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Show me how to be loved

Summary:

Han Jisung s'est promis de ne plus jamais tomber amoureux.
Mais c'est sans compter sur un bel inconnu qui frappe à sa porte en se trompant d'étage.

Notes:

Probablement le plus long texte que j'ai jamais écrit pour le Kinktober mdr pourquoi j'ai fait ça ? Bref. Je les aime trop, j'ai trop envie de continuer à écrire dans cet univers même si j'ai pas le temps.
L'idée, je tiens à le préciser, vient du clip Lose My Breath, parce qu'on voit Changbin sur une moto pendant genre 10 secondes. Ça m'a suffi.

TW : mentions suggérées d'une relation abusive par le passé. Je ne la détaille pas du tout, mais j'y reviens plusieurs fois et c'est assez évident ce qui s'y est passé... Désolée, apparemment je suis pas capable de ne pas écrire un peu d'angst même dans un texte du kinktober...

Sur ce, enjoy !

Work Text:

La vie amoureuse de Han Jisung pouvait se résumer à deux personnes.

La première avait été une de ses camarades de classe au lycée. Une jolie fille au sourire aussi doux que le miel et au rire qui faisait se retourner tous les garçons. Évidemment, il n'avait pas fait exception et, à sa plus grande surprise, c'était lui qu'elle avait choisi pour faire équipe pour l'exposé de fin d'année. Elle s'était simplement assise à côté de lui, lui avait demandé son nom de sa voix claire comme un ciel d'été et Jisung avait oublié de respirer. Il ne leur avait fallu que deux semaines avant de décider de sortir ensemble. Deux semaines avant que Jisung réalise combien la main de sa première petite-amie se fondait à merveille dans la sienne.

Deux semaines aussi avant qu'il réalise que, malgré tout les bons moments qu'ils partageaient et leurs promesses de toujours et d'un futur rempli d'enfants et d'une grande maison et d'un chien et de voyages au soleil, jamais il ne pourrait tomber amoureux d'elle.

Ils s'étaient séparés à la fin de l'année, bons amis. Même s'ils ne s'étaient plus jamais adressé la parole.

La seconde avait été un garçon rencontré lors d'une soirée. Sa première vraie soirée, avec de la vraie musique et du vrai alcool et de la vraie drogue qui tournait discrètement de main en main. Une vraie soirée avec des corps qui dansaient vraiment proche les uns des autres. Et c'était comme cela que le corps de Jisung s'était retrouvé projeté contre celui de ce garçon.

Il ne lui avait fallu qu'une seconde, un seul regard de sous ses paupières alourdies par la fumée qui obscurcissait la pièce et un sourire en coin, pour savoir qu'il en était déjà amoureux. Tout ce qu'il avait voulu donner à cette fille qui était la douceur et la gentillesse incarnées, il se sentait déjà sur le point de le céder à ce garçon qui respirait le danger et le mauvais whisky. 

Ce garçon qui posait ses mains sur lui comme s'il lui appartenait. Comme s'il lui avait toujours appartenu.

Et Jisung avait eu envie de lui appartenir. En même temps qu'il avait eu envie de s'enfuir, un filet de sueur froide coulant le long de son dos. 

Ils s'étaient séparés six mois plus tard, quand Jisung avait débarqué chez son meilleur ami, arborant le premier de ce qui aurait pu être une longue série d'hématomes sur son visage déformé par les pleurs et la colère. Minho l'avait longuement bercé dans ses bras, jusqu'à ce que les sanglots du plus jeune s'apaisent et qu'il soit en état de lui promettre de ne plus jamais reparler à ce garçon qui avait arraché son cœur de sa poitrine et l'avait écrasé sous ses yeux.

Jisung avait promis.

Et il s'y était tenu.

Et, depuis, sa vie amoureuse s'était arrêtée.

Malgré son envie de la reprendre, il n'avait pu s'y résoudre. N'avait su comment s'y prendre. Comment faire pour éviter à la fois les jolies filles dont il était incapable de tomber amoureux et qu'il finirait forcément par décevoir, mais aussi, et surtout, les mauvais garçons dont la simple vue suffisait à voler son cœur – et sa raison.

La solution avait donc été toute trouvée : éviter tout le monde. Rester à côté de Minho pendant les soirées, qui se faisait un plaisir d'envoyer son regard le plus noir et le plus glacial à quiconque osait poser les yeux sur son meilleur ami. Ne pas traîner plus que de raison à la sortie des cours au milieu de tous les groupes d'étudiants qui se déplaçaient en essaim. Et étudier. Garder son nez plongé dans ses bouquins. Avancer tête baissée dans les couloirs. Et se faire aussi discret que possible partout où il allait.

Cette technique avait plutôt bien fonctionné jusqu'à présent. Doucement, mais sûrement, Jisung se remettait de sa dernière rupture, le bleu sous son œil avait viré au vert, puis au jaune, avant de disparaître complètement, et, maintenant, la seule trace qu'il restait de cette relation était celle qu'il avait laissé dans la chair tendre de son cœur. Une trace qui peinait à s'estomper, que seul le temps serait capable de panser.

Le temps ou le destin.

Un destin qui frappa à sa porte un après-midi d'hiver alors que le ciel était bas et blanc, prêt à cracher des flocons qui se faisaient attendre depuis des jours, et alors que Han Jisung n'attendait personne, confortablement installé dans son canapé à scroller sur son téléphone au lieu de réviser la tonne de partiels qui approchait.

Un destin qui sentait bon le vieux cuir et la menthe, frais et rassurant, et qui lui sourit comme s'ils se connaissaient depuis toujours.

Jisung ne l'avait jamais vu, mais il lui sourit en retour.

Parce que, quand le destin se présentait sur le seuil de votre petit appartement d'étudiant, vêtu d'un jean délavé un peu trop large et d'un sweatshirt gris sous une épaisse veste en cuir, il n'était pas question de lui claquer la porte au nez.

Ce qu'il ne fit donc pas. Au contraire, il se décala pour le laisser entrer.

Sous sa peau, il ignora le frisson qui dressa ses poils sur l'intégralité de son corps.

*

Il s'appelait Seo Changbin et était ami avec Chan, l'ami et crush secret-pas-si-secret de Minho.

C'était lui qu'il était venu chercher à l'étage de Jisung, au lieu de continuer son ascension dans l'immeuble pour atteindre celui de l'étudiant en dernière année de master de musique. Il s'était excusé dans un rire, un rire qui avait résonné dans l'air bien longtemps après qu'il se soit tu, et Jisung s'était empressé d'envoyer un message à Chan pour lui demander de rappliquer. 

En l'attendant, ils s'étaient assis dans le salon, à l'endroit exact où Jisung s'était tenu avant de venir lui ouvrir. La couverture qu'il avait jetée sur ses jambes était encore froissée entre eux, une barrière pour laquelle le plus jeune était reconnaissant, comme si elle seule était capable de le protéger de la silhouette imposante de Changbin dans son canapé qui paraissait soudainement tout petit.

« Alors comme ça, tu connais Channie ? lui demanda-t-il et sa voix perça le silence de l'appartement.

— Oui, on est dans la même école, expliqua Jisung sans oser croiser le regard de l'homme à côté de lui. Enfin, moi, je suis qu'en deuxième année. Je le connais surtout via Minho. Lee Minho ?

— Ouais, Channie m'en a parlé. »

Jisung retint son souffle. Il avait envie de lui poser davantage de questions sur son ami, savoir si Chan était aussi intéressé par Minho que Minho l'était par Chan, mais il n'en fit rien. Son meilleur ami lui avait fait juré de ne rien dire à son voisin et il était hors de question que Jisung ruine sa confiance en étant un peu trop indiscret avec un garçon qu'il venait à peine de rencontrer.

Il pinça un pli de son pantalon en même temps qu'il pinçait les lèvres.

« Et-et toi ? Je ne crois pas t'avoir jamais vu en cours ?

— Non, non ça ne risque pas, répondit Changbin avec un large sourire. Je travaille dans une auto-école. C'est comme ça que j'ai rencontré Chan. Il voulait passer son permis moto et c'est moi qui l'ai pris en charge.

— Oh c'est pour ça que tu es là ?

— Non, aujourd'hui je suis là pour le plaisir. On va faire une balade. »

Jisung acquiesça, déjà prêt à enchaîner sur une autre question, quand un coup fut donné à la porte d'entrée. À contre-cœur, il se leva pour aller ouvrir.

« Désolé, s'excusa Chan en entrant à son tour, je trouvais plus mes clés. On y va ? demanda-t-il en direction de Changbin.

— En avant, approuva celui-ci, non sans se tourner d'abord vers Jisung. Merci pour l'hospitalité et encore désolé pour le dérangement.

— Pa-pas de problème. »

Et il observa les deux hommes se saluer en entrechoquant leurs deux poings fermés avant de sortir de chez lui. Dans son salon, l'odeur de menthe continuait de flotter dans l'air. Jisung se réinstalla dans le canapé, mais il avait perdu toute envie de passer le reste de sa journée à ne rien faire. Il se releva et commença à faire les cent pas à travers tout l'espace de son appartement.

Il réalisa que son cœur battait la chamade dans sa poitrine et que son sang vrombissait dans ses veines.

Il songea à appeler Minho pour lui raconter, mais y renonça. Il n'y avait rien à lui dire de toute façon. Il ne s'était rien passé.

Ne se passerait rien.

C'était ce que Jisung se répéta tandis qu'il se mit à ranger sa chambre de fond en comble.

Mais le destin était bien souvent imprévisible et surtout inévitable.

*

Han Jisung revit Seo Changbin moins d'une semaine plus tard.

Chan et Minho avaient été invités à une soirée organisée par un de leurs camarades de promo et, évidemment, ils avaient tous les deux envoyé un message à Jisung pour l'embarquer avec eux. Le seul problème étant que ledit camarade de promo habitait loin du centre-ville. Trop loin pour songer y aller en transport en commun – ou, en tout cas, en revenir en transport en commun, son petit patelin cessant d'être desservi passé minuit et aucun d'eux n'avait l'intention de rentrer d'une soirée avant minuit. Ils n'avaient plus quinze ans, merci bien.

Aussi, la question se posa de comment s'y rendre. Minho possédait bien le permis, mais pas la voiture pour aller avec. Jisung ne possédait ni l'un ni l'autre. Et Chan possédait le permis moto et une moto, mais il leur était impossible de monter à trois dessus, même avec les petites carrures de Minho et Jisung.

Ils avaient été sur le point de se résigner, quand le plus âgé du petit groupe eut l'idée qui sauva leur soirée.

« On peut demander à Changbinnie. »

À l'entente du prénom, Jisung dressa les oreilles.

« Il a une voiture ? demanda innocemment Minho, qui était évidemment bien plus intéressé par Chan que par son ami.

— Non, mais il a une moto aussi. Deux motos, quatre personnes. Les calculs sont bons, non ? Min, tu monteras avec moi et Hannie avec Changbin, si ça vous convient et puisque vous avez déjà un peu fait connaissance ? »

Le visage effaré de Minho se tourna vers un Jisung aux yeux parfaitement écarquillés. Il pouvait lire dans son regard toutes les questions qu'il ne pouvait pas lui poser devant Chan, mais qu'il ne manquerait pas de lui jeter à la figure à l'instant où ils seraient seuls.

« Euh... oui. Oui, c'est super, acquiesça le plus jeune en tentant d'ignorer l'expression de trahison de son meilleur ami. Ça ne va pas le déranger ?

— Binnie est toujours heureux de sortir sa moto chérie. Au contraire, il sera très content de nous rendre service. »

Et après un bref hochement de tête de la part d'un Minho toujours dangereusement silencieux, la décision fut prise et le destin continua sa marche.

