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Montaison

Summary:

Tombée au combat contre la déesse de la mort, Sigrún, Valkyrie de son état, oscille entre les mondes.

Tantôt piégée dans une cage de verre, tantôt libre dans un royaume qu'elle ne connaît pas, elle sombre peu à peu. Jusqu'au jour où une lueur d'espoir se présente à elle sous les traits d'Arthur Harrow et de son dieu, Khonshu.

Mais la lune est changeante, mystérieuse, destructrice.

Notes:

Disclaimer : Les personnages de Marvel ne m'appartiennent pas, mes OC oui.

Cette fic se place dans mon univers "Inflorescere" et présente le passé de Sigrún, mon OC Valkyrie que vous avez pu découvrir brièvement dans Floraison. Les phrases en italique parsèmeront les chapitres, ce sont les propos des Nornes qui tissent la toile de la vie de chaque être.

Chapter 1: Prologue - Tombées du ciel

Chapter Text


Rien n'est immortel, ni les dieux, ni les guerrières d'Odin. Et vous, les premières, vous connaîtrez la fin, bien avant nous, bien avant le Ragnarök. Vous, les premières, vous perdrez vos attaches, vos souffles, votre joie de vivre.

La main posée sur l'encolure de sa monture, Sigrún ne parvient pas à chasser le pressentiment qui l'étreint. Son armure lui semble peser bien lourd, son esprit est tourmenté, la déstabilisant. Elle n'aurait pas dû consulter les Nornes dès qu'Odin a ordonné l'emprisonnement de sa fille, Hela, mais elle n'a pas pu s'en empêcher, elle refusait d'aller au-devant d'un combat contre la déesse de la mort sans avoir la certitude que certaines d'entre elles s'en sortiraient. Cependant, la réponse des déesses du destin n'a jeté qu'un nouveau trouble dans son cœur, lui rappelant que malgré son rang d'Ase, elle est mortelle, qu'elle soit une Valkyrie n'y change rien. D'un geste tendu, elle ajuste sa cape bleue, vérifie le tranchant de sa lame et regarde ses sœurs d'armes qui se préparent autour d'elle.

Jamais encore l'armée des Valkyries n'a été envoyée au complet contre l'un des siens. Odin vient pourtant de lancer l'ordre le plus inattendu de son règne en demandant à ses guerrières d'enfermer Hela dans la prison où elle est retenue depuis qu'il l'a vaincue. De mémoire d'Ase, aucune Valkyrie n'a posé la main sur un habitant d'Asgard, encore moins sur un membre de la famille royale, et cette nouveauté n'est pas pour plaire aux guerrières d'élite. Elles connaissent les pouvoirs de la déesse de la mort, elles ont vu les champs de batailles jonchés de cadavres, les rivières gorgées de sang dans les neuf royaumes, elles ont entendu les cris des mères endeuillées par la disparition de leurs maris et de leurs enfants. Les conquêtes menées par le roi et sa fille ont entraîné la ruine et la mort à chacune de leur victoire, jusqu'à cet instant décisif où le Père de Tout a fini par décider d'y mettre un terme.

Auprès de leurs pégases qui piaffent, les guerrières sentent l'appréhension qui les guette dans l'ombre, planant sur elles. Hela n'est pas une ennemie habituelle, elle possède une magie bien trop puissante et une épée dont la lame fauche chaque vie d'une seule traite. Les armes des Valkyries n'ont pas autant de précision, les guerrières ne sont pas des magiciennes, elles n'ont que leurs épées pour se défendre et le courage qui brûle dans leur cœur là où Hela use d'une énergie qui n'est pas des plus familières sur Asgard. La magie ne coule pas dans les veines des Ases, ils sont portés sur les querelles armées, sur la force de leurs bras, et non pas sur des subterfuges issus d'éclats verdoyants et de ténèbres mortelles.

Sigrún se souvient de l'époque où Hela et Odin enchaînaient les conquêtes, où la nourriture et la boisson coulaient à flot dans les banquets, où la guerre semblait être inscrite dans les pierres d'Asgard, où les Valkyries emmenaient les morts au Valhalla. La cupidité de la déesse de la mort a transformé les eaux pures en mers de sang, elle a gravé la force brute dans les pierres du palais, elle a peu à peu réduit le rayonnement du Père de Tout pour amener les ténèbres sur Asgard et les neuf royaumes. Sigrún regrette de ne pas avoir agi plus tôt, de ne pas avoir vu ces ombres qui rongeaient chaque Ase, de ne pas avoir supplié ses sœurs de lutter contre l'avènement d'une femme destructrice. Les Valkyries sont restées des spectatrices qui doivent désormais réparer leurs erreurs, bien qu'une bataille contre la fille d'Odin ne soit pas un présage enchanteur.

