il poussa un petit rire sec.

— J’ai un très bon odorat. Et une certaine connaissance des prédispositions fongiques. Des chimies, etc. Comment crois-tu que je prépare mes bonbons ?

— Logique…

— Et puis, renchérit-il, je pensais bien que tu n’accepterais pas que je te ramène de l’argent « sale » comme ce qui peut peut-être me rester sur le compte que j’avais ouvert avant de partir de chez toi. Donc, j’ai voulu faire les choses bien. (Il grimaça.) Je croyais les faire bien. Pour Prissy, en tout cas.

Son pouce se posa sur le tien, et il te sourit.

— J’irai la voir pour rectifier tout ça… J’irai voir son patron. Je t’assure que je ne voulais pas lui causer d’ennuis et ne pensais pas à mal. Est-ce que tu viendras avec m-

 

— Tu ne pensais pas à mal parce que tu ne pensais à rien du tout, siffla Dorian subitement en vous interrompant tous les deux, les tourtereaux.

 

Keith tressaillit, et toi aussi. Vous vous retournez tous les deux vers lui, mais ta porte, les bras croisés, semblait plus furieux que jamais. Le pied agité sous la table ébranlant cette dernière à intervalle régulier, le sourcil froncé, et ton corps ressentant une fureur épouvantable venir de lui cachée sous une force tranquille, il grinça d’entre les dents :

— Tu as donné une demi-vérité, tu t’es dit qu’on allait s’en contenter, et que ça te donnait le droit d’agir comme tu le voulais – que ce soit pour autrui, ou pour toi-même.

Keith grimaça.

— Dorian, je…

— C’était évident que le patron de Prissy allait avoir des problèmes, grimaça Dorian. Tu ne connais absolument rien à l’humanité, mais tu as décidé de foncer avec les connaissances que tu as acquises au cours de ton existence, sans un instant te demander si c’était toujours d’actualité.

Dorian tremblait, et sa main qui se grattait les cheveux dissimulait son expression, nerveuse. Sous la table, tu sentais son pied s’agiter. Tac tac tac. Tac tac tac. A peu de choses près, tu comprenais trop bien sa réaction – parce que c’était exactement la même que tu avais souvent avec Keith depuis la révélation.

Une envie de croire qu’il savait ce qu’il faisait, mais aussi, une conviction qu’il agissait au gré de ses envies. Et une conviction selon laquelle il était peut-être très doué pour manipuler les gens, mais il était absolument catastrophique quand il s’agissait de prendre en compte tout le reste. Genre, la physique élémentaire des choses. Ou des petites choses comme, les lois. Ou tout simplement, la vie en général.

— Si tu avais écouté Sophia, poursuivit Dorian qui évitait Keith du regard, tu avais réalisé que des sommes énormes d’argent comme celles que tu as obtenue en vendant ces truffes ne pouvait qu’attirer le regard. Même en le faisant sous le manteau, des institutions respectables sont obligées de déclarer les trous dans leurs budgets, et c’était trop flagrant. Quant à toi, tu n’avais même pas de papier, et je ne comprends même pas comment tu as fait pour en obtenir. Evidemment que ça allait attirer des soupçons. Le chef de Prissy s’en est sorti au final, mais tu les as mis en danger parce que encore une fois, tu agis sans réfléchir aux conséquences de tes actes sur les autres.

— Bienvenue à la sociopathie, bébé, riposta Keith froidement. Se soucier des sentiments des autres ne me vient pas naturellement.

— Qui est-ce qui parle ? siffla Dorian sèchement, en commençant à se lever d’un élan, furieux. Keith, mon ami, ou Felix ? Carmen ?

(Thanks skull for the names ♥)

Keith se ratatina sur son siège, mais son visage se ferma.

Ton garde du corps se leva totalement et, le menton haut, siffla en le dédaignant de haut :

— Ou Rudy.

Keith avait l’air plus vieux que jamais. Il siffla entre ses dents, foudroyant Dorian d’un regard si noir que tu en aurais peur de t’effondrer sur place si tu avais été lui :

— Carmen était peut-être une croqueuse d’hommes, mais elle n’aurait jamais fait de mal à personne. Felix était un voleur, mais pas un tueur. Ne les compare pas à Rudy.

— Je ne les compare pas. Je dis simplement que tu as eu beaucoup de possesseurs, plus que nous, et que comme tous nos possesseurs… Ils t’ont laissé des traces. Je dis juste aussi, qu’avant que Y/N ne te retrouve, avant qu’on t’enferme pendant quarante ans seul dans les ténèbres, tu n’étais pas comme ça. 

Un peu tard, tu réalisas que Dorian…

Dorian s’était levé non pas pour intimider Keith, mais pour avoir quelque chose à faire, reprendre une posture debout impassible, et solutionner un tourment interne qui le prenait, en reprenant sa forme initiale : un bloc solide, capable de tourner, et surtout de tenir, empêcher les vilains, ou les vilaines émotions de prendre le devant.

Stoïque il était toujours, stoïque il faisait en sorte de redevenir.

Et il le fallait, parce qu’il avait les yeux humides, et que sa poitrine bien que ferme était agitée de petits soubresauts. Comme s’il n’en pouvait plus. Comme s’il…

— Rongo m’a tout rappelé, Keith. Et elle m’a tout raconté, aussi. L’homme que tu prétends être, est tout autant un mensonge que celui que tu faisais semblant d’être. Il s’est servi de toi comme d’un composant de ses rituels, en tant que rare souvenir de son père. Voilà pourquoi tu n’as jamais oublié, alors que nos rénovations nous ont abimé la mémoire.

(Thanks Skull AGAIN for this ♥ the idea that the spellcasting used the object belonging to the person :3)

— Dorian…, appela Keith, dont les épaules se décomposaient, dont la stature se défaisait, et dont les sourcils trahissaient un grand tourment interne.

Il voulut se lever aussi, mais Dorian leva le menton d’un geste si impérieux que Keith se rassit aussitôt, comme un écolier en classe. A la différence prêt que l’écolier avait trois fois l’âge du maître. Sûrement moins, mais voilà l’idée.

En désespoir de cause, Keith posa les coudes sur la table ronde, s’avachit en avant, et se massa les yeux. Il poussa un long, très long soupir.

Quand il écarta les mains de ses yeux, tu vis sur son visage,  caché derrière un sale rictus d'une fausse joie agressive, ce que tu n’avais que très, très , TRES, rarement vu : du remords. Sa voix était brisée, tant bien qu'elle tentait d'être fière, et son accent ressortait à couper au couteau. Enfonçant les ongles dans ses cheveux comme si cela pouvait lui permettre de s’accrocher à un brin de fierté, il murmura :

— Je ne veux pas que tu y penses. Ca n’était pas ta faute. C’était de la mienne. J’aurais dû résister. J’aurais dû refuser de fonctionner ce jour-là.

De quoi parlaient-ils ?

— Les garçons…, commença-tu à dire, troublée, et sentant une telle tension dans l’air entre eux que ton corps entier se tendait. Qu’est-ce qui se passe ?

— Il se passe que, quand Keith t’a convaincue de pirater le compte de notre ancien propriétaire, déclara Dorian en croisant d’autant plus les bras, je n’ai sur le coup pas réagi, car on avait eu des rénovations entre-temps, plusieurs, et ma mémoire était trouble. Mais Rongo, elle, est restée intacte. Et elle m’a tout dit.

Un frisson d’horreur te parcourut.

Ancien propriétaire. Keith, une clé. Dorian, une porte.

— Arrête, s’il-te-plaît, demanda Keith en grinçant les dents, te jetant un œil de côté. Ne continue pas. Je ne veux pas qu’elle sache.

— Tu ne veux pas qu’elle sache quoi ! protesta Dorian, encore plus irrité, serrant les poings… 

Son expression était tendue, plus tendue que jamais - et sa voix étranglée, tendue, d’entre ses dents. Rien qu’à le voir, un quidam aurait pris peur et préféré fuir. 

— Tu ne veux pas qu’elle sache qui tu es vraiment ? Tu préfères qu’elle continue à croire à tes mensonges de « manipulateur qui s’en fout de tous » ? Tu préfères que moi aussi je continue à croire que tu n’as pas de cœur ?! Tu préfères qu’on continue à ignorer pourquoi il t’a enfermé et enterré vivant pendant quarante ans ?!

Le tien, de cœur, se ralentit à ces mots. Une main sur la poitrine, tu commença à protester que tu voulais connaître Keith tel qu’il était, réellement, mais…

— J’AI FAILLI L’AGRESSER DANS LE GRENIER ! rugit soudain l’intéressé en se redressant d’un bond si violent que la table faillit en tomber à la renverse.

Tu écartas les bras entre les deux pour essayer de calmer le jeu en te levant à ton tour, surtout en avisant qu’autour de vous les autres clients vous dévisageaient déjà fermement depuis un moment, et que les discussions s’étaient tues. La sueur coulait sur ta nuque, tu avais conscience d’être au centre des regards, et…

— Doucement, suggéra-tu en te forçant à sourire malgré ta panique, essayant de t’inviter au milieu malgré cette putaind e table. Les garçons, on peut parler plus calmement. C’est pas…

Keith te désigna d’un doigt rageur, vociférant à Dorian, la fureur animant son corps entier et le faisant se hérisser comme un chat sauvage enragé protégeant ses petits, ou en l’occurrence, tentant de vous convaincre de ses pires défauts :

—  J’ai essayé d’agresser Y/N dans le grenier ! La veille de son départ pour sa croisière avec ce con de Jacques ! J’avais travaillé toute la journée pour regagner son estime, tout ça pour que quand je rentre, je l’entende en train de s’envoyer en l’air avec Jacques…

Il serra si fort les dents, tu avais peur qu’il se saigne les gencives. Ses cheveux, ses poils, comme Volt, comme certains de tes amoureux, se hérissaient quand il était dans un état de colère très prononcé – mais son cœur battait si fort, si vite, presque visible et en tout cas ressenti, que…

Quoi ?

Tu revis la scène en un éclair. Keith avait fermé la porte derrière toi ce soir, et il avait paru si en furie que tu en avais eu peur. Il t’avait comme empêchée de sortir, et s’était comporté d’une façon qui t’vait transi le sang. Tu n’avais pas oublié, mais vu que très peu de temps plus tard, dès que tu lui avais demandé d’arrêter, il s’était figé et avait semblé complètement se métamorphoser, se rompre, et un véritable spectre s’ôter de lui, tu n’y avais plus pensé.

Il avait une fois abordé le sujet, par texto, une fois en pleine nuit car il n’arrivait pas à dormir et qu’il allait s’allumer un joint – pour te dire sur Thiscord qu’il te demandait pardon pour ce soir-là, et qu’il avait parfois peur de retourner dans le noir, et que ce soir-là, c’était une peur comme ça qui l’avait prit.

Tu avais entendu, déjà, cette histoire.

Mais ça avait pas l’air d’être ce qu’il sous-entendait à Dorian.

Autour de vous, la patronne du restaurant, la dame, était revenue, et elle hésitait avec la main sur un téléphone, comme si elle était à deux doigts d’appeler la sécurité de l’aéroport. Tu voyais du reste au loin que l’on courrait vers vous. Tu…

— Tout va bien, souffla-tu en te retournant vers la dame, et en t’insérant un peu mieux entre les deux hommes, priant pour réussir à les calmer, levant les bras comme entre deux fauves, pour attirer leur attention. Hé, vous aussi, tout va bien. D’accord ? Respirez, on se fait repérer de tout le monde…

— J’ai pensé reste ici, j’ai voulu qu’elle soit à moi, qu’elle ne me quitte jamais, reprit Keith un ton en dessous vocalement, trois cran au dessus en termes d’émotions brisées, sa voix rompue, ses épaules basses. J’ai pensé que si elle ne voulait pas être à moi, alors qu’elle ne le soit à personne d’autre. J’ai voulu…

Tu le vis déglutir lourdement.

Devant lui, Dorian n’était pas impassible. Le choc, l’horreur, l’avaient si saisi, ses yeux écarquillés d’effroi. L’épouvante – et pourtant il voulut comme tendre la main, mais Keith perdait des centimètres au fur et à mesure, son corps se reculant, s’agrippant à sa valise comme à sa canne autrefois.

— Keith, l’appela Dorian, mais Keith secoua la tête.

— C’est elle qui m’en a sorti. J’ai failli la pousser. J’ai failli lui faire mal, sans même comprendre ce que je faisais. Je suis ce manipulateur fou dangereux comme lui, Dorian. Nous sommes des objets, et entre lui et mes précédents utilisateurs, cariño, mi vidas, vous devez comprendre que je suis dangereux. Ce que j’ai fait à Prissy c’était juste un…

 

Soudain, des accords d’une guitare électrique se mirent à retentir dans la salle presque vide désormais du restaurant, les clients ayant préféré partir en hâte devant la dispute des deux hommes. On aurait dit qu’un musicien doté d’une acoustique bien pourrie s’était installé quelque part dans la pièce et commençait à jouer. L’effet fut assez immédiat : Dorian et Keith se turent, tous les deux cherchant d’où ça venait –

Quand à toi tu avais l’impression de connaître, mais…

—Merde ! t’exclama-tu après environ seize secondes à essayer de remettre ton esprit en état, juste au moment où une batterie enragée prenait le dessus sur la guitare – c’est mon téléphone !

Tu te mis à t’agiter dans tous les sens en essayant de l’attraper dans ta poche, puis tu te souvins qu’il devait être dans ton sac de l’autre côté de la table à peu près au moment où une voix d’homme commençait à chanter, délicieusement vicieuse :

I’m not the man / I used to be / And what you see…

— Désolée désolée désolée désolée ! t’excusa-tu en rafales en te penchant par-dessus la table, en bombe, bien devant les deux hommes, tentant d’attraper en furie le sac. C’est David ! J’ai oublié de leur dire que j’étais bien arrivée ! Ils doivent se faire un sang d’encre !

— David ? répéta Dorian, haussant un sourcil. David… David Most ?

Is not what it seems…

— Notre chérie est très demandée, ironisa Keith malgré lui, avec un petit ricanement, en t’admirant les fesses comme tu te mettais en bombe parfaite par-dessus la table. Le « Most » d’un sandwich apparemment très fructueux entre elle, le créateur de Skylar, et…

— Change pas de sujet, gronda Dorian. Tu disais que tu te crois dangereux alors que tu as failli te tuer en sautant d’un avion, continue…

I travelled through space / To be with you

— Attendez ! t’écria-tu en parvenant enfin à trouver ton téléphone. Je dois prendre cet appel, je reviens après !

What you don’t know / You shouldn’t f-

— ALLO ! Dave ? répondis-tu en t’éloignant, inquiète, presque au moment où bientôt la voix du chanteur allait siffler you won’t see me coming . Tout va bien ?

 

 

*          *          *          *

 

Ce fut un glapissement de chien battu qui te répondit à l’autre bout du fil. Tu entendais David étranglé de larmes d’ici. Tu entendais aussi Franklin qui poussait un large soupir de soulagement, et Val qui d’une voix robotique glissait que c’était normal, tu ne pouvais pas être partie bien loin.

— Y/N !!!!!!

Sortant du café/bar où vous vous étiez installés avec Keith, tu te hâtas de retourner dans le hall au milieu de cette aire de boutiques de l’aéroport. La nuit était en train de tomber, de sorte que la lumière du soleil se voyait remplacée par une lumière artificielle qui te faisait plus mal aux yeux, et ton ombre au sol se découpait d’une manière effrayante durant ton départ. Tu aurais préféré rester ici pour continuer à écouter les garçons et vérifier qu’ils ne s’étripent pas mutuellement, mais d’un autre côté, tu avais d’autres chéris à apaiser, qui comptaient tout autant pour toi.

Tu détestais quand Dave s’inquiétait, fut un temps où tu te serais payée sa tête, mais en fin de compte… En fin de compte, il était tellement chou malgré ses défauts, un vrai nounours, un vrai nounours affectueux avec qui vous vous complétiez étrangement bien, et tu l’adorais tellement, que tu en oubliais tout. Quant à Franklin, tu l’avais bien entendu souffler de soulagement, et tu avais honte de les avoir oubliés.

Chouchou ! roucoula-tu doucement au téléphone, plaquant ta main de l’autre côté du combiné pour masquer les bruuits extérieurs. Désolée, tout va bien ! J’ai eu des pépins avec deux anciens colocataires, je suis à l’aéroport avec eux, là, il y en a un qui attend son avion, j’ai paniqué, et oublié de vous prévenir…

Tu inspiras profondément, la gorge serrée.

— Vous ne vous êtes pas trop inquiétés au moins ?!

— On a juste cru que tu t’étais fait kidnapper par ce taré de Emmanuel, grinça Franklin. Ca fait des heures qu’on t’écrit et qu’on t’appelle sans arrêt. Bon sang, on n’a pas idée de disparaitre avec un silence radio !

— Pardon, bredouilla-tu en te retournant en direction du café, pour contempler d’ici Dorian et Keith qui s’étaient éloignés pour discuter au fond du bar. Je vous jure, c’était la cata, j’ai cru qu’un ami était en danger…

— Tu peux parler « d’amoureux » vu les messages que vous vous laissez, intervint Val.

— Val, siffla-tu, c’est pas le moment ! Et puis comment tu sais ça, toi ?!

— Je fais ça pour ta sécurité, riposta-t-elle.

Tu jugeas qu’il valait mieux ne plus se poser de questions làdessus, elle n’était ni la première ni la dernière à te faire ce coup-là, quand bien même ça te saoulait, et tu décidas judicieusement de l’ignorer – tu irais manger avec elle plus tard.

En attendant, tu portas mieux le téléphone à ton oreille au moment où David redevenait un peu plus intelligible, peut-être parce qu’il avait repris le téléphone à Val :

— Ne nous fais plus ça, pleurnichait David. J’ai cru qu’il t’était arrivé malheur ! Je m’en serais jamais pardonné de t’avoir fait fuir à force de te laisser tout le travail…

— Hein ? bredouillas-tu en clignant des yeux, soudain devant t’immobiliser et t’asseoir au bord d’une fontaine décorative qui ressemblait bizarrement à une ampoule à néon géante avec de l’eau à la place de l’électricité, et en prime, faite d’un genre de marbre – ce truc dépassait ta compréhension de physique. Davy-chou, qu’est-ce que tu racontes ?

Evidemment, tu découvris quand tu t’assis que la margelle était mouillée, ce qui te trempa les fesses.

Mais là, tant pis.

Tu avais beau chercher, tu ne comprenais pas.

— Tu es partie en vacances parce qu’on te donne trop de travail, hein ? déduisait David, bouleversé. J’ai encore tout gâché ! J’ai…

— Dave, tu en fais trop, calme-toi, le rassura Franklin et tu entendis un bisou sonore, comme un bisou sur le front, ce qui te fit déjà fondre le cœur et…

—Chouchou, renchéris-tu en caresssant la margelle froide des doigts, comme si tu pouvais par là lui caresser l’épaule de là, tout va bien. Je me suis beaucoup donnée pour le dernier projet, oui, mais c’était de ma propre volition. Je t’aime, je vous aime tous les deux, tous les trois, vous y êtes pour rien. D’accord ?

David continua à renifler pathétiquement, et tu entendis Franklin murmurer que tout allait bien, lui tendre quelque chose, probablement un mouchoir. En l’écoutant se moucher et chouiner, et avec un sourire au cœur, tu déclara doucement :

— Tout va bien, je te jure que tout va bien. J’ai pas eu d’accident, on ne m’a pas kidnappée, et je vous aime toujours. Désolée Franklin…

Tu allais te lancer sur une salve d’excuses, mais plus loin, ton regard se figea sur le bar.

Keith et Dorian, bien qu’ils furent très loin, étaient de nouveau assis – à une table du fond – ou plutôt Keith était debout en train de parler à voix basse à Dorian, avec un bras dans son dos qu’il était en train de masser. A l’expression de Dorian, écarquillé de choc, il était en proie à une horreur et un flash-back des plus vicieux.

D’instinct tu voulus y accourir, mais Franklin répondit avec un petit rire soulagé :

— Ouais, je comprends. Je t’ai fait le coup plusieurs fois, il n’était que juste que tu nous rendes la pareille.

— Franklin ! protestas-tu en t’en retournant à ton téléphone, le cœur tiraillé. Je te jure que ça n’était pas ça. Mais là je suis un peu en plein milieu d’une crise, mes anciens objets ils font un peu…

— A ce sujet ! s’écria-t-il, et tu entendis qu’il prenait le téléphone à David. Attends, deux secondes.

Il y eut effectivement deux secondes de silence pendant lesquels tu entendis un bruit comme le tout petit souffle que l’on fait juste après avoir embrassé quelqu’un un peu fort, avec beaucoup de tendresse, mais pas passionné – puis le soupir de David, enfin rassereiné – et Franklin, au bruit de pas, reprit le téléphone et s’éloigna pour te parler, exactement comme tu avais fait…

— Selon Val, il s’agirait de Keith… Ta clé. Le dingue qui t’avait volé pour partir à Ibiza.

— Le dingue qui a sauté d’un avion, oui, confirma-tu en contemplant la scène plus loin – cette fois, c’était Dorian qui tenait Keith par les épaules, et tous deux semblaient pris dans une conversation très importante. Il… Bref, je crois qu’il n’avait pas fini son uh… Unfurnished Business…

Le malaise en toi était puissant : d’un côté tu n’avais aucune envie de contredire tes associés parce que tu savais très bien ce qu’ils pouvaient se dire, d’un autre côté, tu ne pouvais pas dire du mal de Keith, et le qualifier de « dingue » était déjà méchant. Et tu n’avais qu’une envie, courir les voir, parce que les deux semblaient vraiment bouleversés.

Perdue dans ton hésitation, en essayant de reposer ta main sur la margelle – tu glissas et tu manquas de tomber dans la flotte. Avec un sifflement tu te rattrapas in extremis et t’écria à Franklin:

— Merde ! Doudou, je te promets que tout va bien. Oh, et pour Val, dis-lui que c’est réglé pour Emmanuel. Y a euh…

Tu hésitas à décrire la situation, mais finis par grimacer :

— Comment dire. Il poseras plus de problèmes.

— Tant mieux, dit Franklin de sa voix plus sérieuse, mais ce n’est pas le sujet. Ca, je suis au courant déjà. Ce qui me chagrine, c’est plutôt qu’un autre de tes anciens objets soit venus nous voir pour étudier le compte d’une personne que tu aurais aidé Keith à pirater.

Des sueurs froides te coulèrent dans le dos. Ils étaient au courant ?!

Franchement, t’aurais dû refuser ce jour-là. Essayant d’essuyer ta main sur ton haut, et d’ignorer les passants qui te regardaient à la fois avec perplexité et un air bovin, tu repris, te voulant rassurante, et avisant une boutique de parfum à proximité dont tu ramènerais bien une bouteille de ce déo qui plaisait à Franklin :

— Ah… Ouais, je sais. Je… Je savais pas qu’il ferait ça. On voulait juste découvrir pourquoi il avait été jeté dans le vide sanitaire, selon lui, il disait que c’était un ancien propriétaire de la maison. Bref, Keith me racontait des bobards… J’suis en train de mettre tout ça au clair avec lui, justement. Mais je gère, je suis avec Dorian, et il se laisse pas avoir par lui si facilement.

— Une porte qui résiste à une clé ? s’amusa Franklin. Plus sérieusement, tu sais que j’ai accès à toutes vos conversations, je les connais presque aussi bien que toi, et je te connais aussi bien qu’eux, d’ailleurs. C’pour ça que David est en train de pleurer d’ailleurs. Il est autant tombé amoureux de toi qu’eux.

— Hé, tu passes devant, le grondas-tu, et tu sais aussi bien que moi.

— C’est pas la question, te sermonna-t-il à son tour, sa voix plus douce. Espèce de nouille. Au sucre. Il y a surtout que selon cet objet, cette personne aurait commis un meurtre il y a quarante ans. Je n’ai pas besoin de te dire combien…

 

Tu n’entendis pas la suite.

 

Parce que d’un coup tout fit sens.

Le propriétaire de Keith qui l’avait jeté. Un ancien possesseur de la maison qui à présent est affilié à Valdivian.

Rudy. CE Rudy. Celui qui avait tué Zoey.

Bodhi qui se retrouvait avec le pendentif de Zoey. Bodhi qui avait été enfermé dans les années 80. Les années 80 où Zoey était morte, assassinée.

Keith, enterré dans le vide sanitaire, au même endroit que Bodhi. Keith, qui ouvrait la porte du grenier. Du lieu du crime.

La conversaiton de tout à l’heure de Keith et Dorian.

Keith qui était convaincu d’être un monstre, qui avait eu peur l’autre fois de sa réaction en voulant t’empêcher de partir et en te piégeant dans le grenier…

 

Assise au bord de la fontaine, tes doigts se relâchèrent. Une froideur glaciale venait de te submerger, et…

Ton téléphone atterrit dans l’eau, et tu te levas, sans même le repêcher. Tu emprunterai le téléphone de Dorian pour écrire à Franklin ou David, ou Val même, pour leur dire que tu allais bien.

Mais pour le moment, tu t’approchas…

 

Et tu vis que Keith étreignait Dorian contre son puissant torse, Dorian en train de pleurer. Longuement. Si longtemps, et si puissamment, même, que tu t’arrêtas un instant pour leur laisser une intimité dont ils avaient bien besoin. Keith étreignait Dorian contre lui, contre sa poitrine, tandis que la porte, pourtant plus grand était agité de soubresauts, ses bras passés fort autour du cou du plus vieil homme, son front contre son épaule, et ses larmes – ses larmes inondant, inondant la chemise de ton ancienne clé… De celui qui désormais était un homme libre, tu le jurais devant le monde entier. Keith marqua une pause pour embrasser Dorian puissamment sur le front, puis enrouler plus fort encore ses deux bras puissants autour du plus jeune homme, et le serrer fort, fort, fort, murmurant des paroles que tu n’entendais pas, des paroles de réconfort.

 

Ton cœur se brisa à les voir ainsi. Mais une résolution intense naquit en ton cœur.

 

Quelqu’un devait payer, elle devait trouver la paix, et eux aussi.

Chapter 10: Un chat tuerait un adversaire qui fait trois fois sa taille pour protéger ses petits

Summary:

          Ca ne se passait pas du tout comme prévu.

Notes:

LACRI, THANK YOU SO MUCH FOR HELPING ME WITH THIS, BECAUSE YOU KNOW HOW THE SPECIFIC MOMENT HERE WAS HARD FOR ME TO DO T_T

Chapter Text

          Ca ne se passait pas du tout comme prévu.

 

L’idée de Keith avait été simple. A partir du moment où tu débarquerais à l’aéroport, attirée par ses subtiles manigances visant à ne plus te répondre, t’inquiéter, et t’inciter à venir le rejoindre ici, il t’aurait séduite aisément, marmonné quelques grossières excuses pas moins sincères quant à son départ brusque… Il t’aurait prise dans ses bras, embrassée à t’en faire perdre la tête, et il t’aurait emmenée prendre ce cocktail. Là, en tête à tête, il aurait eu quelques paroles à prononcer, et enfin, enfin , tu serais montée avec lui dans l’avion…

Enfin, il partirait vers sa destination initiale, et tu serais bien avec lui, et là-bas il pourrait enfin vivre cette vie qu’il se souvenait avoir rendu ses anciens propriétaires si joyeux, cette vie pleine. Là-bas, il retrouverait enfin son honneur, sa fierté.

 

Mais ça ne se passait pas du tout comme prévu. D’abord tu étais arrivée avec Dorian, et ensuite les deux vous aviez paru très clairement fâchés. Il avait réussi à récupérer la main gagnante en vous emmenant dîner, et en rattrapant la partie in extremis par cette histoire de truffes, bien qu’il ne se fit guère d’illusion, on ne rattrape pas une trahison d’une amitié… et plus, vieille de plus d’un demi-siècle, juste par un bon repas.

Et même… Même cet épisode d’un baiser ardent n’y changeait pas grand-chose, sinon qu’il avait remarqué quelques points auprès de Dorian, qui lui permettrait de mieux manœuvrer.

Après le repas, il vous avait invité à déclarer vos doléances.S’il continuait à vous éviter, ce serait pire.

 

Néanmoins sa stupéfaction quant aux problèmes de Prissy était belle et bien sincère. Il avait envisagé une telle possibilité, mais la présence du si gros budget dans les caisses de son patron lui avait paru un assez sûr pot de vin. A partir de là, le reste de vos sujets de critiques était plus compréhensible.