*

« Comment tu connais Changbinnie, toi ? s'empressa de demander Minho sitôt la porte refermée derrière Chan.

— Il s'est trompé d'étage quand il est venu voir Channie-hyung, la dernière fois. Il a frappé à ma porte à la place, expliqua Jisung, s'étant déjà préparé – et résigné – mentalement à avoir cette conversation. »

Face à lui, les yeux de Minho se rétrécirent, comme s'il tentait de sonder son âme pour savoir s'il disait la vérité. Comme si Jisung était seulement capable de lui mentir. Il aurait mille fois préféré s'immoler par le feu plutôt que de raconter un mensonge à Lee Minho et prendre le risque qu'il le découvre par la suite.

Mal à l'aise, il déglutit péniblement et ne put s'empêcher d'enchaîner, quand bien même, avec le recul, il aurait plutôt opté pour ne rien dire et en finir le plus vite possible avec ce moment douloureux.

« Il a dit qu'il te connaissait.

— Comment il peut me connaître puisqu'on ne s'est jamais vus ? interrogea Minho, de plus en plus perplexe.

— Il connaissait ton nom, avoua Jisung d'une voix toujours un peu plus faible, chaque nouvelle question semblant enterrer sa bonne volonté.

— Pourquoi ?

— Parce que Chan-hyung lui a parlé de toi. »

Le silence qui tomba alors entre eux était si lourd et si assourdissant que les oreilles de Jisung se mirent à siffler. Il avait l'impression qu'on pouvait entendre les battements de son cœur à l'autre bout de la ville.

« Minho-hyung ? tenta-t-il d'une toute petite voix devant le mutisme continu de son meilleur ami.

— Je devrais t'étouffer pendant ton sommeil pour ne m'avoir rien dit plus tôt, mais puisque tu me le dis maintenant, je vais t'épargner. »

Et, malgré la menace à peine sous-jacente, Jisung souffla de soulagement et s'autorisa un petit rire nerveux.

« Ça veut dire que tu m'aimes toujours ?

— Ne pousse pas ta chance trop loin, quand même. »

Mais l'infime rictus qui redressa le coin de sa bouche lui prouva le contraire et Jisung ignora le grognement de Minho tandis qu'il se jetait sur lui pour le prendre dans ses bras.

Il lui tardait déjà de se rendre à cette soirée en compagnie de son meilleur ami, de leur ami commun et de Changbin.

*

Changbin se gara en bas de leur immeuble cinq minutes avant l'heure prévue, et cela aurait sans doute pu être un problème si Jisung n'avait pas été prêt à partir depuis deux bonnes heures au moins.

Ce fut en effet un problème pour Chan qui n'arrivait pas à se décider entre deux paires de chaussures et qui les essayait à tour de rôle comme si sa vie en dépendait, sous les yeux quasi inexpressifs de Minho, mais que Jisung connaissait trop bien pour savoir qu'il savourait le spectacle de son crush de-moins-en-moins-secret qui se dandinait à travers le salon pour être certain que ses bottes ne gâchaient pas le reste de sa tenue. 

Comme si quelque chose était capable de gâcher son jean délavé déchiré le long de ses jambes et sa chemise noire dont les trois premiers boutons étaient grands ouverts sur sa peau pâle et décorée d'une épaisse chaîne argentée.

Si Minho n'avait pas été raide dingue de lui, Jisung aurait sans doute pris sa place. Parce que Chan était beau comme un dieu. Et sans faire le moindre effort en plus de cela. Il n'avait qu'à respirer pour attirer les foules à ses pieds.

Minho, d'ailleurs, avec son pantalon de costume, sa chemise parfaitement boutonnée et sa cravate impeccablement nouée était étrangement bien assorti avec le côté quelque peu rock'n'roll de Chan et Jisung dut se retenir de glousser en constatant à quel point ils faisaient un joli couple.

Jisung, quant à lui, avait opté pour un large baggy en jean clair, surmonté de morceaux de jupe noire arrachés qui formaient des lambeaux de cuir tombant en cascade de sa taille, avec un crop top gris, percé d'un trou au niveau de son cœur et qui lui arrivait pile au niveau du nombril, et des épaisses chaussures à la semelle réhaussée qui lui faisait gagner quelques maigres centimètres.

Ses pas, quand ils s'élancèrent finalement tous les trois dans les escaliers, semblaient résonner aussi fort que son cœur dans sa poitrine. L'air frais de la fin de journée sur sa peau embrasée ne fit rien pour apaiser sa nervosité à l'idée de monter sur une moto.

D'autant plus, sur une moto avec Changbin.

Il essayait de se rappeler qu'il n'avait absolument aucune raison de se mettre dans tous ses états. Changbin n'était qu'un ami de Chan qui avait accepté de les aider à se rendre à une soirée. Rien de plus. Il n'allait rien se passer. Ni ce soir ni aucun autre soir, parce que Jisung avait retenu sa leçon la dernière fois et, quand bien même Changbin ne ressemblait en rien à son ex, il refusait de se faire avoir une seconde fois et s'exposer à un nouveau chagrin d'amour duquel il avait bien cru ne jamais se remettre.

Sans compter que Changbin n'était probablement pas le moins du monde attiré par lui.

Oui, tout se passerait bien. Jisung allait monter à l'arrière de sa moto, profiter de la fête, boire un peu et se laisser raccompagner gentiment et tout irait bien.

Bien sûr, le destin avait d'autres plans en réserve pour cette nuit-là.

*

Lorsqu'ils poussèrent la lourde porte de l'immeuble, les yeux de Jisung n'eurent d'autre choix que de tomber sur la silhouette appuyée nonchalamment contre sa moto, un casque coincé sous un bras et son attention rivée sur quelque chose sur sa droite. Il mit une poignée de secondes avant de réaliser qu'ils approchaient et seulement alors il tourna la tête vers eux et leur sourit.

Jisung trébucha sur un minuscule caillou et manqua de se ridiculiser, mais parvint à se rattraper de justesse à la manche de Minho, qui lui adressa un regard confus par-dessus son épaule.

Chan et Changbin se saluèrent en une rapide accolade avant que le premier se tourne vers les deux autres en retrait.

« Binnie, voici Lee Minho, qui est dans la même promo que moi. »

Minho lui adressa un bref signe de tête pour toute réponse.

« Et tu te souviens sans doute de Han Jisung.

— Bien sûr, répondit Changbin tandis que son sourire s'agrandissait en portant les yeux sur le plus jeune. »

Jisung aurait pu jurer que le sol venait de s'ouvrir sous ses pieds.

Il n'eut pas le temps de sombrer néanmoins, car déjà tout le petit groupe se mettait en mouvement pour partir. À côté de lui, Chan tendait son deuxième casque à Minho, qui l'enfila sans la moindre difficulté et enjambait déjà le bolide d'un mouvement souple pour s'installer à l'arrière. Face à lui, Changbin en faisait de même.

Évidemment, Jisung n'avait pas la même grâce que son meilleur ami et, malgré tous ses efforts, le casque refusa de s'enfoncer sur son crâne. Il pouvait déjà se sentir rougir et s'essouffler alors qu'il ne voyait plus rien de la scène autour de lui. Quelque part près de son oreille, il entendit le rire de Changbin avant de sentir la puissance de deux mains au-dessus des siennes l'aider à triompher de cette épreuve. Aussitôt, à travers la visière baissée, il vit le visage souriant de l'ami de Chan le regarder avec un mélange d'amusement et de tendresse.

« Tu crois que tu vas t'en sortir jusque là-bas ? »

Venant de n'importe qui d'autre, Jisung aurait tout à fait pu interpréter cette question comme de la moquerie, de l'ironie teintée de condescendance qui lui aurait donné envie de disparaître dans un trou de souris et de pleurer jusqu'à la fin de sa vie.

Pourtant, venant de lui, il ne lui sembla distinguer qu'une sincère gentillesse, avec peut-être un soupçon d'inquiétude.

« Si tu préfères, tu peux monter avec Channie-hyung ?

— Non ! s'exclama-t-il bien trop vite, avant de se reprendre tout aussi rapidement. Non, ça va aller. C'est juste... la première fois, c'est tout. »

Même sans le regarder, il put clairement percevoir le soulagement de Minho à quelques mètres de lui, déjà perché derrière Chan sur la moto de ce dernier. Bien sûr, si le jeune homme avait été en réelle détresse à l'idée de partager le trajet avec Changbin, Minho lui aurait volontiers cédé sa place, il le savait. Mais il savait également qu'il ne l'aurait pas fait sans une certaine amertume de perdre pareille occasion de se rapprocher de son crush loin-d'être-secret.

En l'occurrence, Jisung ne requérait pas un tel sacrifice de sa part. 

Ce n'était pas qu'il était en détresse physique, mais plutôt en détresse émotionnelle. Les paumes de ses mains étaient moites et il avait beau les frotter contre son pantalon, rien n'y faisait. Sans compter ses genoux semblables à de la gelée ou sa bouche incapable d'articuler correctement le moindre mot.

Il était vraiment ridicule.

Tout ça pour un garçon avec qui il avait à peine discuté l'espace de cinq petites minutes.

« Me voilà honoré, répondit ledit garçon en se passant une main dans ses cheveux sombres pour les ramener en arrière. Je ferai encore plus attention sur la route, promis. Tu n'as rien à craindre, Jisungie. »

Jisung déglutit péniblement et parvint à acquiescer.

À son tour, Changbin enfila son casque, redressant la visière pour pouvoir dévisager le plus jeune de son regard perçant. 

« Viens t'asseoir. »

Sans aucune élégance, Jisung prit place à l'arrière, les bras le long de son corps, ne sachant qu'en faire et où poser ses mains. Très vite, l'oxygène vint à lui manquer lorsque l'imposante silhouette de Changbin s'installa devant lui, sa carrure semblant l'avaler tout entier. 

L'extérieur de ses cuisses frôlait l'intérieur de celles de Jisung et ce dernier fut incapable de se concentrer sur autre chose que ce minuscule détail. Un minuscule détail qui prenait la taille d'une montagne dans son esprit.

Par-dessus son épaule, Changbin lui adressa ses dernières consignes.

« Si tu préfères, tu peux t'accrocher aux poignets au niveau de tes jambes, mais je te conseillerais plutôt de t'accrocher à moi. » 

Les yeux de Jisung s'écarquillèrent si fort et si vite qu'il crut un instant qu'ils allaient lui sortir de la tête. 

S'accrocher à lui. 

Visiblement, c'était aussi l'option qu'avait choisi Minho de son côté, ses bras enroulés autour du torse de Chan qui avait incliné sa tête d'une manière qui laissait deviner que les deux hommes étaient en train d'échanger quelques mots tout bas et Jisung ne put s'empêcher de sourire, heureux pour son meilleur ami qui devait jubiler intérieurement.

Avec une profonde inspiration pour se donner du courage et repousser les images stupides qui assaillaient son esprit, il copia la position de son ami et passa ses bras autour de la taille de Changbin. Malgré l'épaisse veste en cuir qu'il portait sur ses épaules, il fut aisé pour le plus jeune de sentir à travers toutes les couches de vêtements combien l'autre était musclé. 

Pas comme Chan, qui aimait pourtant passer tout son temps libre à la salle de sport et s'était, de ce fait, construit un corps qui ne cessait d'attirer tous les regards.

Changbin était différent. Encore plus musclé, d'une certaine manière, et pourtant Jisung n'avait pas l'impression d'enlacer un bloc de béton. Il était tendre entre ses bras, comme Minho pouvait l'être quand il consentait à le laisser l'étreindre. Presque malgré lui, Jisung resserra ses bras un peu plus fort.