« Tu sembles nerveuse, remarque Hildr en la rejoignant. »

La chevelure blonde de la guerrière tombe comme une pluie d'or sur ses épaules, l'auréolant de lumière divine. À la tête des Valkyries depuis qu'Odin a formé leur troupe, elle les a toujours dirigées d'une main de fer, sans pour autant faire preuve d'injustice. Sigrún, comme toutes les autres, n'aurait pu rêver meilleure dirigeante pour se rendre à Hel, le royaume de la mort dont Hela est la souveraine, un royaume de douleur éternelle.

« J'ai consulté les Nornes, murmure Sigrún. »

Elle ne manque pas la désapprobation dans le regard d'Hildr mais elle garde la tête haute. Elles sont des Valkyries, elles récupéraient autrefois les âmes des morts sur les champs de bataille pour leur offrir le repos au Valhalla en attendant le Ragnarök, elles ne sont pas censées se soucier de leur propre avenir. Mais Sigrún redoute le combat à venir, elle essaye de mettre en garde Hildr tout en sachant que ses propos, bien que sérieux, seront vains. L'ordre d'Odin n'est pas contestable, par personne, encore moins par les guerrières qui agissent selon son désir ; il n'y a que l'obéissance dans leurs veines, pour servir le Père de Tout, et protéger Asgard au péril de leur vie.

Avec un coup d'œil nerveux en direction des autres Valkyries, Hildr lui souffle de ne pas s'attarder sur les paroles des Nornes, parce qu'elles ont une mission à accomplir, parce qu'elles ont une ennemie féroce à affronter, parce que le futur, puisqu'il est déjà écrit, ne peut que se produire. Sigrún aimerait contester mais elle acquiesce, consciente que si elle livre tout ce qu'elle a sur le cœur, les Valkyries ne quitteront jamais la sécurité de leur royaume. Elles s'octroient un dernier regard puis Hildr rassemble les guerrières d'Odin, monte sur le dos de son cheval ailé et enjoint ses compagnes à l'imiter, la tête haute.

Une seule reviendra et reverra Asgard. Une seule retrouvera son royaume, quand le Ragnarök aura frappé à la porte du palais d'Odin, lorsque Surtur détruira ce monde. Les autres, vous partez pour ne jamais revenir, vous partez pour le deuil, vous partez à jamais. Regarde donc ton royaume, Sigrún la Valkyrie, regarde donc cette vie qui t'est si chère, regarde ce que tu possèdes pendant que tu l'as encore.

Embrassant le royaume d'Asgard d'un dernier coup d'œil, Sigrún grave dans sa mémoire le haut palais d'Odin, les jardins royaux, et tous ces bâtiments qui resplendissent. Pour la première fois depuis qu'elle est née là, la femme remarque à quel point Asgard brille, comme une lumière éternelle, parée d'un or précieux qui cache sous ses dorures le sang versé par les conquêtes de ses souverains successifs. Bor et Odin ont parcouru les neuf royaumes jusqu'à s'établir en rois d'Asgard, ils ont sacrifié des guerriers, des civils, puis ont bâti des murs d'or, renfermant leur brutalité sous la beauté. Et cette fois-ci, Sigrún frissonne, elle s'imprègne de la chaleur de ce royaume en sachant que bientôt, elle ne ressentira plus rien de tel.

Leur départ est flamboyant, leurs chevaux s'élancent sur le pont arc-en-ciel, battant le sol de leurs sabots tandis que les ailes frappent l'air avant que le Bifröst ne les avale. Toute la noirceur qui se dégage d'Hela encercle les Valkyries dès l'instant où elles franchissent les frontières d'Helheim. La déesse de la mort porte sa couronne d'épines, elle brandit ses poignards ombreux en direction des guerrières. Hildr est la première à sortir son épée pour trancher les stalagmites qui avancent vers elles. Son cri est rempli de courage, elle invite ses compagnes à la suivre, scandant le nom d'Asgard et d'Odin. Mais Hela, dont la puissance est sans pareille, s'orne de ténèbres et de mort.

Une à une, les Valkyries s'effondrent, blessées, mutilées, terrassées par les pouvoirs de la déesse. Celles qui ont encore des forces se relèvent, retournent à l'attaque, délaissent leurs chevaux morts pour affronter face à face la fille d'Odin. Hela lance ses assauts de ses mains magiques, elle dirige les stalagmites dans leur direction, elle brandit sa lame d'ébène pour les mettre en garde de ne pas approcher plus que nécessaire. Autour de la déesse de la mort, des ombres s'étirent, s'agrandissent, se meuvent pour protéger leur souveraine ; ce sont les défunts sans gloire, tous ceux qui passent de vie à trépas sans combattre, tous ceux qui recherchent la vengeance.