 

Oui, il t’avait refait le coup de se barrer sans un merci, à peine un au revoir. Parce que tu étais partie t’amuser comme une folle, et qu’il avait envie d’aller s’amuser à son tour, de te montrer qu’il n’était pas ton projet de sauvetage, ta cause à secourir, qu’il était tout à fait capable de s’en sortir seul. Maintenant que tu étais là et que tu avais juré de l’accueillir éternellement – il se sentait étrangement beaucoup plus en confiance, ressentait moins ce besoin… Ce besoin de faire n’importe quoi, de prendre n’importe quoi, pour vivre. Des expériences, il en avait eues – suffisamment pour une vie. Pourtant la plus grande encore, c’était toujours ces instants où tu l’avais accueilli, où petit à petit il t’avait vue retomber amoureuse de lui. Ce jour où tu l’avais embrassé pour la première fois depuis si longtemps, il l’avait rendu tout chose.

Au point d’oublier ses défenses.

Au point de se sentir bientôt assez fort pour vaincre une hantise personnelle, celle de ne jamais réussir à atteindre son but, celle de retomber dans une misère pareille que celle qu’il avait vécu pendant une année en voulant rentrer chez lui. Un chez lui qui n’existait que grâce à toi, malgré lui, et qu’il n’aurait jamais cru considérer un jour ainsi, pas après ces quarante années d’isolation. Qu’il avait complètement occultées, malgré des cauchemars affreux en pleine nuit. Vu toutes les merdes qui lui étaient arrivées ces derniers temps, ces cauchemars n’étaient qu’une partie entre d’autres.

Un besoin qu’en discutant avec toi la nuit, sur Thiscord, en sentant ton odeur sur le matelas, en te voyant même quand tu étais avec d’autres, il ressentait plus fort que jamais.

Son envie, était de te voir rire. De rire avec toi, de retourner explorer le monde, voir ce qu’il y avait là, voir pourquoi l’on volait tant, voir pourquoi tant s’accrochaient si fort à la vie !

Ils se droguaient pour ressentir des émotions, mais…

Maintenant qu’il n’en ressentait plus le besoin viscéral , il se sentait étrangement plus libre. Comme si les derniers verrous, qu’il avait lutté, cogné, avec tant de force à sa Réalization, les derniers verrous qui harcelaient son cœur de la peur de passer à côté de tout, les verrous de cette mort omniprésente qui pesait sur lui…

 

Cette mort que Rongo avait réussi à lever en partie, et qui jouait dans tout cela. En parlant d’elle, Prissy, Rongo, Vaugn, et toi, vous l’aviez étrangement soutenu alors que lui n’aurait pas accepté. Sans rien exiger en échange, juste un défi. S’il voulait que tu lui finances sa prochain envoi en l’air, alors il fallait qu’il te rembourse ce qu’il te devait. Il y avait une légère hypocrisie en le fait que tu ne lui avais rien dit pour le compte crypto, mais enfin, il savait aussi à t’avoir regardée travailler et répondu au téléphone plusieurs fois à David et à Franklin (sa fierté n’avait pas de limite) que tu considérais la cryptomonnaie comme une vaste connerie, et qu’à la réflexion, te jeter ça à la figure la première fois avait juste été comme un coup d’épée dans l’eau.

C’était… C’était bizarre.

Il ressentait en lui quelque chose de chaleureux, et quand il repensait à son saut dans l’inconnu, et sa hargne d’alors, il avait aussi maintenant une bizarre peur de la mort, qui lui semblait plus – étrangement ? – saine qu’avant. Il croyait son cœur vide, incapable d’aimer.

Mais quand Rongo l’avait serré dans ses bras, et quand malgré tout ce qui s’était passé, tu avais témoigné cette stupide compassion, quand Prissy avait écouté sa vague odyssée de retour et son récit de ces quarante années enfermés, à parfois prier en entendant du bruit autour, en voyant parfois des gens descendre pour ne rien faire d’autre que bouger, sans le voir, pris sous la terre… Même quand Vaughn qui le conduisait lui avait parlé de ces années de solitude, et de la folie qui l’avait pris, et combien il était bon pour lui de massacrer à présent la vermine et prouver sa valeur, il s’était rendu compte d’une vérité.

Déjà, qu’en voyant la façon dont l’isolation dans le vide sanitaire avait foutu tout le monde  en l’air, un sale sentiment lui venait quand parfois il considérait ses actes, et peut-être en agissait-il encore plus imprudemment en réponse. Vaughn avait eu tellement du mal à se sentir vivant qu’il couchait avec l’incarnation de la Terre faite femme, et il se lançait dans une quête de massacre de ses congénères qui fichait la nausée à Keith.

Bodhi s’était tapé un tel vide existentiel en revenant à son époque, après un sommeil dans la carbonite de plusieurs décennies, que tu avais dû prendre beaucoup de temps pour le réconforter, et il avait dû mal encore à se rhabituer.

Beau, il lui avait suffi d’avoir un élément d’elle-même qui avait été placé dans le vide sanitaire avec la roche de Rongo à l’intérieur, pour qu’elle en pète les plombs et développe une seconde personnalité.

Quant à lui, d’un manipulateur qui aimait quand même son entourage, aimait faciliter la vie de ses possesseurs, et aimait être exhibé, il avait… Il avait servi à un meurtre, il avait servi à des rituels de magie, et lui qui aimait séduire, charmer, il s’était retrouvé enfermé pendant quarante ans dans le noir, avec pour seule compagnie un murmure qu’il n’avait identifié que récemment comme étant celui de Rongomaiwhenua.

Quarante ans à ne pas pouvoir bouger, et à se torturer sur ce qu’il aurait pu faire.

 

Il y avait des nuits entières qu’il avait passées à faire des cauchemars, et ça avait commencé dès ses premières journées dans la civilisation en tant qu’homme, dès son saut de l’avion et son atterrissage en vie, étrangement. Des nuits où il avait vendu son propre corps, s’était humilié, pour une dose d’un quelque chose qui lui permettrait d’oublier.

Ce qui lui permettrait de s’amuser était devenu une drogue pour oublier, pour s’évader. Une dope pour ne plus penser à rien.

Ses cauchemars s’étaient un peu apaisés depuis qu’il était rentré. Et ces nuits où il t’avait sue juste à côté, ces nuits où tu lui avais promis que tu serais toujours là pour lui, c’était des nuits qu’il avait passée à se masturber pour s’endormir en pensant à toi, en se réjouissant de te détenir si aisément…

… Et puis des nuits où, à réaliser ce qu’il tenait pour acquis, il se caressait avec moins de brutalité, plus de passion, et regrettait de ne pas venir te rejoindre dans ton lit, ou dans ta croisière t’embrasser par la suite, te faire sienne, te redire ces mots qu’il pensait, alors qu’il s’en croyait incapable. Tu n’étais pas restée longtemps après son retour, mais c’était bien assez.

 

Et s’il avait pu, il t’aurait emmenée en effet en vacances à son tour.

 

Vous seriez allés faire les clubbers, pour qu’il te montre cette fraction ce qu’il connaissait. Pour qu’il te montre les soirées endiablées que ça provoque, les grands de ce monde, quand ils s’amusent, comme Felix, comme Carmen, ses anciens propriétaires d’antan. Pour qu’il te montre l’extase que c’est, de commettre l’interdit en public, dans un placard, quand tout le monde ignore que vous êtes là, et que juste à côté d’eux vous vous livrez à la petite mort.

Puis vous auriez fait un peu plus ce que tu avais envie. Vous auriez fait les deux. Il t’aurait fait découvrir des choses auxquels tu te refusais quand il t’avait connue pour la première fois, des choses qui t’intriguaient pourtant, à voir combien tu te laissais séduire par lui.

Il aurait été ton enseignant, ton maître, et ton amant endiablé.

 

*          *          *          *

 

             Alors que vous lui reprochiez un quelque chose qui lui semblait si insignifiant comparé aux plans glorieux qu’il avait tracé, les raisons pour lesquelles il n’avait pas attendu que tu rentres pour te barrer, les raisons pour lesquelles il loupait sciemment l’avion depuis une semaine et continuait de le faire jusqu’à ce que tu lui reviennes ? Ca l’avait mis en rogne.

Puis tu avais commencé à poser la question, et Dorian avait renchéri.

 

Pourquoi Rongo lui faisait confiance ?

 

La réponse était humiliante pour lui. Et charriant bien trop d’éléments. Il aurait pu vous faire une blague, vous raconter qu’il l’avait séduite, mais la vérité était que ça avait été l’inverse. Elle l’avait saisie, elle l’avait charmé, elle l’avait incité à s’agenouiller métaphoriquement et littéralement devant elle, pour que déesse qu’elle était, elle caresse son visage, murmure des paroles réconfortantes, murmure qu’il n’y était pour rien, que ce sang qui l’avait souillé, n’était pas de son fait.

La vérité était qu’elle avait éveillé ce qu’il voulait cacher. Et que cette vérité avait éveillé cette part de lui qui paniquait et souhaitait tant vivre. Cette vérité avait été la raison pour laquelle quand il avait fait preuve de colère et t’avait coincée contre la porte du grenier, il avait su, il avait su dès que tu avais eu une autre réaction de celle que prévue, qu’il y avait un spectre qui courrait sur lui et…

Dorian n’entendit pas sa défense. Keith, sous vos accusations, se défendit de vos accusations en prétextant sa sociopathie. Dorian remit en doute ses dires. L’accusa d’être sous influence de vos anciens propriétaires, d’avoir, en gros, besoin d’une bonne thérapie. C’était une discussion qu’ils avaient déjà eu tous les deux, peu après que tu aies réveillé Keith pour la première fois, et que Dorian était venu lui poser des questions pour vérifier comment il s’était porté. Keith avait nié, avait protesté en riant qu’il allait bien, qu’il avait juste beosin de se reposer et profiter un peu de la vie. Voilà qu’il remettait ça sur le tapis.

 

Puis tu commenças à poser des questions.

 

En un éclair, Keith vit arriver la suite. Tu apprendrais qu’il était responsable du meurtre de Zoey. Ou en tout cas qu’il s’en sentait coupable. Tu prendrais peur, tu serais dégoûtée, tu te méfierais, car tu adorais Zoey. Plus jamais tu ne le regarderais de la même façon.

Ses défauts, sur lesquels tu passerais l’éponge, soudain deviendraient des critiques majeures. Et un jour, ta maison lui serait moins accueillante.

Un jour, il perdrait cette chaleur qui voulait être là pour lui quoi qu’il se fasse. Quoiqu’il rate. Quoiqu’il réussise.

Keith n’était pas un imbécile, et bien qu’il eut une confiance en lui surdimensionnée, t’avoir, c’était vital. Alors il se leva. Il protesta.

— Arrête, s’il-te-plaît. Ne continue pas. Je ne veux pas qu’elle sache.

Mais Dorian n’écouta pas. Dorian lui tint tête.

Comme toujours.

Cette fois, Keith ne gagna pas la partie. La lutte, Dorian la gagna. Et Keith perdit son sang-froid.

— J’AI FAILLI L’AGRESSER DANS LE GRENIER ! rugit-il soudain.

Son âme entière y était passée, son corps s’était comme projeté en avant, la force d’un aveu, la force d’une haine, la force d’un besoin de te protéger de ça –

Pas la peine que tu saches, pas la peine qu’elle sache

Tu te hâtas de t’interposer, et ce simple geste lui retourna l’estomac, car comme Zoey, comme tous ces gens qu’il manipulait à sa guise, tu avais besoin de bien faire, tu avais besoin d’aider autrui, tu avais besoin de tout faire pour tes amis, tu étais une proie facile, si facile, c’est-

C’est pour ça que je veux t’avoir à moi, parce que personne ne te retourneras contre moi, personne ne pourra te dresser contre moi, si je te tiens

Le regard de Dorian se fit dur, et alors que tu essayais de t’interposer, il vit son ancien amant prêt à lui-même t’attraper, t’écarter, de tenir loin de lui.

Il vit son ancien amant qui le dévisageait avec haine et pitié à la fois, et c’était insupportable. Un mélange qui, pour Keith, était la pire insulte qui soit. Il fallait lui ôter ça du visage. Plus de pitié ! Dire ce qu’il fallait pour que Dorian le haisse ! Keith ne voulait pas de pitié, il voulait qu’on reconnaisse qu’il était capable, qu’il était puissant, qu’il était le maître , et que personne n’avait à croire qu’il était à nouveau un bien à posséder :

—  J’ai essayé d’agresser Y/N dans le grenier ! La veille de son départ pour sa croisière avec ce con de Jacques ! J’avais travaillé toute la journée pour regagner son estime, tout ça pour que quand je rentre, je l’entende en train de s’envoyer en l’air avec Jacques…

C’était ce qui s’était passé à ce moment-là, et il ne t’en avait reparlé que pour te dire qu’il était désolé, que vaguement, mais jamais il ne t’avait expliqué pourquoi il avait été tant dégouté de lui-même. Mais ce soir-là, pendant qu’il passait aux aveux, celui-ci prit des allures d’accusations. L’expression de Dorian s’enragea davantage.

Bravement, tu continuas à vouloir les empêcher de se battre, en te plaçant entre eux et en évitant le léger décalement de Dorian qui voulait se positionner pour te protéger. Tu les supplias de se calmer, mais…

Keith était lancé, et s’il fallait que tu entendes la vérité, alors que tu l’entendes entière.

— J’ai pensé reste ici, reprit Keith. J’ai voulu que…

Sa voix était tombé, car il avait senti sa fureur s’abattre brutalement, pour que la plus désagréable des sensations, la honte de soi, celle qui l’avait envahi toute l’année passée quand il s’était pratiquement prostitué pour sa dose, et pendant ces quarante ans où il avait repensé en boucle à la mort de Zoey, et à sa paticipation involontaire, en prenne la place..

— j’ai voulu qu’elle soit à moi, qu’elle ne me quitte jamais, acheva-t-il, la voix se brisant. J’ai pensé que si elle ne voulait pas être à moi, alors qu’elle ne le soit à personne d’autre. J’ai voulu…

J’ai voulu qu’elle le soit pour toujours.

 

J’ai voulu être Rudy.

 

La réalisation envahit tous ses sens comme l’effroi vous glace le sang, comme une simple gorgée d’une eau glaciale vous fige le cerveau, vous donne mal à la tête.

La réalisation, qu’il avait déjà eue ce soir-là, qui lui revint, le brisa.

— Keith, l’appela Dorian, mais Keith secoua la tête.

— C’est elle qui m’en a sorti. J’ai failli la pousser. J’ai failli lui faire mal, sans même comprendre ce que je faisais.

L’aveu qui vint ensuite, était pire que tout.

Parce que sa bravoure, sa bravade, se brisa. Que Keith avala difficilement sa salive, et que l’expression qu’il jeta à Dorian, était mêlée d’un pitié, sauve-la, agissons.

— Je suis ce manipulateur fou dangereux comme lui…,

Voilà la vérité.

La sombre vérité, qui lui glaçait le corps, qui le lançait en overdrive, le poussait à boire la nuit, le poussait à prendre n’importe quoi, le poussait à se branler pour essayer de se changer l’esprit, le poussait à faire tous les excès pour ne plus y penser, maintenant que la vérité était ressortie…

Maintenant qu’il avait réalisé que bien malgré lui, ce jour funeste était toujours présent en lui comme au premier jour, qu’il en voulait fuir, fuir sa responsabilité, fuir les propriétaires qui l’avaient mis dans cette situation, fuir la maison, fuir cette horreur, fuir ce…

— Nous sommes des objets, et entre lui et mes précédents utilisateurs, cariño, mis vidas, vous devez comprendre que je suis dangereux, souffla-t-il en posant enfin un regard défait sur toi, et Dorian. Ce que j’ai fait à Prissy c’était juste un…

 

… Et ce fut l’instant que choisit ton téléphone pour sonner.

 

Sous son regard interdit, tu parus reconnaitre la sonnerie, qui devait venir de quelqu’un d’assez important pour que tu paniques et leur demande de t’attendre – puis tu te sauvas rapidement avec le téléphone.

Dorian et Keith restèrent comme engourdis, et les deux hommes te regardèrent partir avec interdiction. Puis Dorian, toujours te regardant, se racla la gorge.

Ca fit tressaillir Keith, qui fit cependant un sourire dépité. Et comme tu t’éloignais assez pour ne plus les entendre, Keith grimaça :

— … On passera jamais au premier plan, hein ?

— Ne change pas de sujet…, grommela Dorian en pivotant le tronc ver lui. T’es pas Rudy. Et j’y ai bien réfléchi. Et je pense que tu racontes vraiment énormément de conneries.

— Viens, on s’éloigne, grimaça Keith en lui tapant sur l’épaule, avisant les clients des boutiques à proximité, qui les regardaient tous les deux fixement. Et j’aimerais que tu te mettes uen bonne chose en tête : quand je suis sincère, comme ça. Crois-moi. Parce que ce serait…

Ils s’arrêtèrent près de la fresque du fond du café, et Keith fit un signe à Lisa, la patronne, pour lui dire de ne pas s’en soucier. Il s’avisa d’un coup d’œil que tu ne le regardais plus, puis il siffla à Dorian, entrainant l’homme le plus jeune comme sous son bras, pour les cacher au reste du monde, l’œil mauvais :

— Ce serait d’une simplicité enfantine pour moi de vous manipuler. Je pourrais prétendre que j’ai été traumatisé par Rudy, par l’enfermement dans le vide sanitaire, et par l’année que j’ai passée dehors. Et c’est ce que j’ai commencé à faire avec elle.

Les pupilles de Dorian s’étrécirent, et Keith vit que cette poitrine qu’il avait connue par cœur, était secoué du souffle caractéristique, restreint, en choc, de quelqu’un en panique.

Une simple insinuation suffisait.

Grondant, sa voix basse, Keith continua, sa main sur l’épaule de Dorian se contractant :

— Je risque de recommencer. Mon premier instinct, c’est de vous manipuler. De vous assujettir à mes envies, parce que je le peux , parce que je sais comment faire. Je mens pas quand je te dis que je ressens rien pour les autres. Vous êtes des objets, rien de plus. Alors barre-toi avec elle, si tu l’aimes. Parce que je vais la ruiner. Je vais TE ruiner

— Keith, gronda Dorian. Arrête tout de suite tes conneries.

Les lèvres de Keith se retroussèrent en un vicieux sourire, qui passa immédiatement à la surprise effarée lorsque Dorian dégagea son bras de son épaule et s’empara du sien par un clé de bras légère, et lui pliant le dos, alla le forcer à se diriger vers une table à proximité.

Keith grogna :

— Qu’est-ce que tu fous. Je vous rends service. Tu veux que je vous serve un mensonge, c’est ça ?

— Je veux que tu me serves la vérité, gronda Dorian en s’asseyant à une table près d’eux, stratégiquement placé pour que tu les voies de dos.

Sous cet angle on aurait pu croire que Keith était en train de consoler Dorian. La vérité était qu’il tenait son ancien amant, et qu’il en comptait plus le lâcher. Keith sentit ses sueurs froides le prendre et en même temps – un si vague sentiment de fierté ?

Dorian ne se laissait plus faire.

C’était bien. Les vagues esquisses de remords qu’il avait s’en réjouissaient.

— Dis-moi, gronda Dorian en lâchant enfin Keith, pour que les deux hommes s’assient correctement à atable, et le garde du corps balaya la pièce d’un coup d’œil rapide pour s’assurer que tout allait bien, les autres clients ayant totalement terminé de déserter. Est-ce que tu éprouves la moindre véritable chose pour nous.

Keith écarquilla les yeux, et éclata d’un rire sardonique, sans la moindre joie. Il croisa les bras sur la table, et se pencha vers Dorian, son séduisant visage représentait un masque de froideur et d’une joie d’un sarcasme absolu.

— Veux-tu la vraie réponse, ou ce qui te ferait plaisir à entendre ?

Dorian montra les dents.

— C’était pas une question. Elle t’aime, abruti. Et moi aussi. Parce que j’ai jamais pu t’oublier. Malgré tout ce que je t’ai dit.

Keith ricana, méprisant.

— Tu aurais dû. J’étais un bâtard à l’époque, ça n’a pas changé. J’étais juste gentil parce que tu es beau et un bon coup, voilà tout.

Dorian serra les dent mais ne releva pas l’insulte.

— Keith. Va te faire soigner , putain. T’as passé quarante ans en prison, t’as vu un meurtre dont j’ai tout oublié, en partie à cause de toi , et tu viens de passer une année entière à errer et à subir des trucs atroces rien que pour rentrer auprès d’elle. Je me fous de ce que tu crois être. T’as besoin d’une fucking thérapie.

Keith haussa les sourcils, esquissa un sourire cruel…

— Oui. Dont je retournerai le cerveau du thérapeute comme notre ancien propriétaire l’a fait, qui jurera de mon innocence quand vous deux serez en train d’agoniser une nouvelle fois, parce que je vous aurai volé, encore et encore. Parce que je l’aurai abandonnée dans un hôtel d’Ibiza, et que quand je te reverrai, ce sera pour profiter de tonc orps une dernière fois avant de t’abandonne encore. Et j’aurais aucun regret, pire, je rirai de ça.

… Et puis le masque de fureur de Dorian se brisa l’espace d’une seconde. Laissant apercevoir un cœur à vif derrière.

 

—Arrête ça. Ne me repousse pas, dit-il simplement.

 

Keith, penché sur la table, entendit comme un écho.

Arrête ça ! Ne me retiens pas ! implorait Zoey, tapant sur la porte, tournant en folie la poignée, sans trouver la clé, suppliant Rudy de la laisser partir.

Arrête ça. Ne me menace pas, demandait Y/N, devant lui, apeurée, et faisant de son mieux pour être impassible, avant d’affirmer qu’elle le connaissait mieux que quiconque. Folie.

Arrête ça. Ne me repousse pas, requérrait Dorian en lui demandant de cesser d’essayer de chasser le monde entier, de ne plus essayer de se faire voir tel qu’il était…. Ou qu’il n’était pas ? A celui qui l’avait si bien connu autrefois, et qui pourtant lui était…

Arrête ça. Ne te débats pas, ne résonnèrent non pas les voix de ses tourmenteurs passés, mais Rongo, tandis qu’il était prisonnier de ses bras, et qu’elle murmurait de douces paroles à ses oreilles. Laisse-toi, accueillir.

Arrête ça, abruti, s’était-il rugi au fond de lui en réalisant que son parachute n’allait pas fonctionner, et que sa liberté qu’il goûtait si cher allait lui coûter une vie qu’il n’avait pas eue le temps de vivre.

Arrête ça, dégénéré, s’était-il sifflé tandis qu’il laissait encore des gens se servir de lui en échange d’un toit ce soir. Et qu’il saignait ensuite, fiévreux.

Arrête ça, ne me jette pas là-dedans, résonnait aujourd’hui un nouvel écho dans sa psyché. Sa rpopre voix, plus jeune, terrifié en voyant la main pleine de sang, la trappe s’ouvrir, la time capsule et lui emprisonné à l’intérieur, jeté, mais le ficelle avait été mal fait, il en était tombé.

 

Un mal de tête commençait à le prendre. Si violent que…

Si violent que, il ignorait ce qu’il faisait, mais Dorian face à lui vit soudain son visage de peiné s’écarquiller. Keith s’entendit parler avant même de comprendre.

— … Je suis un salaud. Dorian, c’est moi qui l’ait tuée, avoua-t-il enfin. C’est moi qui ai fermé cette porte. Sans moi, elle serait toujours en vie. Elle aurait eu une belle vie.

— Sauf que cette porte, c’était moi, Keith, murmura Dorian…

Keith regarda Dorian.

Vraiment.

Un frisson glacial le parcourut, tant et si bien – que pour y remédier, sa seule idée fut… fut de saisir Dorian, et le serrer fort contre lui. Un souvenir venait de lui remonter d’il y a quarante ans, aussi. Où Keith avait murmuré à Dorian quelque chose, quelque chose de simple.

[Ref : Bluebeard key by Lacrimosis]

D’oublier, d’oublier. D’oublier tout ce qui s’était passé ce soir.

 

Tu n’y est pour rien. Tu n’y es pour rien, Dorian. C’est moi le méchant. Pas toi.

 

Ca faisait quarante ans que Keith se répétait ça. Quarante ans qu’il préférait se redire ça plutôt que de penser qu’il avait été faible et impuissant, qu’il avait servi non plus à escroquer en beauté, mais à tuer.

Quarante ans que…

— Tu n’y es pour rien, murmura Keith en s’approchant pour que Dorian enfouisse son visage dans sa poitrine, et gémisse tout ce qu’il sache.

Ses bras autour de lui, il l’embrassa doucement dans les cheveux.

Et de son charmant accent llanito, murmura :

— J’ai jamais voulu ça. Et j’ai jamais volontairement voulu vous faire de mal non plus.

Dorian était tellement agité de sanglots, qu’il allait lui ruiner sonc ostume en deux secondes. Pourtant, Keith se prit quand même un petit coup de poing dans le ventre, rien d’assez pour blesser, mais bien asssez pour couper le souffle :

— T’as quand même sorti à Y/N que t’en avais rien à carrer d’elle.

— Ben, c’était un peu vrai, renacla Keith doucement en le caressant dans le dos. Sauf que ça ne l’es plus. Et si ça peut te rassurer, je te jure que dès que je serai installé, je vais me chercher un thérapeute. Et si j’ai du mal à en trouver à Ibiza, ou là où je m’installerai selon comment ça marche, je m’en trouverai un en ligne.

— T’as intérêt, grommela Dorian en le serrant beaucoup plus fort. Parce que je ne m’ouvrirai plus devant un salopard.

Malgré lui, Keith ricana. Et l’embrassa de nouveau sur le front.

Puissamment.

— Ca, c’est de la motivation. D’accord, Carino.

 

Les deux hommes se lâchèrent enfin, et Keith s’écarta de Dorian lentement, son regard dans le sien, ses deux mains glissant lentement le long de ses bras.

Il est même possible que, front contre front comme ça, les deux hommes se seraient embrassés si une furie n’était pas arrivée pour taper la table à deux poings et gronder :

 

— Vous vous foutez de moi ? Vous avez vu le meurtre de Zoey, et vous avez pas été foutus de me le dire ?!

*          *          *          *

 

             Tu étais livide.

 

A bien des égards. D’abord, parce qu’on parlait d’une putain d’affaire de meurtre, sur tes amis car à présent tu considérais qu’il y avait plus d’une seule personne qu’il avait détruite cette nuit-là, et que c’était un meurtre qui avait officiellement été classé comme un accident , donc que l’autre bâtard n’avait jamais eu à affronter la moindre responsabilité pour ses actes. Tu ne savais pas ce qu’il en était, car tu avais supposé que le mec était mort depuis, et puis tu avais eu énormément de choses à faire, et Zoey elle-même avait été si heureuse de redevenir vivante, et d’ensuite découvrir le véritable occulte et aider les gens, que l’idée t’était passée au second plan… temporairement. Sauf qu’apparemment ? Non seulement il était vivant, mais tu avais aidé Keith à pirater son compte.

Ensuite, parce que ce salopard avait, de ce que tu venais de comprendre, en plus d’avoir tué l’une de tes amoureuses et amies, été à l’origine de l’incapacité complète de Keith à faire confiance à quelqu’un, d’un fucking traumatisme que s’étaient tapé Dorian et les autres, et fait de Bodhi et Keith des complices malgré eux. Certes, concernant les objets, il n’avait aucun moyen de savoir qu’ils avaient des âmes potentielles, si tant était qu’on pouvait dire les choses ainsi, mais il avait tout de même volontairement dissimulé ces preuves…

Keith avait des défauts, ça, c’était clair, un manipulateur, qui t’avait roulée dans la farine, et qui continuait même s’il faisait des efforts – mais appartenir à un mec comme ça ? Dorian avait raison, ça n’était pas rien.

Et en dernier, c’était inconscient, mais c’était aussi qu’on parlait d’un homme que tu t’étais rêvée, sans l’aide de Nightmare, en train de l’assassiner. Tu n’étais pas quelqu’un de violent, malgré tes jeux avec Kristoff, et pour que tu piques une colère pareille, que tu rêves de choses ainsi puissantes, cela te laissait troublée longtemps. Pourtant, sans jamais avoir connu cet homme, tu avais rêvé d’avoir vu quelqu’un en train de malmener tes amis dans ta propre maison, tu lui avais sauté dessus, et tu l’avais étranglé.

En un éclair, tout ça était ressorti.

 

Et te voilà à présent devant eux.  Furibarde.