« N'aie pas peur de serrer, l'encouragea Changbin, comme en écho à ses pensées. Et surtout préviens-moi si ça ne va pas. D'accord ?

— Ou-oui, bafouilla-t-il, sa voix assourdie par le casque. Merci, hyung. »

Changbin acquiesça une fois avant de se tourner vers Chan et de lui adresser un pouce levé. Sous ses fesses, Jisung sentit le moteur se réveiller et vrombir et, dans un réflexe dicté par la peur, il s'accrocha aux pans ouverts de la veste de Changbin. 

Ce dernier, après avoir baissé sa visière, lui tapota gentiment la cuisse.

« Ne me lâche pas. Tout va bien se passer. »

Jisung aurait voulu pouvoir lui dire que, même s'il l'avait voulu, il aurait été à présent incapable de le lâcher. Bien sûr, aucun mot ne sortit de sa bouche et, lentement, la moto commença à rouler.

Changbin tint sa promesse.

Alors que Chan et Minho s'élançaient devant eux de plus en plus vite, Changbin laissa Jisung s'habituer aux sensations de la moto et du vent qui lui donnait l'impression d'être sur le point de s'envoler. Il accéléra progressivement et, quand ils rejoignirent enfin la route principale, la peur avait quelque peu refluée pour céder sa place à une sorte d'exaltation qui lui tira un large sourire.

Le reste du trajet se passa aussi bien que Jisung aurait pu le concevoir. Probablement même mieux. À chaque feu rouge et embouteillage qui les obligeait à s'arrêter, Changbin inclinait la tête et lui demandait comment il se sentait, accompagnant sa réponse, qui consistait chaque fois en un super ! beaucoup trop enjoué, d'une tape sur la jambe. Et Jisung n'arrivait pas à décider si c'était cette petite tape ou la question qu'il n'oubliait jamais de lui poser à chacun de leurs arrêts qui fit battre son cœur un peu plus vite dans sa poitrine.

Tout ce qu'il sut, c'était qu'il arriva au lieu de la fête aussi essoufflé que s'il était venu en courant. 

Une fois de plus, Changbin l'aida à retirer son casque et lui sourit lorsqu'il parvint à s'en extraire avec un grognement et la certitude que ses cheveux ressemblaient désormais à un nid d'oiseaux. D'une main un peu moite, il se débrouilla pour se recoiffer du mieux qu'il put, ses vaillants efforts tombant immédiatement à l'eau quand Chan accourut à sa rencontre pour lui ébouriffer les cheveux dans tous les sens en gloussant.

Parfois, Jisung venait à oublier que Chan était le plus âgé de ses amis tant il avait le rire et le regard pétillant d'un enfant de cinq ans. Ce qui l'empêchait de lui en vouloir tandis qu'il abandonnait l'idée d'avoir une coiffure potable pour le reste de la soirée et grimaça quand Minho lui attrapa la joue entre ses doigts.

Tous ensemble, ils se dirigèrent vers la petite maison, d'où la musique leur provenait déjà et devant laquelle plusieurs étudiants fumaient en riant fort.

Il ne lui fallut qu'une minute pour comprendre qu'il serait sans doute le plus jeune de la fête et, un instant, il regretta presque d'être venu. La perspective de passer une soirée avec ses amis lui avait momentanément fait oublier que, malheureusement, ils seraient entourés de dizaines de personnes qu'il ne connaissait pas et qui ne se priveraient pas de le regarder comme s'il n'avait rien à faire là.

Ce qui n'était peut-être pas entièrement faux. Après tout, il ne connaissait le mec qui organisait la soirée que parce qu'il avait entendu son prénom au détour de quelques conversations de Chan et Minho. Il n'était même pas certain qu'il aurait su le reconnaître dans la foule.

À son côté, il sentit la présence de Changbin se rapprocher juste avant que son épaule ne percute la sienne. Pas suffisamment fort pour lui faire mal, loin de là, mais tout de même avec assez d'entrain pour lui confirmer que le geste était volontaire.

Il se tourna vers lui et fut surpris de le découvrir avec une expression étonnamment fermée. Presque un poil menaçante.

« Ils font tous les malins parce qu'ils sont sûrs d'obtenir un joli diplôme qui ne les mènera pas plus loin dans la vie. C'est pour ça que je me suis cassé de l'école dès que j'ai pu. Tous des abrutis, termina-t-il un ton plus bas, crachant le dernier mot entre ses dents. »

Jisung ravala le bref gémissement qui était remonté dans sa gorge en entendant l'homme pourtant calme et joyeux s'exprimer avec autant de venin tout à coup.

La façon dont il se tenait tout proche de lui, légèrement de profil, ses mains dans les poches de sa veste et le menton redressé en un air de défi donnait l'impression qu'il était le garde du corps de Jisung. Et il sembla qu'il n'était pas le seul à le penser, car plusieurs personnes autour d'eux détournèrent leur regard et se désintéressèrent de leur petit groupe pour retourner à leur boisson ou leurs commérages.

Dans sa poitrine, le cœur de Jisung se mit à battre aussi bruyamment que la musique qui faisait trembler les murs.

En moins de temps qu'il ne lui en fallut pour le réaliser, il se retrouva avec un gobelet en carton de ce qui ressemblait à de la vodka dans la main, traîné par la manche par un Minho déterminé jusqu'à un coin tranquille où les quatre amis s'installèrent, heureusement loin des haut-parleurs, ce qui leur permirent de continuer à discuter sans se ruiner la voix.

Jisung, cependant, avait du mal à se concentrer sur ce que Chan racontait. Et il ne pouvait même pas blâmer l'alcool pour son manque cruel d'attention, car il n'avait toujours pas pu se résoudre à en avaler une gorgée, son estomac déjà retourné par la véritable raison de son inattention.

Une raison qui portait un pantalon cargo en cuir noir avec un sous-pull qui épousait chacune des courbes de ses muscles saillants dans ses bras, ses épaules et son dos et qu'il avait orné d'un harnais de bijoux étincelant dans les lumières stroboscopiques. Une raison qui sirotait sa bière tout en hochant la tête à intervalles réguliers tout au long de l'histoire de Chan. Une raison tournée de profil, appuyée contre le mur juste à côté de Jisung, si près encore une fois que, lorsqu'il lui arrivait de tanguer légèrement d'avant en arrière au rythme de la musique, ils s'effleuraient, la chaleur émanant de son corps transperçant les vêtements de Jisung et réchauffant sa peau à un degré qu'il n'était pas sûr de supporter encore longtemps.

En un mot comme en cent, il se sentait déjà ivre sans avoir ne serait-ce que respirer la vodka dans son verre.

Et, contrairement à Chan et Minho qui s'éclipsèrent pour remplir de nouveau le leur, Changbin sembla s'en apercevoir, car avec un geste du menton il lui désigna son gobelet qu'il tenait à deux mains comme s'il était susceptible de lui échapper.

« La vodka non plus c'est pas mon délire. Tu veux qu'on te trouve autre chose ?

— Merci, mais... j'ai pas très soif, avoua-t-il, ce qui n'était pas entièrement la vérité, mais pas entièrement un mensonge non plus. »

Visiblement, c'était assez drôle pour tirer un sourire à Changbin, qui laissa ses yeux vagabonder un instant sur le visage de Jisung sans la moindre pudeur. Celui-ci se sentit rougir jusqu'à la pointe de ses oreilles.

« On n'est pas obligés de rester, tu sais, déclara-t-il, sa voix incroyablement douce malgré le volume assourdissant de la musique.

— Hein ? ne put s'empêcher de s'exclamer Jisung, quand bien même il avait parfaitement entendu.

— Si tu veux partir... je peux te raccompagner, si tu préfères. Channie et Minho ont l'air bien partis pour s'amuser jusqu'au bout de la nuit, mais toi tu n'es pas obligé de rester si tu n'en as pas envie. »

Plus tard, Jisung s'alarmerait sur la façon dont Changbin parvint à lire en lui avec autant de facilité. Bien que Minho lui avait déjà fait remarquer que ce n'était pas un exercice très compliqué. Mais, pour le moment, il fut simplement touché de cette attention, touché de l'inquiétude qu'il discerna aisément dans son regard rivé dans le sien. 

Touché qu'il puisse accepter de ruiner sa propre soirée pour ne pas que celle de Jisung le soit.

« Et toi ? demanda-t-il timidement. Tu ne veux pas rester ?

— La musique est sympa, répondit-il avec un haussement d'épaule, ses doigts remuant autour du verre de sa bouteille, mais vraiment pas au point de me faire rester si tu ne t'amuses pas. »

Il aurait sûrement pu argumenter qu'il s'amusait quand même un peu malgré tout, mais lui-même se rendait bien compte qu'il était loin d'être aussi enjoué qu'à son habitude, le brouhaha de toutes les discussions qui s'entrechoquaient autour d'eux mélangé aux paroles des chansons qu'il ne distinguait qu'à moitié formaient un maelstrom de bruits qui lui donnait l'impression que les murs de la pièce se refermaient lentement mais inexorablement sur lui. Aussi il se contenta de pincer les lèvres et de hocher la tête, son regard tombant sur le liquide clair dans son verre qu'il ne parvenait à se résoudre d'avaler, anticipant par avance la brûlure qui ne manquerait pas de lui donner envie de vomir. 

Au-dessus d'eux, la musique s'acheva et laissa sa place à une autre, qui fit relever la tête de Changbin. Elle avait un rythme un peu plus lent que les précédentes, si bien que Jisung eut enfin l'impression de pouvoir respirer pour la première fois depuis qu'ils étaient arrivés.

« J'adore cette chanson, dit-il après avoir descendu le reste de sa bière d'une gorgée. Tu veux danser un peu avant de partir ? »

Et, avant même d'avoir pu y réfléchir, Jisung se sentit acquiescer. 

Parce que c'était bien la seule chose qu'il aimait dans toutes ces soirées où Minho l'avait traîné ; ce moment où il avait ingurgité suffisamment d'alcool pour n'en avoir plus rien à faire de tous les regards susceptibles de se poser sur lui et où il décidait que tout ce qui importait désormais c'était la musique qui entrait dans ses veines et faisait bouger ses membres comme s'ils étaient dotés de leur propre conscience.

Et aussi parce qu'il se trouvait incapable de dire non à Changbin.

Abandonnant son gobelet auquel il n'avait pas touché quelque part, il emboîta le pas à Changbin qui fendit la foule de sa large carrure, donnant quelques coups de coudes aux récalcitrants qui refusaient de bouger et jetant un coup d'œil par-dessus son épaule pour s'assurer de ne pas perdre le plus jeune de vue.

Se trouvant un petit endroit pas trop envahi de monde, Changbin fit volte-face et commença aussitôt à remuer des hanches au rythme de la musique, invitant Jisung à le rejoindre d'une main tendue. Ce dernier se rapprocha autant qu'il le put, attiré comme un aimant par le calme et la sérénité qui émanait du plus âgé et qui contrastait si violemment avec l'ambiance générale.

Qui contrastait drastiquement avec le raz-de-marée qui ravageait son cœur et commençait à lui faire tourner la tête.

Quelqu'un passa soudainement à toute vitesse à côté de lui, trop près de lui et Jisung se sentit tanguer dangereusement sur ses chaussures compensées. Un couinement lui échappa alors qu'il était certain d'être sur le point de tomber. De s'affaler sur le sol et de se ridiculiser devant tout le monde.

Une main dans le creux de ses reins le rattrapa néanmoins, ferme, chaude, puissante. Et pourtant bien moins puissante que la voix de Changbin qui s'éleva dans la pièce, bien au-dessus de la musique, et accapara l'attention de toute l'assemblée pour réprimander l'impudent qui eut au moins la décence de se retourner et de s'excuser, les joues en feu tandis qu'il disparaissait près du bar.

