Chapter Text
Le ciel d’Asgard est clair, mais l’air vibre d’une tension invisible. Sur les hauteurs du palais, là où les vents soufflent librement et les montagnes s’ouvrent sur l’horizon, Thor a conduit Elara.
- Ici, dit-il, les dieux ont toujours appris à se connaître. C’est là que j’ai maîtrisé Mjolnir. Et c’est ici que tu vas apprendre à écouter ton feu.
Elara se tient face à lui, les bras croisés, le regard incertain.
- Je ne sais pas s’il y a quelque chose à écouter. J’ai essayé. Rien ne vient.
Thor s’approche, pose une main sur son épaule.
- Ce n’est pas une question de force. C’est une question de vérité. Tu ne dois pas forcer le feu. Tu dois lui parler.
Il recule, tend la main vers le ciel. Un éclair jaillit, frappant le sol à quelques mètres d’eux. La terre se fissure, laissant s’échapper une vapeur brûlante.
- Regarde cette énergie. Elle est brute. Puissante. Mais elle ne vit que si on la guide.
Elara s’avance, hésitante. Elle tend la main vers la fissure. Rien. Juste de la chaleur. Elle ferme les yeux. Se concentre. Se souvient.
De la serre. Du cristal. Des rêves. De la nuit où elle a pleuré sans comprendre pourquoi les fleurs se redressent à son passage.
- Je ne suis pas une arme, murmure-t-elle. Je suis… autre chose.
Et alors, quelque chose change.
Le sol sous ses pieds se réchauffe. L’air devient plus dense. Une lueur rouge s’échappe de ses paumes. Des flammes naissent, douces, dansantes, comme des lucioles. Elles ne brûlent pas. Elles flottent autour d’elle, curieuses, vivantes.
Thor recule d’un pas, impressionné.
- Tu ne crées pas le feu. Tu l’appelles.
Les flammes se regroupent, formant une spirale autour d’Elara. Puis, lentement, elles prennent la forme d’un oiseau. Un phénix. Majestueux, incandescent, et pourtant paisible.
Elara ouvre les yeux. Elle ne ressent ni douleur ni peu. Juste… une chaleur familière. Comme un souvenir retrouvé.
- Il m’écoute, dit-elle. Il me connaît.
Le phénix se pose sur son bras, puis se dissipe dans une pluie d’étincelles. Elara tombe à genoux, submergée par l’émotion.
Thor s’approche, la relève doucement.
- Ce n’est que le début. Tu es la déesse du feu. Mais ton feu est plus qu’une arme. Il est vie. Il est mémoire. Il est âme.
Elara lève les yeux vers lui, les siens brillants d’une lumière nouvelle.
- Alors je dois apprendre à le respecter. À le comprendre.
- Et je serai là pour t’y aider, répond Thor. Frère. Gardien. Guide.
Au loin, les vents d’Asgard soufflent plus fort. Comme si le royaume lui-même salue l’éveil d’une flamme oubliée.
La nuit est tombée sur les montagnes d’Asgard, et le ciel s’est teinté d’un violent profond, zébré par des éclairs silencieux. Elara court. Ses pas résonnent sur les pierres anciennes du pont suspendu, ses pensées en tumulte.
Elle fuit.
Pas un ennemi. Pas une bataille.
Elle fuit elle-même.
Thor l’avait mise à l’épreuve. Encore. Trop tôt. Trop fort. Il voulait qu’elle embrasse son feu, qu’elle le maîtrise. Mais elle ne veut pas devenir une arme. Elle veut comprendre. Respirer. Être.
Le vent se lève, brutal. Une bourrasque la projette contre la rambarde du pont. En contrebas, le vide. Des centaines de mètres. Le gouffre noir, sans fond.
Elle se relève, chancelante. Et puis elle entend.
Un grondement. Des pas. Quelque chose approche. Une créature, née des ombres, invoquée par les énergies instables de son feu. Un être qu’elle n’a pas voulu créer.