 Dans le restaurant/bar, se faisait le silence. Les deux hommes derrière leur table, toi  devant, furieuse, qui venait de leur crier dessus, s’étaient murés, comme si toute l’affection qui avait cru entre vous ces derniers mois, cette dernière année, venait de s’effondrer d’un coup, que tout d’un coup, tu étais l’ennemi. Ou, en tout cas, une intruse.

Keith, qui au début t’avait dévisagée avec l’air étonné, s’était depuis levé, majestueux lion, pour plaquer un bras sur la table… devant Dorian. Penché devant, comme de travers, bloquant ton chemin à lui. Comme pour le protéger de toi. Le sourire qu’il avait aux lèvres était faux , tellement faux que ce fut littéralement la seule chose que tu vis. Qu’est-ce que ça voulait dire, ça?! Pourquoi retroussait-il les lèvres en une grimace pareille?!

— Pourquoi vous n’avez rien fait ?! insista-tu. Bon sang, on pourrait rouvrir le dossier, avec des preuves accablantes ! Si vous y étiez, si vous l’avez vu , ça suffirait largement ! Et quand bien même…

— Parce que je n’ai aucune envie de faire ça ?! protesta Keith en grimaçant. C’est moi qui ai fait de la « prison » à sa place ! Pardonne-nous, mais on a plus envie de  vivre que d’aller faire ça ! Pour ma nouvelle vie, j’avais plus envie d’aller à Ibiza et m’amuser plutôt que d’aller me faire chier dans un tribunal !

Tu secouas la tête.

Ecartant les mains sur la table, ton échine brûlante de fureur, tu les considéras tous les deux avec des émotions si puissantes que tu n’arrivais pas à les contenir – rage, ardente, et tristesse, et horreur, et choc – ton esprit entier concentré autour de l’horrible pensée qu’on aurait pu faire payer Rudy, tu sifflas :

—Non, ça je veux bien l’entendre ! Je vous accuse pas d’avoir rien fait ! Mais depuis…

— Je ne vois pas comment tu veux faire ça ! s’écria Keith, furieux, le ton haussant plus que d’habitude . Zoey est vivante, et Rudy doit avoir au minimum soixante-dix piges, voir quatre-vingt !

— Et puis… Il n’y a pas que ça…, commença à riposter Dorian, dont les pommettes semblaient s’élever de plus en plus, trahissant une nausée croissant en lui Il est un monstre, mais… C’est… C’est un de nos anciens propriétaires. Ce serait plus qu’une trahison que tu nous demandes.

— D’accord, grondas-tu, je conçois que ça vous fasse peur ! Mais, ce type, il peut pas s’en sortir comme ça! Pas après ce qu’il a fait…! On pourrait faire reconnaître sa culpabilité au moins! Bordel, regardez ce qu’il vous a fait?! Vous voulez le laisser s’en tirer?! 

— Tu as demandé à Zoey au moins, si elle le voulait ? grinça Keith d’une voix d’une telle colère, que ça te court-circuita momentanément le cerveau . Y/N, ça ne sont pas tes affaires !

— Mais…

— On se CALME, décréta soudain une voix puissante.

Dorian venait de se lever, et de vous saisir tous les deux, pour serrer la main et vous attirer vers lui. Sa voix, un coup de tonnerre, frappa au beau milieu de vos esprits aveuglés de colère et de tant de griefs de colère qu’il n’y avait même plus la voie pour la raison. Keith et toi, en train de vous disputer comme des chiffonniers, vous levâmes tous les deux le nez vers lui pour le dévisager, sidérés. Comme deux chats en train de se battre qui soudain voient un oiseau.

D’où?!

Quelques secondes auparavant, le videur était comme trop stupéfait pour bouger. Mais tout d’un coup, peut-être parce que la dispute s’envenimait, peut-être parce que le choc était en train de subiser - il s’était levé, et vous maîtrisait tous les deux, et…

Vu son expression, et la raideur de son visage, tu n’étais pas tout à fait convaincue que ce soit son entraînement de videur qui frappait. Il avait l’air d’un homme qui passe en mode survie, et qui alors que tout son corps lui hurle de fuir ou se battre, agit, pour désamorcer une situation potentiellement très dangereuse. En vrai, ça n’était qu’une dispute. Mais vu les circonstances, il n’était pas difficile de deviner… Pourquoi il voyait ça autrement.

Il décréta, autoritaire, standing tall and proud:

— On va se calmer, répéta-t-il autoritaire tandis que Keith, interdit, clignait les yeux, et que toi aussi. Y/N, j’entends bien ta considération, mais cette histoire dépend de nous, et c’est à nous d’agir, d’aller trouver Zoey, et de faire le point sur ce qu’on a envie de faire.

La honte te grimpa aux joues. Certes, le sujet pour lequel tu étais en train de te disputer avec Keith était quoique grave, et complexe, méritait certes tension, mais pas… Pas une engueulade pareille. Il méritait du calme, du repos, et toutes les parties concernées, et c’était effectivement pas à toi de prendre une décision. Qui plus est, que vous ayez tous les deux torts ou tous les deux raisons, mais la façon d’aborder le sujet était nulle. Et au beau milieu de la fournaise de vos esprits, le calme de Dorian, pour le coup, entre ça et la répartie de Keith, avaient touché en plein coeur.

Keith, il grinçait les dents, ses épaules tendues. Lui aussi avait quelque chose d’indéfinissable, d’énormes émotions, puissantes, qui jaillissaient en lui, et bien qu’il darda sur toi un oeil toujours furieux,  et ce fut au tour de Dorian de se tourner vers lui, la voix sévère:

— Et toi, Keith, tu n’as pas besoin que je te le dise, mais Y/N s’emporte parce qu’on compte pour elle, que c’est une injustice, et qu’elle veut nous aider… Peu importe à quel point ce soit maladroit, mais c’est comme pour la Réalization. On s’emporte, parce qu’on compte tous pour elle. Et elle compte pour nous. Alors maintenant on se calme.

— … Soit, grinça Keith, et tu acquiesças à ton tour devant Dorian, penaude, mais parce qu’il exprimait ça bien mieux que toi.

Satisfait, il vous lâcha enfin, et Keith, récupérant son bras, et sans te lâcher du regard, partit s’asseoir de son côté de la banquette. Toi même, tu reculas en te massant le bras, parce que bon dieu Dorian avait une sacrée poigne, et tu continuas à le regarder. Mais rien que de te faire rappeler à l’ordre, tu vis mieux tes deux hommes… Et un sentiment de honte crût en toi, approximativement au même moment où les sourcils de Keith se fronçaient en une mimique plus épuisée, et triste, qu’autre chose.

Un sentiment de honte qui eut raison d’absolument tout le reste. Tu le voyais de nouveau… Et vraiment, lui gueuler dessus, ça n’avait pas été ce que tu avais fait de plus malin. Il n’avait pas eu assez de gens qui lui criaient dessus et le traitaient comme une merde cette dernière année? Il n’avait pas déjà assez bavé comme ça? Et Dorian alors? Ils avaient pas besoin de ça.

— … Désolée. Vous méritez mieux que ça. Je vous demande pardon.

Keith poussa un large soupir. Puis grogna, s’installant au fond de la banquette et secouant sa volumineuse masse de cheveux et de poils faciaux :

— Je sais. On est tous à cran, reconnut-il. Et c’est… pas une mince affaire, tout ça.

— C’est sûr.

Puis, tu inspiras profondément… Tu te passas les mains sur le visage, et quand tu les ôtas enfin pour adresser à tes amoureux un sourire triste, tout avait fini par s’enlever. Le dessin de ta bouche s’était inversé, et un mal de tête commençait à te prendre. au vu de leur expression, c’était pareil pour eux. Ca faisait beaucoup, beaucoup très vite…. Et pas étonnant que vous craquiez.

— J’ai été débile, reconnus-tu enfin en leur décernant à tout deux un signe de tête contrit. Je suis désolée.

Dorian soupira, en se décalant ouvertement pour te laisser t’approcher, et te fis signe de venir. Avec un sourire faible, mais sincère, il te glissa pour s’asseoir de l’autre côté de toi quand tu fus tout près d’eux, au point de tendre la main pour te serrer la tienne :

— Je ne vais pas te mentir, j’aurais pu m’en passer. J’aimerais bien ne pas avoir à m’interposer entre les personnes qui comptent pour moi, et la prochaine fois, je vous isole dans deux pièces différentes. Mais…

Un léger sourire narquois s’inscrivit sur ses lèvres.

— Vaut mieux ça que l’indifférence complète.

Sa main pressa la tienne. Et tu lui adressa un signe de tête penaud. Il s’écoula quelques secondes de respiration, puis tu poussa un profond soupir, et lui serra à son tour la main, avant d’hocher la tête, puis de faire de même en direction de Keith.

— Keith et Dorian. Je veux juste que vous sachiez que… quoiqu’il arrive, je serai là. Pour vous soutenir. Du mieux possible. C’est ça, surtout, que je voulais vous dire.

— Oh, je sais. Je sais bien, dit Keith d’une voix qui te fit relever le nez vers lui, et voir combien cette fois il souriait, fatigué, mais plein d’affection. 

Tu lui renvoyas ce sourire et…

— Mais bon, vu la scène de ménage en public que tu viens de nous faire… Viens quand même par là, murmura Keith de sa voix si suave qu’il était impossible d’y résister, mais une étincelle luisant dans son regard pendant qu’il tapota à dessin ses genoux. Que je te gronde, ma vilaine.

Un regard posé sur son expression, un large sourire délicieux découvrant toutes les dents et sa posture qu’il corrigea pour mettre l’entre-jambes en avant, t’invitant comme à venir t’asseoir… 

Oh bon sang, tu es infernal. Et de toute façon, c’était comme ça que tu l’adorais. Tu te sentis encore un peu conne, mais malgré toi tu laissas échapper un petit rire, et tu te glissas un peu vers lui. C’était ni le moment ni l’endroit pour une blague de cul… Du coup, c’était précisément le timing parfait. Dorian derrière toi renacla légèrement.

Keith leva son sourire absolument désarmant et conquérant vers toi une fois que tu te fus assez rapproché, et ronronna en posant les mains sur tes hanches: 

— Ma vilaine ~

— Bon sang, Keith, protesta-tu avec un petit rire, tu es épouvantable.

Il ricana… Puis il te saisit par la taille d’un bras massif, te tira, et te fit tomber en position assise sur ses genoux.

Là, avant même que tu ne comprennes ce qui se passait, ce même bras se passa autour de ton dos, et te serra fort contre lui, bientôt rejoint d’un autre. Dans un bruissement de vêtement, Keith t’attrapa pour te serrer contre lui, le plus fort possible, ses jambes sous toi un siège qui s’écartait pour t’empêcher de partir. Comme si, l’énergie rémanente de votre dispute, et sa montée d’adrénaline, il avait besoin de tout laisser partir et t’étreindre. Tu sentis la douceur de ses cheveux et de sa barbe glisser sur son épaule, et lui te serrer dans ses bras le plus fort possible, blottissant son visage contre le tien comme une ancre à la réalité, fort . Et apparemment, mais ça tu ne le remarquas qu’à peine parce que c’était vraiment pas le moment , il avait en parlant d’ancre le mât levé à la seconde où tu étais atterrie sur lui.

Sa poitrine, toujours aussi large, et étrangement, réconfortante, te frappa d’une telle puissance émotionnelle, un tout va bien, et moi aussi, dont tu avais tant besoin, que tu reniflas une nouvelle fois, trempant son costume à nouveau. Son souffle, à ton oreille, sensuel, mais aussi sincère, te réchauffa le corps et le cœur :

— J’aime bien que tu veuilles me défendre. Laisse-nous juste en placer une la prochaine fois. Et j’essaierai de pas m’emporter non plus.

Un souffle vous quitta, tous les deux… Enfin unis en étreinte, après une si violente dispute. Toi, t’abandonnant à lui, pour le serrer le plus fort possible, murmurant des mots sans sens, juste des douceurs, et lui, te serrant fort, pour exorciser ces émotions définitivement trop fortes, tenant à l’ivresse. Une étreinte, pour déssaouler, mutuellement.

Juste à côté, Dorian, qui vous regardait, toussa légèrement. A son expression, il était clair qu’il était rasséréné.

Keith sembla recevoir le message silencieux, se recula pour t’embrasser dans le cou, juste sous l’oreille, puis se retirer juste assez pour vous retrouver nez à nez. Son regard acier, tranquille, léonin, brûlait des restes d’un feu ardent, mais à présent ronflait d’une autre ardeur, pas vraiment plus douce, mais moins furieuse :

— Je ne sais pas ce qu’on fera. J’irai voir Zoey avec Dorian, murmura-t-il, avant que ses paupières ne se plissent en un quelque chose à la fois de taquin et de maître : Rongo, Dorian et toi, vous êtes ma force. Alors peut-être que j’aurai un jour prochain envie de déverouiller la vérité. En plus d’une autre revanche..

Tu étais comme de la terre glaise entre ses mains, une terre qui pour le moment ne vibrait pas au moindre de ses touchers, mais qu’il façonnait véritablement contre lui. 

Ton cœur battant la chamade, tes yeux dans les siens, tu fermas à peine les tiens en entendant, en sentant, cette tension du corps qui trahit quelqu’un inclinant et tendant le cou vers toi…Un nouveau baiser, mais plus puissant , plus fort émotionnellement, plus sincère que jamais. Un murmure, contre tes lèvres, son acier contre la tendresse de ta chair :

— Donne un peu d’amour à Dorian. Ca lui fera du bien. Parce que devoir s’interposer entre nous, c’était pas simple non plus.

—Volontiers, murmuras-tu avant de tendre à ton tour le cou, pour l’embrasser une nouvelle fois, plus tendrement encore : je t’aime. Et je serai toujours là pour toi.

Tu te tournas vers Dorian, qui attendait sagement, à son tour assis, droit – et à la seconde où tu t’approchas pour l’étreindre et lui présenter tes excuses, et l’attirer de ton infini soutien, ce fut à son tour de t’attraper et de te serrer, sa tête sobrement posée, un peu fort, contre ton ventre.

Pas besoin de plus d’effusion… Juste un câlin.

Toute debout, coincée entre la table et la banquette, avec un colosse qui t’étreignait de deux bras puissants autour de ta taille, tu te sentis… en reposant tes mains dans son dos, pour le caresser, étrangement, mieux , maintenant que la vérité était dite, maintenant que vous étiez unis, et que tu avais réaffirmé ton désir d’être leur soutien, et pas une maîtresse.

Rudy leur avait fait assez de mal comme ça.

Tu fermas les yeux, une nouvelle fois. Juste à le caresser, quelques dizaines de secondes, le temps que tous se remettent des effusions d’émotions… Le temps que Dorian, s’écartant un peu de toi, réaffirme en levant le nez vers ton visage avec un doux, et peut-être taquin sourire aux lèvres :

— Tu es une des « bonnes », toi. Je peux compter sur toi. Et ce n’est pas une dispute qui va changer les choses.

 

Tu ne savais pas trop où allaient mener les choses ce soir. Mais tu décidas, en te laissant fondre dans l’étreinte de Dorian, que tu leur livrais ton entière confiance, parce que tu les aimais, et que tu étais reconnaissante d’avoir leur soutien aussi..

 

*          *          *          *

 

De sorte que quand on entendit un message d’annonce par les haut-parleurs de l’aéroport indiquant que le vol à destination de Ibiza prévu pour 22h56 avait dû être décalé pour cause de prévisions météorologiques défavorables, et qu’il serait décalé au lendemain, tu n’aurais su dire non plus si c’était de la joie ou de la tristesse qui vous saisit. Tu décerna un regard à la fois noir et à la fois taquin à Keith qui en riant leva les mains :

— Ha, celle-la, j’y suis pour rien !

— C’est hyper pratique quand même, le grondas-tu, en terminant de caresser les cheveux de Dorian. Tu es sûr que..

— Ah, je ne maîtrise pas encore la météo ! s’esclaffa-t-il, avant d’adresser un large sourire à Lisa qui était en train de fermer pour la soirée : Dis-moi, Lisa ! Est-ce que…

La gérante du restaurant lâcha un soupir massif.

— … Oui. Sûrement.

Avant qu’elle ne lâche les stores qu’elle était en train de baisser, vu l’absence de clients, et se rende derrière le bar. Tu grimaças :

— De quoi est-ce que vous parlez ?

— Il s’avère qu’elle est en relation directe avec le service d’hôtellerie de l’aéroport, t’annonça Keith avec un large sourire. Vous n’allez pas me laisser tout seul ici, non ?

— Tu sais que j’ai du travail normalement ce soir ? grimaça Dorian.

Keith se retourna vers lui, profitant du fait que Dorian t’avait lâché et reculé un peu, et toi toujours coincée entre les jambes du videur qu’il avait écartées autour de toi pour t’étreindre plus facilement, car la porte ne pouvait plus lui échapper… Et la clé lui asséna un de ces sourires de conquérant, les yeux mi-clos et un léger rouge aux joues, qui le rendait. Juste.

Irrésistible.

Encore plus quand de sa main, il paraissait tisser les fils d’une prison de soie et de délices de chair, caressant un instant les douces mèches de Tes cheveux, pour attirer ta tête à lui d’un simple contact :

— Je sais aussi que tu as dû poser ta soirée pour notre très chère Propriétaire ici présente, et que j’ai très envie de vous garder avec moi ce soir…

Il y eut une mega, gros instant de silence.

Pendant lequel tu compris très bien ce où il voulait en venir. En même temps, quand il faisait cette tête là, ce sourire irrésistible, ses yeux-là, et que ses yeux luisaient d’une envie de vous aussi pure, c’était difficile de résister.

 

Un peu médusée, tu te touchas les lèvres et tu jetas un œil toute confuse à Dorian. Le colosse et ancien amant de Keith… et peut-être même nouveau… était en train de rougir à profusion.

Tu voyais néanmoins que l’une de ses mains faisait exactement la même chose que tes doigts sur tes lèvres, en touchant cette fois les parties de son vêtement que Keith avait touché tout à l’heure – puis Dorian tourna la tête ailleurs, comme pour se distraire, en toussant vaguement :

— Ouais. Euh… Je peux peut-être effectivement convaincre mon patron de me laisser ma soirée.

Keith ne répondit rien. Mais le large sourire et le clin d’œil qu’il t’adressa, plus le feu sur tes joues et sur celles de Dorian… Ben, la soirée s’annonçait fort bien.

 

Caliente , comme le commenta Keith à l’instant où il t’offrit le bras comme vous sortiez du bar. Ou alors muy caliente , et ça, c’est quand Dorian à son tour te donna le bras – et qu’on aurait dit à vous voir, à voir Keith, qu’il allait vous dévorer tous les deux tout crus.

Chapter 11: Tout le monde veut devenir un cats

Summary:

Tu avais toujours les entrailles en folie, en suivant Keith dans l’aéroport.

Notes:

This chapter is also known as "the fuck train", and yes, very, very dirty chapter, very NSFW -
And thank Lacrimalis for pushing me to write smut too, and saying that the airport scene could not end like this, because WOW that was legendary

Chapter Text

Tu avais toujours les entrailles en folie, en suivant Keith dans l’aéroport. Celui-ci allait à une vitesse plus rapide encore que tout à l’heure, et cette fois-ci tu n’eus pas le temps de jeter un œil aux boutiques, parce qu’il allait trop vite. Vous aviez à peine dépassé un kiosque à la moitié du chemin que tu remarquas la femme qui râlait que tu avais vu à ton arrivée, qui était en train de faire un scandale aux réceptionnistes, et plus loin, au lointain, des signalétiques témoignant la localisation de l’hôtel de l’aéroport, son accès. Keith avait au visage un sourire des plus affamés, un véritable loup, un loup joyeux, gai , comme rarement… Peut-être encore plus empreint d’entrain que quand il te draguait…

Peut-être un peu plus similaire à la tête qu’il t’avait fait quand il t’avait tout fait tomber par terre dans ton bureau !

Un sourire au cœur, tu pressas le pas, à tel point que tu ne prêtas pas la moindre attention à une légère impression, définitive pourtant, que certains passagers de l’aéroport, malgré leurs occupations, se retournaient sur votre passage pour vous regarder. Toi à ces deux bras, ces deux hommes, quel sCandalE ! Tu rougis, mais à peine, car à présent, vu le nombre de couples où tu faisais office de cinquième roue du carrosse, tu avais l’habitude… Néanmoins tu pouffas de rire, et tu profitas d’une seconde où Keith freina à cause d’un banc de passagers qui bloquaient le chemin, pour le tirer à toi, et lui coller un bisou sur la joue. Celui-ci t’adressa un coup d’œil de haut, une lumière carrément un peu maniaque aux lèvres et sa main vola pour te saisir la nuque et te tirer à lui pour un puissant baiser violent, avant de te relâcher aussi sec, peut-être un peu trop violemment d’ailleurs, son sourire éclatant… et de se remettre en route, en courant. Dorian venait à peine de vous rattraper, et protesta derrière quand vous vous remimes à courir en le trainant à votre suite. Keith lança tout haut, d’une voix tellement sonore que le tout de l’aéroport l’entendit à ton avis :

— Ne t’inquiète pas, ton tour viendra !

Tu entendis vaguement Dorian se taper le front de la main derrière vous, et il aboya derrière ton stupide chat humain, ancienne clé, qui galopait avec ses cheveux voltigeant joyeusement derrière lui comme une fourrure légère de joie :

— Essaie de te tenir un peu !

Tu éclatas de rire en les entendant se disputer un peu, et flirter beaucoup, et en ton cœur, en voyant Dorian courir encore un peu plus pour rattraper ce grand forban, tu ne pus t’empêcher de t’en réjouir. Ton cœur était beaucoup plus léger que tout à l’heure.

Un peu plus tôt, tu étais prête à l’étriper en arrivant. Il t’avait re-séduite immédiatement. Il avait séduit Dorian immédiatement aussi, et plus tard aussi vous vous étiez disputés sur quelque chose dont tu n’étais toujours vraiment pas fière. Et maintenant, après que Dorian vous ai séparés… Et calmés… vous étiez tous les trois en train de courir vers sa chambre d’hôtel, menés par un Keith en folie.

Tu n’aurais pas cru ça tout à l’heure.

Franchement, t’aurais changé ça pour rien au monde.

 

Puis, vous tournères au coin d’un kiosque, et Keith s’arrêta de nouveau. D’un grand, grandiloquent geste, il te lâcha pour tourner d’un très élégant arc de cercle d’un pied, comme un pas de danse, comme un tango – et te tirer et te faire tomber entre ses bras, juste à la sortie du virage. Tu glissas sur le sol lissé de l’aéroport, sur le terrazzo , jusque dans ses bras, où il te recueillit comme un chevalier… L’acier de son regard, l’étincelant de ses dents, autant de brillance charmeuse.

— Hé hé ! Douc-

Dorian, derrière toi, avait continué sa route à cause de l’élan, sa bouche tordue en une grimace et de surprise – et s’étala dans ton dos contre Keith qui d’un jeu de jambes ta foi assez élégant aussi, vous retint tous les deux.

Il eut un peu plus de mal avec Dorian, et vous sourit largement néanmoins en se stabilisant. Dorian grimaça avec un rictus à la fois sauvage et narquois, et siffla :

— Je ne ferais pas ça en public , un peu de tenue !

—Oh, allons, calme-toi donc, homme de peu de foi ! le tança Keith. Regardez plutôt, tous les deux. Si j’ai tant de mal à partir, ce n’est pas pour rien...

Tu te tus…

Et lentement, avec Dorian, vos têtes se tournèrent, tandis que vous vous redressiez sur le parquet stratifié de l’aéroport.

Dans ce hall, sûrement coloré en plein jour, toutes les échoppes étaient simplement plongées dans les pénombres de l’heure tardives, une lumière orangée et pourtant légèrement blâfarde venant des lampes artificielles illuminant les devantures où travaillaient quelques employés crevés pour le moment en train de jouer à Cranky Crush sur leur téléphone portable, ou en train de faire des sudokus. Le morne qui habitait l’endroit pâlissait néanmoins en comparaison de l’attraction devant laquelle Keith vous avait arrêtés.

Ca n’était pas grand-chose en soi, dans l’idée – la signalétique vous avait simplement indiqué que c’était par ici que se trouvait l’hôtel…

 

Mais devant vous, c’était l’entrée d’un grand tunnel, illuminé de mille lueurs fluorescentes de bleues, tournoyant sur elle-même, en un quelque chose d’absolument psychédélique. Long de quelques centaines de mètres peut-être tout au plus, c’était comme si un ciel vivace s’enroulait autour de vous, parcouru d’étoiles filantes, roulant en permanence. Tu avais l’impression d’être devant une porte qui mènerait dans une autre dimension. Au dessus se trouvait un panneau indiquant que l’hôtel ValdHilton se trouvait de l’autre bout du tunnel, et d’ici, vous voyiez aussi des arrêts photos à l’intérieur de la passerelle qui s’engouffrait dans ce tunnel multicolore.

Tu te tournas vers Keith, sidérée, et bégaya :

— Attends, c’est quoi ce truc ?!

— Magnifique, hein ? On a l’impression de faire un trip rien qu’à le prendre.

— J’avoue, renacla Dorian, qu’on dirait un peu ce que décrivent les junkies de mon lieu de travail quand je les vire…

— Ne sois pas si rabat-joie – et venez !

La main puissante mais toute en force de Keith te saisit la main, puis l’autre sur le poignet de Dorian, et sur un éclat de cheveux gris qui volaient comme des ailes d’un papillon tout fou, vous vous fires tous les deux attirer en avant avec rudesse… Jusqu’à l’intérieur du tunnel, où sur la passerelle, deux longs tapis roulants vous permettaient de le parcourir sans faire le moindre effort, si vous en aviez envie. Un sens aller et un retour.

Et, en courant à l’intérieur, Dorian et toi ralentires de vous-mêmes, car vous ne pures vous empêcher de lever des yeux effarés, et les promener tout autour de vous. C’était comme, de l’intérieur, traverser non seulement un bout de ciel, mais aussi, un bout de mer, car différentes multiples tâches de couleur circulaient, mirobolantes, dans tous les sens, un kaléidoscope en incessant mouvement, un tourbillon, suffisamment lent néanmoins pour être admiré tout son content. Tel des faisceaux de miroir, comme les anciennes tenues d’Amir, le jeu de lumière changeait à chaque seconde, reflétait quelque chose de différent, une couleur différente, du bleu foncé, du bleu clair, du blanc, des éclats dorés parfois, des éclats de rouges… Le moindre pas, et vous aviez l’impression de marcher au sein d’une galaxie.

Tu ralentis complètement, seulement au bout du bras de Keith, la tête en l’air, pour tout contempler. C’était si beau ! La vue te donnait un peu le vertige, mais t’éblouissait aussi, et c’était à la fois un véritable phénomène visuel, et en même temps, pourvu que vous n’y prêtiez pas trop attention, tout à fait évitable, car cette légère couche de grisaille la couvrait en même temps – le terne typique de vieilles attractions. Tu ne te souvenais absolument pas que cet endroit ressemblait à ça quand tu étais petite, à ton arrivée aux Etats-Unis quand vous veniez faire une visite à ta tante à cet endroit… Certes, vous n’aviez jamais résidé à l’hôtel de l’aéroport en ces temps ci, et quand tu étais revenue après une rupture assez violente d’avec un ex qui t’avait emporté tous tes amis, tu n’avais pas du tout eu l’humeur à ça. Mais enfin, tu l’aurais su.

— Dis donc, c’est super beau, t’ébahis-tu en te tournant vers Keith. Est-ce que tu sais quand est-ce que…

Tu te tus.

Il n’était pas en train de rouler un patin à Dorian, comme tu t’y serais franchement attendue. Mais Keith, au bout de ton bras, contemplait dans ton dos son ancien amant…

Avec un sourire incroyable aux lèvres.

— Je ne sais pas, murmura-t-il en t’attirant à lui comme un danseur de tango, pour te reposer contre sa poitrine, sans même regarder, les yeux mi-clos. Je sais que c’est un magnifique spectacle offert par la branche hôtellerie de Valdivian… et c’est tout.

Contre son cœur, tu fonds en général, comme tu avais fondu ce jour là contre le mur un mois auparavant, mais cette fois-ci, cela ne te vint même pas en tête. Car Keith contemplait Dorian qui, d’un pas lent, mais l’expression étonnée, faussement stoïque car ses lèvres très légèrement entrouvertes, sa tête levée et légèrement oscillant de gauche à droite, contemplant les environs, subissait un spectacle magnifique.

Contre Keith, tu souris à ton tour.