« Ça va, Sungie ?

— Euh... oui. Oui, merci, hyung. »

L'incident s'acheva aussi vite qu'il avait commencé, pourtant Changbin ne retira pas sa main de son dos. Jisung sentit même son pouce dessiner de petits cercles rassurants juste au niveau de la couture de son crop top, à un souffle de sa peau nue où une pluie de frissons se déversa comme la rosée du matin.

Il essaya de toutes ses forces de ne pas y penser. De ne pas penser à ce qu'il pourrait se passer s'il décidait de bouger sa main ne serait-ce que d'un centimètre. Ou s'il décidait de plier rien qu'un peu son bras et ainsi de le ramener tout contre lui, de combler la distance pourtant déjà infime qui les séparait.

Si infime d'ailleurs que Jisung était capable de sentir le parfum du plus âgé au milieu des effluves de bière et de vodka et de cigarettes et d'un tas d'autres alcools qu'il ne savait pas reconnaître.

Il sentait les épices et la vanille, et encore la menthe, comme lorsqu'il avait toqué à sa porte en pensant toquer chez son ami.

Il sentait le réconfort d'un feu de cheminée à la fin d'une longue journée.

 « Tu veux toujours danser ? »

Une fois de plus, Jisung acquiesça et la main dans son dos glissa le long de sa hanche avant de le relâcher.

Mais seulement pour s'emparer de la sienne. Comme par réflexe, Jisung s'y accrocha. Le sourire sur le visage de Changbin lui donna tout à la fois envie de tomber à genoux et de se jeter à son cou.

Il ne fit ni l'un ni l'autre, cependant, et se contenta de lui sourire en retour, l'imitant quand il recommença à se dandiner en rythme. Évidemment, avec toutes ces péripéties, la musique toucha à sa fin bien plus tôt que prévu, mais aucun d'eux ne sembla le remarquer alors qu'ils continuaient à danser. 

Avec sa main dans la sienne, Changbin en profita pour faire tourner Jisung sur lui-même, ce dernier éclatant de rire devant l'absurdité de la situation et le sentiment de vertige qui l'envahit, bien plus fort qu'il ne l'avait jamais ressenti, comme si un tout nouveau monde s'offrait à lui, un monde où plus rien ne pouvait lui arriver, un monde où une silhouette, pas plus haute que la sienne mais plus large, le suivait partout où il allait et veillait sur lui.

Il en perdit momentanément l'équilibre.

Pourtant, cette fois, il ne craignit rien, se laissa chavirer avec l'absolue certitude d'être en sécurité. Et il eut raison.

Les doigts qui s'enroulèrent autour de sa hanche le firent frissonner et quand Jisung redressa le menton pour croiser le regard de Changbin, celui-ci était déjà en train de le regarder.

« Tu es sûr que tu n'as pas bu ? lui demanda-t-il avec un petit rire.

— Je me débrouille mieux quand j'ai bu, annonça-t-il fièrement. Demande à Minho-hyung !

— D'accord, d'accord, je te crois. Tu sais où ils sont d'ailleurs ? Ça fait un moment qu'on ne les a pas vus...

— Sans doute partis se faire des bisous dans un coin..., répondit-il avant d'avoir pu se retenir, ses yeux s'écarquillant à l'instant où il réalisa ce qu'il venait de dire ; pour sûr, Minho ne le lui pardonnerait jamais.

— Mh, se contenta d'acquiescer Changbin. C'est bien ce qu'il me semblait. J'imagine qu'ils ne nous en voudront pas de nous éclipser dans ce cas. »

Au fond, Jisung était soulagé de savoir que Changbin avait remarqué le petit jeu pas tout à fait subtil entre Chan et Minho. Il n'avait jamais été très doué pour garder les secrets et celui-ci commençait sérieusement à lui peser lourd sur la conscience.

« À moins que tu veux retrouver Minho pour le prévenir ?

— Non, répondit Jisung en secouant la tête. Allons-nous-en. »

Jamais il n'avait parlé avec autant d'assurance de toute sa vie. Tout simplement parce que jamais il n'avait ressenti autant d'assurance de toute sa vie. Jamais il n'avait été plus sûr de sa décision qu'à l'instant où le sourire de Changbin revint s'installer sur ses lèvres et où il l'attira grâce à leurs deux mains liées à travers la foule de gens qui se déhanchaient sur une musique que Jisung n'entendait même plus.

L'air frais qui frappa son visage quand ils sortirent de la maison lui fit l'effet d'une grande bouffée d'oxygène après avoir été en apnée pendant des heures. 

À côté de lui, Changbin tapotait sur son portable à une main, la luminosité de l'écran éclairant ses traits presque comme en plein jour. Jisung se surprit à admirer la façon dont il articulait silencieusement les mots qu'il devait sans aucun doute être en train d'écrire, ses yeux suivant la ligne de sa phrase avant de brusquement plonger dans les siens.

« J'ai envoyé un message à Channie. Au moins, ils savent où on est, contrairement à nous, râla-t-il avec un faux agacement qui fit rire Jisung. »

Visiblement, il n'était plus capable de s'arrêter de rire désormais. Tout son corps semblait emprisonné dans une bulle qui s'élevait lentement mais sûrement vers le ciel et seuls les doigts de Changbin entrelacés aux siens l'ancraient au sol, l'empêchaient de se couper complètement de la réalité. 

Et la réalité, c'était que Jisung mourait d'envie de rompre sa promesse. Rompre ses habitudes. Rompre la boucle dans laquelle il s'était enfermé tout seul pour se protéger d'un autre chagrin d'amour, d'une autre relation qui finirait de lui prendre tout ce que l'autre n'avait pas réussi à lui voler.

La réalité, c'était qu'il avait envie de Changbin. Envie qu'il soit celui qui lui prouverait qu'ils n'étaient pas tous comme son ex, que Jisung avait raison de ne pas avoir perdu tout espoir en l'amour, qu'il n'était pas voué à finir sa vie seul avec des chats que Minho ne manquerait pas de lui offrir pour lui tenir compagnie. Envie qu'il continue de le regarder et de lui sourire comme si plus personne d'autre au monde n'existait. Envie qu'il pose encore ses mains sur lui, qu'il attrape encore ses hanches pour l'empêcher de tomber, qu'il le touche, pas seulement au-dessus de ses vêtements, mais en-dessous

Il avait envie de savoir ce que ça faisait, d'être aimé correctement. D'avoir quelqu'un qui veille sur vous plutôt que quelqu'un qui vous donne envie de fuir. Quelqu'un qui caresse plutôt que cogne. Quelqu'un qui chérit plutôt que déchire. Et quelque chose lui disait que Changbin saurait lui montrer.

Changbin serait cette personne.

« Tu es prêt à rentrer ? »

Jisung pressa sa main contre celle de Changbin. Leurs doigts s'enlaçaient si parfaitement qu'on aurait pu croire qu'ils avaient été créés dans l'unique but de s'emmêler pendant que les deux hommes s'observaient sous la faible lueur des étoiles, sous un ciel aussi noir qu'une flaque d'encre, mais aussi lumineux que la providentielle lumière au bout du tunnel.

Le trajet du retour se passa à peu de choses près exactement comme le trajet pour venir. Jisung s'accrocha au torse de Changbin comme si sa vie en dépendait, bien qu'il était nettement moins effrayé qu'à l'aller, grisé par l'ivresse qui refusait de quitter son système maintenant qu'elle s'y était installée. Changbin lui tapota la jambe dès qu'il le pouvait, même parfois pendant qu'ils roulaient, d'abord sur son genou et puis de plus en plus haut au fur et à mesure de la route, la dernière tape atteignant presque sa hanche qu'elle arracha un discret couinement au plus jeune.

Couinement qu'il était certain que Changbin entendit à sa façon de recommencer immédiatement derrière.

Bien assez tôt, beaucoup trop tôt d'ailleurs au goût de Jisung, ils arrivèrent au bas de son immeuble, l'immense bloc de béton s'élevant vers le ciel où plusieurs fenêtres étaient encore allumées. 

Jisung leva le nez pour les observer un instant, imaginer ce que leurs occupants pouvaient bien être en train de faire ou de regarder à la télévision pendant que lui-même se tenait là, un casque de moto sur la tête et un homme qui pouvait potentiellement changer le reste de son existence dans son dos.

La soirée sentait bon les feuilles tombées des arbres. Et le regard de Jisung tomba sur le sourire de Changbin. Il n'eut presque aucun mal à retirer son casque et, tandis qu'il le lui tendait pour lui rendre, il s'arrangea pour que leurs doigts se frôlent.

Les yeux sombres du plus âgé plongés dans les siens se mirent à peser aussi lourds que les mots sur sa langue. Mots qu'il se força malgré tout à articuler dans le silence de la nuit.

« Tu veux monter ? »

Jisung n'avait jamais invité qui que ce soit à monter chez lui. Pas de cette manière en tout cas. Pas comme ça. Pas pour ça. Même s'il ne savait pas encore exactement ce qui se passerait quand Changbin accepterait.

Si Changbin acceptait.

Et il accepta.

Main dans la main, ils gravirent les étages jusqu'à la porte de l'appartement de Jisung. Cette même porte où Changbin avait un jour frappé sans savoir qu'il se trompait. Sans savoir que tout était sur le point de basculer.

Jisung eut toutes les peines du monde à insérer la clé dans la serrure ; les doigts de Changbin emmêlés aux siens, son souffle sur sa nuque, l'ombre de son corps disparaissant dans la sienne sur le mur à côté d'eux lui donnèrent le tournis et l'obligèrent à s'y reprendre à trois fois avant d'enfin parvenir à pousser la porte et la reclaquer derrière eux, le cliquetis du verrou résonnant sous son crâne au milieu des battements de son cœur qui faisaient le même boucan que le remous des vagues sur la plage un jour de tempête.

Quand il lui fit de nouveau face, Changbin l'observait d'entre ses cils, un infime sourire aux lèvres, une main dans la poche de son pantalon, comme si tout était parfaitement normal, comme s'il était venu des milliers de fois et comme si, à chaque fois, il avait tenu les doigts de Jisung entre les siens.

Comme s'il se trouvait exactement à l'endroit où il voulait être et ne ressentait en rien le besoin de précipiter les choses.

Jisung, pour sa part, ne désirait rien de plus que de tout précipiter, tout accélérer. Accélérer la rotation de la Terre, accélérer le déferlement de son sang dans ses veines, accélérer les battements de son cœur, quand bien même il le sentait déjà sur le point d'imploser. Accélérer le temps jusqu'au moment fatidique où Changbin s'avancerait et ferait quelque chose. N'importe quoi. Au point où il en était, Jisung n'en avait plus rien à faire. Il l'aurait laissé le prendre, tout prendre, contre la porte d'entrée si cela lui permettait de l'avoir tout contre lui, de sentir le poids de son corps contre le sien, la chaleur de ses mains sur ses hanches, sur ses reins, où il avait été si près de le toucher un peu plus tôt dans la soirée.

« Jisung ? »

Même sa façon de prononcer son prénom lui donnait des frissons, lui retournait l'estomac dans tous les sens, comme pris dans des montagnes russes.

« Mh ?

— Est-ce que je peux t'embrasser ? »

Jisung jura qu'il mourut l'espace d'une seconde, là, dans l'entrée de son appartement, avec les lumières des lampadaires de la rue qui traversaient son salon et illuminaient les traits on ne peut plus sérieux de son vis-à-vis, ses yeux sombres, noirs comme la nuit, rivés sur lui.

