Chapter Text
Il fait nuit sur le mont Hida dans la préfecture d’Hiroshima. La communauté de Saijo occupe le fond de la vallée. Mais sur un pan de montagne au-dessus, l’éclairage d’un village rupestre ne représente dans cette grande étendue sauvage qu’un tout petit halo de présence humaine. Il y a cependant encore des lumières d’habitations isolées et disséminées de ci, de là, dans les ténèbres de la nature. Une grosse partie sont des fermes, des étables ou des bergeries. Quant à la minorité, ce sont des refuges de montagne spontanément occupés ou loués à l’avance.
Devant l’un d’eux, un groupe de trois personnes attendent sur le chemin terreux qui monte jusqu’à leur chalet. Momo, Aira et Vamola discutent en faisant les cents pas pour se réchauffer dans le froid nocturne d’automne.
Les jeunes femmes se figent toutes en entendant des bruits de pas sur le sentier caillouteux. Elles distinguent une silhouette massive, juste éclaircie par la lueur de la lune, qui s’approche à leur rencontre. Jusqu’à qu’Aira ne la reconnaisse:
-Zuma!? T’es tout seul? Et à pieds?
-Ben ouais, i’faisait trop froid. J’me suis dépêché de venir! D’ailleurs, on rentre?
-Non, on attend encore Seiko. Elle est descendue en voiture, à la base pour te chercher toi, Jiji et Mémé Turbo.
-On s’est séparé en cours de journée et j’ai voulu marcher un peu. Sinon, on peut pas les attendre dedans? Ce n’est pas prudent de rester la nuit sur les sentiers. i’peut y avoir des trucs dangereux.
-Tu parles de toi là?
-Tooootalement.
-Vas-y si tu veux, mais je te préviens: Okarun fait des recherches sur notre potentiel adversaire. Tu risques de devoir l’aider.
-Oh! Avec moi, il trouvera plus vite.
Unji s’éloigne vers le refuge, pendant qu’Aira se moque de son audace.
- «Des trucs dangereux» comme si Môsieur n’était pas remonté tout seul, dans le noir, au milieu de la pampa!
-C’est plutôt Jiji que j’aurais vu faire ça d’ailleurs.
*
Dans le salon du refuge, Ken est assis à la table basse. La pièce a le même agencement que celle de la résidence des Ayase. La seule différence est qu’au lieu de tatamis au sol, le parquet est nu et que ses fesses reposent sur un coussin.
-Alors ces recherches, ça avance?
-Zuma? Où sont les autres?
-Ils poireautent dehors. Qu’est-ce que t’as trouvé comme infos?
-Beaucoup et à la fois pas grand-chose. Ce sont toujours les mêmes informations qui circulent. J’attends que tout le monde soit là pour expliquer.
-Fais-le maintenant pour t’entraîner, que l’on voie si t’as pas omis des trucs.
-Ah...bon ok.
Ken se tourne sur la table où gisent ses recherches.
-Donc, pour le côté cryptozoologique: cette créature qu’on surnomme Hibagon a été plusieurs fois aperçu dans cette région au cours de la décennie 70. Il est décrit comme un gros singe bipède, semblable à un gorille, avec un pelage noir, un faciès foncé avec des yeux de braise et les mains et pieds blanchâtres. Naturellement, il a du coup été lié aux autres cryptides simiesques du type Sasquatch, Big-Foot ou encore Yéti.
Du côté d’Unji, il rentre après avoir tapé vigoureusement ses chaussures contre le sol pour les décrasser et se tourne pour bien fermer la porte-fenêtre devant lui.
-Et du côté surnaturel?
Discrètement, il crochète les verrous en haut et en bas. Là, il sort un talisman papier de l’intérieur de sa veste, qu’il colle juste au dessus du mécanisme.
-Et bien, selon les indications de Mémé Turbo, il s’agirait d’un yokai maléfique du type Satori, Sarugami et/ou Omoi. Aucun des trois n’est une bonne perspective…
Pendant que Ken fait son rapport, Unji rentre dans le salon en enlevant sa veste.