- Non… murmure-t-elle. Je ne veux pas te combattre. Je ne veux pas te détruire.
Mais la créature ne comprend pas. Elle bondit.
Elara recule. Un pas. Deux. Et puis… le vide.
Elle bascule.
Le vent hurle autour d’elle. Le monde devient flou. Elle chute, les bras tendus, le cœur battant à tout rompre.
Et alors, dans ce moment suspendu entre la peur et l’abandon, quelque chose s’ouvre.
Une chaleur familière. Un craquement dans son dos. Une lumière.
Ses omoplates brûlent, mais ce n’est pas une douleur. C’est une naissance.
Deux ailes jaillissent de son dos, faites de flammes pures, dorées et rouges, mouvantes comme des vagues. Elles s’étendent, gigantesques, majestueuses, et dans un battement instinctif, elles stoppent sa chute.
Elara se retrouve suspendue dans les airs, portée par son propre feu. Le vent se calme. Le silence revient.
Elle regarde ses ailes. Elles ne sont pas simplement là. Elles vivent. Chaque plume est une flamme, chaque mouvement une danse. Elles rétractent et s’étendent selon sa volonté, comme des extensions de son âme.
Elle remonte lentement vers le pont, portée par une grâce nouvelle. La créature l’attend, mais elle ne l’attaque pas. Elle s’incline. Comme si elle reconnaissait en Elara sa maîtresse.
Thor apparaît au loin, le regard écarquillé.
- Tu as volé, dit-il. Tu as embrassé ton feu.
Elara se pose, les ailes se repliant lentement dans son dos, disparaissant dans une lueur rouge.
- Je ne l’ai pas contrôlé, répond-elle. Il m’a sauvé.
Thor sourit.
- C’est ça être une déesse. Ce n’est pas dominer. C’est écouter. Et aujourd’hui, ton feu t’a entendu.
Le lendemain de sa chute, Elara se tient sur la plus haute tour d’Asgard. Le vent y est glacial, mais elle ne le sent pas. Son feu intérieur la réchauffe. Thor l’a laissée seule. Il sait que ce moment devait venir d’elle.
Elle ferme les yeux.
Les ailes ne répondent pas à la volonté brute. Elle a essayé. Crié. Ordonné. Rien.
Mais quand elle se souvient de sa chute… de cette peur pure… elles surgissent.
- Alors c’est ça, murmure-t-elle. Vous êtes liées à ce que je ressens.
Elle s’assoit en tailleur, les paumes ouvertes. Elle se concentre. Non pas sur le vol, mais sur ce qu’elle veut ressentir : la liberté. L’élan. L’extase du vent sur sa peau.
Une chaleur douce naît dans son dos. Pas une explosion. Une caresse.
Les ailes apparaissent, lentement, comme des flammes qui dansent sur une bougie. Elles s’étendent, majestueuses, mais paisibles.
Elara se lève. Elle marche jusqu’au bord. Elle inspire.
Et saute.
Cette fois, elle ne chute pas. Elle glisse.
Les ailes battent doucement, comme si elles connaissent déjà le rythme du vent. Elle ne vole pas comme Thor, en force. Elle vole comme une étoile filante, fluide, gracieuse.
Mais au bout de quelques minutes, une pensée intrusive la traverse : Et si je tombe ?
Les ailes frémissent. Le feu vacille. Elle perd de l’altitude.
- Non… non… je ne veux pas tomber !
Mais le feu ne répond pas à la peur. Il se nourrit de confiance.
Alors Elara ferme les yeux. Elle se laisse aller. Elle pense à la chaleur d’un foyer, à la lumière d’une flamme qui ne brûle pas, mais éclaire.
Et les ailes se stabilisent.
Elle remonte, plus haut encore, traversant les nuages, laissant derrière elle une traînée de lumière dorée.
Quand elle revient sur la tour, Thor l’attend.
- Tu as compris, dit-il.
- Elles ne sont pas à moi, répond Elara. Elles sont moi.
Thor hoche la tête.
- Et elles t’emmèneront là où ton feu veut aller.