Il acquiesça assez fort pour s'en briser les cervicales. Changbin pouffa de rire, mais combla la distance entre eux, levant son autre main pour caresser l'arrondi de la joue de Jisung.

Sa peau était douce, mais son geste l'était d'autant plus. Il le touchait comme s'il était la chose la plus précieuse au monde, comme s'il était un trésor qu'il avait cherché toute sa vie et qu'il avait enfin trouvé. Comme s'il savait dors et déjà qu'il ne serait jamais plus en mesure de s'en priver, de ne pas recommencer. 

Jisung aurait voulu le rassurer, lui affirmer qu'il pourrait recommencer autant qu'il le souhaitait, mais son souffle resta bloqué quelque part dans sa gorge alors que Changbin s'inclinait et déposait sa bouche sur la sienne, ses lèvres s'entrouvrant aussitôt pour lui autoriser l'accès.

Le baiser demeura chaste pendant un temps, malgré les efforts de Jisung pour attirer Changbin toujours un peu plus près, sa main enroulée autour d'un des pans de sa veste, l'agrippant avec une force qu'il ne se connaissait pas, et sa langue cherchant sa comparse, sans grand succès néanmoins. Le plus âgé dictait ses règles. Avec des sourires que Jisung sentaient s'étirer contre sa peau, il l'obligea à suivre son rythme, se reculait chaque fois qu'il gagnait du terrain, chaque fois qu'il était sur le point d'obtenir ce qu'il désirait ardemment, repartait à l'attaque quand il se reculait à son tour, prêt à râler et à chouiner, sa frustration jouant au yo-yo dans son ventre tandis que les lèvres de Changbin capturaient la lèvre inférieure de Jisung et tiraient doucement dessus, jusqu'à ce qu'un gémissement finisse par lui échapper.

Alors seulement Changbin rompit le baiser et s'éloigna suffisamment pour le dévisager, son regard encore plus sombre et encore plus lourd qu'auparavant.

« J'aurais dû me douter que la patience n'était pas ton fort, lui fit-il remarquer avec un sourire en coin.

— Et j'aurais dû me douter que tu serais cruel avec moi, rétorqua le plus jeune du tac au tac, son désir grandissant brouillant ses sens et réduisant drastiquement sa capacité à réfléchir avant de parler.

— Aw. Pauvre Jisungie, roucoula Changbin, ses doigts caressant sa nuque, son pouce jouant avec son lobe d'oreille. Laisse-moi rectifier ça tout de suite. »

Et, sans même lui laisser le temps de répondre, à peine celui d'enregistrer ses paroles, Jisung se retrouva gentiment plaqué contre sa porte tandis que Changbin reprenait possession de sa bouche avec un regain de passion qui envoya une vague de chaleur dans son bas-ventre, son sexe, déjà plus qu'intéressé parce qu'il se passait, se réveillant pour de bon et pressant fermement contre son sous-vêtement. 

Et contre la hanche de Changbin, alors que ce dernier se collait contre Jisung au point qu'il ne reste plus le moindre souffle d'air entre eux. Et pourtant, de l'air, il en aurait bien eu besoin en cet instant. Cet air qui lui faisait cruellement défaut maintenant que Changbin l'embrassait avec une fougue que Jisung avait réclamée, mais qui le poussait déjà au bord d'un précipice dont il savait qu'il ne reviendrait pas entier.

Presque malgré lui, il se frotta contre l'autre, ce qui était tout à la fois sa meilleure et sa pire idée de la soirée. La brève friction le soulagea durant une demi-seconde. Avant de renforcer son désir à la limite du supportable. 

Jisung aurait pu jurer qu'il était sur le point d'exploser. Ou de pleurer. Ou les deux.

En réponse, la main dans ses cheveux chuta brutalement pour s'emparer de sa hanche, sa poigne ferme, presque impitoyable, autour de ses os, l'immobilisant d'une simple pression, et Jisung n'eut d'autre choix que de gémir dans sa bouche. Le grognement de Changbin résonna en écho à ses oreilles.

Quelque part dans son dos, il entendit très distinctement le ding de l'ascenseur, suivi d'un concert de voix et d'un tintement de clés. D'un même élan, ils se figèrent tous les deux, leur visage à une poignée de millimètres l'un de l'autre, si proche qu'ils parvenaient à peine à se distinguer malgré leurs yeux grands ouverts, si proche que chacune des expirations de Jisung devenaient les inspirations de Changbin et inversement. Ils n'osèrent esquisser le moindre mouvement jusqu'à ce qu'ils furent absolument certains que les voisins étaient rentrés chez eux et avaient refermé leur porte, comme s'ils avaient été susceptibles de les entendre ou, pire, de les voir. Ce qui était, Jisung en était bien conscient, parfaitement impossible – du moins, pour la deuxième hypothèse ; pour la première, il n'y aurait pas mis sa main à couper. 

Puis, dans le silence de l'étage revenu, ils éclatèrent d'un rire quelque peu incrédule, Changbin basculant sa tête en avant jusqu'à poser son front sur l'épaule de Jisung.

Ce geste était si simple, si familier, qu'il serra le cœur du plus jeune. À son tour, il inclina le menton jusqu'à déposer sa joue sur les cheveux de Changbin et ils restèrent ainsi un instant. Peut-être une minute, peut-être dix. Peut-être une éternité. Jisung réalisa soudain qu'ils ne s'étaient toujours pas lâché la main depuis qu'ils étaient arrivés. Il pressa ses doigts et Changbin pressa les siens en retour.

« J'ai une chambre... si tu préfères, proposa-t-il tout bas, son murmure déchirant le silence assourdissant autour d'eux.

— Ça serait sans doute plus approprié, oui, répondit-il sur le même ton et Jisung entendit sans l'ombre d'un doute son sourire dans sa voix. Même si je ne serais pas contre de t'embrasser contre chacun de tes murs et chacune de tes portes. »

Son propre sourire étira ses lèvres d'un bout à l'autre de son visage.

C'était si ridiculement romantique. Beaucoup trop romantique quand on considérait que c'était la première soirée qu'ils passaient ensemble. La première fois qu'ils s'adressaient plus de trois mots ailleurs que sur son canapé en attendant fébrilement que Chan vienne le sauver de ce que Jisung avait dors et déjà commencé à ressentir à cet instant.

La première fois qu'il laissait quelqu'un le toucher et le regarder de cette manière depuis sa séparation. Depuis qu'il s'était juré qu'il ne retomberait plus dans ce piège.

Depuis qu'il s'était convaincu tout seul qu'il n'était pas fait pour les relations amoureuses.

Et c'était incroyablement stupide de penser à cela après seulement un baiser, sans même savoir ce que Changbin ressentait, encore moins où la nuit les conduirait. Mais Jisung n'avait jamais été doué pour se modérer. C'était d'ailleurs pour cette raison qu'il s'était retrouvé à sortir avec ces deux personnes qui n'avaient jamais été faites pour lui.

Jisung ne faisait jamais les choses à moitié, et certainement pas les sentiments. Aussi, quand il tombait, il tombait, dégringolait même, s'écrasait contre le sol avec une violence qui manquait de peu de lui briser les os.

Et, tandis qu'il croisait les yeux de Changbin, il ne chercha même pas à se retenir ; il chuta, corps, cœur et âme.

Il était déjà trop tard depuis longtemps de toute façon, à quoi bon continuer de faire semblant ?

À l'aide de leurs mains liées, il l'entraîna à sa suite à travers l'appartement, une pluie de gloussements les suivant à la trace. Arrivés à destination, il ne perdit pas une seconde pour tirer les rideaux et allumer la petite lampe à côté de son lit. Elle n'éclairait pas beaucoup, bien souvent elle n'était même pas suffisante pour lui permettre de relire ses cours de son écriture en pattes de mouche, mais, ici et maintenant, elle était on ne peut plus correcte pour laisser ses yeux apprécier les traits détendus de Changbin.

Il espérait qu'elle serait également correcte pour le laisser observer autre chose que son visage. Et le plus tôt serait le mieux. La tenue du plus âgé avait beau être d'un goût irréprochable, Jisung ne rêvait que de la lui retirer pour admirer ce qu'il cachait dessous et qui, il en était certain, valait le coup d'œil.

Changbin, en revanche, semblait avoir un autre plan en tête.

Ou, du moins, le même plan que Jisung ; à savoir préférer déshabiller l'autre plutôt que lui-même. Aussi, Jisung se retrouva rapidement torse nu, son crop top disparaissant de sa vue en même temps que Changbin tandis qu'il s'agenouillait pour déposer un long baiser sous son nombril, ses doigts dessinant une seconde le tatouage qui s'étendait le long de ses côtes avant de s'activer sur son pantalon. Il aurait aimé pouvoir dire que la perte de ce dernier le fit se sentir moins à l'étroit, mais son désir ne paraissant connaître aucune limite ce soir, son sexe avait continué de se gorger de sang durant leurs baisers et ce malgré leur brève interruption et le trajet jusqu'à la chambre. Si jamais, il n'en fut que plus douloureux alors que les yeux de Changbin se relevaient vers lui, son nez et sa bouche si désespérément près de son érection qui déformait son boxer de manière presque comique. 

Battant des paupières, il réalisa qu'il attendait son autorisation pour lui retirer le dernier morceau de vêtement qu'il lui restait et il ignorait dans quel monde il le lui aurait refusé alors que c'était précisément tout ce qu'il voulait, mais il se força à acquiescer, sa gorge nouée l'empêchant d'articuler même un simple oui.

Changbin se lécha les lèvres tandis que le sexe de Jisung entrait en contact avec l'air, étrangement frais, de la chambre. Il ne sut si c'était ce courant d'air ou les yeux brûlants qui ne le lâchaient pas d'un cil qui lui tira un couinement, le son minuscule et pitoyable, mais suffisant pour tirer Changbin de sa contemplation et relever son regard une nouvelle fois.

« Tu es magnifique, Jisung-ah. »

Ce dernier vira au rouge cramoisi. Aucun autre mot, aussi cru et vulgaire soit-il, n'aurait pu déclencher une telle brûlure sur ses joues et sur son torse. C'était comme si Changbin connaissait précisément le moyen de réduire sa raison en une flaque incohérente sur le sol.

Et qu'il était bien décidé à l'utiliser sans se priver.

Cette fois, quand il se redressa sur ses jambes et reprit la bouche de Jisung en un baiser aussi lent qu'effréné, il enroula un de ses bras autour de sa taille, le plaquant tout contre son corps encore intégralement vêtu, la différence entre la chaleur de sa peau qu'il sentait à travers ses vêtements et le froid métallique du harnais de bijoux autour de son torse lui tirant un halètement dont Changbin profita pour glisser sa langue entre ses lèvres, son autre main retrouvant le chemin de sa nuque, ses doigts s'enroulant autour de ses petites mèches de cheveux à la base de son cou.

Jisung se sentit fondre entre ses bras, devenir un tas de gelée que Changbin pouvait manier à sa guise, ses propres mains peinant à décider où s'accrocher, tantôt à son cou, tantôt à ses épaules, tantôt à ses bras, dont il distinguait les muscles s'activer sous ses doigts et l'envie de le déshabiller revint, plus forte que jamais. Irrépressible. Écrasante.

Avec une brusque inspiration, il se sépara de Changbin, son souffle en désordre et son cœur au bord des lèvres, et fit de son mieux pour éclaircir sa vision, chasser le brouillard qui l'empêchait de le voir correctement.

« À toi, décida-t-il en un semblant d'ordre, ses mains tombant sur la ceinture du pantalon du plus âgé pour en tirer le sous-pull, avant de se mettre à répéter ces deux mots, comme si cette simple répétition pouvait convaincre Changbin plus vite, le faire réagir plus vite. À toi, à toi, à toi...