-Ça dépend, pour moi, ça sonne amusant!
Il passe derrière le noiraud pour aller la poser dans un coin. Toutefois, il capte une odeur et se met à renifler à répétition pour trouver son origine.
-Pour simplifier, je propose qu’on se réfère à cette créature comme un Satori, vu que ce yokai-ci englobe assez les deux autres et l’Hibagon dans sa description. Alors déjà, le Satori n’est pas un yokai unique. C’était en fait tout un peuple de singes surnaturels, qui étaient autrefois vénérés, quand les humains dépendaient à 100% de leur propre agriculture maison. Ils étaient alors vus comme des esprits protecteurs des permacultur-EH?! Qu’est-ce que tu fais?
Unji a fait un pas de côté vers Ken et s’est penché pour sentir ses cheveux ébouriffés. Ken s’est dérobé sous le reniflement persistant et scrute avec confusion son camarade encore penché sur lui dans son dos.
-Oh pardon! Tu as changé de savon, n’est-ce pas? Il est à la pêche celui-là, hein?
-Euh...non, je n’ai pas changé. Et oui, il est à la pêche…
Une légère rougeur apparaît sur ses joues, car le choix du fruit n’avait pas été au hasard. (1)
-Hum! C’est vraiment bon. Pardon, continue je te prie.
Ken se retourne vers la table avec un air dubitatif, tandis qu’Unji avance vers le coin.
-Je disais donc...quand l’agriculture maison fût remplacée par l’agriculture industrielle avec ces monocultures, ces divinités furent très vite abandonnées. Car en dehors des religions, les singes étaient considérés comme des nuisibles à l’économie agricole. Privés du partage des biens, les Satori devinrent encore plus retors et furent déchus de divinités à démons.
-Comme tant d’autres...
Ken étant concentré sur son rapport, il ne voit donc pas Unji fermer les portes de la cuisine.
-Leur nom «Satori» pourrait se traduire par «l’illumination», «la conscience» ou plus simplement «la pensée», ce qui résume mieux leur principal pouvoir. Ces créatures sont capables de lire dans les pensées de leurs victimes. Malheureusement, cela comprend les humains. Battre cette espèce est difficile, car elle n’a du coup qu’un seul point faible: l’imprévu!
Unji change de paroi et ferme silencieusement les portes coulissantes donnant sur le vestibule et les escaliers, juste derrière son camarade assis.
-L’imprévu?
-Puisqu’elle lit tout ce qu’on pense, rien de ce qu’on fait ou prévoit de faire ne lui échappe. Du coup, c’est un peu par hasard qu’il faut la battre. Tout ce qu’on peut faire nous, si on se trouve en face, c’est faire le vide dans notre esprit et tenter des trucs en espérant que, par effet boule de neige, ça lui retombe dessus.
-La battre sans y penser...ça va être coton, ça!
Il ferme en dernier les parois mobiles par lesquelles il est rentré dans le salon.
-Au passage, pour revenir à la cryptozoologie, il est plus que probablement que ces fameux Satoris appartiennent à une espèce animale que l’on trouve ou trouvait partout dans le monde, d’où le nombre de cryptides simiesques.
-Ce serait des survivants?
-Oui, en Asie du Sud-Est, il y avait par exemple les Gigantopithèques. D’énormes gros singes qui ont disparu. C’est une des hypothèses concernant les «abominables hommes des neiges».
Unji s’assoit enfin à côté de lui avec un gros soupir. Très près de lui, ses jambes écartées en tailleur touchent celles de Ken, qui se recule un peu sans lever le nez de ses notes.
-Je déteste ce nom. On dirait le titre d’un vieux film yankee des années 30.
-T’es pas loin: c’était le surnom donné au Yéti durant les années 1920 par la presse européenne.
-Hm! Putains d’yeux bleus. Ils n’ont jamais rien compris d’autre que le sabre. Ils détruisent tout.