Sigrún sursaute lorsque la main d'une ombre saisit son bras. Elle se dégage d'un mouvement brusque, tranchant l'être éthéré d'un coup d'épée, ne touchant rien d'autre qu'une fumée glauque qui s'évapore en sifflant. À l'endroit où l'ombre l'a attrapée, une marque noircit sa peau, comme une blessure infectée, lui tirant un grognement de douleur. Elle voit une de ses sœurs d'armes tomber à genoux à quelques pas d'elle en hurlant, le visage devenu cendré, tandis que l'une des silhouettes fantomatiques l'étrangle. Hildr vient au secours de leur compagne mais il est trop tard, sa vie s'éteint en même temps que la lumière dans ses yeux, soufflée par la mort.

Odin a écrit le premier chapitre de notre fin à tous, il a précipité son peuple dans les ténèbres du Ragnarök. Et vous, les Valkyries, vous tomberez pour lui, vous tomberez pour son arrogance, vous tomberez pour ses erreurs. Vous, les Valkyries, vous ne serez que des légendes, inscrites dans les parchemins du palais, comme autant de regrets à jamais oubliés.

Sigrún s'écroule à son tour, le flanc percé par l'un des stalagmites en ébène, envahie par le froid et la peur. Certaines de ses sœurs d'armes sont encore debout, bien que blessées et fatiguées par ce combat qui leur semble durer depuis bien trop longtemps. Le pouvoir d'Hela ne décroît pas, alimenté par ce royaume qu'Odin lui a donné, alimenté par sa propre colère, alimenté par le sang qui coule abondamment du corps des Valkyries. Ces dernières ont perdu plus de la moitié de leur troupe, les morts s'entassent, silhouettes de femmes et de chevaux, baignées dans leur propre liquide vital. Sigrún retient ses larmes, elle reconnaît les visages, se souvient de leurs jeux à Asgard, de leurs entraînements, de leurs voyages à travers les neuf royaumes.

Elle aperçoit Brunnhilde qui s'élance, sans son cheval ailé, déterminée à anéantir la première fille du Père de Tout, les cheveux au vent. Hela l'attaque d'une nouvelle pointe et, alors que l'arme s'apprête à faucher la vie de Brunnhilde, Hildr s'interpose, touchée à sa place. La stalagmite transperce l'armure de la cheffe, étouffant son souffle, la transformant en une poupée de chiffon qui s'affale sur le sol, déjà morte avant même de toucher terre. Un hurlement retentit, prenant naissance dans la gorge de Brunnhilde tandis qu'Hela rit, dardant son regard sur les dernières Valkyries qui respirent encore. La lame d'ébène siffle dans l'air, tranche les vies des guerrières, perce les cœurs.

Votre sang souillera le sol d'Helheim, il nourrira les morts, et Hela sera victorieuse, auréolée des ombres de vos âmes, reine des défunts, reine de la nuit, reine de la fin du monde. Hela, la couronnée, détruira de ses mains cet avenir qu'elle n'a jamais pu effleurer.

Sous le regard horrifié de Sigrún, Brunnhilde s'effondre à son tour. L'éclat de la bataille s'interrompt aussi vite qu'il a commencé, la noirceur d'Hela prend le dessus sur son royaume, celui qu'elle essaye de quitter pour conquérir les autres branches d'Yggdrasil. Sigrún voudrait tendre son épée pour l'embrocher, pour arrêter sa course folle, mais son corps est immobile, il ne répond plus à ses injonctions, paralysé par la douleur et la peur.

Au loin, brisant le silence qui s'est abattu, le galop de Sleipnir résonne, ses huit pattes tapant le sol d'Helheim. Se dessinant à travers les ombres, la silhouette d'Odin se dresse, sa lance pointée vers l'avant, ses loups et ses corbeaux l'accompagnant. Incapable de supporter plus longtemps la défaite de ses sœurs d'armes, Sigrún ferme les yeux et se laisse emporter par la souffrance, sans voir que dans le brouillard du monde des morts, une vive lumière naît et l'englobe, touchant ensuite Brunnhilde.

Elle n'entend pas le cri hystérique d'Hela vaincue par son père, ni les ordres lancés par Odin à ses troupes, celles venues en renfort, celles qui ont quitté Asgard dans la précipitation, celles qui découvrent avec horreur les corps des Valkyries. Sigrún a ses sens qui s'éteignent, son souffle ralentit, sa conscience s'évade, loin, si loin.

Un jour, tu regretteras de ne pas être morte entre les mains d'Hela. Un jour, tu penseras à ce passé qui te semblait si beau. Et lorsque ton cœur sera brisé, lorsque ton corps aura perdu toute étincelle de bonheur, lorsque les pierres effaceront chacune de tes cellules, ce jour-là, tu pleureras tes sœurs et leur destin, plus doux que le tien.