Dorian continua sa route sans même vous regarder, absolument bouche bée. Tu n’avais pas besoin de l’avoir vu pour deviner que c’était ainsi qu’il avait contemplé le monde, dès sa sortie. Dans ton cœur, quelques battements loupés. Keith avait appartenu à des humains, il était assez petit pour avoir été transporté de partout, il avait beau être foncièrement pas adapté au monde moderne, il avait vu le gigantesque des villes. Enormement de tes anciens objets cependant n’avaient pas vécu ça.

Et il était vrai qu’en cet instant, à voir Dorian avancer… Tu eus une idée de ce qu’ils avaient dû tous vivre, à arpenter les rues véritables d’un monde qui n’était plus seulement que quasi-onirique, spirituel, d’ondes étranges, mais réel. Ils avaient vu un aperçu de la civilisation au travers des maisons du coin, de ta clôture, de ton jardin, de la rue… mais pas plus.

A présent, tu les imaginais tous simplement, des lumières dans les yeux, arpentant les villes, arpentant les campagnes, s’abreuvant visuellement de la moindre construction architecturale, de la plus basse à la plus élevée, de la plus fine à la plus large, de toutes ces montagnes, vallées et intenses lacs, les plages, les mers… Tout ce dont ils n’avaient qu’une vague idée devenait vrai.

Et bien, à voir la réaction de Dorian, contenant son émerveillement d’une sobriété de mise toujours visible néanmoins au reflet dans ses yeux et à ses réactions, tu avais une idée de ce qu’ils avaient vécu. Keith murmura à ton oreille :

— Continuons. Laissons-le profiter, j’ai mieux encore.

— Ah bon ? chuchota-tu en arrachant ton regard au sien. Quoi donc ?

Keith, qui contemplait toujours Dorian, ta main dans la sienne, reprit sa route, et chuchota tandis que vous dépassiez Dorian :

— Tu vas voir. Mais ça va te plaire, je n’en ai pas le moindre doute.

Son idée, comme tu le découvris rapidement, était de continuer le chemin jusqu’à arriver au pied de l’hôtel qui se trouvait au bout du tunnel. Cela ne se voyait pas d’ici, mais ce tube magnifique connectait en réalité l’aéroport et un hôtel attenant à l’aéroport, avec des murs très solides et de très épais verres conçus comme l’aéroport lui-même pour qu’à l’intérieur on ne soit pas gêné.

L’hôtel était à la sortie du tunnel, et comprenait deux ascenseurs aux parois transparentes logé de part et d’autre de l’entrée du tunnel dans l’hôtel, qui permettait à quelqu’un qui s’y engouffrerait de monter et de contempelr à la fois le tunnel et les environs. Keith, au bout de ton bras, t’emmena à l’hôtel. Dorian vous suivait d’un peu plus près, et vous rattrapa quand il eut le temps de se reprendre, au moment où vous arrivez à l’intérieur de l’hôtel. Keith récupéra sa clé auprès d’un réceptionniste qui ne put s’empêcher de narguer Keith, et vous emmena tous les deux, Dorian et toi, vers l’ascenseur.

— Après toi, te dit-il quand les portes s’ouvrirent. Dorian, après toi aussi.

Dorian grimaça.

— Je crois pas, non. Entre.

— Comme tu veux, soupira Keith en posant une main au creux de ton dos pour t’inciter à y aller.

 

Une fois que tu fus à l’intérieur de l’ascenseurt, et Keith aussi, Dorian pénétra derrière vous et – aussitôt, la lueur du couloir devant le fascina. Il lui tourna aussitôt le dos pour se mettre face à vous, reculant jusqu’au fond de l’ascenseur pour se placer entre vous deux, face à la porte. Un parfait triangle à l’intérieur de l’ascenseur, triangle isocèle, et…

A l’instant où les portes se refermèrent et où Keith appuya sur le bouton, Dorian soupira.

— Ce n’est pas dans mes habitudes, mais… C’est un bel endroit.

—Encore meilleur en belle compagnie, n’est-ce pas ? ronronna Keith avec un large sourire.

Dorian voulut rester stoïque, mais ses joues se colorèrent et il ferma de nouveau les yeux pour souffler.

— Comment fais-tu ça ? Toujours à réussir à m’ouvrir.

— Je te connais trop bien, Dorian…

Tu te tus, et sentis que sous tes pieds, la machinerie se mettait en branle. Dorian, les bras croisés devant lui comme le videur qu’il était, avait baissé les yeux, dans une posture particulièrement professionnelle, stoïque. A le voir, on n’aurait pas cru qu’il savait où vous vous rendiez tous les trois.

La posture néanmoins te fit étrange. Tu jetas un œil à Keith, qui le contemplait avec amusement. Il l’avait encore plus pratiqué… tu supposais aisément qu’il savait ce qu’il en était vraiment de cette allure, et comment le rompre.

Ca n’était pas forcément une pensée heureuse. Mais en cet instant ? Peut-être.

Tandis que vous contemplez tous les deux Dorian, dès lors que la cabine commence à s’élever, la lumière bleue du tunnel derrière vous le submergea par derrière. Dans cet ascenseur de verre, les mélodieuses harmonies de bleu électrique, de noir complet et d’un profond bleu marine se détachaient autour de son corps comme l’eau brisée autour d’un plongeons, le baignant dans une danse de contrastes… Puis l’élevation continua, et ce fut au tour de la pénombre de remplacer ces cristallines lumières, un noir frappant entourant Dorian comme un berceau de ténèbres, à peine éclairé de quelques lumières oranges, les blanches des lampes de l’extérieur, sur le tarmac, sur la route… les lumières du trafic derrière lui, et il s’élevait beau comme un dieu.

Dorian ne s’en rendait pas compte, mais il était une magnifique statue, avec pour seul trahison de sa nervosité, un déglutissement de sa pomme d’adam. Keith et toi le contemplez un instant, si conscients de sa beauté. Keith se penche vers toi et chuchote :

— Cela fait 41 ans que j’attends cela. Puis-je commencer, Y/N ?

—Oh ouais. Te gêne pas pour moi, réponds-tu, ta bouche sèche.

Il sourit, et prit ta main pour la porter à ses lèvres en cette fausse courbette, pour y déposer un léger, mais très invitant baiser :

—Your turn is next, I promise.

Tu rougis fort, mais souris. Le videur baissa les yeux vers vous, en haussant les sourcils, surpris, mais tu entends presque son cœur battre à fond, peut-être était-ce quelque chose à un léger tressaillement de son corps ?

Mais Keith se redressa à tes côtés, et son bras jaillit comme un serpent.

A la lumière de la nuit, à la lumière de la galaxie, Keith saisit Dorian et le fit basculer dans ses bras pour l’embrasser, comme un mouvement de tango. Et la vue ? La vue te coupa le souffle. Les deux hommes, dans les ténèbres, unis par ce baiser, puis, à leur deux poitrines… c’était comme un tableau de clair obscur, magnifiquement, des reflets occasionells de lumière sur les boutons du costume de Keith, sur la peau de Dorian.

Dorian, au début surpris, reposa les pieds par terre – puis se redressa, et repoussa Keith contre le mur d’un coup fort. Keith écarquilla les yeux en se voyant séparé de lui, mais tandis qu’il s’essuyait la bouche, un sourire de loup à ses lèvres, il renacla, dévisageant Dorian :

— Quoi… Ne me dis pas que tu ne t’attendais pas à ça ? Parce que je ne te croirai p-

Dorian se jeta en avant, plaqua une main si fort sur la paroi de verre derrière la tête de Keith qu’on aurait cru qu’il allait la briser, e un sourire carnassier aux lèvres, plaqua une main dans sa nuque violemment pour le maîtriser – et écrasa à sont our ses lèvres sur lui, coupant le souffle à Keith.

… Et à toi, accessoirement.

Le cœur battant tu dus reculer et poser ton dos contre la paroi de verre derrière toi, à les regarder. Dorian, empoignant les cheveux de Keith, était en train de ravager les lèvres du plus vieux des deux. Le corps du videur le plaquant contre le mur, le flambeur, lui, était tout raide contre le mur, et tu étais prête à parier que le reste du corps aussi. Rien qu’à les regarder, à entendre Dorian grogner en plein baiser, et voir la main de Keith, initialement levée comme pour se défendre, lentement retomber mollement le long de son corps, puis doucement se redresser pour lui caresser le dos, en proie à une domination comlète de la part du plus jeune…

— Ah…, gémit Keith quand Dorian le lâcha enfin, avec brutalité, en le poussant contre la paroi. C’était…

Ce fut au tour de Dorian de reculer d’un pas, de s’essuyer les lèvres avec fermeté, lèvres étirées en un sourire plus que narquois, de loup à son tour. Il gronda, bas :

— Alors… ? Suis-je toujours un innocent à qui tu dois tout apprendre ?

— Hé hé hé… L’élève est en bonne voie pour surpasser le maître, ronronna Keith tandis que l’ascenseur s’arrêtait avec un doux ding , et qu’il se redressait, caressant ses lèvres machinalement. Tu vas me montrer ça tout de suite… Chambre 456. Ma chère propriétaire, prépare-toi, tu viens avec nous.

Les portes s’ouvrirent, et Dorian sortit d’un pas décidé, piquant la clé que Keith avait toujours en tête, et filant dans le couloir. Keith se retourna vers toi, un brin hébétée, qui était à deux doigts de leur dire de ne pas te soucier de toi et de continuer leur chemin.

Ton regard croisa à peine le sien, que tu vis ses moustaches se retrousser sauvagement…

Et il te saisit et te jeta sur ton épaule comme un sac de patates, ou un sac de jeton, pour filer dans le couloir, sans écouter ton cri de surprise.

 

Tu ne vis qu’à peine ce qui se passait, mais le temps de cligner de l’œil, et tu étais dans le couloir devant une porte. Le costume sous toi glissait un peu, mais le bras autour de tes fesses te maintenait suffisamment bien en place, et avec des muscles travaillés récemment, pour que tu ne tombes pas. Tu eus à peine le temps de bredouiller « Mais, les gars, j’vous jure, faut pas… » que tu entendis une porte s’ouvrir derrière toi, puis l’épaule sur laquelle tu étais s’inclina légèrement sur la droite car il se penchait pour bientôt être remplacé par un son de deux gorges masculines qui soufflaient légèrement, et le bruit mouillé caractéristique d’un baiser.

Le rouge te prit tellement aux joues, et tu essayas pourtant de te retourner derrière le large dos de Keith pour regarder, mais mal t’en prit car Keith se redressa, et à grands pas ton porteur entra dans une chambre aux murs de belles boiseries. Tu protestas vaguement quelque chose, mais tu n’eus pas le temps de faire grand-chose, car les deux mains qui t’avaient saisie et jeté sur l’épaule de Keith te reprirent et te tirèrent en arrière d’un coup sec. Tu glissas de l’épaule et du costume, essayant pathétiquement de t’y accrocher, action complètement raté qui emporta surtout avec toi la veste du costume de Keith. Ton dos tomba sur le lit fait, des draps blancs classiques sur un truc au moins king-size, au milieu d’une moquette rouge, et tu rebondis une fois avant d’enfin réussir à te stabiliser et à virer la veste de Keith qui t’était tombée dessus.

Allongée sur le dos sur le lit, tu clignas des yeux en te redressant sur les coudes.

Keith, debout devant toi te tournant le dos, était en bras de chemise. Comme tu lui avais viré sa veste, tu ne voyais plus que sa chemise, collée à son corps de sueur, et les magnifiques muscles de son dos saillant…

Et, en train de retourner s’asseoir à reculons sur un fauteuil près de l’entrée de la chambre, Dorian venait de lui attraper la cravate et l’attirai à lui, comme si Keith n’avait été rien d’autre qu’un cheval qu’on traine quelque part. D’une main négligente, le videur écartait de son torse les pans de sa veste tandis que le plus vieux des deux se laissait attirer, et pencher sur lui. Tu ne les voyais que de dos, mais tu vis parfaitement Keith insérer ses jambes entre celles de Dorian, et faire tirer pour être obligé de se pencher sur lui, et l’embrasser. Ou plutôt, dévorer à ce stade serait le terme le plus correct, car Dorian était en train de le dévorer avec une force assez redoutable.

Penché sur lui, l’homme aux cheveux gris semblait néanmoins se régaler, et tu te décalas légèrement sur le côté pour mieux regarder. Malgré la férocité de l’agression, celle de Dorian, qu’il marquait initialement, céda petit à petit, plus Keith inclinait la tête. La posture de « l’agresseur », assis en mansplaining sur le fauteuil avec les jambes écartées, une main retournant se poser sur l’accoudoir dès qu’il eut fini de déboutonner sa chemise, se raidit et se rétrécit davantage.

Keith, cependant, gagnait en force, et ses bras qui au début s’occupaient surtout de défaire la sienne aussi de chemise, finirent par tomber l’un sur l’accoudoir, l’autre sur sa propre cravate. Tenant sa propre laisse, il tira d’un coup lent, mais puissant, l’entortillant autour de sa main et forçant Dorian à se redresser sur la chaise, pour continuer à l’embrasser. Leurs lèvres toujours accrochées en, pour le coup désolée, mais il n’y pas d’autres mots auquel je pense, un féroce combat qui ressemblait moins à un tango qu’une bataille entre deux affamés, Dorian parut voir sa veilleité de combat nettement réduite à l’instant où Keith termina de se pencher sur lui et de plaquer sa main sur l’accoudoir.

Tu vis un léger sourire s’inscrire sur les lèvres de Keith, et apparemment, la lutte se solda en un échec de Dorian, au vu de son grognement qui céda soudain à un gémissement plus faible, probablement lié à Keith qui venait d’incliner encore plus la tête.

Tu clignas des yeux, et Keith, satisfait, lâcha enfin Dorian qui retomba sur le fauteuil avec l’air un peu hagard.

— C’est bien, tu as pris de l’assurance… Beaucoup d’assurance… J’apprécie. Beaucoup.

— Hein… ? bredouilla Dorian en levant les yeux vers lui. Qu’est-ce que…

— Viens par là, ordonna plutôt Keith. C’est bien ton fauteuil, mais…

Il tourna légèrement la tête sur le côté, de profil, et te jeta un coup d’œil sauvage, doublé d’un sourire cruel.

— J’ai d’autres plans en tête, et pour ça, il faudra de la place. Recule, toi.

Tu n’as jamais obéi à quelqu’un aussi vite.

Et pourtant, des gens dominateurs, tu en as vus, et tu as même couché avec. Pourtant, sagement, tu reculas au bord du lit et tu bredouillas :

— Euh… Je descends ? Parce que y a une chaise près du bureau là, j’peux vous laisser la pl…

Tu te tus, parce que c’était Keith qui venait de reculer et de s’installer sur le lit sur le dos, et de se redresser sur les coudes comme tu l’avais fait tout à l’heure. Mais sa chemise était ouverte, et d’ici là, pourtant tu avais déjà vu plusieurs fois Keith nu, ses poils aussi étaient poivres et sels, et semblaient entre les deux pans de sa chemise, absolument délicieux.

Un coude sur le lit, les jambes croisées l’une sur l’autre devant, il fit signe d’un doigt de l’autre main à Dorian.

— Viens voir papa, toi. Je suis vieux, mon dos me fait mal si je reste trop longtemps. Et puis…

Son sourire devint plus maléfique encore, entortillant sa cravate autour de son doigt :

— Si un simple baiser te mets dans tous tes états, qu’est-ce que ce sera plus tard ?

— Est-ce un challenge ? le défia Dorian, lui aussi un sourire de loup, se redressant en effet pour, lentement, virer complètement un pan de sa chemise, puis de l’autre, et jeter cette dernière en un pauvre tas de chiffon dans un coin de la pièce. J’étais encore jeune la dernière fois, tu vas devoir tenir la distance maintenant, mon vieux…

La vue fit bondir ton cœur, et machinalement descendre ta main le long de ton bas-ventre, au souvenir d’une épopée particulièrement… épique avec Trap Dorian ainsi. Comme il continuait d’avancer vers le rebord du lit, vers Keith, néanmoins, tu terminas de descendre du lit, refusant de les gêner.

Ca faisait… Quarante et un ans ! Pas question d’être sur leur chemin.

Ton poids s’ôtant soudain du lit fut remarqué, et Keith tourna rapidement la tête sur le côté, pour te jeter un œil un peu de haut, un brin méprisant, un brin taquin surtout, et carrément conquérant. Du bout des lèvres il te murmura quelque chose, à moins que ce ne soit un baiser envoyé de loin, puis il reporta son attention devant lui, sur Dorian.

Torse nu, et la ceinture défaite, l’homme qui t’avait protégée tant de fois alors que tu l’ignorais rejoignit le lit, et lentement, comme un félin, grimpa sur le lit. Les jambes de Keith se décroisèrent, pour s’écarter et laisser Dorian s’installer entre, agenouillé sur lui, et le rejoindre à nouveau.

Nez à nez… ils ne se touchaient pas encore, mais le bras de Dorian, plaqué juste à côté de la tête de Keith, et la main gauche du premier, qui osa se lever et toucher la cravate, tremblaient comme d’excitation. Son regard, cependant, voilé, était déjà lourd de cette surexcitation qui vous rend incapable de réfléchir en plein acte, qui vous rend si sensible au moins toucher, et c’était comme si, malgré ses bravades, il n’osait pas attaquer. Leurs lèvres s’effleuraient, mais le regard de Keith, sûr de lui, en confiance, semblait déjà maître de son plus jeune partenaire. Son murmure résonna comme ordre impitoyable :

— Déshabille-moi. Je veux sentir tes mains me vénérer.

Pour toute réponse, Dorian grogna et se tendit en avant, le rejoignant enfin, et plaquant ses lèvres au siennes. Mais, docile néanmoins, tu vis le plus costaud des deux, celui à la peau la plus claire aussi, illuminé par la lumière d’une malheureuse petite lampe de chevet que quelqu’un avait allumé en arrivant, se tenir d’une main contre le lit, et de l’autre, finir  de déboutonner et faire glisser la chemise de Keith le long de sa poitrine. Ses genoux, entre ceux du plus vieil homme, tremblaient encore un peu, et Keith mit fin à ces tremblements en calant une main dans sa nuque pour l’attirer à lui et lui ravager les lèvres, et le cerveau, plus encore – l’autre glissant le long de son épaule, lentement, sensuellement, pour lui passer dans le dos.

Telle une découverte de son corps, de chaque muscle, de chaque creux et mont, de chaque parcelle de peau chaude et palpipante sous sa main…

Descendant jusqu’à sa taille, et soudain revenant sur le devant pour attraper chaque pan du pantalon et l’écarter. Dorian se figea comme Keith glissait sa main entre ses cuisses et saisissait d’une poignée ferme – un élément qui fit pousser un petit gémissement à Dorian. La main de Keith sur sa nuque se crispa, et il l’attira encore plus à lui, et tu jures avoir vu d’ici les yeux de Dorian rouler à l’arrière de leur orbite.

Quand il relâcha Dorian, enfin, avec un petit sourire, tu n’en doutais plus une seconde : t’étais plus du tout la seule à te faire avoir et à te faire laver le cerveau dès que Keith vous embrassait. Lentement, doucement, tendrement, Keith se tendit pour l’embrasser sur la joue, voyant que Dorian avait l’air d’avoir du mal à s’en remettre, presque à tomber, et murmura :

— Allons, mon garçon. Finis donc de nous déshabiller. On ne veut pas faire attendre trop non plus.

— Euh…

Dorian descendit du lit pour s’accroupir, et finir de faire passer le pantalon et le caleçon de Keith, l’autre homme l’aidant. Ca n’était pas du tout une surprise, mais le membre de Keith était déjà dressé, et sacrément d’ailleurs, rien qu’à tous ces baisers. Franchement, toi, tu avais à peine eu quelques bisous depuis le début de la soirée, et rien qu’à les regarder t’avais la Méditerrannée dans la culotte, alors bon…

Mais alors que tu t’attendais à ce que ce paresseux lion lui ordonne de venir s’attaquer à son membre de sa bouche, ce qu’il n’avait honnêtement absolument pas hésité à te suggérer de faire lors d’une configuration similaire il y a un peu plus d’un an, Keith n’en fit rien, et arrêta même la tête de l’autre homme qui s’approchait. D’un claquement de langue, Keith se redressa sur le lit, et lui fit signe de finir d’ôter son propre pantalon, ce que Dorian fit, docile, à nouveau. De là, tu ne voyais pas grand-chose… Juste  lui-même, ton anglais porta à nouveau la main à l’entrejambe du premier homme des deux, mais le second l’arrêta d’une main sur le poignet.

Un sourire diabolique aux lèvres, Keith murmura :

— Redresse-toi. Aussi tentante est l’idée, nous ne sommes pas seuls.

— Hmm ?

Les yeux bruns chocolat de Dorian se retournèrent d’un coup vers toi, comme s’il avait oublié que tu existais. Un instant, ses yeux s’écarquillèrent et le rouge déjà omniprésent sur ses joues s’accrut…

Puis, Keith ronronna, en levant la tête de côté vers toi :

— Regarde-moi cette pauvrette…

— Ne vous occupez pas de moi, surtout ! protestas-tu, mais Keith leva les yeux au ciel avec un petit sourire, secouant la tête comme si tu étais un peu nouille de leur sortir un truc pareil.

Dorian, lui, approuva lentement, avec un sourire narquois aux lèvres :

—Elle va se sentir négligée à force…

— Viens par ici, mon chaton , ordonna Keith d’une voix aussi caressante que son regard. Déshabille-toi, et monte sur le lit. (Note: read the english “pet” here)

Tu hésitas…

Et puis, à voir le sourire de Dorian s’élargir, et lui commencer à se relever dès que tu te levas de ta chaise, et le reste de son corps apparaitre devant toi, progressivement, tu n’eus plus le moindre doute.

Un coup de main envoyé dans tes cheveux, et tu défis le chouchou qui te tenait les cheveux.

La cascade de cheveux qui dégoulina sur tes épaules dès que tu fus debout, aussitôt, coincida avec le souffle court des deux hommes.

 

*          *          *          *

 

 

Tes vêtements s’effeuillèrent de toi comme les pétales d’une fleur de lys.

 

Bientôt, tu étais nue devant eux, et quoique l’expression animale sur le visage de Keith ne t’était plus inconnue, de voir celle de Dorian ainsi… ça faisait très longtemps. Celui-ci, qui avait les deux genoux sur le lit, de ses yeux chocolats sur toi te contempla des pieds à la tête, en un coup d’œil que tu n’avais plus ressenti sur toi depuis sa Réalisation – c’est-à-dire depuis votre dernière nuit d’union avant qu’il ne parte enfin, en te murmurant qu’il t’attendait de l’autre côté.

Quand son regard se termina sur toi, ton cœur était en train de te sauter dans la gorge. Il brûlait en lui, en son regard, en son corps sauvage – ce feu – qui t’avait rendue chèvre plus d’une fois. Et le souvenir de son étreinte autour de toi, ces quelques mouvements qu’il avait eu envers toi pendant la journée, et les plus forts sur la fin de soirée, te réchauffèrent brusquement toute entière.

Avec un sourire assuré et les yeux mi-clos, il murmura, juste quand tu finis de t’effeuiller et que tu t’approchas pour poser un genou sur le lit, et hésiter du regard entre les deux hommes :

— Ca m’a manqué… Mon humaine, toute sage ainsi. Viens à moi, my darling.

— Dorian…, murmuras-tu, en te rapprochant de lui à quatre pattes, ayant conscience que Keith vous dévorait du regard.

Ton videur se décala pour être plus près de la planche de pied de lit, et y placer son dos, s’y asseoir complètement. Ignorant momentanément Keith, ce qui ne pouvait que lui faire du bien, tu rampas vers la puissance massive et tranquille de ton ancienne porte. Entre les deux, il y avait une différence quand il s’agissait de te faire l’amour qui était tellement notable que tu te demandais sincèrement comment les choses allaient évoluer – mais quand Dorian tendit le bras vers toi, et te caressa puis te prit la joue tandis que tu continuais à ramper vers lui, tu oublieras rapidement les choses. Attirée vers lui, par sa main sur ton dos nu, une caresse chaude et ferme à la froideur ambiante, tu fermas les yeux en le sentant te prendre le tronc et t’attirer à lui, pour t’envelopper entre ses bras musclés et si chalereux et t’asseoir sur ses genoux. Nez à nez, seul ton reflet subsistait dans ses yeux,  et sa voix qui doucement murmurait tandis qu’il inclinait lentement la tête :

Tu m’as manqué.

— Toi auss… Mmm…

Tu ne pus pas finir ta répartie, parce qu’il venait de franchir la limite et de déposer ses lèvres contre les tiennes. D’abord une légère pression, comme si l’on faisait un bisou à un chat en train de dormir – puis, comme tu fermais les yeux à ton tour, et te blottissait contre lui en enroulant tes bras autour de lui, un autre, plus profond, un qui te coupa le souffle et te rendit les genoux flasques. Tes jambes autour de ta taille, tu n’eus d’autre choix que de serrer fort les cuisses, pour essayer d’avoir un minimum de contrôle. D’ici, entre ses jambes son membre qui n’attendait qu’une chose, et pourtant sa pression contre toi ne se concrétisa pas tout de suite. Car il avait toujours ce côté ferme , mais doux, et aimant, qui te ferait patienter jusqu’au bon moment, une attente aimante mais taquine qui te rendait dingue. Entre ça et la tendresse et à la fois fermeté dont il s’emparait de ta bouche et te faisait lentement tomber à la renverse sur le dos sur le lit pour monter sur toi, un gémissement t’échappa sans même réfléchir.

Bon sang, ce qu’il embrassait bien…

A l’instant où Dorian fut monté sur toi, et t’avait allongée sur le lit, l’instant où vous rompires le baiser pour plonger un regard haletant l’un en l’autre, et l’instant où entre ses jambes tu envoyais la main pour saisir son membre qui crevait d’impatience, vous vous souvinres tous les deux d’un léger détail – principalement parce que vous entendires Keith pousser un léger grognement de plaisir.

Ca ne loupa pas – coincée sous Dorian agenouillé sur toi, tu levas la tête vers Keith derrière ainsi que Dorian, pour l’apercevoir tranquillement en train de se caresser, à vous regarder. Assis un peu de travers entre les oreillers, un coude sur un oreiller maintenant sa tête d’un poing sous la mâchoire, l’autre main enroulée autour d’une clé qui avait dû en voir d’autre, il vous couvait d’un œil… Affamé, et en même temps, restreint. Comme si le spectacle lui donnait une envie épouvantable, mais qu’en même temps, il avait envie d’en profiter.

Ton entrejambe qui pulsait déjà prit feu rien qu’à cette vue, et tu gémis en te frottant machinalement les lèvres inférieurs contre le membre de Dorian :

— Keith, je…

— Vous voulez continuer un peu tous les deux d’abord, ou… suivre mon plan ?

Malgré cette réplique qu’on aurait pu croire agacée, il était très net, à voir le lion qui se caressait à vous regarder, que le spectacel lui plaisiat beaucoup. Tu échangeas un regard avec Dorian qui sourit d’un œil narquois et se pencha pour te lécher, puis te mordiller l’oreille, relevant les yeux droit sur Keith. Ca, tu l’avais oublié, mais Dorian avait une façon de faire l’amour qui était… Les dents qui te pinçaient légèrement la chair, puis redressaient sur le reste de l’oreille, couplée aux très légers souffles du grand costaud que tu entendais, remplacé par une caresse de langue ou des lèvres parfois, te rendaient dingue. Et toi, là, les jambes écartées, sentant la virilité de Dorian tout prêt, juste tentant, narguant, mais pas déterminé à longer…. T’avais plus qu’une envie, qu’il y aille. Etpourtant…

— Qu’est-ce qu’on fait, chuchota Dorian à ton oreille, entre deux petits mordillements. On lui fait payer un peu de nous avoir trompés et abandonnés ?

Un petit éclat de rire te prit, et tu te tendis pour embrasser les lèvres de Dorian, aussi douces que sa chair était fort, avec un petit murmure – Keith vous entendait parfaitement bien, mais ça vous donnait l’air de faire des cachotteries et de prétendre qu’il n’était pas vraiment là… Et c’était un amusement qui vous plaisait autant que ça le rendait dingue, tu le savais.

Et pour une fois, qu’on le rende dingue ? Ah, ce n’était pas trop cher payé.

— Pourquoi pas, murmuras-tu ainsi. Ca lui fera les pieds.

Keith fut pris d’un rire rauque, un peu étouffé, en continuant de se caresser tranquillement.