Ken hausse un sourcil à la remarque et jette un bref coup d’œil de coin à son compagnon. Il ne le savait pas si xénophobe. Mal à l’aise sur les sujets politiques, il préfère se concentrer rapidement sur ses devoirs.
-Rien d’autres?
-Non. Encore une fois, les informations se répètent en boucle.
Unji le contemple nonchalamment un instant. Puis tout lentement, il se penche sur lui au niveau de la gorge et respire doucement son odeur. Ken reste le visage tourné vers sa paperasse, mais se penche à l’opposé très mal à l’aise. Tellement qu’il réussit à le confronter.
-Tu peux arrêter ça, stp, c’est gênant.
-Sois honoré plutôt. Ce parfum te va vraiment bien.
Il passe avec volupté son index sur l’artère.
-Et tu as la peau qui va avec. J’en ai l’eau à la bouche.
Ken sursaute au contact un peu trop tendancieux. Il scrute avec gêne Unji, mais remarque alors enfin qu’un truc a changé dans la pièce. Il se tourne vers la cuisine, puis derrière lui.
-Zuma...pourquoi t’as fermé les portes?
-Pour avoir plus d’intimité.
Le corps de Ken se tend, tandis que son regard revient sur son comparse.
-De l’intimité?
-Tu as omis quelque chose dans ton résumé...
Unji lui saisit la tête pour le maintenir en place quand il approche sa bouche de son oreille pour chuchoter:
-Nous montons nos proies avant de les dévorer.
Les pupilles de Ken se rétrécissent alors que son sang chute dans son corps sous une sensation glaçante. La main qui le tient lui permet de tourner le visage vers celui de son ami, qui l’observe avec un large sourire aux dents beaucoup trop grandes et des yeux affamés à l’iris orange et au scélortique noir.
-Ça attendrit naturellement la viande.
Ken amorce immédiatement un mouvement de recul, avant que le faux-Zuma ne lui saute dessus.
*
Les phares d’un monospace approchent. Le véhicules est secoué par les nids-de-poules et ses roues écrasent les graviers du sentier dans des petits bruits secs. Il freine devant le trio féminin et les passagers descendent sans attendre l’extinction du moteur et des lumières.
Vamola salue les nouveaux arrivants avec énergie tandis que Seiko descend du siège conducteur.
-Nous voilà!
-COUCOU SEIKO! JIJI! MÉM...HÉ?! Zuma?
Les arrivants se figent devant l’air soudain confus du trio qui les accueille.
-Hm? Ben quoi? Qu’est-ce qu’il y a?
-Mais Zuma...tu…
Les trois copines échangent un regard confus puis horrifié. Momo se précipite vers la maison. Aira et Vamola plus tardivement sur ses talons.
-OKARUN!!!
Les nouveaux observent sans comprendre la précipitation. Seiko crie à l’égard d’Aira et Vamola.
-Qu’est-ce qui se passe?
-On a été dupé!
Mémé Turbo, réfugiée du froid dans la capuche d’Unji, renifle frénétiquement l’air et crie agressivement vers sa consœur.
-SEIKO: LE YOKAI EST ICI!
Seiko et les garçons courent alors vers la maison également.
-OKARUN!!
Momo arrive aux portes, qu’elle tente d’ouvrir, mais celles-ci ne bougent pas, verrouillées. La jeune femme claque sa langue de rage et déploie ses bras psychiques pour défoncer les parois. Ses bras fantômes reçoivent une décharge à leur contact et elle recule sous le choc. Elle n’abandonne pas et frappe les surfaces de ses poings physiques.
-MERDE! OKARUN! SORS D’ICI! CE N’EST PAS ZUMA!
Quand elle arrive en courant à sa hauteur sur le côté du bâtiment, Seiko lui crie:
-MOMO: LA PORTE ARRIÈRE!
Trop tard, la médium a à peine fait le tour de la maison que la dite porte vole en éclat et qu’une silhouette massive s’en échappe. Elle a le visage d’Unji et Ken inconscient sur son épaule.