— Patience, Sungie, ricana l'autre en attrapant ses poignets, déposant un baiser à l'intérieur de chacun d'eux. Je te donnerai tout ce que tu veux, tu n'as qu'à demander.

— Je veux te voir, réclama-t-il aussitôt, comme s'il n'avait pas été suffisamment clair auparavant. S'il te plaît, Changbin-ah. »

Pour toute réponse cette fois, ce dernier acquiesça, embrassant une dernière fois sa bouche avant de reculer d'un pas et de commencer à retirer ses vêtements un à un. Son pantalon fut le premier et Jisung ne put s'empêcher de noter les muscles de ses mollets et de ses cuisses tandis qu'il basculait d'une jambe à l'autre pour s'en débarrasser, puis marchait vers son bureau pour l'y déposer. Il fit de son mieux pour ne pas regarder ses fesses, mais échoua lamentablement. Il retira ensuite le harnais étincelant, prenant garde à ne pas le briser ou l'emmêler alors qu'il le reposait par-dessus son pantalon.

Enfin vint le tour du sous-pull et, presque malgré lui, le souffle de Jisung se coinça dans sa poitrine. Il avait déjà eu un vague aperçu de ce qu'il cachait dessous en le serrant sur la moto, la façon dont il était évident qu'il passait des heures infinies à se muscler à la salle et à entretenir ce corps que le plus jeune était sur le point de découvrir dans toute sa splendeur pour la première fois. Sans compter que le pull, dont il attrapait les bords pour le soulever au-dessus de sa tête, ne faisait absolument rien pour dissimuler quoi que ce soit.

Pourtant, malgré tout ce qu'il avait pu imaginer, rien n'avait pu le préparer à ça.

La première pensée qui lui traversa l'esprit était à quel point il était honteux de couvrir un corps pareil sous des couches de vêtements. À quel point il était honteux de ne pas en faire profiter le monde entier, de construire des statues à sa gloire, des autels pour y apporter des offrandes. Avec une silhouette de dieu comme la sienne, c'était on ne peut plus approprié.

Si cela avait été physiquement possible, la mâchoire de Jisung se serait retrouvée sur le sol aux pieds de Changbin, qui se détourna pour jeter le pull sur le coin du bureau avec un sourire en coin.

Et, cette fois, rien n'aurait pu retenir le glapissement que Jisung laissa échapper.

Dans son dos, au milieu de tous les muscles qui remuaient sous la peau baignée de lumière, un dragon gravé à l'encre noir semblait onduler entre ses omoplates, sa longue queue plongeant le long de sa colonne vertébrale pour s'arrêter pile entre les deux fossettes sur ses reins. 

Jisung était donc bel et bien mort et était désormais arrivé au Paradis.

Ou peut-être bien en Enfer. Il n'était plus sûr de rien à présent.

À part qu'il comptait bien en profiter ; damné pour damné, il n'avait plus rien à perdre, tout à gagner.

Par-dessus son épaule, Changbin lui adressa un regard à la fois inquiet et surpris, ne s'attendant probablement pas à ce que son tatouage – et le reste de son anatomie – déclenche une réaction si dramatique chez le plus jeune. Il lui restait pourtant toujours un vêtement qu'il n'avait pas encore retiré. Jisung s'en rendit compte lorsque Changbin se pencha légèrement et fit glisser son boxer le long de ses jambes.

« Oh mon dieu... »

C'était trop. Il allait mourir. Une deuxième fois. Ou troisième, il n'arrivait même plus à tenir le compte de ses propres morts.

« Ça va, Jisung-ah ? » 

Par il ne savait quel miracle, Changbin était revenu à sa hauteur et, quand bien même ils faisaient la même taille, Jisung ne put s'empêcher de se sentir incroyablement petit face à lui.

Petit, mais pas vulnérable, pas effrayé, pas comme cela avait pu être le cas autrefois, face à quelqu'un d'autre, quelqu'un qui n'avait pas eu le quart de la puissance de Changbin, mais dont la poigne avait malgré tout était suffisante pour le réduire au silence, à une immobilité dont il avait bien failli ne jamais se tirer.

Quand Changbin tenait ses hanches entre ses mains ou le serrait entre ses bras, il n'avait pas peur. Au contraire. Il ne voulait plus qu'une chose ; rester là.

Une main sur sa joue le tira de ses pensées et il se mit à cligner des yeux pour chasser les mauvais souvenirs.

« Jisung ?

— Mh ?

— Est-ce que ça va ? On n'est pas obligé d'aller plus loin si tu–

— Non ! s'exclama-t-il, beaucoup trop fort dans l'appartement entièrement plongé dans le calme. Je veux dire, si... Si, je veux aller plus loin. 

— Tu es sûr ? insista Changbin malgré tout et, si Jisung n'avait pas été aussi dur que de la pierre, il se serait sûrement attendri de la savoir si attentif ; sauf qu'il était aussi dur que de la pierre et qu'il n'était pas certain de le supporter une minute de plus.

— Absolument certain. Tu veux que je te signe une décharge ?

— Ça ira, pouffa le plus âgé en portant de nouveau ses mains sur la taille de Jisung et en s'approchant pour l'embrasser. »

Jisung ne se fit pas prier pour lui répondre, emmêlant aussitôt sa langue à la sienne et ajoutant un soupçon de morsure sur sa lèvre quand Changbin tenta encore une fois de prendre le dessus sur leur échange. Déjà qu'il ne faisait physiquement pas le poids face à lui, il pouvait au moins lui accorder cette minuscule victoire.

Ou pas.

La bataille était lancée, mais Jisung n'avait qu'un objectif en tête tandis qu'il agrippait les biceps du plus âgé entre ses doigts curieux. Il les massa sans la moindre subtilité, testant la solidité des muscles, la douceur de la peau, la force évidente qu'ils renfermaient et que le plus jeune rêvait de voir mise à l'œuvre. Lentement, il atteignit ses épaules, qui n'avaient rien à envier à ses bras et où il s'attarda tout aussi longtemps, le bout de ses doigts s'enfonçant dans la chair tendre en même temps que ses dents s'enfonçaient dans la lèvre de Changbin, les deux mouvements combinés lui soutirant un gémissement que Jisung était trop heureux d'avaler comme s'il s'agissait d'un vin raffiné.

En manque d'oxygène, ils se séparèrent mais ne s'éloignèrent pas, le regard noir de Changbin buvant le visage de Jisung, comme s'il essayait d'en mémoriser chaque infime détail.

Le regard de Jisung, quant à lui, dévia à l'endroit où ses mains continuaient de l'agripper, semblable à un insecte indéniablement attiré par la plus jolie flamme qu'il n'avait jamais croisée. 

Le rire, à peine audible, de Changbin fut le seul avertissement qu'il obtint avant de sentir le sol disparaître sous ses pieds, deux bras puissants le maintenant et le soulevant de terre pour le plaquer contre un torse ferme et chaud. Par réflexe, il enroula bras et jambes autour de lui, retenant de justesse le couinement qui avait failli lui échapper.

« Tu aimes ce que tu vois, Jisungie ? lui demanda-t-il, sa voix grave tout contre son oreille envoyant une décharge électrique dans son corps et particulièrement entre ses cuisses, où il était on ne peut plus conscient que son sexe était coincé contre le ventre de Changbin, le moindre mouvement de l'un ou l'autre encourageant la friction entre leur peau et lui faisant perdre une partie de sa raison.

— T'as pas idée, haleta-t-il, s'accrochant plus fort et plantant ses dents dans l'épaule de Changbin. »

Il ne s'aperçut que ce dernier se déplaçait que lorsque son dos rencontra l'un des murs de sa chambre, le plus proche de sa petite lampe de chevet, ce qui lui assura d'avoir une vue imprenable sur le spectacle qui s'apprêtait à débuter sous ses yeux.

À cette seule pensée, Jisung arqua le dos, pressa ses cuisses autour des hanches de Changbin dans l'espoir de le rapprocher encoreun peu plus, quand bien même il n'y avait plus le moindre espace à combler entre eux.

Changbin obtempéra néanmoins, avançant d'un pas et bloquant définitivement Jisung entre le mur froid et son corps brûlant, tous deux aussi solides l'un que l'autre.

« Tu veux rester comme ça ? interrogea le plus âgé devant l'enthousiasme évident de Jisung.

— On... peut ?

— On peut faire tout ce que tu veux, bébé. »

Le surnom lui tordit les entrailles de plaisir et ce fut à son tour de plonger sur la bouche de Changbin pour réclamer un baiser sans pitié qui les laissa tous deux pantelants et désorientés.

D'autant plus lorsqu'une des mains du plus âgé se fraya un chemin entre leur torse pour s'emparer de l'érection négligée de Jisung, lui accordant enfin toute l'attention qu'il désespérait d'obtenir.

Une vague de chaleur déferla dans ses veines à l'instant où ses doigts s'enroulèrent autour de lui, un gémissement déchirant sa gorge alors que l'arrière de son crâne s'écrasait sur le mur. Comment une simple caresse pouvait lui vriller le cerveau à ce point ? Le pousser tout au bord du précipice en lui promettant une chute inoubliable ?

Même s'il l'avait voulu, il aurait été incapable de répondre à ces questions, l'intégralité de son sang désormais concentrée dans la région sud de son corps, où la main de Changbin s'activait langoureusement, l'anneau de son poing fermé pressant la tête de son sexe à chaque fois et, à chaque fois, Jisung émit un petit bruit dans le fond de sa gorge qui le faisait ressembler à un animal blessé. 

Changbin accéléra, mais sans se précipiter pour autant, laissant le raz-de-marée grossir dans le ventre de Jisung, grandir jusqu'à être sur le point de déborder.

Et alors il asséna le dernier clou dans son cercueil.

« Tu vas venir pour moi, Jisungie ? Me montrer combien tu aimes ce que je te fais ? Bon sang, j'ai eu envie de toi dès l'instant où je t'ai vu, quand tu m'as ouvert la porte. Toi aussi, n'est-ce pas ? La façon dont tu m'as regardé... j'ai pas cessé d'y penser une seule seconde depuis. »

Jisung implosa, une longue plainte résonnant dans l'air immobile autour d'eux tandis qu'il recouvrait son ventre et les doigts de Changbin de longues lignes d'un liquide blanchâtre et chaud. Quelques gouttes échouèrent même un peu plus haut sur son torse, contrastant à merveille avec la couleur de miel de sa peau et le noir de l'encre de son tatouage.

Il ne se souvenait pas de la dernière fois qu'il avait joui avec autant de force. Probablement jamais. Certainement pas avec une simple main sur sa queue et rien d'autre.

Aussi douce et parfaite et habile cette main soit-elle.

Sans le relâcher, sans même lui laisser le temps de reprendre son souffle, la bouche de Changbin fut sur la sienne en un clin d'œil, leurs dents s'entrechoquant avec la force de l'impact. C'était désordonné, davantage un échange de salive et un mélange de langues plutôt qu'un réel baiser.

Pourtant, malgré un orgasme qui lui avait subtilisé jusqu'au dernier gramme d'oxygène dans ses poumons, Jisung se surprit à en vouloir toujours plus, à s'arquer contre le mur pour tenter de se frotter contre Changbin.

Il n'y parvint pas réellement, mais il réussit à se décaler suffisamment pour le sentir contre ses fesses, dur et rigide et incandescent, et probablement aussi douloureux que Jisung l'avait été un instant plus tôt. Il n'avait pu en discerner qu'un bref aperçu tout à l'heure, quand il s'était déshabillé, trop obnubilé par le reste de son corps, mais il n'en avait pas eu besoin de plus pour savoir qu'il était hors de question que cette nuit s'arrête avant qu'il ait pu l'avoir.