— Hé hé… Bande de chenapans. Allez-y, je vous regarde.

Dorian sourit contre tes lèvres, et avec un autre coup d’œil à Keith, donna un coup de hanche, un seul, contre toi. Pas en toi, juste à côté.

Pire.

Torture à la fois pour Keith et pour toi. Parce que la pression grandissait en toi, parce que ton souffle devenait de plus en plus court, et que tu avais si chaud, si chaud à la poitrine, tu mourrais d’envie de passer aux choses sérieuses.

Quelques taquineries plus tard, et baisers absolument enflammés, de tels fourmillements te prenaient que, le souffle court, tu resserras tes bras autour de Dorian, et jambes, trois fois trop fort. En sueur, il rompit le baiser, baissa le nez vers toi et murmura, doucement, tendrement taquin :

— Ma chérie… Ca va aller ? Doucement…

— Tu me rends folle, murmura-tu en enfonçant ton visage contre son épaule.

Avec un petit souffle, il descendit pour t’embrasser sur la clavicule.Un soupir te quitta, et tu entendis Keith pouffer d’un rire bas :

— Allez… Ne sois donc pas cruel. Descends donc t’occuper d’elle.

Dorian leva les yeux vers lui, et sourit d’un air affamé.

— Quoi… Tu en veux ? Demande-lui, au moins. On est trois. Pas deux, avec un jouet.

Keith sourit et se déplia du siège, puis s’allongea sur le ventre et les coudes et rampa progressivement jusqu’à toi, pour venir te toucher le nez du bout du doigt. Dans tes halètements, tu remarquas à peine que Dorian descendait le long de ton corps – ce fut en sentant ses baisers continuer, en ligne en dessous de la naissance de tes seins, pour poursuivre son chemin.

Quand il prenait si bien soin de toi, et désirait tant activer jusqu’au dernier de tes nerfs, Dorian était… Irrésistible. Et ses bras, qui descendaient le long de toi, se trouvaient remplacés par l’incendie brûlant dans le regard de Keith, posé sur toi. Avec un sourire narquois, tu fis semblant de lui lécher le doigt.

— Alors, souffla-tu. Est-ce que tu vaux la peine qu’on te laisse venir jouer avec nous ?

— C’est moi qui t’ait dit de venir nous voir, j’y compte bien, ronronna-t-il. Tu es gonflée.

Du doigt il revint te caresser la joue, pendant que Dorian, qui descendait en prenant son temps, élicitait en toi de violentes réactions en déposant des baisers le long de tes cuisses, entre chacun. La main du plus fort dentre vous se glissa entre tes jambes, pour d’abord tâter le terrain, et ensuite peut-être y entrer. Le contact était si prometteur, tu ouvris la bouche pour un gémissement, mais Keith en profita pour calmement poser un pouce sur ta lèvre inférieure et, doucement, lentement, s’y pencher et déposer les siennes contre les tiennes.

Ce fut à peu près à ce moment là que Dorian décida de glisser le doigt dedans pour vérifier s’ils réussissaient à te rendre folle comme il faut, tous les deux. Il continuait d’embrasser l’intérieur de tes cuisses, ton ventre, de plus en plus près, mais comme il était pratiquement recourbé contre le pied de lit, ça commençait à ne plus être confortable.

— Viens, avance-toi un peu, te cajola Keith en commençant à reculer sur ses genoux en te caressant toujours le visage, et en glissant une main le long de ton cou, puis entre tes seins, pour appliquer une légère pression et t’attirer à lui. Facilite un peu la vie à Dorian, veux-tu.

— Mmm, gémis-tu en sentant Dorian concentré à te caresser, malgré l’inconfort de la pose. D’accord.

Tu commenças à reculer sur les coudes, et Keith passa son autre bras autour de ta taille pour t’attirer  plus loin sur le lit, pls près de lui, de la tête de lit.

Tu te retrouvas avec la tête sur ses genoux, de nouveau, pose… assez familière pour vous. Et malgré toi, ce fut des mois de souvenirs d’abord contrariés qui te revinrent, qui te firent te tendre un brin. Tu tendis la main pour caresser la joue de Keith, et murmurer :

— C’est pas pour te servir de moi cette fois, hein ?

— Je te le promets, chuchota-t-il en se penchant à nouveau pour un petit baiser sur tes lèvres. Je…

Dorian, utilisant ta pose qui lui laissait plus de place, put s’étendre un peu plus et, enfin… Enfin, t’écarter les cuisses. Son simple souffle, pendant qu’il ajustait sa posture, te fit tressaillir d’anticipation. Keith sourit, vos deux nez se touchant presque, voûté sur toi.

— Bien. J’allais lui demander ça, justement.

— Tiens ? voulus-tu ironiser, mais en sentant de légers coups de langues venir te taquiner l’entrée, taquin encore, ce fut surtout un gémissement qui t’échappa. Toi, demander à d’autres de s’occuper de tes amants ? Toi qui était si, si jaloux de Jacques et Jeremy ?

— A Dorian, c’est différent, ronronna-t-il. J’ai un plan qui plus est, et ça joue en ma faveur. (Il se pencha et murmura à ton autre oreille, celle que Dorian n’avait pas taquinée tout à l’heure, tout en te la titilant de la langue :) Je veux vous avoir tous les deux. Toi, ET ce cher Dorian…

Au moment où il finit sa phrase, l’intéressé agenouillé sur le sol plongea pour déposer un baiser mouillé, et puissant, contre ton sexe tremblant. Tu frémis en le sentant t’agripper mieux les cuisses, et te les écarter davantage, puis tu jetas un œil vers lui. Les siens fermés, il baissa la tête et de sa langue et de ses lèvres, commença à te dévorer comme si tu étais le dernier repas d’un condamné – et ce fut de tels éclairs de plaisir qui te traversèrent que, perdue contre les cuisses de Keith, des tressaillements épouvantables te parcoururent en t’arrachant des gémissements pratiquement inhumains.

L’une de tes mains vola pour s’enfoncer dans les cheveux de Dorian, l’autre perdue entre la barbe et les cheveux de Keith, et la tête rejetée en arrière, le plaisir qui t’assaillait était presque trop intense pour que tu en gardes la raison. Dorian était doué , et très précautionneux, précis, tactique. Et il démontrait toute la tactique acquise à force des mois et des expériences, à te faire perdre raison.

Ton dos adoptait des postures à t’en faire mal. Keith te caressait les joues, le cou, le haut de ton corps comme un pianiste caresse un piano, ses yeux mi-clos. Te voir te tordre de plaisir et de folie grimpante sous lui était un régal dont il semblait ne pas comprendre avoir un jour pu tenter de se passer, et il murmura, sa voix chaude câline :

— Allons… Tout va bien. Tout va bien. Doucement…

Son regard néanmoins, alors même qu’il t’embrassait et prenait ta joue pour ce faire, était rivé sur Dorian, enfoncé entre tes cuisses, en plein travail.

 

Et entre les actes de Dorian, le doux murmure et le contact de Keith, leurs barbes qui te frictionnaient, tu grimpas à une vitesse faramineuse, et un rien de temps. Sans parler de leurs souffles, que tu entendais parfois court. La petite mort n’était vraiment pas loin. Ce fut si vite qu’à un moment donné tu crispas les jambes autour de la tête de Dorian, et que tu poussas un tel gémissement que Keith, dont les yeux d’acier t’admiraient en débordant d’envie de de tendresse, te prenant le visage, murmuras :

— Quérida… J’ai très envie de faire quelque chose, mais j’ai besoin que tu me prépares comme il faut. Beaucoup de préparation. Tu veux bien me rendre ce service ?

Tu hésitas… à peine deux secondes en réalité, juste le temps que ça monte au cerveau au travers de la vague de plaisir qui t’écrasait l’esprit. Puis tu acquiesças, et de tes doigts, traça sa pommette, le long de sa mâchoire. Ton murmure fit très nettement gonfler sa poitrine d’un rythme cardiaque plus effrené.

— D’accord…

— C’est bien, pet.

Tu étais toujours sur le dos. Keith se mit sur le côté et t’inclina légèrement le haut du corps, s’allongeant en perpendiculaire devant toi. Son corps portait toujours les marques qui te fendirent le cœur des saletés qu’on lui avait fait subir avant son retour chez toi… Mais l’exercice physique lui avait permis de se remuscler, et ces forces que tu devinais quand tu te blottissais contre lui étaient fièrement alléchantes. Tendrement, il déposa une main sous ton menton, comme pour confirmer, et comme tu inclinais la tête sur le côté en confirmation, sa clé t’apparut. Bien excitée d’ailleurs. Dorian derrière toi n’arrêtait pas, et, entre deux gémissements, tu saisis ladite clé d’une main pour le diriger vers toi, y adresser un long coup de langue.

Puis enfin ce fut à ton tour de lui adresser ce même service que te faisait Dorian, et dès l’instant où tu pris le contrôle sur lui, ses yeux s’écarquillèrent et parurent perdre toute leur contenance. Ses maisn se contractèrent sur ta tête, et il dut rejeter la sienne un peu en arrière, avec un grondement trahissant l’incapacité qu’il avait à rester calme. Derrière toi, Dorian gémit un peu à son tour, et sincèrement, avec un concert de grognements de plaisir comme ça, ce fut trop, par instinct tu te contracta les cuisses autour de Dorian un peu trop fort. Celui-ci te mordilla un peu en retour, mais ton cri, car tu montais trop fort, fut étouffé par Keith.

Il gronda si fort, car c’était comme si ton plaisir se transmettait à lui, et que celui que Dorian prenait à te satisfaire finissait par lui revenir, qu’il gémit en contractant ses doigts sur ta tête :

— Bon sang, arrête, tu vas me faire venir trop tôt.  Dorian, on en reste là, ordonna-t-il, et Y/N, retourne-toi, il faut absolument que je te…

— Deux secondes, grogna Dorian. J’ai pas fini. Les gens bien élevés ne laissent jamais leur partenaire sur leur faim, c’est toi qui m’a appris ça, non.

— Haa… Bien vu. Alors vas-y, murmura Keith en s’otant de toi. Montre-moi ce que tu vaux. (Et à toi, il chuchota en te caressant les tempes) Ca va ?

— T’as besoin de demander ?! geignis-tu, en lui attrapant le cou. Reviens, je veux…

— En plus, si tu voyais combien elle mouille, souffla Dorian, je te jure qu’on s’en écarterait pas.

Sa grande main quitta sa cuisse pour que deux de ses larges et grands doigts glissent en toi, et ça fut le début de la fin.

Le coup de grâce.

Car en peut-être une ou deux dizaines de seocndes plus tard, tu te cambras à t’en péter le dos, la pression en toi ayant fini de bondir tant et si bien que tu hurlas en rattrapant le membre de Keith pour aller gémir dedans, tes cuisses serrées comme un étau autour de la tête de Dorian. Presque docilement, Keith t’y laissa, juste à te caresser la tête, et Dorian à finir de mordiller ton clitoris.

Quand tu eus fini de jouir, tu t’effondras sur le lit en haletant plus qu’avec une scéance de cardio avec Dunk. Keith s’ôta de toi et se repencha pour t’embrasser doucement, et murmurer, en te laissant là, les yeux plein de larmes, haletante, et t’agrippant maintenant à un coussin serré contre ton cœur comme si ce malheureux objet pouvait préserver le peu qu’il te restait de dignité après un gémissement aussi fort :

— C’est bien, c’est très bien cariño. Tu t’en es bien sorti. Reste là, c’est nous qui nous déplaçons. Respire. D’accord, Dorian ? On échange ? Je sais ce que je fais, crois-moi.

Dans un quasi-délire, tu entendis Dorian approuver, puis les deux hommes se lever du lit, faisant se regonfler la dépression qui s’était formée en leur présence, et échanger de place.

 

Keith te tira vers la tête de lit en te retournant sur le ventre, et tu n’eus qu’à peine le temps de réagirr que tu vis les deux hommes au dessus de ta tête, chacun un bras d’un côté de ta tête, s’embrasser par-dessus toi. Une pensée un peu cracra, mais enfin, vu ce que vous étiez en train de faire t’étis pas bien placée pour penser à ça, te vint, à savoir que c’était un peu comme si tu les embrassais en même temps vu que Dorian était couvert de tes fluides, et cette simple pensée te fit plaquer la tête contre le drap en couinant de surcharge.

Puis les deux s’installèrent de chaque côté de toncorps, et Dorian te fit lever la tête vers lui, et te demanda :

— Ca va ? Tu te sens capable ? Les deux en même temps ? Le second round ?

— Prends ton temps, dit Keith derrière. Moi, je rentre, mais je ne bouge pas jusqu’au feu vert.

— Doucement vieux, intervint Dorian en te caressant la tête, son regard se durcissant. Laisse-là respirer un peu.

— Je la laisse respirer, je ne veux juste pas perdre la moindre trace de son humidité, expliqua Keith en se positionnant, et tu jetas un œil vers lui pour le voir déjà semblant éreinté. Je n’ai pas de lubrifiant, du coup je veux me servir du sien. Ca fait l’affaire, si tu n’étais pas au courant.

Dorian écarquilla les yeux, mais une idée te vint en tête et tu te hâtas de te remettre sur les coudes et de tirer Dorian par la taille vers toi. Celui-ci, sur les hanches, baissa les yeux vers toi en les écarquillant, surpris. Tu lui fis un sourire penaud et admis :

— J’ignore ce qu’il a en tête, précisément, mais je vois bien quelques scénarios et ils ont tous l’air sympa. TU permets ?

Keith, derrière toi, éclata de rire et tu trémoustillas du cul devant lui, pour l’inciter à venir. Celui-ci déposa la main sur ton dos, et ricana :

— Tu as entendu la dame. On ne fait pas attendre ses invités d’honneur.

— Attends, dit Dorian en posant la main sur ton dos. J’ai toute confiance en vous je veux juste savoir ce que vous avez en tête.

Le sourire de Keith s’élargit, et tu sentis sa clé se positionner derrière toi, bien en place.

— Dsons que, soit on va tous les deux en elle… Ou alors je vais dans toi. Ou l’inverse, mais il va falloir qu’on échange encore une fois d’abord.

Dorian prit feu. Mais cette stupéfaction dura en tout et pour tout quelques secondes, avant qu’il ne baisse les yeux ers toi, et t’interroge du regard.

— Tu te sens capable ?

Keith, ses mains sur ta taille, profita de ce que tu venais d’ouvrir la bouche pour répondre, pour glisser en toi, d’un long, mais lent coup, qui le fit entrer tout entier d’une délicieusement lente et suave traite, pour ponctuer la fin de son coup de reins d’un grognement de plaisir.

Ce fut exactement ce qui te prit, et, muette sinon d’un gémissement bestial, tu acquiesça. Dorian parut très flatté, et murmuras, en te caressant la tête alors que tu tendais la main pour prendre, commet dire, la poignée de Dorian :

— Pour moi… ?

— S’il-te-plaît…, imploras-tu avant de baisser la tête sur lui. 

 

Sur ton dernier mot, tu agis, et Dorian – déjà très sensible – leva la tête en arrière dès que tu eus posé les lèvres sur lui. Il était ferme, fort, et viril, et un puissant gémissement le quitta à la seconde où tu plaquas tes bras autour de sa taille, pour bien l’attirer à toi, fort, pour commencer des va et vient sur lui. Tout comme il venait de te le faire, il s’agissait de le satisfaire comme il se doit…

 

Et un coup de pouce inattendu te vint de derrière.

 

La main de Keith frôla ton dos, puis appuya dessus légèrement – et une fois qu’il te tins, il se mit en action. De lents, mais longs coups, qui te propulsaient en avant,sur Dorian. La sensation indescriptible, de sentir un des membres de ce duo ardent t’aider à satisfaire l’autre, déjà ressentie tout à l’heure mais maintenant accrue, était… fabuleuse.

Et alors que tu pensais que ça ne pouvait plus être meilleur, tu dûs carrément fermer un intant les yeux pour savourer ce simple délice d’être propulsée par le membre de l’un sur l’autre. De sentir ses ruades contre toi, de sentir toute sa force te percuter pour te faire remonter sur le membre de l’autre et le recevoir mieux… La main de Dorian en train de te caresser les cheveux, semblait tressaillir à chaque coup, se tendre, se contracter. Sa poitrine au dessus de toi était agitée d’un souffle court que tu entendais traversée de gémissements comme tu ne l’avais jamais entendu en faire. Avec devoir tu t’attacha à bien bouger la tête sur lui. Au bout d’une longue ruade, Keith se pencha sur toi, d’un mouvement si simple pourtant mais qui te permit de sentir toute sa force et s’installer en cuillère contre toi, et son souffle chaud dans ton cou fut une chatouille ardente.

— Tu sais ce qu’il adore… ?

Tu délirais de fièvre, alors il cessa un instant de te prendre, et se contenta de rester en toi. Mais, à le sentir te recouvrir toute entière de son corps massif et chaud, au point de coller un peu de sueur d’ailleurs, tu rouvris les yeux à moitié, suppliante. Dorian avait rouvert les yeux à moitié, comme s’il était transporté de plaisir au point de ne plus tenir, au point de ne plus même réussir à y comprendre clairement les choses, et vous contemplait avec l’air presque hagard. Son si beau visage, quand perdu dans les âffres du plaisir, en perdait toute raison, toute la tension de son être se détendant, juste, un œil suppiant.

— Qu’est-ce que vous fabriquez tous les deux…

— Toi, tais-toi, gronda Keith en te glissant une main sous le menton pour te forcer à te redresser un peu, et venir chuchoter à ton oreille : grands coups de langue… surtout sur le dessous. Et regarde-le bien dans les yeux pendant que tu fais ça.

Tu étais déjà rouge, mais ce fut pire à l’entendre murmurer ça… Tu te sentis toi-même te contracter autour de lui, et il sourit ostensiblement, tu l’entendis à ton oreille. Dorian tendait la main vers vous, avec l’air un brin hagard encore, alors Keith ôta sa main de ton menton pour la plaquer sur la poignée de l’autre homme et la manier de quelques longs coups, chuchotant :

— Fais ce que je te dis… Il adore. Et toi aussi.

— Je suis pas à ma première pipe, tu sais, grimaça-tu en te repenchant vers Dorian.

Bon dieu, loin de là même. Avec le nombre de partenaires que tu avais, et plus d’un couple d’hommes dont tu étais la troisième roue, ainsi que de femmes, t’avais l’habitude. Alors qu’il te sorte des conseils, c’était limite vexant.

— Et si tu te concentrais à…, commença-tu à râler, mais ton voleur n’en avait pas fini avec toi.

— Quelques longs coups de langue, murmura Keith de nouveau en se penchant pour t’embrasser dans le dos, et goûter ta sueur, d’un geste d’une telle sensualité qu’un frisson te parcourut l’échine tout entier. De l’intérieur comme de l’extérieur.

Malgré le côté vexant… Sa façon, rien que de lécher ensuite ton dos, te fit mouiller davantage autour de lui. Sa voix résonna, basse, avec son accent délicieux, et ronronnante.

— C’est un peu tard maintenant, mais sinon, tu prends en bouche, et tu tournes la langue autour, quelques va et vient dessus. Si possible, tu lui saisis les fesses au passage.

— Keith… ! protesta Dorian, mais Keith se remit en action en te mettant un grand coup, pour te propulser en avant et se servir de sa deuxième main pour saisir la nuque de Dorian et…

Et le petit gémissement de la gorge de Dorian que tu entendis fut assez net, car Keith venait de lui ravir les lèvres, la tête, et le cerveau entier par l’un de ses baisers à vous rendre débile. A le saisir comme ça, Keith se rendait maître de la situation, et te faisait par là même aussi sa complice.

L’idée était trop bonne, franchement. T’avais pas besoin de leçon, mais… Collaborer pour rendre Dorian dingue ? Parfait.

A à ton tour, tu entama quelques mouvements de va et vient, en prenant entièrement le membre de Dorian dans ta bouche, et en passant la langue le long. Pendant ce temps, Keith s’occupait de lui vider l’esprit et toute raison complètement momentanément par un baiser complètement abrutissant.

Dorian se raidit entièrement, et tu sentis son membre pulser plus fort, lui-même se raidir. Avant de…

— Mmmh… !

Pousser un petit gémissement, et, pris au piège de vos deux étreintes, il se cambra un brin comme tu t’étais tortillée un peu plus tôt, mais mal lui en prit.

Car Keith en profita pour glisser un bras derrière ses épaules pour l’attirer à lui, et tu compris très vite puis saisis à ton tour le joli cul de Dorian pour l’attirer plus fort à toi. La prise, sur ses fesses ferme et solides, était d’ailleurs forte agréable. Et, plaqué contre vous deux, le reste de son corps parut flancher, tandis que de ses mains il semblait ne plus savoir que faire, donc opta pour juste te tenir la tête, et t’accompagner dans tes mouvements de gestes tellement hasardeux que tu en riais sous cape. Le pauvre homme semblait ne plus du tout savoir où il habitait.

Quand Keith cessa enfin d’embrasser Dorian pour le laisser respirer et venir lui déposer des baisers dans le cou, l’inclinant vers lui, Dorian était en train de gémir, et il avait l’air de se  décomposer sur place. Keith recula un peu pour te laisser sortir (et respirer un peu), puis tu levas le nez vers ton sublime voleur, pour rencontrer son regard acier amusé et excité, et tu pouffas de rire, Dorian de par vos deux actions complètement éperdu. En continuant de lécher par de longs coups de langue la poignée , tu fis à Keith :

—D’accord, j’ai compris. Tu avais raison.

— Ce cher Dorian.., ronronna Keith en te caressant les cheveux pendant que tu retournais à ton travail. C’est, comme tu as dû t’en rendre compte, un homme très dévoué au lit comme dans la vie…Il fera toujours tout ce qu’il peut pour te rendre service. Un donneur. De sorte que quand il s’agit de recevoir il ne s’en sort plus très bien, et…

— Parlez pas de moi comme si j’étais pas là, gémit Dorian qui avait beau dire, il avait l’air d’avoir le vertige et de n’être pas loin d’éclater. Je…

— J’enseigne juste à Y/N comment satisfaire son Dorian d’une façon qu’elle ne doit pas connaître à mon avis. Vu que te connaissant, tu auras évité de dire comment prendre ton plaisir…

Sur ce, ton voleur te plaqua d’une main au matelas, pour franchir plus aisément la distance, et ressaisit Dorian par la nuque. Cette fois cependant, le plus jeune des deux, coincé contre la tête de lit, grogna de mécontentement et s’empara à son tour de Keith d’une main en t’enfonçant l’autre sur la tête, pour l’embrasser férocement. Puis, maintenant qu’il disposait du plus vieil homme que la surprise laissa immobile, et aux légers mouvements de hanche qu’il commença à te mettre, vous devinères tous les trois qu’il n’alait pas durer très longtemps.

Tu les contemplas un instant au dessus de ta tête, te délectant du spectacle, sans cesser de travailler. De longs coups de langues, bien compris, et si la pose t’obligeait à le prendre en bouche, pareil de l’intérieur.

Puis Keith lentement, en embrassant Dorian au dessus de toi, remit lui aussi ses hanches en action, et le bruit que son bassin produisait à chaque coup était d’une obscénité parfaite. D’un sonore aussi tel qu’il résonna comme un glas sur le lit. Toi, tes yeux roulèrent à l’arrière de ta tête tellement la sensation était infernale. Les grognements que Keith poussait, ceux de Dorian, qui devenait de plus en plus plaintif…

Le trio qui vous étiez continua de s’agiter encore un peu, mais tu entendis nettement les deux hommes arrêter de s’embrasser. D’un coup d’œil tu vis que Dorian venait de poser son front contre l’épaule de Keith, les dents serrées… Et entre tes lèvres en effet il tremblait, comme s’il n’arrivait plus à se contenir.

Un baiser, sur le front, une main sur ton dos qui te caressa. Une dernier ruade en toi, puis un murmure haleté  de Keith :

— Allez. Arrêtez-vous. Et respirez un peu.

 

Ca vous sidéra, mais vous n’avez pas arrêté pour autant.

— Qu’est-ce que tu v…

— Chuut, murmura-t-il à Dorian, suivi d’un bruit de lèvres souriant, accompagné d’un petit souffle. Retiens-toi. Calme-toi.

Dans la foulée, dans son effort visant à vous empêcher de jouir tout de suite, il t’attrapa par les cheveux et te tira de force hors de Dorian, pour te redresser vers lui. La sensation d’être manipulée comme ça par lui t’excita tellement que, rien qu’à le sentir te redresser contre lui, plaquer ton dos contre sa poitrine en sueur ttous les deux, et te faire lever la tête pour mordre ton cou, donner quelques ruades légères en toi, tu gémis d’un bruit rarement entendu. Cela te donna aussi le tournis, et tu dûs te reposer sur le roc qu’il était, moins fort que Dorian, mais bien assez pour te soutenir toi. Devant vous, l’intéressé vous contemplait avec l’air un peu hagard en tenant son manche d’une main comme pour se calmer. Keith lui adressa un sourire amusé, puis se pencha pour te chuchoter à l’oreille :

— Respire un peu… Je vais te donner des ordres, et je veux que tu obéisses. D’accord.

Tu hoquetais un peu, complètement abasourdie par son corps plaqué contre toi, et ton esprit à peu près débordant autant de sensation que tu débordais intérieurement, et tu te retrouvas complètement muette. Comme bouche bée, comme idiote, tu acquiesças néanmoins légèrement, et il t’embrassa dans le dos.

— C’est bien, brave fille. Respire un peu d’abord.

Et au moment où tu te laissais reposer contre sa poitrine, et abandonnai ta tête à son épaule virile, son odeur t’agressant, le traître fourra une main entre tes jambes pour te frictionner une seconde fois le clitoris. La surprise te fit tressaillir et tu voulus dire quelque chose, mais l’autre main sur ton menton se posa juste un peu sur ton cou, pas assez pour t’étrangler, loin de là, mais juste te faire sentir que tu étais à sa merci.

Tout ce qui te sortit, ce fut un malheureux « Keith… ! » complètement pitoyable.

Ca ne dura pas bien longtemps.

Parce que, contrainte ensuite de regarder Dorian qui se caressait avec l’air perdu, et de sentir la barbe et les cheveux de Keith te chatouiller, son corps toujours en toi et collé à toi qui faisait quelques tous petits va-et-vients en toi, et sa main… Avec l’excitation qu’ils t’avaient donné en sandwich comme ça à l’instant ?

Un deuxième orgasme te saisit, si virulent que tu t’en effondras sur lui. Et surtout, que tu achevas de bien recouvrir Keith comme il en avait envie.

 

*          *          *          *

 

Tu eus un peu du mal à suivre la suite. Mais, en gros, tu t’effondras contre lui. Un abandon total, sa tête sur la tienne, ton dos contre sa puissante poitrine, ton crâne contre son épaule.

 Avec un petit rire, il te caressa toujours les cheveux d’une main pleine de sueur, et t’embrassa sur la tempe. Se laisser dominer par lui, cela avait toujours été un bonheur. Il savait au lit ce qu’il faisait, et quand dans la vie de tous les jours, vous aviez besoin de contrôler en permanence – anticiper tout, vérifier les réactions de chacun, présenter un masque au besoin, non pas pour manipuler, mais pour ne pas vous retrouver seuls… Quand de temps en temps, vous pouviez vous détendre face à quelqu’un, le laisser gérer à votre place, et que cette personne était sûre, c’était inavouable comme plaisir.

Le contact de ses lèvres sur tes tempes te fit fermer paresseusement les yeux, et te lover contre lui. Comme une marionnette, une marque de confiance ultime. Un petit rire, et il t’attira à lui pour te faire basculer un peu légèrement sur le côté, et glisser un bras sous tes jambes, l’autre dans ton dos. Dorian, l’air d’avoir le vertige, le contempla en train de te positionner de nouveau sur le lit, t’allonger tranquillement sur le dos, et enfin, doucement, se pencher pour t’embrasser encore un peu. Le souffle court, tu le laissas faire, et le serra dans tes bras, fort, comme implorer de revenir, de ne pas te laisser seule. Pendant que tu peinais à te reprendre, il murmura :

— Tout va bien. On se met en place.

Puis, ton voleur se redressa et s’arracha de tes bras. Couvant ta nudité d’un regard d’une puissante envie, mais aussi d’un quelque chose de clairement d’amour, une faim inavouable, il recula sur les talons, puis reprit d’une voix beaucoup plus autoritaire, en levant le menton vers Dorian, un peu comme un maître vous ordonne de faire un autre exercice sur un tatami :

— On est prêts. Dorian, viens à ma place.