Les jeunes aperçoivent aussi le duo et, sans chercher à comprendre, se transforment pour tenter de les rattraper.
Le faux-Zuma saute rapidement pour s'agripper aux branches des arbres et s’y balancer.
Mauvais-Jin le poursuit à pieds dans la forêt, tandis que l’Acrobate Soyeuse harpe également les branches et s’élance entre les troncs en le suivant, alors qu’Umji survole la cime des arbres en étant accroché à ses parapluies volants. (2)
Malheureusement, le trio perd très vite la vue et la trace de l’ennemi emportant leur ami. En premier, Jin ne peut plus le rattraper depuis le sol. En second, Aira est loin d’avoir une vision nocturne équivalente à celle du yokai. Elle ne le suit qu’un moment avant d’être distancée. Le dernier dans la course est Umji qui poursuit ses mouvements dans les airs. La balancement brusque des branches et surtout le bruit sec des feuillages lui donne sa localisation dans cette masse végétale noire. Jusqu’à que son image miroir «entend» son erreur et se jette au sol pour continuer à quatre pattes, semant ainsi son dernier poursuivant.
Derrière eux, Momo, Seiko et Vamola n’ont pu suivre la course surnaturelle qui s’enfonçait dans les bois noirs de la nuit. La grand-mère a quand même dû freiner sa petite-fille de le tenter:
-Momo non!
-Je peux les aider!
-Tes pouvoirs seront inutiles en forêt et de nuit. Tu seras plus une cible potentielle pour le yokai qu’un renfort.
-Mais...Okarun!
-Je sais. Mais nous ne pouvons pas les suivre. Désolée.
Momo contemple impuissante la lisière sombre. Seiko essaie de concentrer son esprit sur autre chose.
-Sens-tu l’aura du yokai ou du gamin, même juste une direction?
La jeune femme se concentre. Le plus fort qu’elle puisse dans ces conditions, la vie de son ami en dépend.
-Non.
Résignée, honteuse, inutile, elle rouvre les paupières.
-Je sens rien. Rien du tout.
Au final, Jin a cessé de courir et cherche désespérément une indication d’une direction entre les broussailles. Ne pouvant faire du surplace, l’autre garçon s’est perché tout en haut d’un sapin en guettant les environs. Quant à Aira, elle est accrochée à la branche d’un hêtre en tournant frénétiquement la tête de gauche à droite, refusant comme les deux autres la conclusion qui se profile.
-Non...Takakura…
Ils l’ont perdu. Pour de bon.
*
Ken revient à lui en sentant son dos contre du dur et surtout une multitude d’angles assez pointus. Cependant, c’est les courants d’air froids soufflant à travers ses vêtements qui l’éveillent pleinement.
Il est couché sur de la caillasse fragmentée, posé sur un plateau au-dessus d’une pente très raide. La vue sur la vallée et la chaîne montagneuse est autant à couper le souffle qu’elle est haute. Il ne sait pas du tout où il se situe par rapport au refuge, surtout qu’il ne voit plus les lumières de la vallée.
-On est sur le versant Ouest.
Il sursaute en se tournant vers la voix derrière lui. Le faux-Zuma est couché sur un aplomb comme s’il méditait. Sans les pouvoirs de Mémé Turbo, il ne s’imagine pas vaincre cette chose.
-Hé! La chose était un dieu je te rappelle.
Il doit trouver un moyen de gagner du temps.
-Ça va être compliqué: j’ai faim maintenant!
Il faut qu’il avertisse ses amis.
-Laisse tomber, ça fait un moment que je les ai semés!
«Ne pense à rien, bordel, ne pense à rien.»
-C’est rat~é!
Le Satori saute sur ses deux jambes et marche paresseusement vers son captif.
-No-non! Attends!
-Attendre quoi?
Le faux-Zuma a l’air ennuyé, mais il laisse Ken reculer un peu sur les fesses.
«Ils aiment jouer avec leurs victimes...»
-Oui et?
«Propose-lui un jeu...»