Avant qu'il ait pu sentir la douce brûlure de l'accueillir en lui.

Et il était prêt à tout pour parvenir à ses fins.

« Changbin-hyung... s'il te plaît..., quémanda-t-il tout contre sa bouche entrouverte, la langue de ce dernier refusant de se séparer de la sienne. Binnie... mmmmh...

— Jisungie..., répondit-il, la voix dangereusement basse à présent, au moins deux octaves plus grave et plus rauque qu'à l'accoutumée. Tu es parfait.

— Binnie, réitéra-t-il encore, à la fois pour essayer de lui faire comprendre mais surtout parce qu'il ne savait plus comment prononcer le moindre mot qui n'était pas son prénom. Bin-ah... j'ai besoin de... mmmh...

— De quoi, bébé ? Dis-moi et je te le donnerai.

— Toi. Toi, Binnie, s'il te plaît. »

Et cela suffit à capturer son attention.

Lentement, Jisung vit son regard tomber à l'endroit où le sperme tiède commençait déjà à se coller à leur peau, ce qui n'aurait pas manqué de le dégoûter s'il n'avait pas eu la tête remplie d'images bien plus attrayantes que celle à laquelle il ne pouvait de toute façon échapper.

L'une de ces images consistant précisément à utiliser sa semence à bon escient sur ces doigts qui pourraient être autre part qu'autour de son sexe ramollissant doucement dans le creux de sa paume.

« Jisung-ah... »

Le ton de sa voix laissait présager que, visiblement, il ne partageait pas les mêmes visions mentales que Jisung.

Ou que, justement, il les partageait on ne peut mieux mais n'embrassait pas son emballement à l'idée d'utiliser son sperme plutôt que, par exemple, du lubrifiant.

Sauf que Jisung, en plus de ne pas posséder de lubrifiant dans son appartement, n'avait aucune intention de s'arrêter en si bon chemin alors qu'ils avaient ce qui se rapprochait le plus du parfait substitut à portée de main. Littéralement.

« Changbinnie, geignit-il de sa voix aiguë. S'il te plaît...  j'en ai vraiment envie... »

Et, à sa façon de soupirer, il sut qu'il avait gagné.

« D'accord, mais tu as intérêt à me le dire immédiatement si tu as mal.

— Promis, je te le jure, acquiesça-t-il, son cœur s'accélérant d'anticipation. » 

Relâchant finalement son sexe encore à demi-intéressé par ce qui se passait, Changbin avisa ses doigts, puis le torse de Jisung et décida de récupérer le sperme étalé sur sa peau couverte d'une fine couche de sueur. 

Ce geste, aussi simple que légèrement obscène, le fit se mordre la lèvre, retenant à la fois ses gémissements que son envie de le presser. Pour une fois dans sa vie, il prit son mal en patience, assuré de toute façon d'obtenir ce qu'il désirait ardemment dans les prochaines minutes.

Et Changbin, Dieu merci, ne perdit pas de temps inutile, contourna le bassin de Jisung pour frôler l'arrondi de sa fesse, tandis qu'il agrippait l'autre de son autre main et que son sexe fièrement dressé n'était pas loin de l'endroit où il appuya doucement le bout de ses doigts.

Entre ses bras, Jisung haleta. De surprise. D'envie. De désespoir.

« Changbin-ah...

— Patience, Sung... tu l'as voulu, tu vas l'avoir, mais pas tout de suite. »

Pourtant, comme pour contredire ses propres mots, il appuya avec un peu plus d'insistance son majeur, qui ne rencontra presque aucune résistance et glissa doucement en Jisung, aidé par l'impatience qui bouillonnait dans ses veines et le sperme en quantité plus que raisonnable.

Encore une fois, il lui fallut déployer des efforts presque surhumains pour ne pas gigoter et en réclamer un deuxième tout de suite.

C'était bon, indéniablement, mais bien loin d'être suffisant pour au moins apaiser l'envie qui recommençait à enfler dans son ventre.

Heureusement, il n'eut pas à attendre très longtemps avant de sentir l'index s'ajouter aux mouvements de va-et-vient de Changbin, la pression se faisant ressentir doucement dans son bas-ventre, pas assez cependant pour être douloureuse. 

Pas tout à fait assez non plus pour le satisfaire.

Presque malgré lui, il commença à remuer son bassin, facilitant le passage pour les doigts de Changbin et, ainsi, les acceptant rien qu'un peu plus profondément en lui, son majeur rencontrant plus ou moins volontairement cette minuscule zone qui fit exploser une pluie d'étoiles sur sa rétine.

« Changbin-ah ! couina-t-il, se cambrant et plantant ses ongles dans les épaules du plus âgé. 

— Sungie ? s'inquiéta l'autre, sans doute indécis face à ce cri qui pouvait tout aussi bien être de la douleur que du plaisir ; et Jisung avait besoin d'être on ne peut plus clair pour lui, pour le rassurer, et ainsi l'encourager à ne surtout pas s'arrêter.

— Encore, s'il te plaît... encore, Binnie...

— Tu veux venir encore une fois pour moi, Jisungie ? »

Et il aurait pu tout à fait venir comme ça, en effet, juste à l'entente de sa voix, mais il ferma les yeux très fort et essaya de penser à autre chose que les doigts de Changbin qui s'assurèrent de trouver sa prostate encore et encore et encore tandis que son poignet s'accélérait contre ses fesses.

« Pas comme ça, parvint-il à articuler en secouant doucement la tête. Pas comme ça, Binnie, s'il te plaît... pas... pas avec tes doigts... mmh...

— Jisung...

— Binnie... je peux... je peux y arriver... s'il te plaît, s'il te plaît... »

Peut-être que ses implorations étaient-elles suffisamment convaincantes ou peut-être, pauvre de lui, que Changbin avait-il l'immense défaut (ou qualité, du point de vue de Jisung) de ne pas savoir lui refuser quoi que ce soit.

Toujours est-il que, avec un soupir et ce qui ressemblait à s'y méprendre à un grondement, Changbin retira ses doigts, raffermit sa prise sur ses hanches, le relevant légèrement contre le mur, et enfin, enfin, Jisung sentit la tête de son sexe effleurer son intimité.

Il aurait sûrement pu en pleurer.

Et il chouina quelque peu quand les premiers centimètres remplacèrent les deux doigts désormais agrippés à sa peau comme si Jisung était susceptible de disparaître d'un instant à l'autre. Quand la pression s'intensifia et que la brûlure s'étendit entre ses entrailles pour lui faire de la place. 

Changbin se nichait parfaitement en lui, comme si le corps de Jisung avait été conçu dans l'unique but d'accueillir celui de Changbin.

Il ne put que soupirer de satisfaction quand, la gravité aidant, il réussit à prendre le sexe de Changbin jusqu'au dernier millimètre. L'exercice aurait sans doute, certainement, été plus facile s'ils avaient eu autre chose que son propre sperme pour le préparer, mais, en l'état actuel des choses, Jisung trouva que ce n'était pas si mal. 

C'était même parfait.

Avec davantage de lubrifiant, il n'aurait pas été en mesure de le sentir comme il le sentait en cet instant, de le sentir dans ses moindres détails, dans chaque recoin qu'il occupait et qu'il s'accaparait comme s'il lui appartenait, comme s'il lui avait toujours appartenu.

Et Jisung voulait lui appartenir, voulait lui donner chaque parcelle de son corps, que Changbin y appose sa marque pour que jamais personne n'envisage seulement de poser les yeux sur lui.

« Sungie ? appela ce dernier d'une voix bien trop douce par rapport à ce qu'ils étaient en train de faire et surtout comment ils étaient en train de le faire, par rapport aux idées de possession qui envahissaient l'esprit du plus jeune au point de le faire tanguer. »

Parce que Changbin ne cherchait pas et ne chercherait jamais à le posséder comme un chien en laisse ou un morceau de terrain qu'on avait acheté et qu'on laissait à l'abandon parce qu'on ne savait pas quoi en faire.

Et c'était toute la différence avec son ex. Toute la différence avec ce que Jisung avait cru être de l'amour et qui n'en était pas, qui n'en avait jamais été. 

C'était ce qui rendait Changbin si spécial, si unique. Et c'était ce qui avait fait tomber Jisung tête la première entre ses bras.

Il ne chercherait pas à le posséder parce qu'il s'arrangerait pour trouver un moyen de le garder à ses côtés de son plein gré. Il le rendrait suffisamment accro à ses regards et à ses baisers et à ses étreintes que Jisung ne songerait même jamais à se détourner. Comme un petit animal, il se coucherait sur ses genoux et se mettrait à ronronner sous ses caresses. Aucun autre endroit sur Terre ne lui paraîtrait plus confortable que la place qu'il s'était créée contre Changbin.

Et, d'une certaine manière, c'était déjà un peu le cas.

« Binnie, couina-t-il en réponse, ses bras s'enroulant plus fermement autour de sa nuque, ses cuisses se resserrant encore un peu plus autour de ses hanches et ses talons trouvant l'arrière de ses genoux. Bouge, s'il te plaît... tu peux... tu peux bouger maintenant...

— Tu es sûr ? »

Une fois de plus, Jisung ne put que le remercier intérieurement de s'inquiéter à ce point de son bien-être et de son confort, et il se fit une note mentale pour plus tard de réellement le remercier, lui dire combien cela comptait pour lui et combien cela lui redonna l'impression d'être un être humain plutôt qu'un vulgaire morceau de viande qu'on jette dans son lit pour l'engloutir d'une seule traite.

Il voulait lui expliquer. 

Mais, à cet instant, c'était tout autre chose qu'il voulait.

Il voulait que Changbin cesse de lui poser des questions et de le regarder avec cet air adorablement inquiet qui lui donnait envie d'attraper son visage pour le couvrir de baisers et de lui dire des mots qu'il était bien trop tôt pour prononcer.

Alors il l'embrassa, puisque aucune promesse n'aurait pu être plus claire que ce baiser qui n'avait absolument rien de tendre ou de chaste ou de mesuré. Ce baiser que Jisung fit grimper en intensité à l'instant où sa bouche ouverte rencontra celle de Changbin. Ce baiser qui était davantage un affrontement de langues et de lèvres et de dents tandis que Changbin, une fois sa surprise passée, s'empressa de le lui rendre avec tout autant de fougue, tout autant d'ardeur, tout autant de désespoir.

Et, au milieu de ce baiser, les hanches de Changbin commencèrent à bouger. De manière presque infime, se reculant à peine, mais Jisung le sentit tout aussi distinctement que la légère morsure sur sa lèvre inférieure. Surtout, il sentit quand elles s'avancèrent de nouveau et qu'il replongea en lui jusqu'à la garde. Sentit toute la sublime perdition qui le guettait du coin de ses yeux suaves.

Sentit que l'orgasme que Changbin venait de lui donner juste avec sa main et qui avait déjà chamboulé l'axe de son monde ne serait rien en comparaison de celui qui se dessinait à l'horizon. 

Le problème de leur position néanmoins, et du fait qu'ils refusaient d'interrompre leur baiser plus d'une seconde pour reprendre leur souffle, se fit rapidement connaître quand il leur apparut que Changbin ne pouvait pas vraiment se mouvoir comme il le désirait. En tout cas, comme il aurait été nécessaire qu'il se meuve s'ils voulaient tous les deux éviter de terminer leur soirée avec un arrière-goût de frustration.