L’entendre maître ainsi… Impossible de mentir, entre les quelques coups qu’il t’avait mis, la pipe que vous aviez fait à Dorian et la façon dont ce dernier avait failli se répandre et peut-être même qu’il avait lâché un peu de lest déjà parce que tu avais un goût salé derrière la langue, le cuni que Dorian t’avait fait tout à l’heure, les mains de Keith sur toi qui te manipulaient à son bon plaisir, et les deux orgasmes que tu venais de subir… Rien qu’à le voir, de dessous, et son expression de conquérant qui savait et ne faisait que jouer, replacer des meubles comme il en avait envie dans une maison qui n’était qu’à lui, ton souffle fut encore plus court, et tu passa, trop faible, à deux doigts d’un délire, de l’inconscience.

— Doucement…, d’accord ? gémis-tu. Ca fait beaucoup, là…

— Oui, ne t’inquiète pas, ronronna-t-il.

Dorian, lentement, vint obéir. L’air toujours hagard, il descendit du lit pour venir remonter devant Keith, qu’il regarda avec attention, comme un peu perdu. Avec un petit ricanement rauque le secouant, Keith le saisit lui aussi par les hanches et le retourna pour le positionner devant lui, juste devant toi, entre tes jambes. L’expression de Dorian t’apparut, et il commença à se reprendre un peu plus quand vos regards se rencontrèrent. Un sourire narquois se dessina sur ses lèvres, en croisant le tien. Il rit doucement, la poitrine semblant reprendre un rythme un brin plus stable :

— Et bien… Ca faisait longtemps que tu n’avais plus eu l’air aussi impuissante devant moi. Mon humaine.

— Dorian, supplias-tu en essayant de refermer tes cuisses autour de lui, de te redresser pour l’attraper par le cou, je sais pas ce qu’il a prévu, mais tu peux pas me laisser comme ça…

Malgré les sensations qui t’avaient tellement débordée que tu en avais le vertige, tu regrettais l’instant de tout à l’heure où tu avais Keith en toi, et tu te souvenais de la façon dont Dorian avait été il y a un an. D’une caresse tu effleuras son bras, puis son visage, pour le pencher sur toi et l’embrasser.

Ton corps tremblait du sien, ton cœur brûlait pour eux, et tu avais terriblement, désespérément, besoin de les recevoir de nouveau. Ton videur, lentement, descendit sur toi et se coucha presque sur toi, se tenant à peine avec les genoux et un coude sur le lit, le dernier te prenant la nuque pour te plaquer contre lui, ton menton contre son épaule. Son murmure à ton oreille résonna doux :

— Doucement… doucement.

La même pose que tout à l’heure, mais tu avais encore plus envie. Et quand, cette fois, tu eus l’impression que ce fut Keith qui mit en place Dorian et appuya sur le bas de son dos, tu eus presque envie de demander à quoi ils jouaient. Presque. Parce que les yeux de Dorian, juste au dessus de toi, virent leur teinte chocolat se charger d’envie et se plisser légèrement, comme de douleur…

Ou parce que d’un lent coup, il pénétra en toi, et qu’à chaque centimètre de sa progression correspondit un peu plus d’air arraché de tes poumons, et un lent soupir. Tu devais absolument l’avoir, et quand vous vous unires ainsi, ce fut une harmonie de gémissement entre vous deux. Son bras, derrière ta tête, se renforça encore plus, comme s’il devait absolument t’étreindre, comme s’il ne survivrait pas sans t’avoir, sans te posséder le plus possible. A ton tour, tes griffes s’enfoncèrent dans son dos, parcourir son dos et les puissants muscles que tu sentais sous tes doigts une nécessité désormais.

— Dorian, gémis-tu. J’ai besoin de toi…

— Ah… Je sais, grogna-t-il, et le premier coup de hanches fut comme une inondation d’un plaisir conjoint en toi, une hypnose de tous tes sens, une douce explosion, un plaisir liquide coulant de lui à toi, montant à ton cerveau, descendant à vos jambes, vous rendant esclaves l’un de l’autre de la plus délicieuse des façons.

Ainsi unis, ce furent quelques élans, l’un en l’autre, son regard plongé dans le tien, comme d’une douce ivresse, tendre folie. Quelques coups, le temps que la folie de l’ébat initiale s’apaise un peu, et puis…

— Les tourtereaux… On bouge plus, avertit Keith derrière vous.

Tu te figeas en même temps que Dorian, et ensemble vous tournères le nez vers votre voleur.

 

Celui-ci, qui s’approchait dans le dos de Dorian, sur les genoux, juste derrière toi, semblait léonin. Son murmure, un ronronnement alléchant, surtout quand tu le vis poser une main sur le dos de Dorian, et caresser tes phalanges au passage.

Les yeux mi-clos, les cheveux déjà ruisselants de sueur, sans même vous contempler, juste à vous regarder unis, il semblait pouvoir presque se contenter de ça. Puis sa main descendit le long du dos de Dorian, remonta jusqu’à ses omoplates… Et les jambes que tu devinais, car si celles de Dorian étaient entre les tiennes, celles de Keith s’installèrent de l’autre côté des tiennes, trahirent sa pose.

— Dorian, l’appela doucement le voleur, j’y vais lentement. Ca devrait passer tout seul. Sinon, dis-moi, je retourne un peu en elle.

— Tu veux… ? haleta Dorian, tout sous tes bras autour de lui, tu sentis le corps se tendre, mais frémir d’envie aussi. Ok… Vas-y mollo.

Ton cœur se mit à battre encore plus fort. Est-ce qu’il comptait…

Tu ne vis pas l’action.

En revanche, tu vis Keith, son dos derrière Dorian, qui s’enfonça un peu, et son corps entier qui se contracta pour lâcher un soupir entre ses dents serrées. En revanche, tu sentis aussi Dorian s’enfoncer un peu contre toi et le lit en dessous de vous se creuser. En revanche, tu vis aussi que l’homme actuellement en toi plissait fort les yeux, et gémit longuement…

Le coup de rein de Keith fut lent, mais quand il s’arrêta, Dorian coulait de sueur, et t’étais presque tombé dessus. Haletant, le plus vieux des deux lui enfonça la main dans les cheveux et caressa avec un petit rire bas :

— Tout va bien ? Ca ne fait pas mal ?

— Non… Un peu de pression, mais ça va. Ca glisse bien.

— Et toi, Y/N ? s’enquit Keith en passant la tête par-dessus l’épaule de Dorian, vers toi. On t’écrase pas trop ?

Il y avait, par bonheur, un miroir sur le mur au dessus d’une commode. Tu y jetas un œil. Dorian était à genoux à quatre penché sur toi, et en toi, et il grondait un peu, secouant lentement la tête de gauche à droite comme pour essayer de se reprendre. Toi, sur le dos sur le lit, les jambes écartées et assez écartées pour que les deux hommes y soient, tu haletais comme une salope… et Keith, derrière Dorian, debout sur les genoux, et dans Dorian en même temps.

C’était d’une telle obscénité – c’était pas le plus sale que tu aies jamais fait, mais enfin, c’était encore nouveau, et diablement…

Ca se passait de mots.

 

— Ca va, dis-tu en adressant un sourire lascif à Keith, enfonçant une main dans les cheveux de Dorian, l’autre descendant sur son dos. Dis donc, tu y vas pas avec le dos de la cuillère…

— Pour vous ? ronronna-t-il. Jamais. Dorian, tu es prêt ?

Le souffle haletant, Dorian gémit et acquiesça néanmoins. L’envie de le rendre dingue de toi-même, et en t’accrochant bien à Dorian, tu voulus donner un coup de hanche, histoire de refaire comme tout à l’heure et le reprendre en duo avec Keith.

 

Mais le corps puissant de ton ancienne porte ne bougea pas, peut-être parce qu’il était déjà trop enfoncé en toi.

En revanche, ton action sembla le tirer de sa ferveur. Et juste au moment où Keith se recula un peu, sûrement pour repartir à l’assaut, l’allure carrée de ce si beau visage se descendit vers toi, deux iris bruns, flamboyant de plaisir, flamboyant de désir, flamboyant de…

— Qu’est-ce que tu fabriques exactement ? ricana-t-il.

— J’essaie de te rendre la par…

— Toi, tu bouges plus, ordonna-t-il en plaquant une main sur ton cou, pour t’enfoncer bien au fond du matelas.

Un grognement, et Keith s’abattit d’un coup plus lent contre votre deuxième amant à tous deux. Dorian gémit comme toi tout à l’heure, et te pénétra plus fort. Ses coudes de part et d’autre de toi, son front si plein de sueur qu’une goutte t’en coula sur la poitrine, et ses dents serrées d’un plaisir si intense que tu crus qu’il allait défaillir, il gronda comme une bête en se reprenant, et releva un regard que tu aurais pu croire plein de haine vers toi.

— Espèce de… Vous étiez d’accord, hein ?

— De quoi ?

— Fais pas l’innocente, gronda Dorian en baissant la tête pour saisir l’un de tes tétons entre ses dents pour mordiller, animé d’un éclat maniaque.

Au moment où tu crias de surprise et de douleur, le videur t’entoura un bras pour autour du dos et rua, et t’en vis des étoiles.

C’était un train, un train sexuel, un train de la plus grande sensualité, érotisme, et pire, qui soit. A chaque forte ruade que Dorian te mettait, ton intérieur frémissait d’une pression et d’une tension qui n’avaient jamais eu de pareil, et tu criais, criais si fort que Keith te saisit l’autre téton d’une main pour te le pincer et te faire hurler, hurler , à en faire rougir les murs. Ta gorge te faisait mal à force de hurler, et tu en avais la vue trouble tellement tu n’en pouvais plus, ta tête cognant la tête de lit à chaque coup.

Chaque assaut de Keith, le membre de Dorian te rentrait plus profond, et tu voyais par-dessus son épaule Keith qui vous dévisageait tous les deux avec une férocité contenant à la sauvagerie. Et quand Dorian se reculait pour te charger, c’était pour enfoncer l’autre homme plus profond de lui, et geindre, geindre, si fort que…

— Haaaah ! rugit Keith, en plaquant une main sur la tête de Dorian, vous, deux ! Vous êtes A MOI !

Son corps percutait par de si grandes claques, t’enfonçant indirectement dans le lit, que ça ne mit pas très longtemps. T’avais connu bien des plaisirs qu’on a avec deux hommes et une femme, avec deux femmes et un homme, trois femmes, mais là, ça c’était…

— Prends-là, bordel ! rugit Keith, les doigts tendus sur les cheveux de Dorian, le tirant en arrière et vers toi en même temps, comme en perdant la raison, l’autre main sur ton sein triturant si fort que t’en vis des étoiles. Vas-y - au fond !

— C’est ce que je fais ! rugit à son tour Dorian, qui en désespoir de cause, te tira les cheveux pour te forcer à relever la tête et te mordre le cou. Vas-y !

T’aurais bien aimé contribuer, mais là, y avait plus rien à faire –

 

Sinon qu’un ressort se brisa en toi

 

Et que tu hurlas d’un cri primaire, traversée d’une explosion, d’un création intérieur des chutes du Niagara dont le résultat fut instantané. Dorian tendit la mâchoire, et baissa la tête entre tes seins avec un gémissement de chien, qui ressemblait un peu à :

— Merde… Merde, merde, merde, je tiens pas-

Les derniers coups qu’il te mit fut plus erratiques que les autres, avant que ses bras sur toi ne se tendent, et qu’il se contracte tant tout entier que sa prise sur toi te fit mal . Keith, pour la première fois, parut à son tour avoir les yeux qui roulaient à l’arrière de leur orbite, et continua sur quelques puissants coups, en grognant des saletés encore, comme si par un miracle ça pouvait lui permettre de durer…

Sauf que tu retombas de ton extase, tu gîs devant eux défaite, et la vue précipita le tout.

Dorian, dans un cri de bête à son tour, explosa en toi de mouvements de hanches complètement irréguliers, et commença à te tomber dessus en geignant qu’il était désolé. Ou plus précisément à ton oreille :

— Pardon ma chérie… Je tiens plus.

Quand à Keith…

Keith, de voir tous les deux tomber, devant lui, et voir Dorian ne plus avoir de force, cela fut comme la goutte qui faisait déborder le vase, et il leva le menton au ciel avec un grondement terrifiant, plus tellement conquérant, mais victorieux et en même temps confinant à la fois. Encore trois, quatre puissants coups, et il geignit, et leurs poids combinés commença à s’effondrer réellement sur toi :

— Bon sang… Bon sang, vous m’avez tué, vous deux.

Puis il s’effondra en avant, sur Dorian. Dorian s’effondra sur toi, et toi… Ben, tu perdis connaissance. Ou presque. Vos corps n’étaient plus qu’un amas uni sale, plein de sueur et d’autres, mais ce qui flottait était une euphorie épuisée, non seulement dans vos corps, mais dans vos esprits aussi. T’étais… sale, dans tous les sens du terme, tellement hagarde qu’il y aurait pu avori unt remblement de terre que tu aurais rien pigé, Dorian aussi, au point de ne même pas réagir quand Keith s’ôta lentement de lui au bout de bien cinq minutes, voir plus, pour reprendre son souffle, et lui filer une belle claquasse sur la fesse.

C’était une expérience… comme t’en avais rarement eues dans ta vie.

Tu entendis juste Keith pouffer de rire, quand vos cœurs eurent fini d’essayer de courir leur marathon, et lui se pencher pour embrasser Dorian sur la tête, puis toi, sur la joue.

Et son murmure taquin, vous demandant quelque chose un peu du genre :

— Dios miosVous êtes toujours en vie ? Ca va la voix ? C’était bien ? Cariño n°1 et n°2 ?

— Oh, ta gueule, râla-tu en lui faisant signe de dégager. Tu peux nous chercher de quoi nous nettoyer, on en a partout s’il-te-plaît…

— Je plussoie, soupira Dorian en laissant tomber sa tête qu’il avait tentée de relever, droit contre toi. Ta gueule. La prochaine fois, c’est ton tour.

Keith éclata d’un rire joyeux en se levant du lit, vous ébourriffant à tous les deux la tête.

— Je reviens, mes chéris. Reposez-vous un peu.

 

… Tu ne l’as même pas vu rentrer. En revanche, cette nuit-là quand tu te réveillas lovée entre les deux hommes, ne formant plus qu’une seule, et unique union, tous les trois…

Tu osas à peine te relever sur les coudes pour les contempler.

Les deux étaient si beaux quand ils dormaient, si charmants, et si ouverts, vulnérables, que ton cœur qui leur était déjà donné termina de fondre.  Tu te tendis, légèrement, pour déposer un baiser, comme un papillon posé sur une fleur, sur les lèvres douces de Keith, un autre sur celles de Dorian, et te reculer un peu pour les contempler.

Ca ne fut que de courte durée. Parce que deux bras se levèrent, un de chaque côté, pour t’attraper et te recoucher auprès d’eux.

 

Parfois, ta vie, c’est te réveiller avec un bel amant sur une croisière, et t’endormir entre deux autres dans une chambre d’hôtel, à tous les coups plus satisfaite que jamais.

C’est… C’est pas trop mal. C’est même carrément sympa. Et chargé, aussi.

Chapter 12: Un chat trempé, mais ravi

Summary:

.... Je réalise que j'ai jamais posté ce chapitre là? Au programme: un date avec Dorian, des retrouvailles, et un happy ending, avec un "Where are they now" encore plus heureux.

Notes:

Merci pour tout Lacrimalis, pour ces supers idées, et pour m'avoir dit de rajouter un date avec Dorian, j'espère que ça te plaira ♥

Chapter Text

         On était à peu près le seize juin, ce qui signifiait que la chaleur écrasante de l’été n’était pas encore écrasante, mais il n’en faisait pas moins extrêmement bon, voire carrément chaud. Une certaine frénésie régnait toutefois, une traîtrise de l’envie qui régnait de vite tout finir de préparer en avance pour pouvoir partir en vacances.

Toi, ça faisait une semaine que tu avais repris le travail depuis ta rentrée de croisière de Jacques, et la matinée d’aujourd’hui avait été d’une particulière tension parce que dès ton arrivée, tu avais commencé à avoir la migraine. Dave t’a raccompagnée chez toi, car il avait besoin de prendre l’air lui aussi, et tu l’as étreint fort, encore plus fort que ça, suffisamment longtemps pour assouvir le besoin physique de câlin qui vous était nécessaires, sur le pas de la porte. Tu as voulu lui proposer de prendre un café latté s’il voulait, que tu pouvais rapidement faire ça avant d’aller te coucher au moins pour le remercier de t’avoir ramenée, mais tu étais carrément en train de tituber, et il t’a sorti la David Grosse Voix pour t’envoyer au lit. T’as fini par accepter, et c’était pas trop tôt, parce que tu as dégobillé dans les toilettes dix minutes après t’être couchée, la migraine grimpant à une trop forte intensité pour être supportable. David est resté un peu pour s’assurer que ça aille mieux, et lui aussi pour respirer un peu. Une fois ton cachet avalé, cependant, tu t’es endormie.

Quand tu t’es réveillée, il s’était écoulé toute une journée, Dave était parti, et Abel était dans ta chambre en train de s’occuper de tes plantes. Une assiette d’un quelque chose qui sentait formidablement bon sur ta table de chevet attendait, et dès que tu t’es réveillée, il s’est penché pour t’embrasser sur le front, et te dire que Dasha revenait te changer la serviette sur ton front. Tu avais honte, tu as protesté, mais il t’a grondée en te rappelant qu’il avait été aussi têtu que toi autrefois, et qu’une certaine personne n’avait pas cessé de vouloir l’aider. Tu as accepté, d’autant plus en entendant son suave accent rire, puis Dasha est revenue, et les deux se sont occupés de toi jusqu’à ce que tu te rendormes.

 

A ton réveil le lendemain matin, le soleil était à peine en train de se lever. Ta migraine était complètement partie, mais tu avais quand même perdu toute une journée. En roulant dans ton lit tu écrivis un message à David et à Franklin pour leur dire que ta migraine était passée, ce à quoi ils ne répondirent pas, sûrement pas encore levés. Tu avais un peu honte de leur avoir fait faux bond, mais une migraine, ça se passe de commentaire.

Une fois quelques minutes passées et toi ayant ouvert rapidement l’application de thiscord parce que Cabrizzio qui avait mystérieusement entendu dire que tu avais mal à la tête t’avait envoyé une vidéo de petits chats, tu laissas retomber ta tête dans l’oreiller. Ton crâne ne te faisait plus mal, mais… Mais t’avais perdu toute la journée. Paresseusement, tu tournas la tête vers ton gymnase où désormais résidait un matelas en permanence parce que tu avais eu la flemme de le ranger. Tu pouvais très bien aller t’allumer la télé en roupillant dans le lit de Keith. Ca faisait longtemps qu’il n’y avait plus été, et franchement, même si son odeur n’y était plus, c’était agréable.

 

Et tu étais en train de réfléchir sérieusement à t’y installer avec une grosse bouteille d’eau quand –

Un léger raclement de gorge dehors

Tu te redressas d’un bond en reconnaissant aussitôt ce raclement de gorge, et tu te précipitas pour ouvrir les volets. Ton cœur bondit dans ta poitrine à la vue d’une moto familière. Tu avais été énormément occupée ces derniers jours, un peu trop, et la façon dont vous vous étiez quittés il y a une semaine t’avait laissé un brin... sur ta faim. Un simple baiser sur ton front après t’avoir ramenée chez toi, un murmure comme quoi il avait besoin de réfléchir, une promesse de ta part d’être là... Et puis il t’avait laissée, parce que tu avais besoin de défaire tes valises, parce qu’il avait du travail la nuit à venir, parce que plein de choses.

On t’avait de toute façon sollicitée toute la semaine. Mais ce qui s’était passé avec Keith et Dorian dans cet aéroport ne pouvait en rester là, et ton crâne te faisait mal rien qu’à songer que ça puisse s’arrêter là, que peut-être Keith ne revienne jamais, que Dorian continue à se murer dans son coin.

Or... s’il était revenu ? De lui-même ? Et pas pour voir Zoey ou autre dont il t’avait déjà demandé les coordonnées ?

C’était que peut-être il était là pour...

 

Dans une forêt sombre, il était toujours ta lumière. Ton roc. Et là, une pluie de sable joyeuse sur ton coeur.

En  toute hâte, tu descendis les escaliers de chez toi, et tu sautas au lieu d’ouvrir la porte, droit sur, et bien, la porte.

Dorian écarta les bras et te réceptionna au passage avec un petit grognement amusé, et il dût reculer pour soutenir le poids, sur un peu plus d’un mètre de distance. Ses bras se refermèrent dans ton dos, et tu ronronnas de bonheur en sentant son visage contre ton ventre, et son léger rire contre toi. Quand il te reposa, tu te lovas néanmoins contre lui, et il baissa ses yeux sombres mais emplis d’une certaine lueur un brin sauvage vers toi.

— Qu’est-ce que je suis contente de te revoir ! ronronnas-tu, lovée contre lui. Tu m’as manqué cette semaine !

— Ma chérie, murmura Dorian en t’attirant contre lui d’un bras un peu plus puissant. A moi aussi, tu m’as manqué.

Il marqua une pause, comme s’il allait te dire quelque chose, te contemplant de haut longuement. L’air de se concentret très fort... d’affirmer ses résolutions...

Puis finit par te décrocher un sourire narquois, et totalement à sa place le jour où il t’avait proposé d’être... amis et plus si affinités.

— Et tu es aussi belle qu’au premier jour.

Bon alors, là, tu t’y attendais pas. Ca ne lui ressemblait pas. Sauf que, que ça vienne de quelqu’un d’autre qui lui avait soufflé l’idée ou non, tes joues rosirent légèrement, surtout que…

— Belle ? Je sors d’une grosse migraine, je me suis même pas lavée, je dois avoir l’air d’une vache, le grondas-tu en essayant vainement de masquer ce que des phrases comme ça de sa part te faisaient, puis tu te rassereina et ronronna : ... Mais c’est gentil.

Il grimaça. Et adopta un léger sourire narquois, qui lui ressemblait beaucoup plus.

— Je t’ai déjà vue dans tous tes états, tu sais. Et les instants où je te préfère c’est quand, peu importe ta tenue, je te sais en sécurité dans mes bras.

Ca, c’était Dorian.

Là, tu piquas un vrai fard et dans ses bras enfonça ton visage dans son cou en rougissant à mort. Pendant plusieurs secondes, avec un long couinement que tu n’arrivas absolument pas à contrôler. Il se contenta de te serrer, peut-être un peu amusé.

 

Quand tu parvins à te reprendre, toute rouge, tu relevas le nez vers lui :

— C’était très vicieux, ça... !

Dorian se contenta de te rire d’un rire très bas et rauque, toi coincée dans ses bras, taquin. Un brin de Trap Dorian.

— C’est la vérité, pourtant. Et depuis notre aventure à l’aéroport, je ne pense plus qu’à toi. (Il marqua quelques secondes de battement, où tu sentis son corps se presser contre le cadre de la porte... puis il soupira, en te reposant) Et à lui. Je ne te l’ai pas dit parce que j’étais... Sous le choc, mais.

Son sourire qui se dessina, te fractura le coeur. Et te l’emplit d’une lave de chaleur qui n’allait jamais partir. Douleur et chaleur.

Dorian te sourit, avec douleur.

— Merci. De m’avoir incité à... lui reparler. Et m’avoir aidé à l’accepter.

— Je n’ai rien fait, protestas-tu. Tout ça, c’est toi. C’est vous.

Dorian ferma les yeux et déposa son nez dans ton cou, pour t’inspirer. Longuement.

— On a pu réparer notre amitié et devenir humains grâce à ça. Et même redevenir plus que ça. Alors que ce soit mérité ou non... Merci.

 

Ce fut à ton tour, les pieds au sol, de devoir tenir ses sentiments longuement. Et tu le fis avec devoir et le coeur palpitant, tout en le serrant un peu plus contre toi.

Vous êtes restés à vous étreindre quelques secondes, le temps nécessaire, et puis Dorian demanda en grimaçant, en s’écartant :

— Tu as des nouvelles ?

Tu en avais, toi - mais principalement parce que Keith prenait vraiment des photos de tout, absolument tout, pour te l’envoyer. Et ça allait de superbes paysages, à l’hôtel, à... à la cuvette des chiottes quand il était déchiré.

La grimace que tu fis répondit à ta place, et Dorian soupira de lassitude :

— ... Moi, j’ai déjà dû discuter avec un videur au téléphone pour le tirer des ennuis. Et il Il me désespère.

Tu ne pus t’empêcher de pouffer de rire.

— Il est insortable...

Puis Dorian reprit, plus sérieux :

—Je voulais te dire que, j’ai beaucoup réfléchi et j’ai pris une décision. Mais d’abord...

Il se tendit, pour t’écarter de lui et te considérer des pieds à la tête avec intensité. Tu fronças les sourcils.

— Dorian... Je suis vraiment heureuse que tu sois là, mais tu es bizarre, aujourd’hui. Qu’est-ce qu’il y a ? De quoi veux-tu me parler ?

— D’abord, quelque chose d’important, dit-il en écartant un bras de toi pour poser sa main sur ton front. Tu vas mieux ? Abel et Dasha nous ont dit que tu n’allais pas bien hier.

— Je vais mieux, décréta-tu en secouant la tête. Ne t’inquiète pas.

Dorian soupira de soulagement et sa main de ton front se décala sur ton épaule, puis glissa le long de ton bras pour.... pour te prendre les mains ?

Dorian te prit les deux mains dans les siennes.

L’affection scintillait comme un soleil dans son regard :

— Tant mieux. Est-ce que tu as quelque chose de prévu ce matin ?

Un rencard ? Avec Dorian ?

Rien qu’à l’idée, ton coeur en fit des bonds.

— Non, admis-tu, et tu sentis malgré toi tes yeux s’humidifier de toute cette tendresse qui débordait de ton cœur pour ton fier protecteur. J’ai rien prévu pour ce soir. Est-ce que...

Tu avalas ta salive, en reculant d’un pas pour t’écarter et lui laisser le champ libre.

— Tu veux… Tu veux entrer ?

Dorian fit lentement non de la tête. Puis, lentement, il la tourna en direction de sa moto, te faisant signe sans un mot de suivre son intention.

Tu suivis.

Et puis lentement l’idée s’inscrivit en toi. Un tour sur sa moto ? Avec lui ? Avec ton Dorian ? Tu acquiesça lentement, te sentant déjà toute frémissante d’excitation. Le geste ne passa pas inaperçu, et Dorian remarqua immédiatement le large sourire qui s’était dessiné sur tes lèvres. Celui-ci se transmit aux siennes, plus calme, mais non moins heureux.

— Je voulais t’emmener dans un coin magnifique... C’est simplement que je veux m’assurer que tu ailles bien. Ca va aller ? demanda-t-il une dernière fois. Ta tête. On va faire un bon bout de route.

— Si j’ai mon gardien pour me protéger, murmuras-tu en dépit de l’aspect corny évident de la réplique qui te tapa aussitôt la cervelle, toujours.

Tu ressentis comme une bouffée d’arrogance de part et d’autre, de part la posture que Dorian adopta, un vrai videur.

Il t’envoya chercher tes médicaments au cas où, et te préparer à une longue journée ensemble en bécane. A part un roucoulement, tu ne sus pas trop exprimer par des mots ton ravissement...

 

Mais quand tu retournas à l’intérieur, il y avait très clairement un léger sautillement dans tes jambes.

 

 

*        *        *        *

 

Quelques minutes plus tard, vous filiez tous les deux comme le vent.

 

Tu adorais sentir l’air frais… ça avec une décapotable, c’était évident. Mais vraiment, blottie contre Dorian sur sa moto, l’ultime épreuve de foi à lui confier ta sécurité, les sensations étaient grisantes. Le jour se levait, et l’air en conséquent était encore un peu frais, quoique tu ne le ressentis vraiment qu’aux sifflements sur ton cou. L’épaisse veste que tu portais en guise de protection ne laissait pas vraiment filtrer autre chose, et ton jogging laissait passer peu d’air, mais suffisamment pour que tes jambes soient délicieusement fraiches.

Vous avez filé au travers de la petite ville tranquille où tu habitais, et rapidement, avez rejoints l’autoroute. Et c’est là, alors que vous filiez comme des flèches dans les prés et les grands espaces, entre les vallées et les forêts de pins, que tu as fermé les yeux de plaisir. Ce n’était pas la direction du bureau, mais c’était une autre direction encore que tu n’avais que rarement pris.