Le Satori croise alors les bras, attendant la proposition.
Ken galère entre faire le vide dans sa tête et trouver une ruse. Surtout qu’aucune idée de ne lui vient en tête. Ses yeux cherchent frénétiquement une solution dans son champ de vision.
«Ne pense à rien, ne pense à rien. Il va me dévorer.»
Le faux-Zuma ne répond pas, mais il acquiesce de la tête avec une grimace entendue.
Puis le regard de l’humain se fige involontairement à la hauteur de l’entre-jambes du pantalon. Elle est en fait pile au niveau de ses yeux. Sans le vouloir, son attention se focalise là-dessus et le souvenir revient.
«Ne pense à rien, ils montent leurs proies avant de...ne pense à rien!»
Là, le Satori a l’air intéressé. Il jette un coup d’œil à son fute et relève son visage sur Ken avec un petit rictus vicieux.
-Ooo~h? Tu veux ça?
Ken déglutit difficilement. Ne penser à rien est difficile alors que la situation est très clairement en train de basculer. Surtout quand quelque chose de rose, presque rouge, traverse sans aide externe le pantalon dans une vague frissonnante, qui semble parcourir toute la tunique noire du faux-Zuma.
Ne penser à rien avec ÇA sous son nez est impossible. Déjà, parce qu’il y a soudain une forte effluve. Puis parce que c’est suffisamment différent de celui d’un humain pour que l’attention s’y attarde en cherchant à comprendre ce que c’est. Et Ken blêmit en comprenant très vite ce qu’est cet organe long et effilé. Il tremble en imaginant par à-coups la suite potentielle.
«Ne pense à rien! Ne pense à rien! Non! Pitié!»
Le faux-Zuma se délecte de son effroi avec un sourire franchement cruel désormais.
-Ton dernier soupir avec un visage familier, n’est-ce pas une bonne perspective?
Le Satori lui saute soudainement dessus. Ou plutôt juste ses mains. Ses bras se sont incroyablement allongés au point que la créature est encore debout et à peine penchée pour l’atteindre au sol. Ses doigts glissent jusqu’à son pantalon, qu’il lui défait et baisse avec le slip d’un coup, avant de le tourner sur le ventre et de tirer les vêtements encore plus bas sur les jambes.
-Allez! Je vais être bon prince.
Ensuite, il passe un bras sous les hanches et empoigne les cheveux hirsutes pour monter Ken sur ses quatre pattes, le forçant à lui présenter son cul nu. Ken ne peut plus ne plus penser.
«Non pitié, pas ça!»
Le Satori s’agenouille sur une jambe derrière lui, laissant l’autre en équerre pour un meilleur équilibre. Il glisse sa main entre les cuisses de l’humain pour venir caresser par derrière ses parties. Il soupèse les testicules, longe le pénis, frotte le scrotum. Ken s’étrangle de honte et serre les jambes pour l’en empêcher, mais parvient juste à bloquer le poignet dans son entre-jambes. Le yokai en ricane et frotte plus vigoureusement sa main contre les parties, l’imprégnant bien de leur odeur. L’humain en gémit et lève finalement une de ses mains à lui pour venir décrocher directement l’intrus de son périnée. Celui-ci quitte la zone et amène sa paume grande ouverte à son museau. Il y respire profondément l’odeur intime du menu de ce soir.
En désespoir, Ken profite de son équilibre pour saisir une pierre devant lui et se retourne brusquement en visant la tête du Satori, qui bloque le coup et lui arrache l’objet des mains pour le balancer négligemment quelque part derrière lui.
-M’oblige pas à être méchant dans le sexe.
Il chope Ken par les cheveux et le force à descendre joue contre sol, relevant encore plus sa croupe. À ce stade, l’humain ne pense plus, car sa panique, il la hurle sous un frisson de dégoût et d’appréhension en sentant de la peau puis de la fourrure glissée entre et contre ses lobes.
«Au secours, quelqu’un! Quelque chose! N’importe quoi!»