Aussi, et toujours sans détacher sa bouche de la sienne, le plus âgé banda ses muscles, raffermit sa prise sur les hanches de Jisung et, avec un grognement qui envoya un éclair d'électricité dans le ventre de ce dernier, le décolla du mur. Un glapissement lui échappa en constatant, pas pour la première fois, à quel point Changbin était fort, à quel point il était capable de le soulever et de le manipuler à sa guise sans trop s'essouffler. 

Bien malgré lui, Jisung pensait déjà à une dizaine d'autres scénarios dans lesquels il pourrait se servir de ce petit détail à son avantage.

Ses pensées éclatèrent comme des bulles de savon cependant lorsque son dos rencontra son matelas et que la large silhouette de son aîné se dressa au-dessus de lui, imposante et pourtant infiniment rassurante.

Dans le confort de son lit, et sans le risque de le lâcher désormais, Changbin retrouva une certaine liberté de mouvements que Jisung ne mit pas longtemps à constater quand il obtint enfin ce qu'il avait si désespérément quémandé quelques minutes plus tôt.

Et, bon sang, s'il avait encore eu le moindre doute sur la perfection de cette soirée, à présent, il n'en avait plus aucun.

Changbin faisait l'amour comme il embrassait ; doucement, attentivement, passionnément, profondément. Et Jisung ne put rien faire d'autre que répondre du mieux qu'il pouvait, tenter de suivre le rythme et ne pas y perdre les derniers lambeaux de sa raison qu'il sentait déjà lui filer entre les doigts.

Ces mêmes doigts qui s'accrochaient aux épaules de Changbin comme s'il représentait sa seule ancre au milieu d'un océan déchaîné.

Bientôt, le silence de la chambre se remplit des bruits de claquements de leur peau chaque fois que les hanches de Changbin s'écrasaient contre les fesses de Jisung, des plaintes de plus en plus aiguës du plus jeune qui se rapprochait à chaque seconde un peu plus près du bord du vide et puis des gémissements du plus âgé, plus discrets mais bel et bien présents, se déversant dans la bouche de Jisung comme le plus précieux des nectars.

Bientôt, il devina les signes reconnaissables entre mille parcourir son corps ; son ventre qui se tord, son dos qui se cambre, ses jambes et ses bras qui se bloquent autour du corps de Changbin, l'attirant encore et toujours plus près de lui.

« Moi aussi, commença-t-il alors à marmonner sans réellement prendre la peine de se séparer de la bouche de Changbin, mû seulement par le désir de lui dire. Moi aussi j'ai eu envie de toi à l'instant où j'ai ouvert ma porte et que je t'ai vu sur mon palier... J'ai eu envie de toi quand tu t'es assis sur mon canapé et que tu as commencé à me poser des questions sur ma vie... Plus que tout, j'ai eu envie de toi quand on est sorti avec Chan et Minho et que tu étais appuyé sur ta moto... Tu étais si beau, confia-t-il, la vision si nette sur sa rétine qu'il pouvait encore sentir l'odeur de cuir de son blouson. J'ai eu envie de toi chaque seconde où on était à cette stupide fête. »

À la fin de chacune de ses phrases, Changbin trouva le moyen d'accélérer le rythme et de retrouver cette zone au milieu de ses entrailles qui transforma ses mots en une bouillie incompréhensible. Pourtant, il parvint jusqu'au bout, si proche de s'abandonner qu'il en avait le tournis. 

Si proche, d'ailleurs, qu'il ne lui fallut presque pour rien pour exploser.

Le couinement de Changbin à son oreille sur sa dernière phrase ; le coup de rein minutieusement envoyé ; l'infime frottement de son sexe contre le ventre Changbin ; son odeur de menthe et de bière et de cuir et de transpiration mélangés. 

Et puis, finalement, ce qui eut raison de lui.

Son prénom. Prononcé avec la voix de celui qui priait son dieu. Avec l'intonation de celui qui venait de voir la lumière pour la première fois après des années à errer dans les ténèbres.

Avec la conviction qu'aucun autre prénom n'aurait cet impact, cette douceur sur sa langue.

« Jisung... »

Comme il l'avait prédit, ce second orgasme ne ressembla en rien au premier. Plus fort, plus violent, plus long, il le frappa de plein fouet et l'aveugla l'espace d'une minute. Ou une éternité.

Jisung perdit toute notion du temps et de l'espace, toute notion de son propre corps aussi. Il planait. La seule chose qu'il parvenait encore à discerner au milieu de cette mer de nuages où il se laissait porter, c'était la présence de Changbin autour de lui. Au-dessus de lui.

En lui.

Bercé et rassuré par cet homme qui s'était accaparé tous ses sens et aux mains duquel il était certain d'être en sécurité, Jisung ferma les yeux et écouta les battements de son cœur tenter de se calmer dans sa poitrine.

*

Il ne réalisa qu'il s'était endormi que lorsqu'il se réveilla, apparemment pas si longtemps plus tard, car Changbin était toujours là. Une serviette entre les mains, il n'avait pas pris la peine de se rhabiller tandis qu'il nettoyait sommairement les restes de leurs ébats qui constellaient le torse de Jisung. 

Ses traits s'adoucirent aussitôt lorsqu'il croisa le regard encore embrumé du plus jeune.

« J'étais sur le point d'appeler les pompiers. »

Jisung ricana par le nez. Il se sentait encore à moitié au-dessus des nuages, à la fois extrêmement léger et un peu plus lourd qu'à l'accoutumée alors qu'il devait lutter pour ne pas se rendormir.

Étalé au milieu de son propre lit, il songea qu'il aurait très vite pu s'habituer aux attentions prudentes de Changbin sur son corps repu mais épuisé.

Dans la faible lumière orangée qui baignait la pièce, Jisung remarqua la légère rougeur sur les joues de son aîné et, aidé par les endorphines qui continuaient de virevolter dans son système, il ne put résister à l'envie de le taquiner un peu.

« Parce que tu m'as fait jouir tellement fort que je me suis évanoui ? Je te laisse leur expliquer, Changbin-ah. »

Sa réaction fut immédiate ; le rouge devint cramoisi et s'étendit jusqu'à la pointe de ses oreilles. 

« Jisung-ah !

— Quoi ? C'est vrai. »

Il lui jeta un petit coup d'œil en coin peu convaincu et fit mine de le frapper avec la serviette, qui atterrit mollement au milieu de son ventre. Jisung gloussa doucement.

« Désolé si je t'ai fait peur, s'excusa-t-il malgré tout, parce que, à sa place, il aurait probablement appelé tous les numéros de son répertoire dans les trois secondes si Changbin s'était évanoui juste après qu'ils aient fait l'amour.

— J'ai cru que tu faisais semblant au début, avoua l'autre en se passant une main sur la nuque.

— Tu pourras demander à Minho, je suis plutôt doué pour jouer la comédie, mais vraiment pas à ce point-là. Crois-moi, Changbinnie, tout était absolument vrai.

— C'est bon à savoir, j'imagine... 

— Mhm, approuva Jisung en se redressant et en venant se coller au dos de Changbin, son menton sur son épaule. Si je devais laisser une review, je mettrais 9/10 : rien à dire, parfaitement exceptionnel. Seul bémol, il m'a trop épuisé au premier round pour passer une nuit de folie à baptiser chacun de mes meubles.

— YAAAAAH !! Jisung-ah, ça suffit !! »

Celui-ci éclata de rire, juste avant de se faire attaquer par deux mains sur ses côtes, chatouillant et pinçant sa peau en une succession qui ne lui laissa aucun répit. Son rire vrilla en cri tandis qu'il tentait tant bien que mal d'attraper les poignets de Changbin pour mettre un terme à sa souffrance.

Quelques larmes perlèrent à ses yeux et alors seulement Changbin s'arrêta, non sans déposer une tape sur sa cuisse.

Il était sur le point de se relever quand Jisung agrippa son bras.

« Reste. »

Un sourire étira ses lèvres et, une fois de plus, Jisung constata à quel point il était beau. Pas comme Chan ou Minho, pas une beauté de statue de marbre ou de modèles dans les magazines. Une beauté plus discrète, plus réelle. 

Une beauté qui promettait des petits-déjeuners au lit et des câlins à n'en plus finir sur le canapé et des batailles de mousse dans des bains au milieu de la nuit.

Une beauté qui l'enveloppait dans ses bras de velours et le berçait contre son cœur.

« Je vais juste nous chercher un verre d'eau, Sungie. Je reviens, promit-il en déposant un baiser sur son front. »

Et, fidèle à sa promesse, il revint effectivement moins de deux minutes plus tard, pendant lesquelles Jisung s'était installé sous la couette. Il lui tendit un des verres d'eau tout en avalant le sien. Jisung l'imita avant de le poser sur la table de chevet à côté de lui et de gigoter jusqu'à disparaître presque intégralement sous la couette qui lui arrivait désormais sur le nez.

Changbin lui sourit comme s'il était la chose la plus mignonne que cette Terre n'ait jamais portée.

Avant de se glisser à son côté.

Ce moment était ridiculement domestique. Comme s'ils s'étaient couchés l'un à côté de l'autre toute leur vie, pourtant, il était difficile d'ignorer la soudaine gêne qui rendit leurs mouvements plus précis.

Jisung n'hésita qu'une seconde avant de se rapprocher. Pas suffisamment pour complètement envahir l'espace personnel de Changbin – il se sentait soudain timide malgré tout ce qu'ils venaient de faire –, mais assez pour poser sa joue sur l'arrondi de son épaule, ses grands yeux sombres levés vers lui.

« Tu es plutôt petite ou grande cuillère ? demanda le plus âgé, le naturel de sa question désarmant un instant le plus jeune.

— Euh... tu me laisserais être la grande cuillère ?

— Bien sûr, répondit l'autre avec un haussement d'épaules nonchalant, comme si la logique de son raisonnement était implacable. »

Et, en effet, il se tourna sur le côté, dos à Jisung, qui se fit un plaisir de se coller tout contre lui, une de ses jambes s'emmêlant aux siennes et son bras enveloppant sa taille. 

Dans le creux de sa nuque, il sentait bon le shampoing et Jisung inspira à pleins poumons, assez fort en tout cas pour le chatouiller et recouvrir sa peau de frissons.

Sur son ventre, leurs doigts s'enlacèrent. 

« Bonne nuit, Sungie, marmonna le plus âgé, probablement déjà en train de perdre la bataille face au sommeil.

— Bonne nuit, Changbinnie, répondit-il sur le même ton en resserrant son bras. »

Pour la première fois de sa vie, il s'endormit en étant persuadé que le futur serait bienveillant avec lui.

*

Quelque part dans le courant de la matinée, lorsqu'il se réveillerait au milieu du cocon de chaleur et de confort des bras de Changbin, Jisung attraperait son portable pour découvrir l'avalanche de messages que son meilleur ami lui avait envoyée tout au long de la soirée.

Lentement, un large sourire s'étirerait sur son visage encore endormi.

 

Minho(hohoho)

HAN JISUNG

TU NE DEVINERAS JAMAIS CE QUI VIENT DE M'ARRIVER

CHAN M'A EMBRASSÉ

enfin, je l'ai embrassé 

MAIS IL M'A RENDU LE BAISER

c'est pour ça qu'on était parti

vous êtes où d'ailleurs ?

OH

Channie vient de me dire que Changbin l'avait prévenu de votre départ

apparemment je suis pas le seul à être chanceux ce soir......

t'as intérêt à tout me raconter.

je suis sérieux.

dans les moindres détails, Jisung.

oups

on se verra sûrement au petit-déjeuner :)

(c'est Chan qui invite)

(prévenez avant de monter, j'ai bien l'intention de passer le reste de la nuit à l'épuiser...)

bravo à nous mon Jisung <3

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