Tu ignorais où Dorian t’emmenait.

Tu savais juste que tu avais confiance en lui. Et qu’il ralentit un peu quand votre route vous fit passer par une forêt, et que la senteur des arbres et la rosée gonflant la végétation et la terre s'éleva en un bouquet merveilleux autour de vous. Devant toi, Dorian semblait comme à sa place. Et il ralentit encore plus que des montagnes vous apparurent en vue au loin, car tu te relevas par-dessus ton épaule, tes mains bien agrippées à lui, stupéfaite.

La route séparait une grande forêt, qui se prolongeait le long d’une vallée et serpentait entre deux montagnes. Mais là, sortis de la forêt, vous constatiez d’une part sur votre gauche la forêt qui finissait de s’achever et de donner naissance à un joli petit village sur le côté, mais sur la droite, un court d’eau qui courrait le long des prairies d’en bas de montagne. Devant vous, les deux pieds des monts, la route filant entre les deux comme un serpent louvoyant dans l’eau, et au loin, se dressant et s’élevant par-dessus les montagnes, le soleil.

Tu reconnus la destination : si on continuait par là, soit on atteignait une grande ville qui d’ici quelques mois serait une station de ski, ou alors…

D’une légère pression sur le torse de Dorian de ta main droite, et en le voyant ralentir, tu te permis de libérer ta main pour pointer alternatiement la direction droite, puis la gauche de la route. Dorian, au lieu de répondre, te replaça la main avec un peu plus de force sur son ventre et grogna, ce que tu n’entendis pas mais ressentit contre toi.

Un peu couillone dans l’esprit, tu baissas la tête de nouveau et te contenta juste de laisser tes yeux dépasser de derrière sa massive épaule, pour regarder. La beauté du ciel de nuit qui s’évadait peu à peu, le noir cédant la place peu à peu à la clarté du soleil, et au bleu progressif, les étoiles qui doucement s'éteignaient par dessus la nature qui reprenait vie, se déployait, se chargeait de vert, de jaune, de rose, de bleu, de toutes ces couleurs du monde. Le chant aussi, des oiseaux de nuit qui finissaient d'aller se coucher, ceux de petits oiseaux de jour.

Le coeur gonflé, tu te blottis mieux contre Dorian en souriant, le côté de son casque contre son dos, et tu fermas les yeux pour inspirer profondément, et t'immerger de l'odeur. Il avait raison: avec la migraine que tu avais, cet air frais de la forêt te faisait du bien, un air pur, et la détente des lieux aussi.  Il allait pas trop vite, et te caressa d'une main la cuisse pendant une seconde, peut-être deux, avant de se re-concentrer sur lui.

 

Puis vous finires de passer entre les montagnes, et tu sentis ton coeur bondir dans ta poitrine. La route vous avait mené jusqu'à une autre vallée, que tu avais toujours eu envie de visiter sans jamais y aller...

Et à présent, c'était un lac artificiel où il t'avait emmenée.

Dorian ralentit à proximité d'une petite plage en bord de ce lac, où beaucoup de touristes étaient déjà en train de s'installer pour profiter de toute la place qu’il y avait au matin. Tu fus un peu étonnée de l'idée, mais enfin, l'air frais te faisait du bien. Dorian continua néanmoins votre route au lieu de vous arrêter sur les plages touristiques, et il continua de faire quelques tours le long du lac, pour trouver une crique un peu isolée. C'est devant elle que la moto finit de décélérer, puis enfin qu'il s'arrêta. L'endroit était vraiment très beau, et en descendant lentement de la moto, tu levas les yeux vers le ciel immense encadré par les arbres, le parfum mêlé d'eau et de forêt, et tu savouras le silence. L’endroit était calme, isolé, l’eau d’un magnifique bleu et vous étiez entourés de végétations bien que le sol soit sableux, et les racines des arbres qui s’élevaient du sol s’unissaient en formant un petit cocon tout autour de cette crique, comme pour garder en intimité ceux qui choisiraient d’y aller. Votre espace était plus réduit, mais de toute évidence, à moins de savoir où chercher...

— Beau, confessa Dorian avec un petit sourire, dès qu'il eut ôté son casque lui aussi. C'est elle qui m'a donné le coin. Elle est partout, vraiment.

Etonnée de l'information, tu ôtas à ton tour le casque et tu te retournas vers lui. Dorian avait les cheveux tout emmêlés, et il était adorable. Grand ainsi, devant toi, il mit son anti-vol sans apparement se rendre compte que tu le contemplais, puis ouvrir son coffre pour en prendre quelques affaires qu'il avait préparées. Etonnée, tu décidas de flirter un peu en te rapprochant en louvoyant un peu:

— Dis donc... C’est magnifique ici. Tu n’avais pas menti ! Sacré endroit pour un rendez-vous !

— Pourquoi, ça n’est pas bon ? s’étonna-t-il en haussant les sourcils, les mains dans le coffre.

— Si si ! te hâta-tu de protester, sa voix grave précipita un petit frisson en toi. Au contraire. Mais... mais ça me fait bizarre. Je...

Tu rougis, en fait, à profusion, et alors que ses yeux sombres s’étaient levés vers toi avec curiosité, tu te retrouvas étrangement à bredouiller comme une gamine. Tu te grattas la nuque avec empressement, détournant le regard pour contempler le calme reflet du soleil sur l’eau, comme un clin d’oeil de la nature :

— Je crois que... que c’est la première fois qu’on se fait un rencard comme ça tous les deux.

— Je sais, confessa Dorian. Comme je te l’ai dit, j’avais envie de passer un peu de temps en tête à tête... Sans que ce soit pour aller chasser notre old mate.

Il baissa la tête, en grimaçant, comme perdu dans ses pensées.

— On a... beaucoup de choses en ce moment. On attends qu’il revienne, pour aller... Voir Zoey, Rongo... etc.

Il inspira, ferma douloureusement les yeux quelques secondes.

— Ca prendra le temps qu’il faudra, mais... Quand on se sentira d’attaque, on ira ensemble.

Tu posas une main sur son épaule, pour doucement la caresser, et lui sourire.

— Je serai toujours là quand vous aurez besoin de moi ou envie.

— .... Je sais, dit-il après plusieurs longues secondes d’immobilisation, avant de redresser un regard sévère, mais tendre vers toi. Ca va, ta tête ?

Toujours tellement attentionné... Stoïque, mais toujours à vouloir protéger tout le monde. Mais à moins prendre soin de lui. Et ça, il va falloir lui rendre la pareille.

De toute urgence.

Tu sentis ton coeur battre encore plus la chamade.

— Oui, ça va. L’air de la forêt et du lac me fait du bien. Et...

Tu te tendis, pour aller l’embrasser sur la joue. La lèvre de ce dernier, alors même qu’il terminait de sortir son dernier sac de son coffre, s’étira sur un côté en un sourire, et il te regarda te décaler de lui avec un lent suivi du mouvement.

— Merci, murmura-tu en t’écartant, ton coeur ronronnant. Pour tout. Absolument tout. C’est magnifique ici. Et c’est adorable de ta part.

Dorian ne répondit rien, mais alors qu’il refermait son coffre d’une main et se mettait en route pour l’intérieur de la crique bordée par les arbres de les racines, il te contempla d’un long, long regard mutique. Et quelques étoiles dedans, un reflet de toute la lumière, qui capturait le brun de son regard et le faisait scintiller comme un soleil.

 

 

Après avoir admiré les environs encore une fois, tu te hâtas de le rejoindre avec un petit sautillement. Dorian s’était installé au milieu de la crique, et il avait déposé un gros sac en plastique avec plein de plus petits sacs en papier dessus, à même le sol. A côté se trouvaient deux thermos d’un café - vu le look, ils devaient être pleins d’un starbucks. Dorian suivit ton regard et grimaça.

— Ton hazelnut latté risque d’être un peu froid, et les croissants aussi. Mais je ne pouvais pas tout faire à la fois.

— Un petit-déjeuner en bord de lac ? t’ébahis-tu en clignant plusieurs fois des yeux, le rejoignant en marchant précautionneusement sur les racines. Avec tout ça ? Dorian, c’est incroyable !

— Cela faisait... longtemps que j’avais envie, se contenta-t-il de dire en te tendant la main pour te récupérer, et t’aider à descendre des rochers et des racines que tu descendais. De passer du temps en forêt, au bord d’un lac, avec toi.

Tu acceptas la main, et termina de descendre dans ce berceau que formaient les racines.

Là, vous vous êtes arrêtés un instant, l’un à côté de l’autre.

Juste, au clair obscur de la lumière du jour, du soleil reflété sur l’eau et filtrant en travers de l’onde, à la pénombre douce de la clarté dissimulée par les feuillages, le reflet de la montagne et du bois dans l’eau, le vôtre pas encore. Entourés de l’odeur des bois, de l’eau, et...

Et un peu timidement peut-être, tu t’inclinas latéralement vers lui, pour poser ton épaule contre la sienne, essayer de lui prendre la main. Dorian te la prit, mais te la lâcha assez rapidement pour poser sa main plutôt sur ton autre épaule, te prendre un peu dans ses bras, t’étreindre contre lui de côté.

Il était chaud, et étrangement, il te faisait cette même impression de bois que le reste des arbres. Une présence réconfortante, puissante, ancestrale, où l’on se cachait, et pourtant...

— Joyeux anniversaire, murmura Dorian, une fois que tu eus reposé ta tête contre son épaule, et que tu fus étreinte ainsi contre lui.

Tes yeux s’écarquillèrent.

— Ce n’est pas mon anniversaire ?

— Si...

Tu détournas tes yeux du magnifique paysage et des quelques nuages qui cmmençaient à se dessiner, pour les lever vers Dorian. Son expression était d’une gravité sans fonds. Aussi sérieux que s’il t’avait demandé ta main.

— Cela fait deux ans que je t’ai rencontrée.

Ton coeur loupa plusieurs battements. Celui de Dorian, en revanche, alors que son regard s’attachait au loin, battait plus fort.

Deux ans déjà ? Cela semblait hier encore, et pourtant si lointain. Deux ans depuis que cette folle aventure avait commencée. Deux ans depuis que...

Tu baissas la tête, et l’abandonna complètement contre Dorian. Et vous restères ainsi pendant plusieurs minutes. Juste, à écouter le bruit du coeur, à écouter le bruit de légères vagues, d’une mince brise de vent. Le bruissement des feuilles, le chant des oiseaux, des derniers insectes...

— Tu sais que si c’était à refaire, si je devais recommencer depuis le début, murmuras-tu, je n’y changerais rien. Pas un mot de plus, ni de moins.

Les yeux de Dorian se plissèrent et il eut ce sourire aux lèvres qu’il avait toujours quand il ressentait un élan de fierté...

Sauf que soudain, un quelque chose, une petite mouche peut-être le traversa, et il renacla une fois, une seule. Il poussa un petit rire, puis il commença à se redresser, probablement pour passer au reste de ce rendez-vous. Mais tu ne voulais pas le laisser partir comme ça, alors dès qu’il te lâcha et voulut se tourner et se pencher, tu fis la même chose et tu passas tes deux bras derrière son cou pour le serrer à toi, fort.

Besoin d’un calin.

Et te redresser et l’embrasser, plus fort, sur les lèvres. Dorian ferma les yeux et te le rendit, puis vous avez naturellement posé le front l’un contre l’autre, tandis que tes mains derrière son cou vous étreignaient, et que l’imitaient les siennes, au bas de ton dos.

— Je t’aime, haletas-tu, même s’il ne répondit pas tout de suite. Joyeux anniversaire à toi aussi, Dorian.

— Tu veux déjà passer aux choses sérieuses ? Tu n’as pas envie de prendre le petit-déjeuner ? murmura-t-il d’un ton de voix amusé contre tes lèvres, entre deux simples bisous, et il te serrait plus fort contre lui.

Toi dans ses bras, il s’avança et s’assit lentement en arrière, pliant le genou sous lui pour t’emporter avec lui. L’un de tes bras glissa le long de son cou, puis de sa clavicule, pour finir sur l’un de ses pecs puissants. Ses yeux câlins, il murmura :

— Aaaah. C’est parce que je n’ai pas su trouver de baguette, c’est ça ?

— Dorian ? demanda-tu en t’installant, tes deux jambes de chaque côté de son corps.

Ses yeux chaleureux couleur de bois taquin s’attendrirent, et un large sourire se dessina.

— Oui ?

— Mon cher anglais - arrête de parler, grommelas-tu.

Il laissa échapper un petit rire, et referma les yeux pour s’allonger et te laisser suivre le mouvement, et - enfin - vous retrouver couchés l’un sur l’autre, sur ce sol de terre mêlé de sable entre les racines des pins. Cette fois-ci, c’était toi qui t’étais emparée de ses lèvres, et la danse entre vous vous fut lente, tendre et sensuelle, lèvre à lèvre, coeur à coeur, et âme à âme.

 

Vous avez peut-être passé... plusieurs longues minutes ainsi, dans la simple union de l’amour, une série de baisers, d’étreintes parfois, l’un la tête contre la poitrine de l’autre...

Comme si tu étais une addiction pour lui, comme s’il était la tienne.

C’était risqué, tu le sais. On pouvait vous voir.

En cet instant, cependant, allongée sur lui, de toute façon à moitié assis lui-même sur le sol et plongés l’un en l’autre, tu t’en fichas. De l’autre côté du lac, tu savais que des gens arrivaient sur la plages, mais ces personnes-ci étaient loin, et là, bien cachés dans votre petite crique, il faudrait vraiment que les gens passent au mauvais moment. Le soleil naissant se reflétait dans son regard, un brun de chocolat, et sur ses cheveux, sur sa peau, un tableau à lui seul.

Dans son étreinte, tu étais en sécurité.

A vos pieds, le clapotis de l’eau. Et dans ton dos, ses bras, qui se ressérèrent, tandis que tu fondais contre son corps, contre lui, en lui.

Ton coeur, contre lequel battait la chaleur du sien, si merveilleusement organique à présent, sa chair douce et chaude, et...

— J’ai... Arrête, tu me donnes envie, et on est... est en public, murmura-t-il en t’écartant doucement au moment où tu inclinais la tête pour l’embrasser encore.

Dans son regard, un brin d’inquiétude, et un sourire un brin soucieux, mais aussi excité. Effectivement, entre ses jambes, le pantalon juste en dessous de toi, ça se sentait.

Dorian se racla la gorge, sa voix rauque, et ses joues rougissantes.

— Il... On pourrait nous voir ?

C’était vrai. Et tu ne pouvais nier que tu avais toi-même envie de continuer.

Doucement, inclinant la tête, ne voulant pas l’obliger à faire quoi que ce soit... mais ayant l’impression qu’il ne serait pas dérangé non plus, tu fis un petit signe de tête en direction de l’endroit où était garée la moto. Vous étiez pas mal en contrebas, et la route poursuivait en haut. Vous étiez majoritairement cachés par les arbres de la route, mais...

— Comme tu veux, murmuras-tu en te redressant un peu. Je pense qu’on nous verras pas, mais c’est toi qui décide.

Dorian hésita quelque secondes. Leva les yeux vers la route, d’un regard qui, bien que tu l’aie déjà vu, était relativement neuf aussi - la rapide surveillance, l’évaluation des risques, le calcul des issues, du taux de risque...

 

Et aussi soudainement qu’il t’avait interrompue, il te saisit par la nuque et t’attira à lui en s’allongeant sur les racines, pour retourner t’embrasser. Sa barbe, contre tes doigts, était douce, sa peau parfumée de bois, et son corps, contre le tien, une chaleur palpitante, une communion d’âme. En lui brûlait cette lueur enflammée de passion, née à partir de l’instant où tu lui avais montré qu’il pouvait avoir confiance en toi, et...

Alors que vos deux corps se fondaient l’un contre l’autre, et que l’un de ses bras te retenant dans la nuque, l’autre te caressant le dos, tu t’autorisas à frôler son torse de ta main, la faire descendre le long de ses tablettes de chocolat parfaites.

D’abord, juste effleurer des doigts son pantalon, et le regarder droit dans les yeux, contempler comme son regard s’embrumait rien qu’à ce contact...

Puis descendre, parcourir une trainée de baisers le long de son ventre...

Le chocolat de ses yeux, prendre feu...

— Y/N..., gémit-il, en t’accompagnant le long du mouvement. Pas encore... T’es pas obligée de...

— Chut, soufflas-tu en posant les mains sur sa braguette. J’ai envie. Je veux te faire du bien.

Il se tut.

Car tu venais d’atteindre le point... de réitérer les conseils de Keith de l’autre fois, et d’appliquer tes propres connaissances. Dès que tes mains eurent fini de s’activer et que tes lèvres se posèrent sur lui, en effet, la brume dans son regard s’accrut, et son beau visage se perdit d’un plaisir désarçonnant, d’une éperdue contemplation.

Cet acte-là, c’était sûrement pas ce qui te procurait le plus de plaisir physiquement. Et pourtant, tu aimais beaucoup. Parce que dans des instants comme ça, où tu voyais le moindre de tes gestes récompensé par un tressaillement, une tension, une décontraction de tout son corps...

Le premier gémissement était comme une récompense.

Les autres, à chacun, un délice, une preuve qu’il s’effondrait sous toi.

Et ses mains sur ton visage, qui se contractèrent et te firent te redresser dès qu’il n’en pus plus, pour t’attirer à lui, récupérer tes lèvres, le souffle court, et la poitrine agitée d’un si puissant souffle, la preuve, que tu le rendais fou, dingue, et que tout en lui n’aspirait plus qu’à une chose... Partager avec toi, et t’aimer en fusion.

— Je t’aime, murmura-t-il en te lâchant. Je veux...

Ses mains, précises, nettes, et pourtant brouillonnes à la fois, te dénudèrent, et à lui t’apparut ton corps, la lueur de l’eau comme reflétée sur ta peau en des vaguelettes de lumière, peut-être par les lumières environnante. Ses yeux s’écarquillèrent un peu, ses lèvres s’entrouvrirent, haletant, oubliant ce qu’il voulait dire, tandis que tu te réinstallais sur ses genoux pour commencer à danser sur lui, commencer à danser, son corps en le tien, ton coeur en le sien.

— Je veux...

Se concentrer pour parler, c’était insoutenable. Et pourtant, ses yeux rivés sur la peau de tes bras, les jeux de lumière sur ta peau, puis ces lumières dans ton regard, il balbutia enfin :

— Je ne veux plus être loin de toi...

Tu souris, et ta danse se fondit à ses mouvements, tandis que de la main tu caressais sa joue. La moindre ondulation de ton corps sur lui se répondait une palpitation de son coeur, et luisant dans son regard, lui trop habitué à ... trop habitué à donner, vraiment...

— Je ne veux plus non plus, murmuras-tu. Je voudrais que...

 

Il se passa soudain quelque chose - un bruit de voiture tout près.

 

D’un seul coup, Dorian paniqua et se redressa en te saisissant entre ses bras, et tu poussas un cri de surprise en te sentant soulevée de terre. Sans qu’il ne t’écarte de lui ! Juste en te calant d’un bras contre lui. La seconde d’après, tu entendis Dorian souffler « Bouche-toi le nez ! » et...

Cette andouille, parce que tu ne peux dire ça autrement, te plaquant contre lui comme si tu étais une VIP à protéger, il se jeta dans l’eau.

L’instant d’après, tu te retrouvas trempée, les quatre fers dans l’eau et les fesses sur le sol sableux du lac qui n’était pas très profond à cet endroit. Dorian, désespérement à quatre pattes dans l’eau sur toi, vérifia en toute hâte que la voiture était bien partie  et tu clignas des yeux, bêtement, le voyant tout rouge,...

— ... T’es sérieux ? protestas-tu, riant à moitié. Tu m’as jetée dans l’eau en plein ébat ?

— Je ne voulais pas qu’on nous voit ! protesta-t-il. J’avais envie de...

... Puis son regard descendit le long de ton corps, allongée dans l’eau, avec un tout petit peu de fond, juste assez pour que ça t’arrive approximativement à hauteur de poitrine dans la flotte, et il y eut un quelque chose d’un peu vicieux dans son regard.

Un coup de hanche pour t’éclabousser - un coup de hanches pour entrer, et son sourire un brin vicieux, un brin taquin, et à la tendresse évidente. Un petit coup de dent juste à côté de ta tête, pour te taquiner, pour te dire d’arrêter de rire, et tu éclatas d’un rire joyeux, qui se propagea jusqu’à lui. Il ricana :

— Ah, ça te fait rire ? On se moque du vieux Dorian, qui n’a que ta sécurité et ta réputation en tête ?

— Un peu ! pouffas-tu de rire. De toutes les solutions que tu as trouvé, c’était celle-la la meilleure ?

— Tu sais que je le prendrais mal si ce n’était pas toi, te gronda-t-il, amusé...

Tt d’une main dans ton dos, il te fit relever la tête et non pas mordre, mais t’embrasser dans le cou, si bien qu’il t’en arracha un petit couinement immodeste. Apparemment ils s’étaient tous donné le mot...

... et il te fit très vite oublier le ridicule initial de la situation, parce qu’une fois bien sécurisée dans tes bras, et quelques baisers et coup de langues dans ton cou pour jouer sur la partie sensible et te faire tout oublier du reste, il te fit l’amour, et véritablement, c’est le terme de « faire l’amour » qui convient.

Entre ses bras, ton dos contre l’eau et ta tête heureusement sortie de l’eau quand il eut la bonté d’esprit de vous déplacer, lui entre ses jambes, c’est un bonheur inégalable, un amour lent, tendre, empreint de passion... et s’il aime qu’on le regarde dans les yeux pendant les préliminaires, c’était pire après, car quand sa force considérable était à ton service, et que tu lui rendais le mieux que tu pouvais, quand l’un et l’autre vous accordiez en une danse marine, c’était là que vous vous unissiez et fondiez vos coeurs le plus encore. Sa force rencontrait ta tendresse, sa tendresse rencontrait ta douceur, vous vous rencontriez, encore et encore, fusion d’un signe d’infini, dans l’onde.

Il était tendre, il était ferme, il sentait tout autant le pin que ces arbres, et lorsqu’à chacun de vos grognements, c’était un gémissement qui répondait, une douce plainte, des mots d’amour, des mots sans un sens, il était inconcevable que le monde soit autre que fait pour que lui et toi, vous retrouviez un jour ainsi, à faire l’amour dans un lac.

 

Quand vous vous retrouvères tous les deux à sécher, presque nus à l’exception d’un malheureux caleçon trempé sur lui, et toi en sous-vêtements, blottie contre lui, allongés dans le nid de racines...

Ben t’étais bien.

D’autant plus qu’il finit par te dire ce qu’il n’avait pas dit tout à l’heure. Et c’était qu’il voulait trouver un travail beaucoup plus près de chez toi...

... Parce que, pour faire court, tu lui manquais. Et peut-être même qu’il aurait bien aimé revenir de temps en temps à la maison. Un peu plus souvent, quoi. Genre, beaucoup plus souvent.

 

Qui tu étais pour lui dire non ?

Encore moins quand ton coeur dit oui ?

 

  

*        *        *        *       

 

Dorian tint sa parole, et vint te retrouver nettement plus souvent durant tout l’été. Et, vous avez commencé à envoyer des photos de vous deux à Keith, plus ou moins pour essayer de l’inciter à rester en vie, bien que ce dernier... avait l’air de s’en tirer pas trop mal.

Au début, les premières semaines vous aviez continué à vous faire souci… Et puis cet espèce de corniaud avait commencé à t’envoyer d’autres selfie de lui entouré d’hommes et de femmes, apparemment en pleine orgie, et qui n’avaient pas l’air tout à fait sain d’esprit. Sur son selfie, il tirait la boudoche, et râlait dessus que « ça manque mes deux trous préférés ». Tu l’aurais tué, ce con. Après, il avait essayé de t’appeler en visio, mais tu lui avais gentiment, mais fermement, rappelé qu’il était trois heures de l’après-midi chez toi, que tu étais en pleine réunion, et que s’il continuait, t’allais lui envoyer une dickpic de Franklin. Passons sur l’expression totalement abasourdie de David, qui lisait par-dessus ton épaule, et de l’espèce de fou rire silencieux qu’il a piqué quitte à pleurer sur ton épaule, tu as vite découvert qu’essayer de tenir une réunion sérieuse entre ces deux là qui te distrayaient sans arrêté relevait de l’impossible.

Du coup, tu as fait de ton mieux pour te rattraper par la suite. Tu as mis les douchées doubles.

Au cours de ces deux mois cependant, tu te retrouvas à travailler un peu plus en extérieur, d’ailleurs, car tu avais fini par te faire sermonner par Drysdale et Washford lors d’un jour où les deux étaient venus travailler dans ton jardin. Ils avaient réalisé que celle qu’ils croyaient être partie à la maison était en fait restée toute la journée à travailler et une bonne partie de la nuit dans son bureau sans en bouger, ce qui était apparemment inacceptable quand il faisait si beau, et les deux t’avaient installé de force une tonnelle dans le jardin, puis une section potager avec le concours d’Abel et Dasha. Au début tu avais voulu protester…

Et puis quand tu avais vu les quatre au travail dans ton jardin, plaisanter, jouer ensemble, et quelques danses improvistes à cause d’un peu de musique que tu avais passée sur l’ancien objet qu’avait été Rainey, ton tourne-disques, la fenêtre ouverte…

Ah, ma foi !

Tu avais fini par les rejoindre et te salir aussi les mains. Ca faisait du bien. Au fur et à mesure, à ta surprise, toutes les semaines quelqu’un passait pour t’aider à l’entretenir, te donner de nouvelles graines, t’aider à agrandir, quelqu’un de nouveau, et même Dorian quand il venait te chercher le samedi pour votre sortie de la semaine, en oublia quelques fois d’aller se balader pour travailler averc toi. Les plus efficaces avaient été bien sûr Rongo, avec qui tu avais été beaucoup en contact évidemment ces derniers temps, ces deux derniers mois, et Prissy aussi, mais énormément de monde y avait donné du sien, et Cabrizzio t’avait même envoyé des graines en provenance d’Italie. Tu n’étais pas sûre de réussir à faire pousser, mais soit.

Ce travail et ces sorties en extérieur, le week-end, te faisait un balancier agréable de tes très longues heures à Human Experience, que cependant maintenant tu coupais d’encore plus de déjeuners avec tes amoureux, et là, vous aviez commencé à jouer à Baldur’s Gate 3 le soir, chez David (parce que c’était lui qui avait la plus grande baraque, quoique Franklin soit vachement bien loti aussi). Résultat des courses, il y avait des fois où tu te retrouvais encore à trois heures du mat à jouer, ou à t’endormir debout pendant que David et Franklin s’étaient endormi, l’un dans les bras de l’autre, avec des ronflements tout doux. Dans l’idée, vous alliez ensuite vous en prendre à refaire des Final Fantasy, puis tu voulais leur présenter d’autres jeux que tu adorais. Comme vous étiez en train de préparer d’autres produits et services pour vos clients, sur des dossiers dont il fallait étudier en détail la faisabilité, il fallait bien lâcher du lest quelque part ! Et quand ce n’était pas par la nourriture (… sérieusement. T’étais incorrigible là-dessus. Et avec un enabler de première comme David qui réussissait à se mettre minable avec des Virgin Mojitos, ça n’allait pas en s’arrangeant), c’était par le jeu. Quand tu ne travaillais pas jusqu’à trois heures du matin, bien sûr. Mais ça, ça arrivait de moins en moins.

 

*        *        *        *

 

C’est au retour d’une de ces balades avec Dorian, un samedi soir, que tu l’embrassas sur le pas de la porte, et que vous vous dites au revoir, que tu retournas chez toi pour aller te reposer après toute cette longue journée de promenade, qu’il se produisit… enfin, l’évènement que tu attendais depuis bien longtemps.

L’automne, il y a moins d’orage, mais quand la pluie tombe, elle ne fait pas semblant. Et, alors que tu te buvais un thé à regarder une rediffusion d’un Scarface à la télé…

Toc, toc, toc

Ton cœur fit un bond, et tu jetas un œil au noir dehors, à l’obscurité ambiante. Qui pouvait bien venir toquer à la porte comme ça tard le soir ? On n’était pas Halloween, ni même toute autre journée qui l’aurait justifié. Et sincèrement, à onze heures du soir, ça avait quelque chose d’effrayant.

Même si, c’est vrai, on te rendait visite à toute heure du jour et de la nuit, mais tu recevais un message avant sur thiscord, au moins.

Autrefois, en ces mêmes circonstances, tu avais été terrifiée.