Le yokai ricane et lui caresse à pleine main une fesse en la paîtrissant.
-Ça va te détendre.
La chaire qu’il tâte et l’odeur accrochée à ses narines font s’accumuler la salive au coin de sa bouche, il se lèche goulûment les lèvres en murmurant pour lui-même.
-Et après…je serai rapide. Tu ne te rendras compte de rien.
Le yokai attrape enfin sa victime par les deux hanches en bougeant son bassin pour aligner son membre et amorcer la pénétration de la sortie par une première poussée. Ken crie en se sentant enfoncé.
Clac.
Clac, clac, clac, ...
Une multitude de petits bruits attire l’attention du Satori sur le côté, au dessus de lui. Un éboulement de pierres lui arrive dessus. Il l’a provoqué en balançant le caillou sur une paroi meuble de petites roches.
L’imprévu le surprend tellement qu’il prend peur et lâche sa proie pour s’enfuir. Le jeune homme en profite pour ramper sous la paroi, dans un creux sous un aplomb rocheux où il se met à l’abri de l’avalanche de terre. Il se roule en boule, protégeant son crâne au maximum. Heureusement, l’effondrement s’arrête vite et il est épargné de son poids.
Sous les décombres, entre les poussières, Ken respire lourdement en toussant. Il reprend tant bien que mal ses esprits. Il évince temporairement ce qui a failli lui arriver pour se concentrer sur ce qu’il devrait faire maintenant. Il aimerait ne plus bouger et rester là où il est. Il a presque la sensation d’être en sécurité sous ce bouclier naturel. Si ce n’est qu’il se rend compte que son cul nu a froid.
«Rester caché sous les décombres en espérant que le Satori ne revienne pas ...ou qu’il croit que je suis mort? Non! Il va revenir et lira mes pensées et saura que je suis vivant. Et les autres ne me trouveront pas si je reste planqué là en silence. Il faut partir. Maintenant, avant qu’il ne revienne!»
Ken gesticule sous les cailloux, il a eu de la chance, le poids n’est pas trop lourd là où il est. Il s’extirpe précautionneusement d’entre la caillasse, remonte ses vêtements et se met à dévaler dans la nuit la pente progressivement boisée.
Dans sa fuite, il cherche de vue et d’ouïe ses camarades. Il ne voit rien et n’entend rien. Il est aussi attentif à ce qui ce passe derrière, mais là aussi, il n’y a rien à signaler. Pour le moment.
«Est-ce que je les appelle? Ou est-ce que ça l’avertira lui?»
En pensant à cela, il est arrivé en contrebas de la falaise. Il y jette un coup d’œil et se pétrifie.
Il aperçoit à la lueur de la lune la silhouette du Satori qui tourne autour de l’éboulement où il était enseveli.
«Merde!»
Il se met à courir. Plus haut au dessus de lui, la silhouette se tourne vers la falaise et se met aussi à dévaler la pente.
Ken court dans le noir, dans les bois, dans les broussaille à en perdre l’haleine. Sa respiration est sifflante. Les branches lui fouettent le corps et le visage. Des solides tapent contre ses pieds et jambes, manquant à plusieurs reprises de le faire tomber.
Il débouche finalement sur une clairière. Il cherche nerveusement un indicateur pour une direction à prendre. Une lueur artificielle. Une lueur fantomatique. Un cri l’appelant. Une vue qu’il connaît, n’importe quoi.
Rien.
Il panique et met ses mains en entonnoir.
-MOMO! JIJI! AIR-a?!
Il capte soudain des bruits de broussailles qui bougent derrière lui et se remet à courir en perpendiculaire à la pente dans une direction au hasard.
Le Satori déboule dans un sprint et dérape dans l’herbe en contrebas en plantant les pieds pour changer de direction également. Il remonte la pente et se met à courir après sa proie. L’humain entend la créature, plus habituée à la course en montagne, le rattraper à grand pas de course. La panique le possède, car si elle pose les pattes sur lui, il ne s’en sortira pas cette fois.
Ken crie quand il est harpé par le coude et tiré en hauteur, ne touchant soudain plus le sol. Et une détonation avec un cri proprement inhumain retentit derrière lui.
Il se sent soulevé très haut dans un virevoltement et soudain posé sur un corps chaud. Il sent aussi le vent lui mordre les oreilles et y souffler à grande vitesse. Il extirpe son visage contre des pans de tissus et aperçoit une rangée de dents pointues et un œil illuminé.
-ZUMA!
-Accroche-toi bien!
-On est venu te chercher, Quatre-yeux!
Si Ken avait des doutes sur l’identité de son sauveur, ils se calment tous à la vue de Mémé Turbo, encore accrochée au capuchon de son véritable ami. En même temps, si Umji le tient d’un bras contre son corps, l’autre est accroché à un parapluie qui fonce dans les airs.
-Où est le Satori?
-Dans les vappes j’espère. Je lui ai balancé une bombe d’énergie spirituelle en ouvrant un parapluie dans sa gueule. Maintenant accrochez-vous, on descend.
Mémé et Ken s’agrippent de toutes leurs forces en se sentant soudain «tomber» dans le vide, tête la première. Le parapluie redresse à la dernière minute, remontant de quelques mètres et se laisse parachuter doucement jusqu’au sol.
-OKARUN!
-C’est bon, je l’ai! On a un truc pour avertir les deux autres?
Tandis que Momo attrape son ami dans les bras, suivie de Vamola, Seiko avance en dégainant un pistolet.
-Yep!
Elle y charge une fusée de détresse et la tire en l’air, où elle explose très haut dans un feu d’artifice vert.
À nouveau transformés, Mauvais-Jin et l’Acrobate Soyeuse rappliquent dans la clairière du chalet et voient Ken étroitement bercé dans les bras de Momo et Vamola, toutes deux très soulagées. Jin et Aira ne tardent pas à leurs sauter dessus pour rejoindre l’étreinte. Que les trois autres contemplent tranquillement sur le côté, non moins soulagées.
*
Avant que tout le monde aillent se coucher, Seiko et Mémé Turbo ont disposé des talismans sur toutes les façades et entrées potentielles du refuge. Même les combles ont été placardées. Pour autant, dans les dortoirs non mixtes, chacun peine à dormir.
Chez les garçons, il y a deux lits à étages de chaque côté de la pièce. Ken et Unji ont prix ceux du dessous tandis que Jin a pris celui au-dessus de son meilleur ami.
Le roux se retourne dans ses draps et aperçoit en contrebas Unji, accoudé et qui observe intensément le lit sous le sien. Il l’aperçoit aussi et lui fait signe de se taire de l’index avant d’indiquer ledit lit. Jin ne bouge pas, se contentant de tendre l’oreille et il capte vite des bruits de reniflements. Il lève la tête et redresse légèrement le tronc avec l’intention de descendre, mais Unji lui fait vivement signe de la paume de s’arrêter. Jin fronce d’incompréhension les sourcils. Il veut descendre, prendre son ami dans ses bras, le serrer fort, le rassurer en lui garantissant que tout va bien, qu’il est en sécurité désormais, qu’il n’a pas besoin de pleurer, ni d’avoir peur.
Unji sent sa confusion et son doute, il réitère son geste de la main avec un regard ferme et une expression déterminée. De par son expérience, il sait que leur ami doit accepter quoi que ce soit qui s’est passé ce soir. Cela peut faire pleurer, par frustration, colère, honte... toutes les émotions qu’il faut pour pleinement digérer les événements et libérer les tensions.
Le roux se recouche finalement, choisissant de faire confiance à Unji. Se tranquillisant en se disant que Ken a besoin de pleurer seul en premier lieu et que signaler qu’on l’a repéré pourrait avoir l’effet inverse d’un soulagement. Sans le savoir, il s’accorde ainsi sur le point de vue de son comparse: leur ami est le plus honnête d’eux trois sur ses sentiments, il leurs parlera quand il aura assimiler quoi raconter.