Cette fois ? Tu te redressas sur ton canapé, un sourire immense t’imprégnant les lèvres.

Et tu courus ouvrir ta porte, en petite tenue, avec une allégresse et un manque total de vigilance, parce que si ça avait été un taré qui voulait te faire du mal, tu lui offrais le tout sur un plateau.

 

En lieu et place, ce fut un clochard qui t’apparut derrière la porte.

Un homme aux cheveux gris et blanc trop longs, sales, à la barbe et à la moustache cradingue, muni d’une valise défoncée, un costume noir de crasse, et un sourire si étincelant aux lèvres qu’on aurait dit un soleil.

A ta vue, il laissa tomber sa valise, écarta grand les bras, et, les paupières mi-closes, te décrocha un « Je suis rentré, bébé » absolument rayonnant.

Tu en avais mal aux joues à force de sourire. Mais tu reculas dès qu’il fit un pas vers toi, et tu levas un doigt, en sussurrant :

— Hep hep hep ! On va se laver avant toute chose ! Et on s’habille –

— C’est ça, bien sûr, renacla le géant en franchissant la distance qui vous séparait de trois pas.

Ses yeux acier luisaient d’une telle lumière, que quand ses mains se plaquèrent, l’une avec force dans ton dos, l’autre derrière ta tête, et ses deux bras t’attirèrent contre lui en une puissante étreinte, ses mains juste là pour t’incliner correctement…

Ah, tu ne te débattis même pas.

C’était un tel bonheur, que ce fut un grand sourire sur tes lèvres, et tu t’abandonnas tout eentière, une poupée de chiffon entre ses bras. Son corps physiquement froid, mais de plus en plus chaud à ton contact, comme si simplement de te toucher lui rendait vie.  Il puait, il puait plein de choses, la terre, la pluie, l’essence des multiples tacots dégueulasses dans lesquels il était monté pour faire la route, il puait aussi un autre truc, il puait de la gueule, et ses cheveux puaient aussi, mais bon sang ce qu’il sentait bon ton Keith…

Sa valise s’ouvrit, et rien du tout n’en tomba, mais tu t’en fichais.

Parce que ses lèvres venaient de s’ouvrir, qu’il avait incliné la tête, et qu’il était en train de s’emparer de toi. Un baiser, puissant, qui annihila toute pensée en toi. Vainement tu essayas de suivre ses mouvements et de prendre la tête, mais c’était trop tard. Sa main dans tes cheveux, l’autre qui explorait ton dos, retroussait ta nuisette pour se glisser en dessous, et t’étreindre, lui assuraient de te tenir et te manipuler exactement comme il en avait envie.

Et il était hors de question de te débattre, si ce n’était pour écarter quelques secondes à peine tes lèvres des siennes et murmurer :

— Tu m’as manqué…

— Toi aussi, tu m’as manqué, murmura-t-il, les yeux pétillants à te revoir ainsi, et paradoxalement, malgré sa saleté, malgré la faim, la saleté, les cernes sous ses yeux très prononcées, et l’air un peu tremblant…

Il ne t’avait jamais paru si jeune.

Il te donnait si chaud au cœur que tu l’étreignis un peu plus, et le gronda à peine. Le parallèle de cette nuit d’il y avait à peine quelques mois ne t’échappait pas, à lui non plus. Mais quand lors de votre dernière rencontre, vous aviez eu l’un et l’autre peur, que vous vous détestiez, et que la moindre intéraction était pourvue de débordements de sentiments néfastes…

Ce soir-là, c’était l’inverse. Et à tes yeux, il rayonnait.

— Va te laver, le grondas-tu en lui appuyant sur le nez d’un doigt. Je te prépare à manger.

— Je t’aime, ronronna-t-il en te lâchant enfin, mais son visage sur toi, resplendissant, encore plus bronzé que jamais, n’était plus seulement hilare, mais sincère.

 

Le reste de tes mouvements furent comme machinaux. Pendant qu’il allait se laver, tu ne pris même pas le temps de nettoyer par terre, mais tu apportas une serviette rouge que tu déposas dans la salle de bain du bas avec un costume de rechange de Jacques, puis tu te rendis devant la cuisinière pour faire chauffer de l’eau. En fouillant dans le frigo pour récupérer de quoi faire tes spaghettis bolognaise, tu eus la nette impression qu’il y avait un chat derrière la porte du frigo qui te regardait.

Tu te penchas en arrière, pour jeter un coup d’œil narquois à l’homme tout mouillé, qui, avec le plus grand sourire du monde te contemplait comme enfant tu contemplais les feux d’artifices du 14 juillet en France. Avec adoration, admiration, et le bonheur au cœur.

— Oui… ?

— Je t’ai dit que je t’aime ce soir ?

— Va te savonner, râla-tu faussement en levant les yeux au plafond. Tu pues, mon ami. Et si tu continues à m’embêter, je demande à Dorian de venir pour te savonner de force. Tu sais qu’on se voit très souvent maintenant ?

Il éclata d’un rire joyeux en chantonnant que ça ne le dérangerait pas, puis recula pour disparaitre dans la salle de bain, et cette fois-ci, tu matas son joli petit cul avec plaisir. Et, se remettre au travail fut un délice, cette fois. Car il est quelque chose que l’on sait intuitivement, qui est qu’un repas est toujours meilleur quand il a été préparé avec amour, et pour de l’amour.

 

Une dizaine de minutes plus tard, Keith était propre, presque sec mis à part ses longs cheveux qui lui dégoulinaient sur le visage en lui conférant une sensualité animale, habillé des fringues deux fois trop petites de Jacques. Il était assis devant toi à la table du dîner, en train de dévorer son assiette de pâtes avec la même férocité, tu le savais, qu’il allait te dévorer plus tard. Et tu ne comptais absolument pas l’en empêcher.

Mais, assise devant lui cette fois, accoudée à la table, tu le contemplais avec le regard le plus scintillant qui soit. Ton voleur t’était revenu, de son plein gré, dépenaillé certes mais avec à présent de multiples endroits où il aurait pu aller, mais il t’avait choisie. Il s’en mettait de partout, il en avait plein la mâchoire, il reniflait beaucoup, mais chaque fois qu’il s’arrêtait pour mordre dans du pain à l’ail, il en profitait pour jeter un œil vers toi, un œil qui brillait à peu près autant que les tiens.

Tu attendis qu’il ait englouti quatre grosses bouchées, quatre enroulées de spaghettis qu’il avait fait passer avec un mega verre d’eau, pour croiser les mains sous ton menton et lancer :

—Alors… ? Comment ça t’as réussi, cette incursion à la capitale de la fête européenne ?

— Ca ? s’amusa-t-il en engloutissant une autre bouchée pour parler la bouche pleine : Bien, et mal ! Je suis ruiné !

— Ruiné dans quel sens ?

T’aurais dû être fâchée. Inquiète. Tout !

Mais en fait, à voir l’espèce de ravissement qu’il avait sur le visage, on aurait dit un ado qui sort tout juste d’une grosse giga teuf chez les copains. Et franchement, tu soupçonnais que ce soit le cas.

— Comment as-tu fait ? renchérit comme il ne répondait pas et avalait sa bouchée trop vite pour mâcher, et toussait en retour en se tapant sur la poitrine comme un grand. Tu as tout claqué en alcool, drogues, et femmes, hein ?

— En fait, ça, ça s’est passé plutôt bien dans un gros premier temps ! s’exclama-t-il en terminant de tout faire passer par une grosse gorgée. Figure-toi que j’ai même rencontré quelqu’un.

— Ah ?

… Ben tiens. Pourquoi. Pourquoi cette réaction interne, songeas-tu, en voyant que ton cœur était en train de se contracter légèrement. Immédiatement tu te maudis : ça ne te posait aucun problème que tes amoureux voient d’autres personnes. T’étais la reine du polycule. Alors pourquoi…

Parce que j’ai peur qu’il me dise qu’ils s’entendent bien et qu’il compte le ou la revoir et qu’un jour il s’installe aillurs et plus jamais ne me parle voilà pourquoi…

La pensée te surprit, sortie de nulle part, et tu la chassa de toi, pendant que Keith continuait de manger avec joie. Avec hésitation, tu demandas :

—  Cette personne te plaît ?

Il s’interrompit en plein tournage de fourchette… et darda sur toi ton regard sévère, scrutateur, pendant plusieurs secondes, comme si tu venais de l’insulter ou de dire une connerie monumentale. Tu te sentis suer sous cette façon intense de te dévisager… Puis il éclata de rire.

Bobo que tu es ! C’est un producteur de films, j’ai peut-être couché avec, mais évidemment que je t’aime et que je ne compte pas t’oublier, comment veux-tu que j’oublie la dame qui m’a ouvert son cœur comme ça ?

Tu rougis, mais bredouillas quelques secondes.

Non, je suis pas jalouse, je suis pas…

Oh non. Il avait son si grand sourire, avec les yeux mi-clos à te contempler, sa tête du « non seulement tu es complètement en mon pouvoir, mais tu le veux de toute ton âme ». Pendant que tu piquais un fard, tu sentis ta joue glisser sur ta main, en une fausse pose d’assurance.

— Oh, non, tu fais ce que tu veux, rassure-toi, répondis-tu. Et alors, tu disais ?

Dummy, te lança-t-il en reposant sa fourchette pour tendre la main et te caresser le menton d’une petite pichenette amoureuse, qui s’acheva en une caresse de ta joue. Il trouve que je passerais bien à l’écran. J’ai sa carte avec moi, je dois lui téléphoner quand j’aurais… résolu mes problèmes d’addiction.

— Parce que t’es accroc, hein ? souffla-tu, à moitié déprimée, et à moitié…

… C’était Keith, quoi. Sa réponse, avec un large sourire, voulait tout dire. On aurait dit un gamin qui vient d’annoncer qu’il a réussi une farce qui a fait rire la maîtresse.

— Presque ! Et tu ne devineras pas à quoi. J’ai TOUT fait. TOUT ! Ce type était sauvage, je l’ai rencontré pendant qu’on était en train de sniffer sur le dos d’une femme nue, cette orgie était folle. On a tout de suite accroché !

Bon dieu. Keith.

Ce fut plus fort que toi. Tu pouffas de rire, en te passant la main sur le visage. Il était désespérant. On a pas idée de faire des trucs pareils et de raconter ça à sa femme avec une joie de vivre pareille.

— Tu es un vrai dépravé, ne pus-tu t’empêcher de ricaner. Et ensuite ?

— Ben… Il s’est avéré que j’ai développé non pas un problème d’addiction aux drogues comme je pensais, mais à l’alcool. Il a trouvé ça nul et moi aussi, et maintenant que j’ai tout perdu au jeu, je rentre pour me faire soigner avant de repartir.

Une grimace te vint. A lui aussi. Il confessa, en finissant sa dernière bouchée :

—C’est incroyable. Toutes les pires dopes du monde, et je me trouve putain d’alcoolique, parce que le whiskey m’a pris sur un moment de faiblesse, et que ça m’a rappelé Carmen.

— Carmen ? t’étonnas-tu. Qui c…

— Ma première propriétaire, tu te souviens ? demanda-t-il en relevant le nez vers toi et en reposant ses couverts sur son assiette. La dame qui m’avait fait fabriquer. Elle et son mari buvaient pas mal de whiskey, et je ne sais pas pourquoi, ça m’a fait penser à eux. Et en rien de temps, je me suis retrouvé à emmerder tout le monde comme un vieux poivrot.

Il renacla, en s’instalant au fond de sa chaise. Sa bonne humeur se ternit.

— C’était pathétique. J’étais frustré donc j’ai décidé de jouer un peu, mais j’ai tout perdu le même soir. Et comme historiquement tu me réussis bien, j’ai pensé que j’allais rentrer.

Un silence s’ensuivit, durant lequel tu contemplas ses dires.

Il était… Heureux d’avoir vécu tout ça, mais frustré. Ca n’était pas à toi de lui dicter sa conduite, et tu étais heureuse qu’il ait enfin pu vivre ça. Il voulait être libre, libre comme l’air, et il l’avait été. Et bien qu’il soit un peu frustré, ces sensations qu’il cherchait si longtemps, il les avait vécues.

Mais…

 

— Je vois, déclaras-tu en te levant pour contourner la table, venir prendre l’assiette.

Il te tapa sur la main dès que tu voulus le faire, et se leva en emportant lui-même ses couverts au lave-vaisselle. Tu le regardas faire en haussant ls sourcils, surtout quand il l’eut fait sans aucun effort, et qu’il te désigna la machine à café.

— Je peux ?

— D’accord, acquiesça-tu. Tu peux m’en faire un aussi ?

— Bien sûr.

Bouche bée, tu le contempla dans ses actes. Et tu ignores pourquoi, à le voir faire ainsi, et te préparer un café, et même prendre un peu de temps pour te transformer ça en latté où il soupoudra quelques trucs de chocolat, puis s’en faire un aussi… Il y eut comme une vision dans ta tête.

Une vision où…

Il était ton majordome. Non, pas majordome. Ton…

… Ton mari.

Avec Dorian. Les deux. Sauf que...

Mais putain tu dérailles ma fille ?!

D’où ça sors, ça ?!

 Pendant qu’il te tendait le café latté d’un geste assez neutre, tandis que sur son visage se lisait un immense soulagement comme il posait ses fesses sur le comptoir et inspirait le parfum de son propre latté, tu sentis des sentiments monter en toi que… tu n’avais pas vraiment anticipé.

Comme une envie d’être là pour sa prochaine aventure.

Tu acceptas le latté, et te cala contre ton placard à fer à repasser. Et là, près l’un de l’autre, debout… Dans le silence…

Cette étrange impression revint. Comme si l’intimité qu’il y avait, là, entre vous, cette tranquille intimité qu’il y a à partager des instants de silence ainsi avec quelqu’un, sans rien dire, dans la simple acceptation de l’autre, c’était…

Merde.

Tu étais déjà amoureuse de lui. Tu lui avais dit que tu l’aimais à plusieurs reprises.

Mais à le contempler tremper ses lèvres dans le latté, et inspirer l’air, et parfois te regarder, et juste sourire, de temps en temps à t’expliquer qu’il avait appris à faire ça auprès d’une conquête chez qui il avait passé la journée (puisque les nuits à Ibiza sont en boîte), et à te décrire comment…

 

— Je t’aime.

 

Cette fois-ci, la phrase sonna d’une défnition parfaite. Etrange. Comme… Comme encore plus sincère que d’habitude. Keith leva les yeux de derrière sa café, ses beaux yeux gris, et dans ses vêtements toujours trop petits, les froissa en se redressant pour mieux te regarder, assis les jambes croisées sur le plan de travail.

— Je… sais. 

L’intensité. Qu’il y mit. Il savait ce que tu voulais dire. Il savait, il entendait l’intensité. Et son regard plongé dans le tien, jusqu’aux tréfonds, lentement, il murmura:

— Moi aussi, je t’aime.

Tu secouas la tête, décontenancée, pour essayer de te reprendre, et tu masquas ton embarras en plongeant sur ton latté. Désormais cependant, à la nuit qui sans la lumière de l’ampoule allumée vous couvrirait d’un voile de pénombre, tu attirais toute sona ttention. Maintenue.

— Tu…, commença-tu avant de tousser pour récupérer ta voix, et reprendre, en essayant d’avoir l’air plus enjouée, j’imagine que tu as déjà réfléchi à la suite des évènements ? Tu as l’air de charmante humeur.

Keith inclina la tête, et sur ses lèvres parfaites, sur ses yeux mi-clos désormais, un léger sourire.

— Déjà, je te baise.

Un éclat de rire te prit, qui attendrit tout de suite tes muscles tendus.

— Oui ça je m’en doutais !

— Ensuite, reprit Keith en reposant sa tasse lentement, sans ôter son regard de toi une seconde, je comptais aller  travailler encore un mois chez Rongo. Histoire de me salir un peu les mains, et te convaincre une nouvelle fois de financer mes vacances…

Tu éclatas d’un rire joyeux, peut-être un brin trop forcé, avant de tremper de nouveau tes lèvres dans ta tasse et de boire une délicieuse gorgée, et le taquiner en te léchant les lèvres :

— Quoi… Je suis ta sugar mommy maintenant ?

La blague le fit rire un peu, et il se rapprocha de toi, contre le comptoir, pour se pencher un brin vers toi, incliner son corps en ta direction. Comme si vous étiez Curt et Rod en train de vous payer la tête des gens et de vous rapprocher pour blaguer plus simplement. Un quelque chose de juste amical là-dedans.

Son parfum, qu’il avait sagement récupéré dans ta salle de bain, une odeur de pin et de craie, t’emplit quand son torse se pencha davantage sur toi.

— Je dirais plutôt que ton sugar daddy ce serait moi, murmura-t-il taquin, au vu des bruits que j’arrive à te faire produire.

Tu levas la tête, vers lui.

Malgré l’espiègle de ses paroles, son regard était autre. Une question silencieuse. Une demande d’autorisation. Ta poitrine te brûlait d’envie de t’incliner vers lui à ton tour, rompre la tension…

Mais d’un autre côté… Tu eus peur, si tu le faisais, qu’il prenne la mesure de l’espèce de lion qui rugissait dans ton cœur et allait lui demander des choses auxquels tu le doutais prêt. Passer quelques temps de plus auprès de toi, par exemple. Pas pour une éternité !

Juste…

—Bref, dit-il en se redressant tout d’un coup, croisant les bras. Pendant le mois que je passe chez Rongo, j’en profite pour me sevrer de l’alcool et du reste…

— Ouais, grimaça-tu, je te le souhaite de tout coeur. En tout cas, je suis toujours là, tu le sais.

— Et ensuite, continua-t-il en contemplant le jardin, remontant un peu plus sur le comptoir pour mieux croiser les bras et les jambes, boudeur, je téléphone à mon pote. Je vais faire un gros film, histoire de lancer ma route vers la célébrité, et après je pars m’installer à Hollywood et je deviens une super star à scandales.

Aucun problème, je l’imagine de suite, songeas-tu, sans que la pensée ne t’apporte ce soir aucun sourire. Tu toussas, mal à l’aise, d’autant que son visage s’était fermé.

— Ouais… D’un autre côté, c’est sûr, elle pourrait t’aider. Et tu ferais très clairement un carton. Mais… si ça te tente, j’ai autre chose à te proposer.

Putain. Où est-ce que tu t’avançais, là ?

Même toi, tu savais plus. Tu entendis, au bruissement, qu’il pivotait vers toi. L’ambiance était lourde. Etait-ce un orage d’automne approchant, ou juste la tension entre nous ?

Pas besoin de le regarder pour savoir que toute cette tension revenait en partie sur lui.

— Hmm ?

Tu toussas, et tu gigotas, mal à l’aise, sur place.

— … Fais ton mois chez Rongo. Mais je voudrais que tu en profites au passage pour aller faire un tour, juste visiter, à l’établissement où David a fait sa cure. Prendre des informations, quoi, juste pour calmer ton addiction, si… Ben, si cette addiction t’empêche de faire un truc que tu as envie, apprendre à la gérer, quoi. Et en échange, quand tu auras fini, je… t’offre un truc qui va te plaire.

— De quoi ? demanda-t-il, mais sa voix était douce, et il sauta du comptoir.

Des bruits de pas, et l’impression que le monde se rétrécissait.

De par sa simple venue, auprès de toi.

Comme si le lion t’acculait au mur. Tu l’évitais du regard, même quand il tendit un bras pour se tenir à ton plan de travail et au placard du fer à repousser.

— J’ai eu une idée en t’écoutant. Un cadeau que je veux te faire, quand tu arriveras à te tenir un peu mieux.

— C’est sexuel ? demanda-t-il tout de suite avec un ton d’humour dans la voix, qui te fit pouffer de rire.

Amusée, tu levas les yeux vers lui, commençant enfin à décroiser tes bras.

— Dis, tu penses qu’à ça ?!

— Non… Mais je ne pense qu’à toi.

 

Il était presque sur toi. De toute sa hauteur, t’acculant contre le mur.

 

Ton cœur bondit vers lui, qu’il saisissait au bond, à tout temps, chaque instant. Il y avait un autre enjeu à cette conversation, et il le savait aussi bien que toi. Et quand il se pencha enfin, tu eus à peine le temps de murmurer « Non. Mais tu vas adorer. Crois-moi. »

Il avait un goût de café, de latté, et de la clé qui avait fini par fermer ce cadenas qui lie vos cœurs à tout jamais.

 

*        *        *        *

 

           Il règne un soleil éblouissant sur cette belle Méditerranée.

 

Un petit yacht blanc file sur la mer, saute sur les vagues, et croise les flots pour bondir autant qu’il le peut. A sa tête, une femme vêtue d’une tunique rouge et d’un short noir est en proue, se tenant de part et d’autre sur les bastingages, et à chaque secousse et bond dès que le petit bateau saute, elle effectue le même mouvement. La sensation est géniale, et elle pousse des petits cris de joie systématiquement.

Derrière, bien en sûreté dans la cabine, un homme grand aux cheveux gris et blanc, avec une moustache et une barbe parfaitement bien taillés et élégants, a un large sourire aux lèvres, d’une oreille à l’autre. Ses yeux scintillent, reflétant la mer entière. Ses deux mains sur les commandes du navire, c’est lui qui fait zigzaguer l’embarcation au gré de ses envies, épousant la mer, et épousant ses remous pour se venger d’on ne sait quel affront, et faire crier de joie la femme à l’avant, qui crie, qui rit, comme une vraie gamine. A un moment donné, sur le sillage du grand bateau de croisière qu’ils filent, il fait piquer son navire et le faire bondir par-dessus le fillon que crée le navire, et ça fait un tel remou qu’une masse d’eau s’abat sur le navire et trempe sa compagne à fond. Celle-ci explose de rire et lui darde un regard faussement noir, tentant de chasser ses cheveux sauvages de son visage :

Quérido ! T’es vraiment un connard !

— Je n’y suis pour rien mi amor ! répond-il avec un grand éclat de rire, ses cheveux également trempés. Tu mouilles toute seule en général.

Lui aussi porte une tunique, un haut blanc qui trempé colle à sa peau, et qui sur sa peau bronzée fait un contraste ravissante. Elle lui tire la langue, et rit de bon cœur. Ce n’est pas proprement une lune de miel, mais ils sont en déplacement dans le pays de ses racines, et à les voir ainsi, sur ce yacht Valdivian qu’il conduit, on croirait quand même franchement qu’ils sont en voyage de noces.

 

Le petit yacht se rapproche du grand navire de croisière intitulé Fantasy Cruiselines, et adopte à peu près la même vitesse. On entends, de sur le yacht, quelqu’un parler dans un haut-parleur d’une grosse voix de stentor, un brin excitée, annoncer que d’ici une heure la croisière arrivera à proximité du détroit de Gibraltar, et commencer à raconter des histoires de mythologie sur sa fondation selon les grecs, mais le narrateur est régulièrement interrompu par des gamins surexcités qui posent mille et mille questions, et parfois le narrateur se dispute même avec en hurlant qu’il va les passer à la planche. Aux rires qu’on entends, tout le monde sait que ce n’est pas sérieux.

Pendant ce temps-là cependant, sur le yacht, car c’est bien Keith et toi, tu décroches un large sourire en voyant les passagers qui se promenaient près des bastinguages, dont plusieurs se mettent à se donner des coups de coude en vous désignant avec excitation. Tous sont bien habillés, bien sages, même si des décorations sur le bateau lui donnent l’impression d’être un bateau pirate, et que certains se prêtent au jeu à votre vue, en poussant de faux cris d’orfraie. Vous avez hissé un drapeau non pas noir, mais avec une énorme paire de Dateviators dessus, et tu plonges sous la banquette pour attraper un porte-voix, que tu tends avec excitation à Keith. Celui-ci te le prend des mains, et il est si visible à son expression qu’il s’amuse comme un dingue, qu’il en profite pour t’attraper par le t-shirt rouge et te rouler une mega pelle pendant quelques secondes, puis il te serre contre lui de toute sa force, plaquant le porte-voix électrique à sa bouche pour crier :

— Halte ! Ne faites aucun mouvement brusque et nous ne vous ferons aucun mal ! Nous venons juste passer à l’abordage de votre navire et nous emparer de TOUTES vos pierres précieuses et doublons ! Tenez vous à carreaux, pour votre sécurité !

— Et surtout, préviens-tu en lui piquant le haut-parleur, ne prévenez pas le terrible Capitaine Jacques Pierrot ! Il ne faudrait pas qu’une escarmouche éclate entre nous et votre précieux capitaine !

Ca ne loupe pas : au moment où tu dis ça, on entend quelqu’un râler et hurler que c’est un sacrilège d’aborder des pirates, puis une tête furibarde passe par-dessus le parapet, un homme aux cheveux longs et châtain en uniforme de marin, avec une jambe de bois, une casquette de capitaine sur la tête, et le reste de son foulard rouge et or noué autour de sa taille, deux yeux verts flamboyant dirigés droit vers vous. Un adorable poussin sur son épaule piaille de joie à vous voir, et tu t’exclames tout de suite un « Eh coucou Drumsticks ! Toujours aussi chouchou ! »

— « Coucou Drumsticks » toi-même ! rugit Jacques, mais l’expression de son visage le trahit, il est absolument ravi. Bon sang, qu’est-ce que – qu’est-ce… Qu’est-ce qu’ils fabriquent là les deux huîtres que je brise en deux tous les matins pour mon petit-déjeuner ?!

Une tête familière aux cheveux courts marrons, avec des yeux chocolat et un corps de videur bâti comme un dieu passa la tête par dessus le parapet un peu plus loin. Celui-ci vous aperçut et renacla, et t’échangea un sourire amusé en secouant la tête presque en dépit dès que tu l’aperçus. Apparemment, il venait de comprendre pourquoi Keith s’était arrangé pour lui obtenir un billet pour la croisière et avait insisté à mort pour que Dorian y aille, en lui faisant soi-disant le coup de « celui qui l’attends sur le navire mais en fait n’y est pas ». Jacques n’avait pas trop compris, mais enfin, au fond, si c’était pour se chamailler avec tout le monde, il était ravi.

— On passe à l’abordage ! crie Keith après avoir envoyé un baiser du bout des lèvres en direction du videur plus loin sur le navire de croisière, tandis qu’il te serrait davantage contre lui. Je détiens ta fiancée, « Jacques Pierrot », et elle est de mon côté à présent ! Prépare-toi à te rendre !

Il y avait deux choses que Keith adorait encore plus que d’aller se lancer dans des gigas-teufs : son travail d’acteur, dans lequel il avait commencé pour au début juste tourner une publicité où il avait crevé l’écran, et toi. Et bien apparemment, il y en avait une troisième : jouer au gamin.

 

Parce qu’une fois que vous avez commencé tous les deux à grimper l’échelle pour rejoindre le navire, après que des membres de l’équipage soient descendus pour s’occuper de sécuriser votre embarcation, ton Keith avait encore plus la banane que tout à l’heure, et dès que vous fures arrivés en haut, il s’empara de toi en criant à Jacques :

— Tu as perdu, Jacques Pierrot ! Rends-toi !

— Plutôt mourir ! rugit ton marin, qui avait l’air d’un gamin le matin de Noël. Prépare-toi à te battre et à te faire découper en rondelles, espèce d’affreuse méduse sur pattes, de fricassée d’alevin, de maigre murène ! Je vais te réduire en chair à pâtée !

— Ha, j’aimerais bien voir, le freluquet ! Fais de ton mieux ! s’exclama Keith, avec l’air à son tour de se sentir plus vivant que jamais, au grand frais, au grand large, à se donner en spectacle et à jouer à se battre.

Les deux hommes se mirent à se bagarrer avec des épées d’entrainement, devant un parterre ravi, l’un un chercheur de liberté, l’autre un joueur professionnel de « on fait comme si », les deux des énergumènes qui ne se sentent jamais plus vivants que lors d’instants comme ça. Dorian, pas loin, regardait le lot... Mais ses bras croisés se décroisèrent progressivement, et il décrivit un pas en avant.

 

Toi, à les regarder, ton cœur gonflait d’amour.

Puis tu te saisis d’une épée, et tu crias quelque chose comme quoi ils étaient naïfs tous les deux, et que tu comptais profiter de leur querelle pour les jeter tous les trois à la mer et s’emparer de leur navire. Les trois se tournèrent vers toi avec un cri d’excitation.

La lutte fut… euh… épique. Pleine de joie. Et puis torride, aussi. Très beaucoup torride. Ardente, même.

 

Mais ça, c’est rien d’inattendu quand on date everything.